« Collectif » républicain ou « collectif » communautaire ?
Islam de France, laïcité, voile, quartiers sensibles…
Ou
Faute de collectif républicain, le champ libre est laissé aux communautarismes !
Sommes-nous encore à l’âge des « nuances de la laïcité », selon un propos récent de Monsieur Guérini, Délégué général des Marcheurs ?
Je ne le pense pas du tout.
L’absence d’un « collectif républicain »
Une grande partie des problèmes que la France rencontre dans certains quartiers sensibles est liée à la carence d’un « collectif républicain » qu’elle n’a pas su mettre en œuvre depuis plusieurs dizaines d’années, laissant dans la pratique les mains libres à toutes sortes d’initiatives communautaires des groupes de pression.
Une polémique est à nouveau déclenchée sur le port du voile, signe religieux, culturel, social, ou politique, selon les opinions des uns et des autres, mais il est évident que ce problème, s’il y a un problème, est lié à un mal-être de certaines de nos banlieues, sorte de terreau religieux, culturel, social, et politique de l’expansion de ce signe vestimentaire, et ne constitue donc qu’un des symptômes d’un problème de fond qui n’a jamais été correctement traité.
Depuis de trop longues années, les gouvernements ne prennent pas toutes les décisions qui sont nécessaires à la défense de la laïcité, de même d’ailleurs que, de leur côté, les institutions civiles laïques – elles se réveillent peut-être – qui n’ont plus la fougue de leurs ancêtres, tout autant que les institutions chrétiennes qui ne défendent pas toujours et avec assez de conviction le message fort de « ce qui est à César est à César, et ce qui est à Dieu est à Dieu », avec le corollaire de la liberté de conscience des chrétiens.
Les lecteurs de mon blog savent que ces thèmes de réflexion ont fait l’objet de nombreuses chroniques depuis 2010, le premier, le 1/05/2010 à propos du livre « La loi du ghetto » de Luc Bronner, actuel directeur de la rédaction du Monde, et la dernière, le 9/04/2018, à propos des propositions de Jean Louis Borloo.
J’avais fait des propositions concrètes de réforme pour associer les habitants de ces quartiers à la gestion municipale, les faire bénéficier d’un tissu d’initiatives sécuritaires, culturelles, économiques et sociales pour faciliter une meilleure intégration dans la République.
J’ai été sensibilisé très tôt par la problématique des quartiers sensibles, à la suite d’une campagne électorale dans le Pays de Montbéliard à l’époque de Monsieur Boulloche, un vieux Pays encore marqué par une cohabitation difficile entre catholiques (« les immigrés ») et protestants.
L’existence de quartiers sensibles en gestation dans les banlieues de ma ville natale m’avait beaucoup frappé, et j’avais, quelques années plus tard, dans les années 1980, pris l’initiative d’aller à l’Assemblée nationale pour en alerter le député socialiste de Montbéliard, ancien suppléant de M. Boulloche.
A Paris, et dans l’exercice des fonctions assumées à la Préfecture de Paris, j’avais à plusieurs reprises alerté une des Adjointes influentes de Chirac, chargée de l’emploi et de la formation sur le même sujet.
Je prêchais incontestablement dans le désert, alors qu’à partir des années 1990, de plus en plus de quartiers sensibles mitaient nos banlieues.
A l’origine de cette évolution, il est évident qu’un des premiers facteurs a été l’absence de contrôle des flux migratoires officiels ou clandestins, sans que la France se donne les moyens d’intégrer ces nouvelles populations, et le mouvement continue, avec un nombre de plus important de musulmans, compte tenu des origines géographiques de ces flux.
Les guerres de religion qui embrasent le Moyen Orient depuis des dizaines d’années ont trouvé un écho en France, récemment avec Daech, et commencé à influencer un prosélytisme de l’islam qui n’est pas toujours pacifique, comme il l’était il y a trente ans, c’est-à-dire un prosélytisme de conquête avec l’objectif d’imposer la charia, c’est-à-dire la fusion entre le religieux et le civil.
Politiques et médias parlent d’Islam de France, mais il n’existe pas, ou pas encore, s’il doit exister un jour, compte- tenu du désordre doctrinaire et organisationnel dans lequel baigne aujourd’hui le monde musulman français, entre courants religieux, nombreux, entre Coran, hadiths, ou imams liés souvent aux racines géographiques d’une partie de la population immigrée, et pourquoi ne pas le dire, aux sources de financement étrangères, officielles ou clandestines, appartenant au sunnisme ou au chiisme, avec leurs variantes.
Le Maroc a eu longtemps de l’influence dans ce domaine.
Sur le blog du 7 novembre 2012, j’ai proposé un compte-rendu de l’enquête de John.R. Bowen « L’Islam à la Française », qui avait le mérite de décrire le monde musulman tel qu’il existait dans notre pays, dans ses composantes : il était difficile d’en conclure qu’il existait effectivement un Islam de France, au-delà d’une sorte de fiction irénique.
Selon une des formules de Robert Desnos : L’islam de France : « ça n’existe pas, ça n’existe pas ! », en tout cas pas encore !
Nombreux sont les quartiers sensibles qui échappent aujourd’hui à la République, et qui échappent de moins en moins à la volonté de certains courants islamistes de les soumettre à la charia, d’autant plus facilement qu’ils tissent une toile d’araignée d’aide sociale, de soutien collectif que la République n’a pas su leur apporter, le collectif sécuritaire, culturel, social, scolaire, économique dont ils avaient besoin.
Jean Louis Borloo avait réussi à faire injecter des milliards dans la rénovation nécessaire du bâtiment dans ces quartiers, mais sans traiter le volet du « collectif républicain », ce qu’il a ensuite proposé de faire après l’élection du nouveau Président, mais avec le refus « idéologique » de ce dernier, sous le prétexte des « deux hommes blancs », alors que Borloo avait à la fois fait à nouveau le bon diagnostic et les bonnes propositions de solutions après la consultation des acteurs de ce terrain sensible.
Quelques-unes des mesures Blanquer en faveur des écoles primaires de ces quartiers vont dans le bon sens.
Nous en sommes là, et voile ou pas voile, laïcité « en nuances » ou pas, le respect de la laïcité passe par la reconquête républicaine des quartiers sensibles, c’est-à-dire par l’injection massive de culture républicaine et d’esprit collectif républicain.
Comment une femme habitant ces quartiers peut-elle, sans risque, s’afficher publiquement sans voile, alors que des musulmans extrémistes tentent de contrôler la vie sociale, comme ils le font par exemple en Iran ?
Comment faire revenir certains quartiers dans la République, sans reprendre le contrôle « collectif » de leur vie culturelle et sociale ? Alors que les « collectifs » d’origine, religieux, culturels, et sociaux, sont encore très prégnants ?
Jean Pierre Renaud