Le Mali et son arrière-plan littéraire et politique. Le malentendu!

    Le Mali et son arrière-plan littéraire et politique

Le malentendu !

« L’aventure ambigüe » de Cheikh Hamidou Kane (1961)

« L’Afrique humiliée » d’Aminata Traoré (2008), préfacée par Cheikh Hamidou Kane

Lecture 

I – Côté littéraire et politique

Deux livres intéressants, mais tout autant instructifs sur l’état d’esprit de deux éminents représentants des élites d’Afrique noire, tous deux anciens ministres, au cours des années 1960 à nos jours, l’un du Sénégal, Cheikh Hamidou Kane (1), l’autre du Mali, Aminata Traoré.

Le premier, un conte de sagesse tout africaine, le deuxième, le cri d’une mère, mais tout autant, un pamphlet, un réquisitoire contre les blancs et les Français !

« L’aventure ambiguë »

Le premier est d’une facture très poétique avec l’évocation des états d’âme d’un jeune sénégalais, Samba Diallo, avide de connaissance et partagé entre deux cultures, deux mondes, mais tout autant deux univers religieux, car l’islam est omniprésent dans le milieu familial et social du jeune Samba Diallo.

Les anciens comprennent bien que dans le Sénégal colonial, il n’est possible d’accéder à la connaissance du nouveau monde qu’en fréquentant l’école française, « l’école étrangère », car « l’ère des destinées singulières est révolue ».

Le jeune Samba Diallo réussit si bien dans ses études qu’il rejoint Paris où il fait la connaissance du monde blanc, et à l’occasion d’une conversation avec un ami, auquel il fait part de son désarroi, ce dernier lui dit, à un moment donné :

« Ha ! Ha ! Ha ! Je sais ce que c’est. Ce n’est pas l’absence matérielle de votre terroir qui vous tient en haleine. C’est son absence. L’Occident se passe de vous, l’on vous ignore, vous êtes inutile, et cela, quand vous-même ne pouvez plus vous passer de l’Occident. Alors vous faites le complexe du Mal Aimé. Vous sentez que votre position est précaire. »

(1)  Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer Promotion 1956

Au fil de toutes les pages empreintes de spiritualité, l’auteur exprime la difficulté qui est la sienne d’entrer complètement dans le monde des blancs sans perdre son âme, et déclare :

« Je ne suis pas un pays des Diallobé distinct (sa terre d’origine), face à un Occident distinct, et appréciant d’une tête froide ce que je puis lui prendre et ce qu’il faut que je le lui laisse en contrepartie. Je suis devenu les deux. Il n’y a pas une tête lucide entre deux termes d’un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n’être pas deux. »

Et pour mot de la fin peut-être, une parole de sagesse d’une vieille cousine, la Grande Royale :

« Elle n’est pas encore revenue de la surprise où l’ont plongée la défaite et la colonisation des Diallobé. Je ne dois d’être allé à l’école, et d’être ici ce soir, qu’à son désir de trouver une explication. Le jour où je prenais congé d’elle, elle me disait encore : « Va savoir chez eux comment l’on peut vaincre sans avoir raison. »

Donc un très beau texte qui exprime toute la difficulté qu’avait un jeune africain d’entrer, dans les années 1950, dans les nombreux codes de la société française, très éloignés de ceux du Sénégal.

Ajouterais-je que la majorité des Français ignore, aujourd’hui, et tout autant qu’avant, les codes des sociétés d’Afrique noire !

« L’Afrique humiliée »

Le contenu du deuxième livre, celui d’Aminata Traoré n’a rien à voir avec le précédent, et la préface qu’en a faite Cheikh Hamidou Kane relaie les propos et jugements souvent très violents à l’endroit de la France et de l’Europe, des institutions internationales, et pourquoi ne pas le dire ? de la terre tout entière !

Il écrit dans cette préface:

« Un cri, le vrai cri, le seul, vient de vriller le ciel de sa protestation. Il nous réveille du cauchemar ; il arrête notre descente aux enfers. Il est puissamment proféré. Il nous secoue et nous bouleverse d’autant plus profondément qu’il est poussé par une femme, une Bambara, une fille de la savane, une citoyenne de ce Mali qui, de tout temps, a été un des pôles de sustentation du continent noir…

Le message qu’Aminata Traoré adresse à l’Afrique et à l’Europe est parvenu haut et clair, à l’homme, à l’Africain, à l’ancien fonctionnaire des Nations Unies, à l’ancien ministre du Sénégal et de la Coopération, à l’intellectuel et écrivain noir que je suis. Qu’elle me permette de lui dire al barka, a diarama, « merci », car elle m’a puissamment secouru »

« Lisez ce livre. Vous serez édifiés quant à la responsabilité des crimes dénoncés, de la « France de la finance et du commerce », de l’Europe impérialiste, du « capitalisme mondialisé », du colonialisme de naguère et de l’échange inégal d’aujourd’hui. Toute l’«élite » africaine aux affaires depuis des décennies ne peut que reconnaître avec Aminata qu’on nous a fait évoluer dans un « monde qui marche à l’envers », en imposant à nos paysans un marché qui rétribue mal leur travail ; un monde où, « au nom de l’efficacité, le couperet des institutions internationales de financement » tombe sur des économies surendettées et même sinistrées, et qui n’avaient nul besoin « d’être amputées de leurs entreprises nationales », donc de pousser vers la porte « des dizaines de milliers d’agents de l’Etat, souvent compétents et consciencieux, qui étaient aussi des pères et des mères de famille. »

 Ainsi que l’écrit Aminata Traoré, « jamais des jeunes originaires du Mali, du Sénégal, du Cameroun, ou de la Côte d’Ivoire ne seraient retrouvés comme un seul homme à des milliers de kilomètres des leurs, à Ceuta et Melilla ou à bord des embarcations de fortune qui les mènent souvent à la mort, si le Fonds monétaire international et la Banque mondiale n’avaient pas infligé vingt années durant à leur pays la médecine de cheval de l’ajustement structurel. »

Le préfacier conclut :

« Appartenant moi-même à la génération des aînés parmi elles (les élites), je me fais le devoir de leur dire qu’à mon sens l’arme la plus décisive, l’arme de destruction massive que nous pourrons opposer au sort calamiteux auquel notre continent parait voué, c’est son unité. »

L’analyse de Mme Traoré est souvent juste et percutante, mais tout y passe, la faute à la France, à l’Europe, au FMI (ses ajustements structurels), à la Banque Mondiale, à la mondialisation.

Mme Traoré dénonce la politique française sur l’immigration, la chasse aux immigrés, le co-développement.

En ce qui concerne ce dernier point et le chapitre qui lui est consacré, l’auteur met en exergue une belle citation de Joseph Ki-Zerbo (page 245) :

« Nan laara, an sara. (Si on se couche, on est mort).

Toujours la faute des autres ?

Ce livre est un cri, le cri d’une mère, et à ce titre, il mérite d’être entendu, mais pourquoi ne pas avoir le courage aussi de s’interroger sur la responsabilité des pères et des mères qui mettent au monde des enfants dont ils savent pertinemment que leur vie sera difficile s’il n’ y a pas un sursaut salutaire de leurs élites ?

A titre d’exemple, citons un dossier tout à fait intéressant sur la situation d’un Etat voisin du Mali, le Niger, paru dans le journal La Croix du 7 février 2012,intitulé « Au Niger, la malnutrition recule », et ce journal d’évoquer tout un ensemble d’évolutions favorables de la situation alimentaire de ce pays, mais sans faire censure d’un problème démographique très important pour ce pays du Sahel.

« Les autorités recensent 15 millions d’habitants aujourd’hui. Au rythme actuel, ils seront 50 millions en 2050 à vivre dans un pays désertique et semi-désertique. Maitriser la croissance démographique reste un défi. Ici, on ne parle jamais de contrôle des naissances, un terme tabou, mais d’espacement des grossesses par la pilule, le stérilet ou l’implant contraceptif

Et à cet égard, rien n’est possible sans le concours des maîtres d’écoles coraniques qui ont une grande autorité sur la population.

« Si certains restent réticents, la majorité des marabouts adhère à l’argumentaire de l’ONG. (MDM). Moukeila Momoni est l’un de ces imams qui parcourent les villages pour s’entretenir avec les leaders religieux. »

« Sans la religion, le message ne passe pas, précise cet érudit. Or, il n’y a rien dans le Coran qui s’oppose au planning familial. Au contraire, il est dit que pour bien nourrir ses enfants, il faut espacer les naissances. » (page 3)

Il existe un grave et ancien malentendu entre les élites d’Afrique noire française et les élites françaises : ces dernières, et pour une petite minorité, ne se sont véritablement intéressé et senti concernées par ces territoires qu’occasionnellement, et n’ont souvent découvert la réalité de l’outre-mer qu’après leur indépendance, et de nos jours, avec les courants d’immigration.

Mme Traoré a un discours dont un des fondements, sinon le principal, est : vous avez une dette à notre égard, quoi que vous disiez ou vous fassiez, et nous nous devons de vous le rappeler chaque jour, et c’est là qu’est le malentendu !

Côté politique

Pourquoi faire l’impasse sur la responsabilité des dictateurs qui se sont succédé au Mali entre 1960 et 1991 ? Et il n’est pas interdit de se demander si la gouvernance de type démocratique qui a suivi, alors considérée comme exemplaire par rapport à beaucoup d’autres pays d’Afrique, ne masquait pas certains vices qui ont été à l’origine de la crise actuelle qui ravage le pays.

Cela dit, il est évident que les frontières tout à fait artificielles du Mali, datant de l’époque coloniale rassemblent des régions très contrastées: quoi de commun entre celles de Kayes, de Bamako, ou de Tombouctou ? Sinon peut-être la religion.

Jean Pierre Renaud

Post scriptum : pour les lecteurs qui aimeraient compléter leur connaissance de la culture africaine et de son passé colonial, deux auteurs, en particulier, MM Hampâté Bâ et Kourouma ont excellemment traité ces sujets dans plusieurs romans : en ce qui concerne le premier, dans  « L’étrange destin de Wangrin », « Amkoullel, l’enfant Peul » et dans « Oui, mon Commandant », et pour le deuxième, notamment dans « Monne, Outrages et Défis », et « Les soleils des indépendances ».

            Deux autres livres au contenu plutôt décevant, l’un intitulé « Katiba » de M.Ruffin évoque le terrorisme islamique nouveau des peuples du Sahara, avec toutes les possibilités qu’offre cet immense désert,  mais on a du mal à entrer dans une intrigue plutôt artificielle, l’autre intitulé « Les anciens dieux blancs de la brousse » de M. Billeter évoque le demi-monde des blancs qui continuent à hanter le Burkina-Fasso, avec un brin d’histoire, notamment le rôle du chirurgien – dentiste patenté de Mitterrand pour la Françafrique.

Humeur Tique ou Humour Tique: Où est l’opposition? Une discipline politique positive! Bonsoir les petits!

Humeur Tique ou Humour Tique ?

            Où est passée l’opposition ?

L’opposition UMP s’est évaporée avec la lutte des deux « Titans ». Elle est passée à la gauche de la majorité actuelle du Président Hollande !

La discipline politique positive !

Sur France 2, journal du soir du 5 décembre, un dossier consacré à la « discipline positive » une nouvelle école de santé familiale importée des Etats Unis.

Peut-être le gouvernement actuel trouverait-il grand profit à suivre un stage de « discipline positive » !

Bonsoir les petits ! Sur France 2, en soirée du 5 décembre

Enfin une éducation sexuelle ouverte à tous,  grâce à la maison Tellier, c’est-à-dire l’évocation d’un bordel « familial », un téléfilm tiré du grand Maupassant, à une heure de grande écoute !

Est-ce véritablement être bégueule ? Ou doit-on obligatoirement être « tendance » ?

Gallieni, Lyautey, ces inconnus! 1895, entre Indochine et Madagascar?

Gallieni, Lyautey, ces inconnus !

Eclats de vie coloniale

Morceaux choisis

2

Sous la 3ème République, la France avait-elle une politique coloniale ?

En 1895, entre Indochine et Madagascar, la France a-t-elle vraiment choisi ?

Les avis de Lyautey

       Un bref rappel historique :

            La France était à la Réunion depuis le XVIIème siècle, et sa marine, ainsi que des commerçants et planteurs de cette île fréquentaient depuis longtemps les côtes malgaches, notamment celles de l’île de Sainte Marie.

Après la défaite du pays et à la fin de la guerre franco-prussienne de 1870, la Troisième République, prise d’une sorte de fringale coloniale, se lança dans toute une série d’aventures coloniales en Afrique, en Asie, et à Madagascar.

Sous Napoléon III, la France avait pris pied en Cochinchine, à la suite du « fait accompli » d’un amiral, et de fil en aiguille, à la suite des nouveaux « faits accomplis » au Tonkin, de Francis Garnier et de Rivière, elle occupa l’Annam et le Tonkin.

Au Tonkin, son armée coloniale et sa marine eurent en face d’eux à la fois des annamites, des troupes régulières chinoises, et des bandes de pirates dont il était toujours très difficile d’identifier l’origine.

Dans les années 1883-1885, l’armée coloniale y conduisit une vraie guerre, avec des moyens importants de mer et de terre, qui fut conclue, à la suite du « faux » désastre de Lang Son en 1885, sur la frontière chinoise, par le traité de Tien-Tsin.

« Faux » désastre, étant donné que le repli des troupes coloniales ne fut dû qu’à l’affolement (en état d’ébriété) du colonel Herbinger, remplaçant le général Négrier, blessé, et, avant tout,  à une mauvaise communication entre le gouvernement et le commandement militaire du Tonkin.

Jusque dans les années 1890, dates de l’arrivée de Gallieni et de Lyautey au Tonkin, les hautes régions ne furent jamais pacifiées, car de puissantes bandes de pirates téléguidés par les mandarins et les trafiquants chinois les tenaient entre leurs mains.

Ce qui n’empêcha pas la puissance coloniale de commencer à développer l’équipement des côtes, et dans les deltas de la Cochinchine et du Tonkin, l’agriculture et un début d’industrie, et enfin à donner un coup de fouet moderne à l’urbanisation de Saigon et de Hanoï.

En 1895, date de l’expédition de Madagascar, les situations coloniales étaient complètement différentes entre l’Indochine, dont les représentants locaux du pouvoir colonial avaient déjà pu apprécier, depuis longtemps,  les nombreux atouts humains et économiques, et l’île de Madagascar, encore mal connue, très difficile d’accès, dont la conquête ressemblait plus à un pari qu’à un choix colonial rationnel.

Et le commandant Lyautey de se faire l’écho de ces doutes sur l’intérêt de la conquête de Madagascar, comparée à la mise en valeur de l’Indochine, et à l’expansion qu’il recommandait de réaliser vers le Cambodge, le Siam, et le Yunnan.

Dans une lettre datée d’Hanoï du 19 octobre 1895,  Lyautey écrivait :   

« L’Indochine est le joyau des colonies »… Envisagé seul, le Tonkin est un leurre ; – il ne faut pas le séparer de l’ensemble ; – mais l’ensemble, cette longue péninsule, jumelle de l’Inde, est un Empire à la Dupleix, autrement fécond, intéressant, pour les luttes de l’avenir, pour les batailles commerciales de l’Extrême-Orient, pour le struggle à livrer le jour où la Chine s’ouvrira, que ce Madagascar aléatoire et isolé. Avantage, dit-on, pas de voisins, mais pardon ! le voisin, c’est le commerce et la raison d’être de nos colonies. » (LTM/ p,255) (1)

Et un peu plus tard, de faire état, dans une correspondance destinée à l’un de ses correspondants, à Hanoï, le 24 octobre 1895, d’une lettre que lui avait adressée de Vogué (2) ainsi résumée :

« Vous perdez votre peine à essayer d’intéresser quelqu’un en France au Tonkin ; votre Tonkin est l’enfant mal venu, dont il ne faut plus parler…. »

 et Lyautey de préciser dans sa lettre :

« Mais le protectorat logique et fructueux de la presqu’île indochinoise, c’est le Siam. Dans l’ordre logique, c’est une question qui eût dû être réglée avant Madagascar, puisqu’ici la partie était entamée et presque gagnée, et le nouveau cabinet anglais en complique bien la situation…

Avec le Siam, il y a, je ne dirai pas un pendant à l’Inde, certes non, mais une belle œuvre à faire et qui sera faite par d’autres si la France s’y dérobe. Le Tonkin en est la couverture, la marche frontière, en même temps que le débouché sur la Chine. » (LTM/ p,257)

Dans une lettre datée de Saigon, du 20 septembre 1896, Lyautey rapportait une conversation qu’il avait eue avec notre Ministre au Siam, M.Defrance sur la question brûlante d’Extrême Orient qu’était le Siam, et il écrivait :

« Nous y sommes en plein, M.Rousseau (le gouverneur général de l’Indochine) en voit tout l’intérêt et la suit passionnément ; il y a trois ans, ce Siam tombait comme un fruit mûr, et voici que peu à peu, il nous glisse entre les doigts ; et nous maudissons cette malencontreuse aventure de Madagascar, qui vient en détourner nos pensées, nos efforts et nos ressources. » (LT/ p,93)

Lyautey était en effet un chaud partisan d’un protectorat sur le Siam.

Et plus loin, il écrivait encore :

« C’était là, puisque nous avons commencé à travailler ici, ce qu’il fallait régler avant toute chose, avant Madagascar où nous sommes empêtrés dans une affaire qui n’a pas l’air de trop bien tourner. » (LT/ p,95)

Le commandant Lyautey avait donc, à cette époque, des idées très précises sur l’avenir comparé de l’Indochine et de Madagascar, mais il était un des rares « experts » de la chose coloniale, capable de proposer une vraie politique coloniale, à l’anglaise, qu’il admirait, faite de réalisme et de continuité.

(1)  LTM : Lettres du Tonkin et de Madagascar –  LT : Lettres du Tonkin

(2)  Le Vicomte Eugène Melchior de Vogüe (1848-1910) était un des nombreux correspondants de Lyautey : d’abord diplomate de 1871 à 1882, il se consacra alors entièrement aux lettres, collaborateur de La Revue des Deux Mondes, du Journal des Débats, et auteur de très nombreux ouvrages. Enfin député de l’Ardèche pendant quelques années à la fin du dix-neuvième siècle.

Jean Pierre Renaud

Barrot, le centriste schizophrène!

« La politique en mal d’humanisme

L’ancien ministre Jacques Barrot et l’historien Christophe Bellon analysent dans un livre les causes et les conséquences du déclin de l’héritage démocrate-chrétien »

« De l’indignation à l’engagement »

Leur livre

Les Echos du 19 avril 2012, Idées, page 13

&

Ou Barrot, le centriste schizophrène !

            A lire la présentation du livre des deux auteurs, et à supposer qu’elle résume bien leur pensée, en tout cas celle de l’ancien ministre, et de la part d’un citoyen qui a partagé beaucoup d’illusions sur les animateurs politiques d’un centre tout en fictions et en allégeance aux « gaullistes », ou en tout cas, affichés comme tels, le propos est à la fois surprenant, et consternant.

            Surprenant, parce que l’ancien ministre a fait l’essentiel de sa carrière à l’ombre du RPR, puis de l’UMP, sans jamais oser l’indépendance et une traversée du désert qui aurait été salutaire pour la sauvegarde de l’héritage démocrate-chrétien.

            En dehors de la chiraquie, et de son carriérisme, avec le virage politique de 1995, puis son intégration à l’UMP, en 2002, point de « salut » pour Barrot !

Il fut tout de même le premier Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale en 2002, il faut le rappeler !

Tout aussi consternant, pour un homme qui ose affirmer :

            « Le grand bonheur du responsable politique, c’est de pouvoir regarder derrière lui afin de vérifier que les choix faits se sont révélés justes. »

Est-ce bien le cas ? Fidèle imperturbable de la chiraquie, il ose poser cette question : 

                           « Pourquoi l’humanisme d’inspiration chrétienne n’a-t-il pas de descendance ? »

            Parce que M. Barrot a effectué des choix qui se sont révélés justes (1) ?

            C’est-à-dire ceux d’un grand « supplétif » des « gaullistes » ? Ou se dénommant comme tels ? Un Barrot, en sorte de « monnaie d’échange » comme aiment à la cultiver, et à la faire prospérer beaucoup de membres du corps préfectoral ?

            Les choix effectués n’étaient donc pas ceux du courage, et du désir de « réveiller des vocations ».

            Trop, c’est trop, beaucoup trop !

            Un peu  d’humilité et de repentance, Monsieur, puisque nous nous trouvons en bonne compagnie chrétienne.

            Alors, et effectivement, un certain centrisme souffre décidément d’une schizophrénie bien de chez nous !

Jean Pierre Renaud

(1 Pour ne pas revenir sur sa condamnation pour financement illégal du CDS, avec Méhaignerie, son grand et vieux compère en œuvres saintes.

Politique et Culture? La culture de nos femmes et hommes politiques? Mythe ou réalité? Doumer en Indochine en 1896

Politique et Culture ?

La culture de nos femmes et hommes politiques ?

Mythe ou réalité ?

Royal en Chine, Sarkozy à Dakar, Guéant à Paris

1896, en Indochine : l’exemple de Paul Doumer, Gouverneur général de l’Indochine

            Au fil des années, et à écouter nos femmes et nos hommes politiques, je me suis posé souvent la question de savoir si les dirigeants politique actuels étaient nourris d’une vraie culture.

            Tellement l’ignorance, béante, de nos gouvernants sur la civilisation chinoise, à l’occasion du passage de la flamme olympique à Paris, en 2008, paraissait évidente.

            Avec aussi le discours de Sarkozy à Dakar, ou celui plus récent du ministre de l’Intérieur sur les civilisations.

Autre exemple, si mes souvenirs sont exacts, celui de la visite de Mme Royal, habillée de blanc, couleur de deuil dans ce pays, sur la grande muraille de Chine avant les présidentielles 2007. Il me semble qu’elle ait porté, la même couleur blanche, celle aussi du culte vaudou, lors des funérailles du poète Césaire.

A l’occasion de l’émission du 8 mars  « De la parole et des actes » consacrée au candidat Bayrou, son déroulement connut, ce que j’appellerais un moment de grâce, ou tout simplement de culture, lorsqu’il fut convié à citer de mémoire des vers d’Edmond Rostand et de Louis Aragon, ce qu’il fit d’ailleurs avec un certain brio.

La culture de Doumer :

Pour mémoire, une longue carrière d’homme politique de la Troisième République, ministre, Président des deux assemblées, Président de la République en 1931,  assassiné en 1932. Trois de ses fils furent tués  pendant la première guerre mondiale, et le quatrième, gazé, décéda quelques années après.

D’origine provinciale modeste, son cursus de vie fut exceptionnel, l’exemple même de la méritocratie républicaine.

Doumer fut Gouverneur général de l’Indochine de 1896 à 1902, et il attacha son nom à la politique des grandes infrastructures de la colonie.

Afin d’avoir les moyens de mener à bien un important programme d’équipement de l’Indochine, la colonie avait besoin d’obtenir la garantie de l’Etat français pour réaliser un emprunt de 80 millions de francs or de l’époque, mais il y avait une sérieuse épine dans le pied de Doumer pour convaincre le gouvernement français d’accorder la garantie demandée, l’insécurité qui régnait encore dans le delta du Tonkin, à peu de distance d’Hanoï.

La rébellion du Yen-Thé sous la conduite du Dé-Tham

Le Dé-Tham,  tout à la fois chef rebelle et pirate, maintenait une très grande insécurité, depuis de longues années,  dans la province du Yen-Thé, à la fourche géographique de deux voies d’accès naturelles vers la Chine.

Doumer prit le parti de convaincre le Dé-Tham d’accepter sa soumission, et pour obtenir ce résultat, il chargea le commandant Péroz de lui mener la vie dure, sur le plan de la contre-guérilla, tout en lui ouvrant la porte d’une soumission pacifique.

Et pour ajouter du poids, du crédit à cette proposition de soumission pacifique, le Gouverneur général décida de faire une grande tournée à cheval, en novembre 1896, dans cette zone du Yen-Thé, que le lieutenant-colonel Péroz raconta dans son livre « Hors des chemins battus », en 1907. (1)

« C’est ainsi qu’une course à travers nos forêts, pour dangereuse et inconfortable qu’elle fut, n’était pas pour lui déplaire, s’il y voyait un résultat tangible…Pendant quatre jours, sous une pluie fine, serrée, incessante, nous parcourûmes à grande allure tous les recoins du Yen-thé. Soixante-dix à quatre-vingt kilomètres par jour ; une fois, nous dépassâmes la centaine. Tous les soirs, nous rallions le chef- lieu (Nha-Nam). J’avais cédé au gouverneur général ma chambre à coucher…

Commandant ! Commandant ! Le jour se lève. Partons-nous ?…

On déjeunait très sommairement sous le chaume d’un auvent : des sardines, quelques conserves, du biscuit et du thé (dans sa tournée à cheval)…

A table, il présidait avec ma femme en face de lui…L’extrême sobriété du gouverneur général nous étonnait… dans la demi-obscurité, que rendaient plus épaisse les lueurs vacillantes des photophores lointains, il nous charmait par la grâce et par la variété de ses entretiens…

Parfois, de sa voix métallique, il nous récitait des passages entiers des grands auteurs, si bien que, bercés par son débit coloré et chaud et fermant les yeux, nous avions l’illusion d’une audition de quel -qu’un de nos grands diseurs professionnels. C’était aussi, pour ceux d’entre nous qui avaient conservé le culte des lettres latines, des odes d’Horace et des lambeaux de tragédies antiques que notre vie tourmentée lui mettait en mémoire. »

Jean Pierre Renaud, dans le livre « Les confessions d’un officier des troupes coloniales – Marie Etienne Péroz -1857-1910 », dans le commandant Péroz et le Dé-Tham (chapitres 13 à 18) le passage en question – editionsjpr.com

Humeur Tique : le silence est d’or et le nouveau centre est nulle part !

Le silence est d’or !

            Bravo à l’artiste, et au film « The Artist », puisqu’il a été présenté avec un immense succès dans notre pays, sous ce « label ». Enfin un triomphe de la France, à Hollywood, capitale du cinéma mondial, ça n’est pas si fréquent !

            C’est toutefois, à se demander dans l’overdose actuelle des paroles de la campagne présidentielle, si les candidats n’auraient pas plus de chances d’être « écoutés » en restant muets !

Le nouveau centre de nulle part ?

       A lire les comptes rendus de la presse sur le dernier congrès d’un parti qui s’est dénommé le Nouveau Centre, il n’est pas interdit de s’interroger sur la véritable nature de ce petit parti politique, qui est en double pension financière, à la fois sur un bel atoll du Pacifique et au siège de l’UMP.

 Donc une fois de plus, avec le triste destin d’un plastron politique !

Les propositions archaïques de M.Bartolone pour l’Ile de France

Les propositions archaïques de M.Bartolone (député et Président du Conseil Général de la Seine Saint Denis) pour une réforme des communes de l’Ile de France.

            C’est à se demander si M.Bartolone connait l’histoire encore récente de l’Ile de France, avec la disparition nécessaire de ces « monstres » administratifs qu’étaient les Préfectures de la Seine et de Seine et Oise.

            Veut-il créer un nouvel Etat dans l’Etat ? Alors que Paris, en tant que commune et département, a conservé quelques belles cartes de cet Etat dans l’Etat du passé, c’est vrai, mais la réforme souhaitable ne passe sûrement pas par la création d’une nouvelle usine à gaz.

            En concurrence avec la région Ile de France ? Une nouvelle superstructure politique et administrative ? Alors qu’il faut simplifier à tout prix notre millefeuille administratif ?

            M. Bartolone croit-il qu’avec une telle réforme on assurera mieux à la fois l’efficacité et le contrôle de la gestion publique ? Certainement  pas !

            Une administration centrale du social commune aux quatre départements fondus en un seul ? Alors que l’efficacité même de l’intervention sociale est conditionnée à la fois par la délégation et le contrôle ?

Ainsi que le proposent d’autres élus, il faut donc emprunter une voie plus raisonnable, passant incontestablement : 

– par une meilleure contribution des départements riches au profit des départements pauvres, et si ce mécanisme de redistribution n’est politiquement pas facile à faire voter, il n’est pas trop difficile à mettre en place,

– par la syndication effective des budgets du logement et des transports en commun.

Jean Pierre Renaud

Mélanges politiques du 12 janvier 2012 : gastronomie française et dette publique

       La gastronomie française, mythe ou réalité ?

            L’année 2011 a vu consacrer par l’UNESCO le repas gastronomique à la française, et de nombreux Français, illustres ou médiatiques, de s’extasier sur une telle « consécration » !

            Oui, mais pendant ce temps les gastronomies basque et italienne n’ont pas perdu de temps pour se doter d’instruments efficaces de promotion de leur savoir-faire gastronomique !

            Dans son numéro du 7 janvier, le Monde Magazine a publié un article fort intéressant intitulé « La cuisine a son Harvard. »

Oui, mais le Harvard en question ne se trouve pas en France, mais à Saint Sébastien, dans le pays basque espagnol, et à Turin, en Italie.

Qu’attend la France pour passer de la parole aux actes ? Comme si notre pays se contentait de sa gloire passée, et aujourd’hui menacée.

Une France anxieuse, désorientée face au mouvement du monde ? Françaises et Français, retroussons nos manches !

La France souffre d’une dette colossale causée par l’irresponsabilité des gouvernements français et, pourquoi ne pas le dire, par l’aveuglement des citoyens, qui ont laissé faire, sur le refrain « Tout va très bien madame la marquise ! »

Et aujourd’hui, les cassandres sont de plus en plus nombreux à annoncer, à sons de trompes, leurs sombres prédictions, nos nouvelles plaies d’Egypte.

Mais la France est riche, elle a de la ressource, et ce qui lui faut, c’est une équipe gouvernementale qui ait le courage d’affronter la situation, d’apurer cette dette, de préparer le redressement qui nous attend.

Il nous faut donc augmenter la TVA de plusieurs points, et affecter ce supplément de ressource au remboursement intégral de la dette, la majoration «  TVA dette »   

D’autres mesures, et elles sont nombreuses, déjà préconisées, sont à mettre en œuvre, mais aucun redressement ne sera possible et durable sans faire partager à tous l’effort national qui est nécessaire, ce qui veut dire avec le souci d’une plus grande justice sociale.

Enfin, sans nouvelle gouvernance de la zone euro, les efforts de la France risquent fort d’être à la fois pénalisés et précaires.

Jean Pierre Renaud

Conflits d’intérêt, confusion des genres? « Journalistes et politiques Les liaisons dangereuses » Le Magazine du Monde (3/12/2011)

Conflits d’intérêt, confusion des genres ?

« Journalistes & politiques

Les liaisons dangereuses ? »

Le magazine du Monde (3/12/2011)

            Le magazine a consacré plusieurs pages au problème des relations entre journalistes et politiques, un important sujet de la vie politique d’aujourd’hui, et c’est très bien !

            Une analyse qui concernait les couples Hollande-Trierweiler, Borloo-Schönberg, Kouchner-Ockrent, et Montebourg-Pulvar

            Au soir de la primaire socialiste, Audrey Pulvar était apparue au côté d’Arnaud Montebourg et avait répondu :

« J’avais vécu la campagne, la fatigue, l’angoisse, la séparation, et lorsqu’on m’a poussée à la tribune, je ne me suis pas rendu compte de ce que cela allait susciter. » (page 56)

Et la société des journalistes de Radio France de réagir de façon tout à fait curieuse, et anachronique :

« Vivez vos amitiés et vos amours, mais gardez-les pour vous. N’oubliez pas les soupçons des auditeurs, pour qui, souvent, l’amitié d’aujourd’hui peut devenir la collusion de demain. »

Faites donc comme les bons bourgeois des siècles passés qui avaient un vrai savoir-faire pour cacher leurs amours « illicites »!

Curieuse façon de traiter la question, car caché ou non, le problème demeure, celui du conflit d’intérêt ou de la confusion des genres, un problème majeur et récurrent dans une société percluse de fric et de com., et ici, très précisément, entre le médiatique et le politique.

Et pourquoi ne pas se demander si ce type de relation est fréquent, et si oui, pourquoi ?

Mon opinion est qu’à partir du moment où un politique entretient une relation intime avec un journaliste, et alors que le dit-journaliste joue un rôle important dans un média, tout militerait en faveur du constat d’un conflit d’intérêt.

Et pour une note finale de gaieté dans le mélange des genres, une citation du courrier des lecteurs du même numéro du magazine (page 20):

« Camouflage « Depuis bientôt un mois je n’ai plus honte. Je peux enfin lire Elle en faisant croire que je lis Le Monde » Christian Lefebvre

Jean Pierre Renaud, avec sa concubine préférée

Mélanges politiques (7/11/2011)

       L’Europe et l’Euro :

Les commentateurs les plus savants vous répètent que le temps politique n’est pas le temps des marchés, sans doute !

            Mais après la crise de 2008, il fallait réformer la gouvernance de la zone euro, et cela fait donc plus de trois années de perdues !

            Le temps « est venu » de réunir une assemblée constituante des institutions nouvelles de la zone euro, car le temps « est venu » d’inventer, d’innover, et de sauvegarder l’Europe.

            L’Europe et nos hommes et femmes politiques :

Combien d’entre eux ont-ils une formation et une expérience internationale, alors que notre destin se joue quotidiennement à Bruxelles, Washington, ou Pékin ?

            On continue en France à faire de la politique franco-française, comme au bon vieux temps de la Troisième République, et à préférer le confort électoral de nos petits cantons au grand large.

            La situation de la France :

Comment expliquer que la majorité actuelle n’ait pas décidé de changer de cap politique et économique après la crise de 2008 ? Comme si rien ne s’était passé ? Comme s’il était raisonnable de faire le pari de la croissance, solution miracle de tous nos problèmes nationaux ? Comme s’il était raisonnable de fermer les yeux sur la dette publique ?

            Comment expliquer qu’après avoir critiqué les 35 heures de Mme Aubry, la mauvaise solution du partage du travail, la majorité ait prôné et mis en oeuvre l’exonération des heures supplémentaires, une égale et mauvaise solution du partage du travail ?

            Pourquoi toujours et toujours focaliser les Français sur la croissance du PIB, X% de croissance en plus et en moins, avec l’obsession de la valeur toujours ajoutée, alors qu’avec un PIB constant, il est encore possible d’assurer les fins de mois du pays, mais à la condition d’apurer la dette publique ?

On entend d’ailleurs un peu moins en ce moment les thuriféraires de la croissance zéro !

Le Parti socialiste va d’ailleurs avoir la plus grande peine à mettre en œuvre un programme, quel qu’il soit, étant donné que le socialisme réussit mieux quand il y a du grain à moudre, alors qu’il n’y en a pas.

Enfin, la candidature, une de plus, d’un homme fort bien introduit dans les réseaux du microcosme politico-médiatique de la capitale, une candidature Chevènement hors du temps, donc un non évènement !

Jean pierre Renaud