J’hésitais à aller voir ce film dédié à une certaine nostalgie de l’Algérie Française, bien éloignée des souvenirs que beaucoup de soldats appelés du contingent ont conservé du bled ou du djebel où ils ont servi, qui ne ressemblent pas du tout à ceux qui hantent encore beaucoup de Français ou Françaises d’Algérie, qui y sont nés, ou leurs descendants.
L’intrigue est simple, celle de la rencontre, en Provence, entre deux adultes, déjà mûrs, dont la famille avait été rapatriée en 1962 : l’homme éprouve un choc émotif, en étant convaincu qu’il vient de retrouver la petite fille qu’il avait aimée à Oran.
Donc une belle histoire d’amour d’enfance algérienne avec une intrigue qui se déroule sur un arrière-plan d’affaires immobilières malheureusement confus.
L’histoire en elle-même est intéressante, étant donné qu’elle nous donne l’image émouvante de ces Français et Françaises d’Algérie, attachés à leur terre de naissance, vivant dans leurs souvenirs toujours vivants.
Mais en ce qui me concerne, et lors de mon séjour de vingt et un mois dans le djebel, et alors que j’ai été un grand lecteur de Camus, j’ai eu le sentiment d’être beaucoup plus proche du décor de La Peste que de celui des Noces, à Tipaza, semblable aux quelques aperçus d’images du film.
Et pour illustrer cette appréciation, je me permettrais de rappeler, tout d’abord, un extrait d’Albert Camus, dans La Peste, une des vignettes que j’avais choisies pour introduire le récit de mes propres souvenirs dans un des djebels de la Soummam :
« Le soleil de la peste éteignait toutes les couleurs et faisait fuir toute joie. »
« C’est une idée qui peut faire rire, mais la seule façon de lutter contre la peste, c’est l’honnêteté. »
Pourquoi ne pas citer un autre extrait du même auteur, les premières phrases de « Noces à Tipaza », qui éclairent une autre face de l’âme, celle du film, la nostalgie de cette Algérie française ?
« Au printemps, Tipaza est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierre. »
Mais pour dire la vérité, les descriptions d’Oran faites, dans un autre contexte, par le même auteur, ne sont pas toujours des plus romantiques, et c’est le moins qu’on puisse dire…
Jean Pierre Renaud