Petit exercice de critique économique : Alstom-Siemens, libéralisme ou protectionnisme ?

Petit exercice de critique économique : Alstom-Siemens , libéralisme ou protectionnisme ?

A propos de l’interview de Jean-Marc Daniel Economiste Le Figaro Economie des 2 et 3 février 2019

Invité du « Grand témoin- Le Figaro », l’économiste Jean-Marc Daniel conteste « la foi dans les champions nationaux ou européens »

« On met beaucoup de difficultés sur le dos du dumping chinois »

 Ce n’est pas la première fois que nous rencontrons sur ce blog un défenseur du libéralisme économique tout imprégné encore d’une théorie -libérale anhistorique.

            Notons au départ que cette interview accorde une large place au cas de la fusion Alstom-Siemens, laquelle est actuellement soumise au feu vert de la Commission Européenne, un cas on ne peut plus sensible dans le contexte       politique et économique actuel.

            Dans l’hypothèse d’un veto, cet économiste affirme : « Ce serait au contraire parfaitement fondé », et développe ensuite tout un ensemble d’arguments propres à justifier à ses yeux la défense d’un libéralisme à tous crins :

            « Ensuite la foi dans les champions nationaux ou européens est erronée … La théorie économique démontre qu’il existe une taille optimale de l’entreprise (et relative ?)…La concurrence libre et non faussée est un fondement de l’Europe…

Toutefois, l’économiste reconnait : « Il s’agit en effet d’un marché particulier qui se distingue par de fortes interventions publiques…Quel est le sujet ? Il est de savoir si la concurrence est efficace ou s’il faut entrer dans un processus de négociation de règles de réciprocité. Elle est efficace en l’état au sens où le bénéficiaire ultime du dumping chinois, c’est l’usager français. A titre personnel, je trouverais réjouissant que l’Etat chinois subventionne nos lignes de chemin de fer en subventionnant les entreprises chinoises qui fabriquent des TGV. Cette situation poserait un problème si cela aboutissait à concentrer toute l’activité économique dans un pays. Ce n’est évidemment pas le cas… Il y a toujours un consommateur qui paie le prix du protectionnisme… La concurrence asiatique est un coupable idéal pour toutes nos angoisses, mais cet argument est fallacieux. Ce qui menace l’emploi, c’est d’abord la robotisation… »

       J’ai souligné les mots qui font question et je suis loin d’être convaincu que le raisonnement tenu soit tout à fait cohérent sur le plan strict de l’analyse économique, mais revenons à l’essentiel :

      1 – Le libéralisme tant vanté par l’économiste statisticien Jean Marc Daniel a-t-il fait ses preuves dans l’histoire économique mondiale ? Non, comme l’a parfaitement démontré Paul Bairoch dans le livre intitulé « Mythes et paradoxes de l’histoire économique » (1993)

        Deux chroniques ont été consacrées à ce sujet, la première, le7/06/2011, sous le titre « Une petite dose de protectionnisme pour la France et pour l’Europe, pourquoi pas ? », et la deuxième, le 26/12/2011, une réplique à un article d’Éric Le Boucher (Les Echos du 23/12/2011) intitulé « Patriotisme démagogique »

        2-  Comment est-il possible de défendre ce type de point de vue alors que les relations économiques internationales sont actuellement, comme par le passé, faussées par au moins deux puissances bien identifiées, la Chine et les Etats-Unis.

          Pourquoi la Chine ? Puissance à la fois communiste et capitaliste, elle contrôle tout chez elle, et dispose donc d’une capacité globale politique, économique et financière à toujours tirer le meilleur parti de n’importe quel marché, intérieur ou extérieur, ce qui veut clairement dire qu’elle peut prôner la liberté des échanges, tout en les contrôlant chez elle ou à l’étranger, sous la bannière de la liberté du commerce mondial.

         Pourquoi les États-Unis ? Le dossier Alstom a au moins le mérite d’avoir mis en évidence la  stratégie mise en œuvre en permanence par ce pays, la combinaison de deux instruments puissants de contrôle et de soutien de ses grandes entreprises, 1) une action judiciaire ciblée, avec menace de graves sanctions de nature à asphyxier, 2) par et grâce au dollar, la monnaie d’échange internationale dont le monde a encore besoin, la proie financière et économique qui les intéresse.

           Je terminerai ce petit exercice par une seule citation :

   « Le vainqueur est celui qui ne joue pas le jeu » Paul Bairoch, page 231

     A voir la situation catastrophique de notre pays et de l’Union Européenne, il serait peut-être temps de resserrer certains boulons afin de limiter la casse d’une mondialisation libérale soi-disant heureuse, une casse que parait vouloir continuer une Commission Européenne technocratique.

        A quelques semaines des élections européennes, un veto de la Commission Européenne serait un mauvais signal, un très mauvais signal, et pour dire la vérité, une belle connerie de plus.

          Jean Pierre Renaud