Humeur Tique: Les écarts de langage diplomatique de la France d’un ministre des Outre-mer à Caracas et d’un ambassadeur à Madagascar!

   A Caracas, un ministre de la République Française tient un discours de louanges mal à propos à l’endroit de celui, qui même décédé, fut bien un dictateur ! La Guadeloupe va donc demander son intégration au Venezuela, en qualité d’un nouvel  Outre-Mer d’Amérique du Sud ?

            A Madagascar, un ambassadeur de la même République Française, se croit autorisé à commenter publiquement le processus électoral qui va permettre à ce pays de renouer avec la démocratie, et à donner le satisfecit  de la France au processus ainsi engagé.

            Une fois de plus, la France fait de l’ingérence !

            Au crédit toutefois de l’ambassadeur, un tel écart de langage diplomatique est mis au service  d’un retour à la démocratie après une période de « dictature au petit pied ».

            Décidément, la France a beaucoup de peine à abandonner ses mauvaises habitudes d’ancienne puissance coloniale !

Humeur Tique : Quel avenir pour Mayotte ?

      Le blog du   1er décembre 2012  a fait écho à un article intéressant de la revue très sérieuse  « Hérodote » sur la situation inquiétante du nouveau département de Mayotte.

            Cette situation a déjà été évoquée à plusieurs reprises sur ce même blog, mais le journal Le Monde vient de publier à la rubrique EVENEMENT, page 2 et 3 du numéro du 28 décembre 2012 des reportages bien documentés, intitulés « Catastrophe migratoire à Mayotte » Les mineurs étrangers isolés, une « bombe à retardement » « En rétention, la machine à expulser bat son plein ».

            Mais sans rappeler que la décision de la France a été prise en contradiction avec de nombreuses résolutions anciennes de l’ONU. En 1977, la France, en sa qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité, a mis son veto à son inscription à l’ordre du jour !

            Il convient de rappeler que la République des Comores considère que Mayotte fait toujours partie de son domaine de compétence, parce qu’il fait effectivement partie de l’archipel des Comores.

            Le reportage donne le chiffre d’environ 3 500 mineurs jeunes isolés, c’est-à-dire « étrangers », alors que la revue Hérodote en donnait environ 8 000.

            Le grand journal de référence nous livre enfin une vérité crue sur ce dossier quasiment insoluble que les gouvernements précédents n’ont pas eu le courage de régler autrement, qu’en accordant un statut départemental tout à fait démagogique, à l’aune de la plupart des décisions et aventures coloniales anciennes !

A la vérité, une connerie de type colonial, à l’exemple de beaucoup d’autres, sous la  3ème ou 4ème République !

Mayotte sous le regard de la revue Hérodote, une impasse?

Océan Indien et Mayotte sous le regard de la Revue Hérodote (2012/2 – numéro 144)

« Existe-t-il un risque de vide stratégique dans l’Océan Indien ? »

« Géopolitiques mahoraise et réunionnaise : de la crise actuelle à un état des lieux régional » (Sophie Moreau et Aurélien Marszek)

Entre Mayotte et France, malentendu et impasse ?

            Tout d’abord, deux remarques sur la contribution relative à « un risque  de vide stratégique », la première avec la question pour qui, un tel vide stratégique, et la deuxième quant à l’affirmation qui concerne la situation de Madagascar « La répression sanglante exercée par le pouvoir affairiste de Marc Ravalomanana a suscité une mutinerie de l’armée, qui l’a déposé en mars 2009 »

            Un raccourci un peu rapide pour décrire la mise à l’écart du « toujours » président de la Grande Ile, et vraisemblablement une erreur d’interprétation, compte tenu des révélations d’un  des acteurs principaux de la venue au pouvoir de l’actuel président de la transition, grâce à un véritable coup d’Etat..

            Comment ne pas noter qu’en cas de résolution démocratique de cette grave crise, Madagascar pourrait jouer un rôle dans ce « vide stratégique », beaucoup mieux sans doute que le département de La Réunion ?

            Quant à Mayotte, nous avons déjà abordé la problématique de cette petite île sur ce blog, mais il nous parait utile d’y revenir avec l’éclairage sans complaisance des deux chercheurs cités ci-dessus sous l’ombrelle de la sérieuse et ancienne revue Hérodote.

            L’état des lieux effectué :

            Une résolution de l’ONU n° 3385 du 12 novembre 1975 a reconnu que Mayotte faisait partie de l’archipel des Comores.

            En 2007, une commission franco-comorienne a été mise en place « afin définir les modalités d’un rapprochement entre Mayotte et le reste de l’archipel » dont on ne connait pas les résultats.

            Il existe donc un bel imbroglio sur le plan international puisque que la France a accordé le statut de département français à Mayotte !

            Comme beaucoup d’observateurs, les deux chercheurs font le constat que l’immigration clandestine est très importante, de l’ordre de 30% de la population, et qu’au cours de la dernière crise – une information tout à fait intéressante – elle a été manipulée tout à la fois par les immigrés clandestins venus d’Anjouan et par les Mahorais eux-mêmes pour alimenter le cours de la crise :

            « Cette utilisation quasi hypocrite des immigrés clandestins, décriés mais tolérés et utilisés par ces mêmes mahorais qui les considèrent comme de véritables esclaves, est une donnée majeure de cette crise. En s’agitant, les Anjouanais servent indirectement les intérêts des Mahorais. » (page 152)

            La même analyse relève que 80% de la population a moins de vingt- cinq ans, avec de l’ordre de 8 à 10 000 mineurs isolés, enfants d’Anjouanais refoulés, lesquels ont joué un rôle important dans cette crise.

            De même qu’elle note les problèmes nouveaux que l’immigration comorienne ou mahoraise crée aujourd’hui dans l’île même de la Réunion :

            «  A la Réunion, le Comorien ou le Mahorais est désormais perçu comme le bouc émissaire idéal pour tous ceux qui voient en lui une menace en termes de délinquance de voie publique (cambriolages multiples et, en hausse, constante, agressions sexuelles), non sans fondement factuel, mais également pour les responsables politiques en manque de propositions politiques » (page 156)

            Des flux d’immigration clandestine qui ne risquent pas de s’arrêter, compte tenu de la proximité et de la perméabilité de Mayotte, île musulmane, à toutes les influences d’îles ou côtes de la même religion les plus proches.

            Avec un courage certain les deux chercheurs posent la question de fond quant au choix qu’a fait la France d’accorder le statut de département à cette petite île :

            « On peut dans ce contexte, s’interroger sur les raisons de la départementalisation de Mayotte dans la mesure où son intérêt géostratégique pour la France ne semble plus vraiment exister. La départementalisation est-elle la simple conséquence d’une promesse électorale de longue date ou y-a-t-il un intérêt politique ou économique pour l’Etat français ? » (page 159)

            Du pétrole ?  Pourquoi pas ? Mais est-ce que les Français ont véritablement été appelés à se prononcer sur cette décision, et auraient pris le risque de s’embarquer dans une nouvelle aventure de type « colonial », pour du pétrole ?

            Un vrai labyrinthe ! Une fois de plus, notre pays, pour de sottes raisons de grandeur, s’est engagé dans le labyrinthe maritime mahorais sans en connaître toutes les conséquences, et le gouvernement aurait été mieux inspiré en laissant à Mayotte son statut de territoire d’outre- mer, car telle était la ligne diplomatique bien inspirée du Quai d’Orsay.

            Et je vous avouerai qu’une fois de plus je me demande si nos gouvernements ne sont pas devenus inconscients ou fous, en engageant la France dans des aventures qui ressemblent étrangement à toutes les aventures coloniales de la Troisième République, lesquelles ont mis du temps, beaucoup de temps, à se dénouer plus ou moins bien avec la décolonisation.

Jean Pierre Renaud

« Les tabous de l’outre-mer français » Suite N°1- la folie ou les folies de la République Française et de ses gouvernements!

« Les tabous de l’outre-mer français »

Suite N°1 de la chronique du 29 octobre 2012 sur ce même blog

La ou les folies de la République Française !

Et de ses gouvernements !

            Dans le journal le Monde du 8 novembre 2012, page 21, sous le titre

« Outre-mer : le coût de la niche fiscale sur les logements a explosé en 2012

65% des bénéficiaires du dispositif se situent parmi le 1% des Français les plus riches. » :

            « … Ceux-là en retirent un avantage moyen de 38 656 euros »

            Et par ailleurs, « de 25 à 34 millions d’euros seraient captés chaque année par les cabinets de conseil en défiscalisation »

            Indiquons que cet avantage fiscal tout à fait exorbitant, cette « niche » a pour but d’accroître le parc du logement social outre-mer, mais il fallait faire autrement !

            Coût estimé de la « niche » : de l’ordre de 260 millions d’euros !

Les tabous de l’outre-mer français, en métropole et en outre-mer

  Il est tout de même surprenant de voir des groupes de pression puissants aux intérêts antagonistes faire alliance pour faire silence sur les tabous qui empoisonnent les relations entre la métropole et l’outre-mer français.

Sur un versant, les groupes de pression  qui surfent sur une mauvaise conscience française qui existerait effectivement quant au rôle passé de la France dans l’esclavage par exemple, en omettant de dire que c’est la France qui a aboli l’esclavage en Afrique ou à Madagascar, ou en reprochant à la métropole de ne pas faire une place démocratique légitime à une communauté visible, en quête tout autant d’invisibilité, de groupes de pression toujours en verve de dénonciation d’abus et de revendication d’assistance toujours plus grande de la métropole.

Sur l’autre versant, les groupes de pression politiques ou économiques qui n’ont pas l’intention  d’abandonner leurs rentes politiques et économiques outre-mer, une complicité publique ou cachée entre grands élus d’outre-mer et de métropole, la défense active de privilèges économiques d’un certain capitalisme de type « colonial », des privilèges qui profitent tout autant à beaucoup d’habitants d’outre-mer, anciens ou récents, notamment les fonctionnaires (indexation de traitements et des retraites et congés bonifiés).

Pour ne pas citer le dossier des niches fiscales encore récemment dénoncé dans un rapport d’inspection générale, un véritable scandale à plusieurs milliards d’euros.

Pourquoi ce silence complice, ces tabous qui empoisonnent les relations entre l’outre-mer et la métropole ? Favorisé incontestablement par le désintérêt de l’opinion publique pour ce type de dossier.

Si vous analysez les chiffres de la représentation politique de l’outre-mer, vous constaterez qu’au nombre d’habitants, l’outre-mer est surreprésenté : en métropole, il faut plus du double d’électeurs pour être élu sénateur ou député, et quelques îles ne comptant que quelques milliers d’électeurs ont réussi à obtenir tel ou tel poste de sénateur ou de député.

En outre-mer, il faut de l’ordre de 67.000 voix pour être élu député, alors qu’en métropole, il en faut de l’ordre de 112.000.

La population d’outre-mer représente 2,84% de celle de la France (y compris outre-mer), alors que sa représentation est respectivement, à la Chambre, de 4,8%, et au Sénat de 6%.

Le gouvernement actuel compte 2 ministres de l’outre-mer sur 38, soit un pourcentage de l’ordre de 5%, alors que sa population représente moins de 3% de sa population, et si l’on parle diversité, cette dernière compterait 7 ministres.

Il parait donc difficile d’affirmer que l’outre-mer souffre d’un défaut de représentation, et qu’au niveau national la diversité n’y ait pas sa place, dans un système politique de discrimination positive qui ne dit pas son nom.

Que de milliards à la clé ! Des milliards qui auraient pu être mis à la disposition d’un fonds de développement social et économique de l’outre-mer, et qui auraient changé la donne dans la vie de ces territoires, à la condition aussi que les élus des deux rives aient le courage de prendre leurs responsabilités, c’est-à-dire de considérer que leur avenir n’est pas obligatoirement lié exclusivement à la métropole.

Les chiffres de la représentation politique de l’outre-mer au Parlement et au gouvernement montrent clairement qu’il revient à ses représentants d’assumer leurs responsabilités, c’est-à-dire, faire tomber tous les tabous qui empoisonnent les relations entre la métropole et l’outre-mer.

L’outre-mer peut devenir un chaudron si le gouvernement et le parlement ne prennent pas leurs responsabilités, et le fait que l’outre-mer y soit plutôt bien représenté, pour ne pas dire surreprésenté, donne l’occasion de donner une nouvelle orientation aux relations entre outre-mer et métropole.

Un chaudron potentiel dans au moins deux départements (Guyane et Mayotte) où les flux d’immigration clandestine mettront en cause, et de façon inévitable, les conditions d’accès à la nationalité française, ce qui veut dire en clair le droit du sol.

Cartes sur tables pour l’ensemble de ce dossier sensible, ce qui veut dire la création d’une commission parlementaire chargée de faire l’inventaire de ces relations et de proposer les réformes nécessaires.

A la condition que cette commission n’enterre pas les résultats de ses travaux comme cela a été le cas pour le dossier de la bi-nationalité.

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: L’outre-mer au pouvoir, de la parole aux actes?

    Trois ministres sur trente-quatre, plus un, à moitié, au titre de l’outre-mer, ça n’est déjà pas si mal !

            La véritable question qui se pose, notamment pour les deux ministres qui occupent des postes importants dans le gouvernement Ayrault,  Justice et Outre-Mer, est celle de savoir s’ils auront le courage politique de revoir complètement les relations entre la métropole et l’outre-mer.

            Dans le passé, en Guyane, Madame Taubira penchait pour l’autonomie. En Guadeloupe, Monsieur Lurel s’est prononcé en 2009 pour une « évolution à la carte » dans le cadre français. Et discrètement, la compagne de M. Montebourg a eu l’occasion de se prononcer pour l’indépendance de la Martinique (voir Respect Mag N° 31).

            Son ministre-compagnon va-t-il aussi assumer la responsabilité d’un « redressement » des relations entre la métropole et l’outre-mer ?

            Le moment ne serait-il pas venu de passer le cap de la dépendance, ou de l’assistance, au choix, pour assumer enfin les responsabilités d’une destinée qui ne peut plus se contenter d’être à la remorque de la métropole ?

Humeur Tique: avenir de l’outre-mer français et niches fiscales

Humeur Tique : le dernier rapport de la Cour des Comptes, la niche fiscale Girardin, et l’avenir de l’outre-mer

La Cour des comptes propose la suppression de cette niche fiscale dont les effets ne sont pas du tout concluants, et dont le coût pour le contribuable est de 1,3 milliard euros en 2011.

Cette proposition est à la fois légitime et opportune, mais elle soulève le véritable problème de l’avenir de l’outre-mer français que, ni le gouvernement central, ni les gouvernements locaux des régions ou des départements, n’ont le courage de regarder en face.

Les dernières révoltes, à Mayotte, et à La Réunion, ne paraissent pas avoir fait beaucoup avancer les choses sur le fond, c’est-à-dire :

1-   Pourquoi ne pas remédier à une auto-suffisance alimentaire défaillante, en développant les productions locales et en supprimant les rentes sociales et économiques qui y ont prospéré ?

2-   Il faut cesser de croire que le développement économique de ces territoires doit toujours passer par le marché métropolitain, au lieu des marchés régionaux qui sont propres à chacun de ces territoires.

3-   Il faut mettre fin à certaines rentes de situation, aussi bien dans la distribution que dans la fonction publique active ou retraitée, et à ce dernier égard, les économies réalisées pourraient être affectées dans un fonds de développement économique régional.

4-   Et pourquoi ne pas le dire ? Trop d’acteurs des politiques de l’outre-mer restent beaucoup trop et plus attachés aux liens traditionnels d’assistance de la métropole qu’à ceux nouveaux, d’une autonomie réelle et responsable.

Madagascar et Indépendance? « L’Afrique noire française » « L’heure des indépendances » « L’indépendance de Madagascar »

« L’Afrique noire française »

« L’heure des indépendances »

Lecture

Volet 2

5°partie : L’Océan Indien et l’indépendance de Madagascar

Ou comment on écrit l’histoire !

La contribution du Colloque intitulée « Les Tananariviens face à la proclamation de l’indépendance » (page 637 à 665) est fondée sur deux postulats historiques, non encore démontrés:

 1) que la capitale était représentative des réactions malgaches de l’ensemble de l’île à l’indépendance,

2) et que l’indépendance de l’année 1960  était étrangère aux « événements », à la « rébellion », ou à l’« insurrection » de 1947, ou plutôt à l’action du MDRM (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache), justement soulignée, à ce même colloque, par un de ses éminents représentants, M.Rabemananjara, ancien député à l’Assemblée Nationale (française).

Quelques observations sur le premier point : l’historienne évoque rapidement le retour des trois députés, Raseta, Ravohangy, et Rabemanjara, mais passe donc  quasiment sous silence leur rôle politique, avant 1947.

Pour le reste, pas grand-chose à dire sur l’histoire racontée des fêtes de l’indépendance, organisées par le régime du président Tsiranana, renversé en 1972.

L’historienne écrit :

« Mais les Tananariviens ne considèrent pas ce dernier comme le père de l’indépendance (il s’agit de Tsiranana). Et ils ne se laissent pas tromper : officiellement, Madagascar est souverain, mais les accords de coopération avec l’ancienne puissance colonisatrice sont signés tout de suite après la proclamation du nouveau statut. Pour la capitale, commence une période d’opposition au régime néocolonial, longue de douze ans. Le régime de Tsiranana tombe finalement sous le coup de grèves d’étudiants et d’élèves qui cristallisent le rejet des structures néocoloniales. Ces grèves touchent plusieurs villes de Madagascar, précédées par les manifestations du Sud, mais ce sont les manifestations du 13 mai 1972, devant l’hôtel de ville de Tananarive, qui donnent le coup de grâce à un régime moribond. Tananarive, comme d’autres capitales, fait et défait des régimes. » (page 663)

L’historienne pensait à Paris ?

Dommage qu’elle n’ait pas été plus prolixe sur la nature des structures néocoloniales qui empêchaient Madagascar d’être vraiment un pays indépendant, mais la critique de fond viendrait plutôt du témoignage de l’ancien député Rabemananjara, un témoignage fort intéressant de la part d’un des premiers artisans de l’indépendance malgache, un des trois véritables pères de l’indépendance..

Le témoignage fort intéressant de M.Rabemananjara :

L’ancien député reproche à l’historienne d’avoir fait une impasse sur le rôle et l’histoire du MDRM, qui fut effectivement un grand parti à Madagascar :

« L’on comprend donc que Tsiranana ait voulu occulter la vérité. Mais que les historiens fassent une impasse sur le MDRM, moi, je l’avoue, je ne le comprends vraiment plus. C’est comme si pour l’indépendance de la Côte-d’Ivoire, vous alliez faire une impasse sur le rôle du RDA. Vous allez parler d’Houphouët-Boigny ; mais vous vous abstenez de parler du RDA. Cela ne vous paraît un peu bizarre ?

Si j’insiste sur cette omission, ce n’est pas uniquement par souci d’éclairer des points d’histoire. Car, voyez-vous, quand on évoque ces événements, je choisis le mot événement, étant donné que c’est beaucoup plus neutre que le mot rébellion, que le mot insurrection. J’y reviendrai tout à l’heure.

Qui était au centre de toutes ces questions d’indépendance de Madagascar ? Nul doute, c’est le MDRM. Ici, j’attire l’attention de vous autres, les historiens, sur l’importance et sur la gravité du fameux télégramme de Marius Moutet, ministre des Colonies. Pour bien en mesurer le poids, il faut se rappeler que la France était sous un gouvernement tripartite : Paul Ramadier, Président du Conseil, était socialiste, comme Marius Moutet, Maurice Thorez, ministre d’Erat, vice-président du Conseil, était communiste, et Pierre-Henri Teitgen, garde des Sceaux, était MRP. Ces hommes se vantent d’appartenir à un Etat de droit, et ils sont d’accord pour permettre à Marius Moutet d’adresser au gouverneur général de Madagascar, le télégramme que voici :

« Abattre le MDRM par tous les moyens ».

 Vous rendez-vous  compte de la portée d’une telle décision ? Abattre le MDRM par tous les moyens. On abat les chiens enragés. On abat les sangliers. Sans qu’il y ait eu le moindre jugement, le MDRM est condamné sans appel. Un gouverneur général recevant un tel ordre de son ministre, de son gouvernement, que va-t-il faire ? Il ne cherche pas à savoir si le MDRM est coupable ou non ? Il exécute la consigne L’inqualifiable curée commence

Ces considérations vous amènent à croire que nous n’avons jamais donné l’ordre de cette fameuse rébellion et que nous n’en avons jamais conçu l’idée, ni élaboré le plan…. J’apporte ces précisions pour vous permettre d’avoir une idée plus claire de ce qu’il est commode d’appeler la rébellion malgache…

Je voudrais profiter de cette occasion pour rendre un hommage solennel à l’Assemblée nationale française ; jamais, elle n’a accepté de nous défaire de notre mandat, si bien que, pendant les années où nous croupissions en prison, dans les débats parus au Journal officiel de l’Assemblée nationale ; quand il y avait vote, vous pouviez lire : « Raseta, Ravohangy, Rabemananjara, empêchés ». Nous étions dans la geôle colonialiste et l’Assemblée nationale reconnaissait notre totale innocence. » (page725)

.Qu’ajouter de plus à ce témoignage pour l’histoire d’un des trois pères de l’indépendance malgache ?

Pour mieux comprendre ce qui s’est passé dans la grande île dans les années 1945, 1946, et 1947, les lecteurs intéressés pourront se reporter, entre autres, aux ouvrages de Pierre Boiteau, « Contribution à l’histoire de la nation malgache » (1958), et de Jacques Tronchon, « L’insurrection de 1947 » (1986). Et sans doute aussi à des travaux d’historiens malgaches.

En ce qui concerne le ministre Moutet, Jean-Pierre Gratien, propose, sur le même sujet, un éclairage historique dans un livre récent « Marius Moutet, un socialiste à l’Outre-Mer »

A partir de ces sources, il est possible de faire plusieurs commentaires :

A la fin de la deuxième guerre mondiale, la situation internationale, ainsi que celles de la France, en pleine reconstruction, ainsi que celle de Madagascar, affaiblie par la misère, était plus que trouble, mais il faut reconnaître que les gouvernements français des années 1945-1947, n’ont pas fait preuve d’un grand discernement dans la gestion des crises coloniales, pour ne pas dire plus.

Avec le recul des années, mais mon appréciation personnelle est déjà ancienne, le rôle et les décisions des gouvernements français de l’époque, ceux Provisoires de la République Française, et ceux de la 4°République, à compter du 22 janvier 1947,  dont la composition politique était tripartite (SFIO, MRP, et PC), paraissent tout à fait incompréhensibles, sans bon sens politique, en pleine contradiction avec l’esprit de liberté qui avait animé les mouvements de Résistance.

 Je vous avouerai que je n’ai toujours pas compris l’aveuglement, pour ne pas dire la bêtise, des décisions de politique coloniale prises par les gouvernements des années 1945, 1946, 1947 (Gouin, Bidault, Blum et Ramadier), en particulier celui de Ramadier, l’artisan et le responsable de la répression de 1947, alors que leur composition politique n’était pourtant pas réputée conservatrice.

Rappelons à ceux qui l’auraient oublié  que le la gauche était majoritaire dans ces gouvernements, la SFIO et le PC étaient les alliés du MRP

Leur aveuglement soulève la question de fond qu’il faut d’ailleurs poser quant à la politique coloniale de la France, tout au long de la période coloniale : qui prenait vraiment les décisions ? A Paris, ou dans les colonies ?

Mais dans le cas de Madagascar, la réponse semble assez claire : le ministre socialiste Moutet, ancien du Front Populaire, fut l’artisan de la répression coloniale tout au long des années 1946 et 1947 : il fut ministre de la France d’Outre- Mer, sans discontinuer, du 26 janvier 1946 au 19 novembre 1947.

L’instruction dont fait état M.Rabemanjara « Il faut abattre le MDRM par tous les moyens » est confirmée dans le livre Boiteau, et trouve sa source dans le témoignage de M.Boudry, un haut fonctionnaire des Finances qui fut le Secrétaire Général provisoire de la colonie en 1946. Il fut relevé de ses fonctions pour avoir refusé d’appliquer les instructions Moutet.

A noter que le même Boudry fut l’ami du grand poète Rabearivelo, sur lequel nous reviendrons ultérieurement grâce à son témoignage.

Moutet accusait le MDRM d’être « séparatiste », « nationaliste », et enfourchait la thèse classique de l’idéologie coloniale, celle d’une mythologie « hova », l’aristocratie « dominatrice » des plateaux, qu’il fallait combattre, et dont l’origine remontait au proconsulat Gallieni.

Il est tout de même curieux de voir que la France, avec Gallieni, fit tout pour détruire les éléments « naissants » d’un Etat de type centralisé, animé par la monarchie « hova », un Etat embryonnaire qui évoluait vers la modernité. Il n’est pas inutile de rappeler qu’il y avait, en 1895, sans doute, moins d’illettrés sur les plateaux de l’Imerina que dans notre belle Bretagne.

La doctrine Gallieni ne fut pas celle de Lyautey en Indochine et au Maroc, mais le général Gallieni eut à faire face à une révolte importante, et s’il fit prendre alors un mauvais « pli » à la colonisation française, ses autres « plis » de proconsul ne furent pas tous négatifs. Il ne faut pas non plus oublier que Gallieni était un républicain laïc convaincu.

Et pour revenir à Moutet, ce dernier mit effectivement tout en œuvre, illégalités comprises, pour abattre le MDRM, et mettre fin à l’insurrection, quel qu’en soit le prix.

Et pour la petite histoire et grande histoire, il n’est pas inutile de rappeler que Gaston Defferre, celui de la loi émancipatrice de 1956 sur les colonies, bref Sous-Secrétaire d’Etat à la France d’Outre-Mer dans un cabinet Blum (16/12/46 à 22/1/47) accomplit une mission d’information dans la grande île au terme de laquelle il recommanda l’envoi urgent de renforts militaires.

La gauche restait donc fidèle à la politique engagée par Jules Ferry, alors que le monde avait changé, et cette fidélité avait toutes les caractéristiques de la bêtise.

Moutet nomma son ami de Coppet Gouverneur général de Madagascar, lequel appliqua les instructions de son ami ministre. De Coppet fut très mal accueilli à son arrivée à Tananarive, le 19 mai 1946, à la fois par les malgaches et par les français qui résidaient dans l’île, hostiles aux socialistes.

De Coppet fut assez rapidement relevé de ses fonctions, alors qu’il avait conclu à la nécessité d’engager le processus de l’indépendance de Madagascar.

En ce qui concerne les forces en présence, il n’est pas interdit de se poser la question du rôle de ceux qu’on appelle communément les « colons », dont le poids n’était pas négligeable dans la grande île , à la différence d’autres colonies, et de celui de la société coloniale de la grande île et du groupe de pression de la petite île de La Réunion, qui fut à l’origine de la colonisation de Madagascar, et qui continuait à avoir du poids politique.

Il est tout de même étrange que la thèse coloniale du dualisme entre côtiers et merinas des plateaux ait en fait servi (provisoirement) les intérêts des colons qui s’étaient implantés dans les concessions côtières.

 Qui commandait réellement à Tananarive dans les années considérées ?

Enfin, et pour citer un historien colonial à la fois compétent et réputé, Henri Brunschwig, dans le livre « La colonisation française », publié en 1949, c’est-à-dire encore  « à chaud » de ces événements, prit incontestablement un risque historique en écrivant :

 « Le MDRM semble avoir fomenté l’insurrection qui éclata brusquement dans la nuit  du 29 au 30 mars dans la falaise de la côte est. » (page 225)

Tout en rectifiant le tir dans le paragraphe suivant :

« Il n’est pas encore possible de faire une étude objective de la révolte. »

Jean Pierre Renaud

                    Les caractères gras sont de ma responsabilité

Madagascar: comprenez-vous les vraies raisons des malheurs de Madagascar? En contrepoint français! Sans Fady! Sans Tabou! (Suite)

L’honnêteté intellectuelle d’un citoyen français le conduit tout naturellement à s’interroger sur la politique de la France à l’égard de la Grande Ile, après le coup d’état du président de la Hat actuelle, qui demeure un coup d’état!
Je ne suis pas sûr du tout, qu’elle soit claire dans ses objectifs, et qu’elle soit toujours servie par de bons truchements, notamment dans le domaine parlementaire. Et il y aurait sans doute beaucoup à dire sur les truchements, à partir de ceux, des femmes, de la côte orientale de l’Ile, au temps du roi Radama I, et partout dans le monde, et jusqu’à l’époque moderne. 
Le problème est, qu’avec une toujours belle continuité, tout au long des trois Républiques, Troisième, Quatrième, et aujourd’hui Cinquième, la politique de l’Outre Mer a souvent été celle du fait accompli.
Le peuple français n’a jamais été un peuple colonial, en dépit de ce que certains racontent, et son histoire coloniale ne l’a jamais vraiment intéressé. L’immense majorité des citoyens français  ignore presque tout de Madagascar, à part peut-être ses lémuriens!  Je mets au défi quiconque de démontrer, sérieusement,  le contraire.
Une petite anecdote, qui n’est pas nécessairement représentative, au cours d’un voyage récent, je fus tout à fait surpris d’entendre; à l’aréoport d’Antananarivo, deux touristes français de la quarantaine d’âge, s’étonner d’y entendre parler français.