« Les difficiles sorties d’empire » de Bertrand Badie, dans « Autrement dit » du journal la Croix, le 16 mars 2015
Une pertinence scientifique ?
Je cite le début de ce texte :
« L’histoire des relations internationales a été profondément marquée, notamment en Europe, par une difficile conversion des empires d’hier en Etats d’aujourd’hui. Le système « westphalien » gage de notre modernité internationale, a fait des Etats nations souverains, sanglés dans leurs frontières, l’unité irréductible du puzzle mondial : il s’est imposé en réduisant l’Empire germanique. Les résurgences impériales et la persistance des vieux empires ont retardé cette carte parfaitement westphalienne qui semblait enfin consacrée en 1989, avec la fin de l’empire soviétique. Et pourtant, quand cet ordre allait pleinement gagner, il affichait encore son ambiguïté »
Autant le texte ci-dessus appelant en témoin historique le « système « westphalien » dont seuls les initiés connaissent la nature, la souveraineté externe et interne d’un Etat, conjuguée avec un équilibre des puissances qui n’a jamais véritablement existé, autant l’analyse qui suit sur les empires chinois, russe, ottoman, américain et sur les traces qu’ils ont laissé dans le présent international éclaire le débat actuel entre les nations, sinon d’empires qui ne disent par leur nom.
Et pour évoquer ceux que dans nos pays, nous appelons volontiers les empires coloniaux, en faisant l’impasse sur tous les autres cités, l’auteur pose la question :
« La France n’a-t-elle pas les yeux et la mémoire d’un empire colonial défunt lorsqu’elle se penche sur ses anciennes possessions africaines en parlant pudiquement de ses « responsabilités particulières » et en intervenant avec une retenue modérée dans leurs affaires intérieures, Et que dire de l’éternel Empire russe ou du traditionnel « Empire américain » ?
Est-ce que la comparaison des trois cas sur le même plan est pertinente ?
Pourquoi l’’intervention de l’armée française au Mali a été interprétée par certains commentateurs comme l’ingérence de l’ancienne puissance coloniale dans les affaires du Mali, ou par d’autres, à voir les images de l’arrivée des troupes françaises comme une sorte de remake de l’arrivée des troupes américaines en France en 1944, dans des échelles tout à fait différentes, mais comparables en raison des différences d’échelles entre les moyens de la France et ceux du Mali ?
D’autres diront que l’Internationale socialiste, sinon les liens de la franc-maçonnerie ont à nouveau fonctionné entre la France et l’Afrique, pour ne pas dire un volet de la Françafrique.
Comment ne pas s’interroger sur le contenu de la question posée « La France n’a-t-elle pas les yeux et la mémoire d’un empire colonial défunt… » : qui en France a ces yeux et cette mémoire, sinon la petite minorité d’une élite politique qui rêve encore du passé de la France, et qui poursuit ses rêves d’une grandeur qu’elle n’a plus les moyens de soutenir ?
S’agit-il seulement de l’opinion d’un éminent professeur ou de la conclusion d’une enquête de mémoire à laquelle il aurait été sérieusement procédé ?
Je conclurai, en demandant une fois de plus, que cette « mémoire », qui a, mon avis, n’existe pas, sauf dans la tête de certains de nos dirigeants ou de chercheurs, fasse l’objet d’une évaluation statistique sérieuse.
Jean Pierre Renaud