Annonce de publication: le livre « Supercherie Coloniale » extraits – Questions sur la thèse Huillery

Annonce de publication

Extraits du livre publié en 2008, sous le titre :

Supercherie Coloniale

Jean Pierre Renaud

            En 2008, j’ai publié un livre de critique historique sur les thèses que défendait un groupe de chercheurs dans plusieurs ouvrages sur les thèmes de la Culture coloniale ou impériale de la France au temps des colonies, des thèses très largement fondées sur des fondements statistiques pour le moins fragiles, incomplets ou discutables, et sur le détournement de l’interprétation de belles images coloniales.

            Je me propose de publier quelques- uns des textes que contient ce livre, notamment le prologue, l’introduction, le chapitre consacré à la propagande coloniale et la conclusion.

            Comme je l’ai déjà indiqué sur ce blog, la Mairie de Paris, alors dirigée par M.Delanoë, a censuré ce livre que j’avais déposé à la direction des Bibliothèques, afin qu’il puisse figurer dans les bibliothèques de la ville.

            Les exemplaires de ce livre ont été cédés à des solderies.

Questions posées sur la thèse de Mme Huillery, intitulée «  Histoire coloniale, développement et inégalités dans l’ancienne Afrique Occidentale Française »

Un titre d’interview qui claque au vent comme un slogan :

« La France a été le fardeau de l’homme noir, et non l’inverse »

Le Monde du 27 mai 2014, page 27

SUPERCHERIE COLONIALE

Jean Pierre Renaud

De l’histoire

            » L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vielles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au théâtre des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. L’histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout…

             Dans l’état actuel du monde, le danger est de se laisser séduire à l’Histoire est plus grand que jamais il ne fut. »

Regards sur le monde actuel

Paul Valéry- 1945

« L’esprit critique c’est la propreté de l’intelligence. Le premier devoir, c’est de se laver »

Marc Bloch- 1914

EN PROLOGUE

            Depuis dix à quinze ans, des chercheurs, historiens, politologues ou sociologues ont commencé à s’intéresser aux images des anciennes colonies françaises, et tenté de les interpréter avec plus ou moins de succès, c’est selon, et pas toujours dans la chronologie de leur contexte historique, qu’il s’agisse de cartes postales, de gravures, de photos, d’affiches, ou de films.

            Tant et si bien que depuis quelques années, une triade de jeunes historiens, animateurs d’ « un mouvement, une école de recherche » (La République Coloniale-p.11),  un collectif de chercheurs, ainsi qu’ils se nomment, déploie une grande énergie de plume pour exposer la thèse, précisément à partir d’images coloniales, mais aussi de textes, d’après laquelle la France aurait  baigné dans une culture coloniale, tout au long des années 1870-1962, avec une acmé (sic) à l’occasion de l’Exposition Coloniale de 1931. Les  archétypes (sic)  de cette culture coloniale et de sa mémoire conduiraient les Français à reproduire, aujourd’hui et sans le savoir, des comportements coloniaux dans leur vie civile et publique. Autre affirmation de la triade : notre passé colonial expliquerait donc la crise des banlieues et la présence de nouveaux indigènes de la République Française.

            La cause est donc sérieuse, et il s’agit de l’instruire sérieusement, puisqu’elle prétend donner une lecture authentique, sinon scientifique de notre histoire coloniale et nationale, et y trouver les raisons des rapports difficiles pouvant exister entre Français de souche et Français immigrés.

            D’autant plus sérieuse qu’elle nourrit un débat et des controverses dans une partie de l’opinion publique.

 Avant donc d’aller au cœur du sujet et d’analyser le contenu de cette thèse, et par un détour de pensée utile, il nous faut mettre en garde le lecteur sur la grande difficulté qu’il y a à interpréter une image, quelle qu’elle soit. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, sur le plan technique, mais donnons ici quatre exemples.

        Le premier est celui des images montrées à l’occasion de l’émission d’Arrêt sur Images du 19 novembre 2006. Celles superbes, d’énormes icebergs en goguette au large des côtes de la Nouvelle Zélande. Selon les uns, leur présence illustrerait le phénomène de réchauffement climatique, et selon les autres, elle ne constituerait pour le moment qu’une hypothèse de travail. Alors que ces images récentes se situaient dans un contexte précis, avec date et lieux, et qu’elles faisaient l’objet d’un examen pluraliste et critique.

     Deuxième exemple, celui d’un film d’amateurs tourné avant la deuxième guerre mondiale en Afrique Occidentale, par des représentants d’une grande marque d’apéritif. Projection faite à l’occasion d’un festival sur des images des colonies organisé en 2005 au Forum des Images à Paris. On les voyait en train de faire leur pub à proximité d’un village, distribuant des objets publicitaires, et faisant signe à des africaines de venir à leur rencontre. Un présentateur « savant » commentait la scène en disant « ils convoquent les femmes »  – nous sommes donc bien dans une situation coloniale de domination -, alors que la chose n’était pas très différente de ce que l’on voit de nos jours tout au long du Tour de France, et de ce que je connaissais aussi de l’Afrique.

       Troisième exemple, et ce dernier beaucoup plus élaboré, parce qu’il a l’avantage de poser le problème de la lecture et de l’interprétation techniques d’une image, avec la mise en jeu de codes qu’il faut connaître avant de se prononcer. L’anthropologue anglais, Nigel Barley, notait au cours de sa mission du Nord Cameroun des années 1980 (1), que la population Dowayo qu’il étudiait, n’arrivait pas à identifier et à comprendre une photographie :  « On oublie trop souvent que les gens qui n’ont jamais vu de photos doivent commencer par apprendre à les déchiffrer. »

        Martine Joly, sémiologue distinguée, ne dit pas autre chose, quand elle écrit (2) « qu’il y a un âge au-delà duquel, si on n’a pas été initié à lire et à comprendre des images, cela devient impossible.

          Notre triade de jeunes historiens a naturellement dépassé le stade des Dowayo, en tout cas je l’espère, mais elle est confrontée au même type de difficulté que connaissent parfaitement les sémiologues, dont c’est précisément le métier. Et se pose donc la question de savoir comment ils ont réussi à lever la difficulté.

         Surtout ne faisons pas revivre la fameuse Querelle des Images (du IV° au VII° siècle), comme certains tentent de le faire, laquelle opposait les iconophiles et les iconoclastes qui se disputaient sur la nature divine ou non de l’image.

     Quatrième exemple, celui d’une photographie (page 55) illustrant un article signé Jean-Pierre Chrétien,  paru dans le numéro spécial N° 302 d’octobre 2005 de la revue L’Histoire (Conseiller de la Direction Jean-Noël Jeanneney). La légende du cliché était la suivante : « Un colon entouré de sa garde personnelle dans le comptoir de Grabo (Côte d’Ivoire), au début du XX°  siècle. L’image parait aujourd’hui caricaturale du maître blanc et de ses serviteurs noirs. »

      Nous avons interrogé la rédaction de la revue pour nous confirmer l’exactitude de la légende, étant donné que notre interprétation était plutôt celle d’une photo de chef de poste colonial officiel, compte tenu de son uniforme et de ses galons, entouré de ses gardes -cercle. Après beaucoup de difficultés, nous avons enfin obtenu la réponse suivante :      

   « Nous nous basons pour rédiger les légendes des images que nous publions sur les indications que nous fournissent les agences, qui font le plus souvent très bien leur travail. Si celles-ci cependant sont fautives, nous n’avons malheureusement, le plus souvent, aucun moyen, de l’anticiper. »

    Dont acte, mais c’est peut être un bon exemple de la difficulté qu’il peut y avoir à donner son sens à une photographie.

     Alors me direz-vous, vous vous êtes bien éloigné de votre sujet, et je vous répondrai que non dans l’exposé qui suit, étant donné que la thèse historique, sinon idéologique, qu’ils ont développée dans une série de livres qu’ils ont publiés s’appuie constamment sur l’interprétation qu’ils font des images coloniales, et quelquefois des discours qui les accompagnent, et rarement de leur contexte historique.

     Bonne ou mauvaise interprétation des images coloniales qui constituent les sources de leur discours, ce qui veut dire respect de la source ou captage de la même source ? Bonne ou mauvaise interprétation des sources écrites, lorsqu’elles ont été utilisées dans la démonstration historique ?

(1) Un anthropologue en déroute-  Nigel Barley 1992

(2) Introduction à l’analyse de l’image- Martine Joly – 2005

 En avant-scène post-coloniale

Et sur les pas du célèbre Montesquieu

Comment peut-on être Malgache à Paris au XXI° siècle ?

       De Jérôme Harivel, Cité Universitaire Internationale, à Paris, à sa chère et tendre Vola, restée à Faravohitra, à Antatananarivo

      Octobre 2001– Comme tu le sais, à l’occasion du match Algérie France, dans ce magnifique stade de France, (quand en aurons-nous un aussi beau dans notre belle capitale ?) une partie du public a sifflé l’hymne national des Français. Tu vois le scandale ! Je n’y étais pas, car tu connais l’amour très modéré que je porte au sport. Cela m’a beaucoup étonné, moi qui croyais que l’Algérie était indépendante depuis 1962. La France était-elle devenue, à son tour, la colonie de l’Algérie ?

    Septembre 2003– Des amis français m’avaient convié à une soirée à la campagne, une campagne toute verte comme tu l’aimerais, près du Mans. A un moment donné, un des convives se mit à évoquer des livres récents qui traitaient de l’histoire coloniale de la France. Tu sais que les Français ne s’y intéressent pas beaucoup,  mis à part la guerre d’Algérie, qui a laissé des traces profondes dans beaucoup de familles françaises.

            Je ne m’estimais pas vraiment concerné, lorsque j’entendis ce convive parler de « bain colonial », et aussitôt je fis une association d’idées avec notre grande fête du bain de la Reine, notre « fandroana », mais il ne s’agissait pas de cela. C’était bien dommage, car la cérémonie du bain revêtait une grande importance  dans notre monarchie. Beaucoup de faste, une grande foule, le bain de Ranavalona III derrière le rideau rouge, la couleur sacrée, avec ce petit grain de folie religieuse qui mettait du sel dans le rituel sacré du bain, l’aspersion de la foule venue entendre le « kabary » de la reine et assister à son bain caché, avec l’eau qui avait servie au bain de la reine, une eau naturellement sacrée. Une lointaine parenté sans doute avec l’eau bénite, sans vouloir blasphémer le rite catholique !

     Février 2005- Un de mes bons amis malgaches m’a entraîné au Forum des Images de la Ville de Paris pour assister à une des séances du festival des films coloniaux qui y avait lieu.

 Deux personnes commentaient ces documents, un belge, je crois, et un universitaire africain dont j’ignorais le nom. Pour nous mettre sans doute dans l’ambiance idéologique de cette séance, le présentateur belge avait distribué une note de présentation dans laquelle il énonçait quelques fortes vérités, je cite :

    «  C’est au nom de la légitimité coloniale que l’on filme les femmes au torse nu…c’est la relation d’assujettissement du colonisé au colon. C’est la violence légale,  naturelle de l’ordre colonial qui apparaît lorsque l’on regarde ces images… on perçoit régulièrement les signes d’un déni d’humanité accordé à l’indigène dont le filmeur (sic) d’alors n’avait pas conscience. »

         On nous a projeté plusieurs films d’amateurs de qualité tout à fait inégale. L’un d’entre eux a attiré mon attention, parce qu’il avait été tourné chez nous, par un vazaha (un blanc) sans doute riche, car il le fallait pour disposer d’une caméra. A un moment donné, on voyait une femme blanche assise dans un filanzana, notre fameuse chaise à porteurs, portée donc par quatre bourjanes, et le commentateur de souligner doctement, et une fois de plus, que cette image était un autre symbole du colonialisme en action.

      A la fin de la projection, un vazaha s’est levé et a pris la parole pour expliquer à la salle que tous les gens riches de Madagascar, nobles, hauts fonctionnaires militaires ou civils, marchands fortunés recouraient habituellement à ce mode de transport à une époque où il n’y avait aucune route dans l’île, et donc aucun véhicule à roues. Je me suis bien gardé d’intervenir, mais l’échange m’a bien amusé.

        Que dire encore à ce sujet sur les pousse-pousse qui existent encore en Asie et sur notre belle île!

    Mai 2005-  Un grand débat agite les médias et le microcosme politique, sur l’esclavage et  le rôle positif de la colonisation française. Des députés, toutes tendances confondues, de droite et de gauche, ont eu la foutue bonne idée de faire reconnaître par la loi le rôle positif de la colonisation. Grand chahut chez les historiens et au sein des associations qui ont l’ambition de défendre la cause des populations immigrées, notamment de celles qui ont publié un appel d’après lequel, leurs ressortissants seraient les  indigènes de la république.

            Prudence de notre côté étant donné le passé de notre grande île et de l’abolition relativement récente de notre esclavage. Certains de nos lettrés ne disent-ils pas que les descendants des andevos, nos anciens esclaves, portent encore dans leur tête leur passé d’esclave, avec la complicité des descendants de leurs anciens propriétaires d’esclaves. Nous sommes d’ailleurs bien placés à Madagascar pour savoir que la traite des esclaves s’est prolongée longtemps en Afrique de l’Est, dans l’Océan Indien, et dans le Golfe Persique, avec les traditionnels trafics arabes d’esclaves.

            Je te signale d’ailleurs qu’une historienne de La Réunion prend des positions hardies dans ce difficile débat.

            Je recommanderais volontiers la même prudence aux descendants des grands royaumes négriers de l’Afrique du Centre et de l’Ouest.

        Novembre 2005- En France, la mode est aujourd’hui à la repentance. Les Français adorent ça et se complaisent dans leurs défaites militaires qu’ils célèbrent avec une joie masochiste. Le président Bouteflika somme la France de se repentir, alors que la guerre d’Algérie a été un affrontement de violences des deux côtés, et que l’Algérie indépendante sort à peine d’une guerre civile cruelle.

            Dans toute cette affaire, plus personne ne comprend plus rien à rien, entre ce qui relève de la mémoire et ce qui relève de l’histoire ! Je me demande si certains historiens ne s’intéressent pas plus à la mémoire qu’à l’histoire.

      Octobre 2006– Tu vois, l’Algérie est toujours au cœur du problème français, et certains historiens ont du mal à travailler sur l’histoire coloniale sans être obsédés par l’Algérie, toujours l’Algérie, qui parait d’ailleurs de plus en plus présente en France, plus de quarante ans après son indépendance. Un politologue, d’une espèce difficile à définir, a commis un livre, ou plutôt un crime contre la raison, en énonçant le postulat qui voudrait que Coloniser,  c’est exterminer, et bien sûr en raisonnant sur l’Algérie. Ce politologue s’est fait ramasser dans les grandes largeurs par deux éminents historiens de l’Algérie.

      Ce mois-ci, Blois a accueilli les 9ème Rendez Vous de l’Histoire. A l’occasion d’un Café Littéraire, tu te souviens du rôle des cafés dans l’histoire littéraire parisienne, un dialogue musclé s’est engagé entre le principal prosélyte d’une nouvelle histoire coloniale et l’auteur d’un livre intitulé Pour en finir avec la repentance coloniale, précisément dans le cas de l’Algérie. Le prosélyte de lui lancer : « Vous êtes un historien révisionniste, ça vous fait triper (sic). » Je me serais bien gardé d’intervenir dans ce débat : il n’y a pas si longtemps, notre grand Amiral marxiste, dictateur et chef de l’Etat, aurait brandi aussi facilement ce type d’accusation.

Culture Coloniale ou Supercherie Coloniale? (4)

& Histoire ou Mémoire, Repentance ou Révisionnisme

        Ce débat est sans doute étranger à un grand nombre de Français, qui ne comprennent pas que la repentance fascine, comme à l’habitude une minorité d’intellectuels, toujours enclins à flatter le masochisme de nos échecs nationaux.

        Il nous faut tout d’abord rappeler les définitions que le Petit Robert propose pour les deux concepts d’histoire et de mémoire :

            – Histoire, une relation des événements du passé, des faits relatifs à l’évolution de l’humanité (groupe ou activité) qui sont dignes ou jugés dignes de mémoire.

            Donc toute l’ambiguïté attachée à la dignité de, donc aux disciplines intellectuelles capables de lui donner des garanties d’objectivité. Mais il ne faut pas être historien pour savoir que l’histoire n’est pas une science exacte et qu’elle est soumise à des modes, à des courants de pensée, situation qui n’autorise toutefois pas à écrire n’importe quoi.

            – Mémoire, la faculté de conserver et de rappeler des états de conscience passée et ce qui s’y trouve associé, faculté collective de se souvenir.

            Or le discours de ce collectif de chercheurs part continuellement à l’assaut de l’histoire et de la mémoire, et s’inscrit dans ce qu’on appelle communément la nouvelle guerre des mémoires. Et à cet égard le livre La République coloniale (Blanchard, Bancel, Vergès) est incontestablement le plus provocateur, le plus outrancier dans le verbe et dans la pensée, pour ne pas utiliser un adjectif plus fort. Le livre suivant La Fracture coloniale ne fait pas mal non plus dans le genre.

            Dans le premier ouvrage, les auteurs nous proposent tout simplement de déconstruire le récit de la république coloniale (RC/V), de déconstruire les fondements de son imaginaire (RC/160), et comment construire une mémoire (RC/140). Notons que dans leur conclusion du Colloque, les deux historiens Debost et Manceron avaient ouvert la voie, en écrivant :

            « La réflexion entamée par ce colloque a soulevé davantage de questions qu’elle n’a apporté de réponses. Elle doit donc se poursuivre par un débat international dont l’objectif n’est rien moins que, aussi bien dans l’Europe colonisatrice que dans ses anciennes colonies, la déconstruction d’un imaginaire que ces images, pendant des décennies, ont contribué à édifier « .(C/148)

            Affirmation bien gratuite compte tenu du défaut d’analyse de ce fameux imaginaire colonial, alors et encore aujourd’hui ! Ce collectif a manifesté son incapacité à en démontrer l’existence au temps des colonies et à notre époque.

            Le livre La Fracture coloniale s’inscrit dans la même ligne, « projet inédit de décoloniser les esprits (FC/200), il faut sans cesse prendre les représentations imaginaires issues du passé colonial comme sujet pour tenter de les déconstruire. (FC/219), comment décoloniser les imaginaires ? « .(FC/237)

            « Une politique  de la mémoire, redisons-le, devrait s’attacher à déconstruire les deux versants de ces perceptions, à savoir une strate que l’on pourrait qualifier d’  « immédiate » et l’autre de « profonde » « (FC/289)

               Vous avez-bien lu? « une politique de la mémoire »!

            Et dans le registre de ces citations et pour en égayer un peu la liste, un auteur n’hésite pas à écrire : « Mais il y a bien des Français pas comme les autres qui analysent le regard dépréciateur, le déni de droit et les discriminations qu’ils subissent comme la persistance d’une figure de l’indigène logée dans leur corps. ‘ »(FC/200)

            Pourquoi ne pas rappeler que dans une controverse récente sur la repentance, entre deux historiens chevronnés, Mme Coquery-Vidrovitch et M.Lefeuvre, la première a défendu l’historien Blanchard en le qualifiant précisément d’historien entrepreneur ?

            Ce qui revient à reconnaître aujourd’hui le rôle du marché, de la concurrence, de l’argent et du profit dans  les travaux de recherche historique et mémorielle !

            Je dois reconnaître que le concept d’historien entrepreneur dérange, même quand, sur les pas de Paul Valéry, dans le texte que nous avons proposé au début de cet ouvrage, notre regard sur l’histoire reste lucide et notre esprit en éveil.

            Mais dans le cas présent de ce collectif de chercheurs, l’histoire devient encore plus problématique, puisqu’elle est faite d’affabulation historique.

            Comment alors ne pas accuser ces historiens entrepreneurs de poser, innocemment ou non, des bombes idéologiques construites de toutes piècesau sein de la société française, au risque de faire exploser un pacte républicain fragile.

            Au risque d’engager ou d’entretenir un processus d’autoréalisation de ces fantasmes de la mémoire. La conclusion de l’introduction des Actes du Colloque de 1993, consacrés au thème « Arts et Séductions » annonçait déjà la couleur, en rappelant les propos de l’historien Debost (Négripub), dont nous avons croisé la route à plusieurs reprises :

            « Quand l’exposition « Images et Colonies » sera présentée en Afrique, toutes les images que nous avons visionnées deviendront une réalité pour les ex-colonisés qui ne les ont jamais vues. Tant que ces images, parfois oppressantes, voire violentes, n’auront pas été vues par ceux qu’elles étaient sensées montrer, il y aura un dialogue de sourds, car les ex-colonisés ne connaissent nos référents, ni ceux de nos parents.  » (C/91)

            Grâce à l’exposition, le fantasme colonial deviendra donc réalité, au même titre qu’on peut craindre que le discours mémoriel de ces chercheurs ne devienne réalité dans les banlieues.        

            Et avec de telles méthodes de diagnostic et de soins, on peut craindre, qu’à l’exemple des médecins de Molière, ils ne fassent crever le malade.

            Quant à la repentance, comment ne pas inviter ses promoteurs et défenseurs à méditer sur le sort des filles repenties de l’ancien régime, lesquelles trouvaient quelquefois le secours de refuges religieux ?

            Dans un tel contexte, repentance ou non, révisionnisme ou non, de tels mots n’ont guère de sens, sauf à nous faire revenir dans les temps de l’histoire chrétienne ou totalitaire, du monde communiste en particulier.

            Mais il faut garder la République française à l’abri de ces discours mémoriels qui propagent tout simplement leur supercherie, au risque effectivement de voir cette supercherie s’autoréaliser en mythe explosif.

            Au fur et à mesure de ces lectures rébarbatives, je me suis souvent demandé quel pouvait être le but de ces chercheurs. Erreurs de jeunesse ? Mais ils ne sont plus à l’âge de la puberté ou de la nubilité ! Vertige d’une médiatisation surprenante et réussie, grâce à l’exploitation du filon méconnu de beaucoup d’images coloniales, souvent belles ? Ou dénigrement conscient ou inconscient de la France, au risque, par leurs travaux mal fondés, de porter atteinte à l’unité de la République, et donc de fournir des arguments pseudo-scientifiques aux revendications des partisans de la disparition de la France