Guerre d’Algérie

Avant d’analyser l’article du Figaro :

 – « 1954-1962 Comment l’opinion publique a basculé » de Jacques de Saint Victor, je  rappelle deux de mes chroniques à verser au dossier des Accords d’Évian 1962

Un petit rappel de documentation :

  • Évian 1962 « Carnets de Robert Buron » ( blog eh-tique-media-tique@over-blog.com du 16/06/2018)

Avec quelques extraits

– Réflexions d’un « amateur » d’histoire coloniale

Histoire, science sociale ? Qu’est-ce à dire ? (blog du 25/05/2016)

&

Les quatre « Bascules »

  « 1954-1962 Comment l’opinion publique a basculé » Article de Jacques de Saint Victor

Grâce à un livre comme « L’idée coloniale en France de 1871 à 1962 » de Raoul Girardet ?

 Rien n’est moins sûr.

Le Figaro du 3 mars 2022, « L’EVENEMENT LITTERAIRE », pages 2 et 3

            Le texte de cet article est susceptible d’appeler toutes sortes de commentaires de la part d’un lecteur qui s’est plongé dans l’analyse de l’histoire coloniale et postcoloniale (voir le blog).

            « Comment l’opinion publique a basculé » ?

            « … Il n’est pas simple de saisir ce basculement en peu d’années mais quelques livres permettent de mieux l’appréhender, en particulier un ouvrage classique comme celui de Raoul Girardet L’Idée coloniale en France… » (p,2)

-1-L’histoire quantitative :

« pas simple » en effet, à partir du moment où le lecteur reste cantonné dans un ensemble de présupposés ou de postulats qui faisaient l’impasse sur la représentativité des idées dans l’opinion publique de l’époque coloniale, puis dans celle postcoloniale, c’est-à-dire l’histoire quantitative, la seule qui permettait de mesurer, notamment dans la presse, l’écho qu’elle y trouvait, quasiment le seul vecteur mesurable, avant l’arrivée des sondages dans les années 39-45.

Nombreux furent les chercheurs qui, dans leurs écrits, ont confondu les idées de certaines élites, avec celles de l’opinion publique, encore rurale jusqu’en 1939, de même que les politiques qui défendaient notre politique coloniale, alors qu’il s’agissait, sauf exception, de groupes de pression politiques, économiques, ou religieux.

L’historien Raoul Girardet s’inscrivait dans cette lignée traditionnelle, alors qu’avec la Guerre froide, les chars soviétiques n’étaient qu’à deux cents kilomètres de la Franche Comté et  du Territoire de Belfort, ce qui n’a pas empêché le soldat Chevènement d’être, avec Mitterrand,  dans les années 1970, l’un des inspirateurs d’un Programme Commun avec le Parti Communiste, affilié à l’URSS, après le début de la Guerre Froide en 1947 jusqu’en 1989.

La réédition de l’ouvrage s’est honorée d’une préface de l’ancien grand élu du Territoire de Belfort.

A l’occasion de la fameuse Exposition Coloniale de 1931, Lyautey avait mis sérieusement en doute la popularité de « l’Idée Coloniale ».

Revenant à l’Algérie, l’historien Ageron fut un des rares à faire entrer en ligne de compte les premiers sondages sur la connaissance que les français pouvaient avoir de l’outre-mer, ce qui n’a pas été le cas de Raoul Girardet, comme je l’ai souligné dans une de mes chroniques du 25/05/2016, intitulée « L’histoire coloniale est-elle une histoire comme les autres ? »

Au cours de mes recherches personnelles dans la presse locale, il apparaissait que les colonies n’occupaient, Fachoda ou guerres, qu’une place négligeable.

  • 2 – La « bascule » grâce aux soldats du contingent et à leur face à face avec les réalités algériennes la réalité de l’opinion publique

La grande majorité d’entre d’eux débarquaient en Algérie dans un univers humain qui n’était pas la France, mis à part ceux qui étaient affectés dans les villes côtières. Un autre monde ! J’en ai témoigné dans mes écrits d’ancien appelé du contingent dans les années 1959-1960, et commenté dans la chronique que j’ai publiée sur « Les carnets politiques de la guerre d’Algérie » par Robert Buron, ancien ministre du Général de Gaulle et signataire des accords d’Evian » (1985) ( blog du 16/06/2018).

Plus qu’un dépaysement, une terre étrangère et un bled indescriptible !

Ils découvraient que « L’Algérie n’était pas la France » !

Témoignages et expériences d’appelés des réalités algériennes bien loin des  discours des groupes de pression officiels ou non.

  • 3 – La « bascule » grâce à la fin des groupes politiques franco-algériens « charnière » à  Alger et à Paris :

Avec la guerre et de Gaulle, pouvait être constatée, la perte d’influence des groupes politiques « charnière » qui avaient fait la pluie et le beau temps dans l’Algérie encore coloniale, le plus souvent de tonalité radical-socialiste. Ils étaient capables de faire ou de défaire les majorités sous la Quatrième République, voire les affiliations politiques des ministres et Présidents du Conseil .

A ma connaissance, il n’existe pas  encore d’étude sérieuse sur le sujet, sur le rôle des francs-maçons et de la communauté sépharade algérienne ancrée dans ce pays.

Ne conviendrait-il pas, sous bénéfice d’inventaire de classer les circonscriptions politiques algériennes dans la catégorie des circonscriptions acquises à tel ou tel courant politique compte tenu de son électorat, à la droite ou à la gauche, avec des postulants bien placés dans les appareils politiques ? Dans la filiation des « bourgs pourris » anglais, et dans une continuité historique qui ne dit pas son nom encore chez nous.

René Mayer, par exemple, homme politique brillant, connu pour sa réussite internationale en Europe, fut député de Constantine entre 1946 et 1955, et Conseiller Général de Constantine au cours de la même période.

  • 4 – Une « bascule » résultant du contexte historique de la Guerre Froide

Après 1945, le contexte historique international avait complètement « basculé », aussi bien au Maghreb que sur la planète, avec en 1947, les deux Blocs,  et le réveil nationaliste du Tiers Monde.

Avec l’arrivée de de Gaulle au pouvoir en 1958, treize ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, et onze ans après la rupture avec le Parti Communiste Français (1947), et le début de la Guerre Froide, les cartes politiques de la France étaient complètement rebattues.

Les enjeux de puissance entre les affaires dites « impériales » et notre défense sur le continent, n’étaient plus du tout les mêmes, et le Général de Gaulle était bien placé pour les mesurer, compte tenu de sa longue expérience militaire et de sa connaissance du passé stratégique du théâtre européen.

L’armée française professionnelle avait mené une guerre désespérée et désespérante en Indochine contre l’adversaire communiste Viet-Minh : elle y avait perdu son âme et beaucoup des siens, et les officiers et sous-officiers survivants étaient chargés à présent de lutter contre le FLN.

Ils ne pouvaient manquer de puiser dans leur expérience indochinoise les éléments d’une nouvelle guerre coloniale, la lutte de contre-insurrection communiste, alors qu’il s’agissait d’une insurrection avant tout nationale, et qu’il fallait rechercher comme au Maroc ou en Tunisie une issue nationale. Ce fut une des grandes erreurs stratégiques dues à l’aveuglement des gouvernements de la Quatrième République.

Dans les années 1950-1960, les conférences de l’intellectuel anticommuniste Georges Sauge à l’Ecole Militaire en furent un des symboles.

Jean Pierre Renaud      Tous droits réservés