WikiLeaks et le journal le Monde : une relation ambiguë !
Ou qui a le droit de violer les sources et les contenus d’information publique ou privée ?
Nous avons abordé ce sujet à deux reprises déjà sur ce blog, le 5 décembre 2010, et le 13 septembre dernier.
Le 5 décembre, nous nous interrogions sur la validité des justifications que ce journal donnait pour publier des messages diplomatiques, confidentiels ou secrets, diffusés dans le circuit internet par WikiLeaks.
Le 13 septembre dernier, et à la suite d’un article du même journal, des 4 et 5 septembre, intitulé « WikiLeaks : les informateurs mis en danger par de nouvelles publications »
Tiens donc !
Nous posions la question : qui a le droit de violer les sources et les contenus d’information publique ou privée ?
Le 14 septembre (page 12), le même journal évoquait à nouveau l’affaire Bettencourt dans un long article, et dans le paragraphe ci-après, il écrivait :
« Dans des rôles différents, les deux femmes se sont trouvées au cœur de l’enquête préliminaire menée par le procureur de Nanterre Philippe Courroye – un proche du chef de l’Etat -, dès la révélation, en juin 2010, part le site Média-part, des enregistrements clandestins opérés au domicile des Bettencourt. Le Monde a pu avoir accès à cette procédure dont on comprend que le procureur ait tenu à la garder secrète – l’enquête préliminaire, placée sous le seul contrôle du parquet, soumis hiérarchiquement à l’exécutif, n’est accessible à aucun avocat. »
Nous avons souligné en gras la phrase intéressante : qui donc a pu, et qui s’est arrogé le droit de violer, dans le cas d’espèce, le secret des sources et des contenus ? (par la voie (ou voix du Saint Esprit?)
Dans le numéro du 2 septembre dernier, le Monde faisait son titre de première page
« Comment les services secrets ont espionné « Le Monde »
Une enquête judiciaire montre que le contre-espionnage s’est procuré des informations confidentielles d’un journaliste pour identifier ses sources dans l’affaire Bettencourt »
A bien comprendre les positions de notre grand journal national de référence, un journaliste aurait le droit, à des fins d’information, de violer sources et contenus, en fonction des convenances de vulnérabilité (WikiLeaks), aurait le droit d’accéder à une enquête préliminaire (Bettencourt), théoriquement secrète, alors que la puissance publique se verrait interdire le droit de protéger ses actions ?
Ne pensez-vous pas que nous sommes décidément dans un débat d’un droit et d’une déontologie à géométrie très variable, c’est-à-dire de pure opportunité ?
Sauf pour la justice à se prononcer sur la question de fond posée par l’application de la loi du 5 janvier 2010, dans son article 1 :
« Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public »
Mais dans certaines limites fixées par le même article :
« Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie »
Alors, et dans les cas visés, impératif prépondérant d’intérêt public ou non ?
Ou encore, extension d’un droit qui parait reconnu par tous les partenaires de la justice, y compris par certains magistrats, celui de violer le « supposé » secret de l’instruction ?
Jean Pierre Renaud