Quelles stratégies pour l’élection présidentielle 2012 ?
Le direct ou l’indirect ?
Et puisque les partis politiques et tout autant les médias ne pensent plus qu’à ça, esquissons quelques réflexions sur la problématique des stratégies des candidats à cette élection.
Il faut d’abord revenir aux enseignements de la stratégie militaire, ceux des Sun Tzu, Clausewitz, et Liddell Hart, pour ne citer que les principaux.
Deux adversaires positionnent leurs forces sur une ligne d’attente, et tentent de l’emporter, soit à la suite d’un affrontement direct, une bataille d’extermination, soit à la suite d’une manœuvre indirecte de contournement qui démoralise l’ennemi, précisément en dehors de cette ligne d’attente, là où l’adversaire est faible.
Les occidentaux ont très souvent mis en œuvre des stratégies de guerre directe, alors que les Asiatiques (fidèles aux enseignements de Sun Tzu) ont très souvent donné la préférence au détour, au leurre, à l’usure, à la démoralisation.
En Occident, les Anglais ont incontestablement été des familiers des stratégies indirectes.
Dans son livre « Carnage et Culture », Victor Davis Hanson a proposé des analyses très intéressantes, et fort bien documentées, sur le penchant qu’on toujours eu les civilisations occidentales pour l’affrontement direct, en face.
Que faut-il en tirer dans le cas d’une élection présidentielle ?
Cette élection se joue sur une ligne d’attente entre un candidat et les électeurs, et tout le problème d’un candidat ou d’une candidate va être de savoir à quel moment il faut sortir de sa propre ligne d’attente, c’est-à-dire être candidat, et donc en position d’affronter concurrents de droite ou de gauche (à la condition d’avoir un projet politique).
Tant qu’un candidat potentiel ne s’est pas porté candidat officiel, il bénéficie d’une sorte de protection indirecte : on le ménage, on ne le craint pas, on essaie de le faire sortir du bois.
Mais à un moment donné, le candidat, non déclaré, qui a des chances de l’emporter, est dans l’obligation d’afficher son ambition, et tout change alors dans le positionnement des forces sociales, culturelles et politiques, amies, ennemies, ou neutres.
Il est donc évident que dans ce jeu stratégique les chances des différents candidats sont inégales et que ceux qui ont découvert leur jeu très tôt, souvent les seconds couteaux, ont peu de chances d’aller jusqu’au bout, à la fois par insuffisance de notoriété et par usure prématurée de leurs forces, tant ils ont été les premiers à subir l’épreuve du feu, c’est-à-dire du direct.
La stratégie politique indirecte n’intéresse donc véritablement que les poids lourds de la politique, ceux qui peuvent prendre le temps de déclarer leur candidature, et donc de passer à l’action directe au moment qu’ils estiment être le plus opportun, le plus efficace politiquement.
Dans l’histoire électorale récente, Giscard en 1981, et Balladur, en 1995, bons candidats de l’indirect, ont laissé échapper leur chance de réussite, en tardant à passer à la confrontation directe, car à un moment donné, il faut passer au direct.
Mais me direz-vous, Présidents ou Premiers Ministres sortants et candidats, peuvent éviter de passer au direct le plus longtemps possible, si le camp de leurs adversaires est très divisé, et c’est vrai !
Et dans ce grand jeu du direct et de l’indirect, toute la question est de savoir quel poids peut avoir le programme politique par rapport au poids du candidat, à son capital image, compte tenu de la difficulté qu’il y a aujourd’hui à définir un programme dit de gauche ou dit de droite, d’où le risque de donner une prime indirecte aux hommes ou aux femmes, et donc, non aux idées.
Et en ce qui concerne l’élection présidentielle 2012, elle risque bien de se jouer par le détour de la mondialisation, entre FMI et G20, si l’« imam caché » auquel rêvent certains socialistes, décidait de se présenter à cette élection.
La situation stratégique politique actuelle parait être très volatile, aussi bien sur le plan national qu’international, et dans son état actuel, elle préfigurerait des recompositions politiques attendues ou inattendues.
Jean Pierre Renaud
Ce type d’analyse avait été effectué dans un essai qui avait intéressé le général Gambiez, publié sous le titre « Chemins Obliques ou Stratégies Indirectes » Editions JPR- 1998