2020-1900 : Colonialisme de la Chine au lieu de colonialisme de l’Occident

 A la fin du XIXème siècle, l’idée de subventionner le développement des pays colonisés était hors de question.

Les Anglais et les Français entre autres avaient mis en œuvre le principe de « Aides toi toi-même », en accordant des prêts qui leur donnaient la possibilité de contrôler les échanges économiques des pays tenus en laisse financière par leurs emprunts et par les garanties qu’ils étaient tenus de donner pour contracter leurs prêts.

A cette période là, c’est sans doute dans une Chine, très convoitée, que prospéra ce système, aboutissant à confier le contrôle de ses douanes aux puissances occidentales, un contrôle allant jusqu’à pouvoir disposer de flottes de contrôle militaire sur les fleuves et mers de Chine.

Cette forme de colonialisme eut beaucoup de succès dans un certain nombre de territoires, notamment en Egypte disputée entre Français et Anglais, et au Maroc, le système de prêts permettant en plus de faire « profiter » de la nouvelle manne.les entourages des pouvoirs en place

La Chine de 2020 n’a donc rien inventé et chausse tout simplement des pratiques colonialistes séculaires qui ont fait leurs preuves. Il est évident que l’impérialisme chinois tisse sa toile de domination comme le faisaient des prédécesseurs aujourd’hui honnis.

Le Figaro Economie du 17 août 2020 titre un article « L’Afrique dans le piège de la dette », ce qui veut dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, sauf que depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, les pays occidentaux ont inauguré de nouvelles politiques d’aide au développement : à titre d’exemple et avec le FIDES, la France a mis en place un système d’aide financière constitué de prêts à faible taux d’intérêt et de subventions pures et simples.   

De 1945 à 1962, et au fur et à mesure des années, la part des subventions est allée jusqu’à 100%.

Jean Pierre Renaud    –  Tous droits réservés

« Leçons indiennes » Sanjay Subrahmanyam – Lecture critique – Deuxième partie

« Leçons indiennes »

« Itinéraires d’un historien »

« Delhi .Lisbonne. Paris. Los Angeles »

Sanjay Subrahmanyam

Lecture critique

&

Deuxième partie
Occident et Empire

            L’OCCIDENT – Leçon 2 « Retour vers le futur : pourquoi l’Occident domine le monde ? »

(pages 31 à 41)

             L’auteur a dans sa ligne de mire deux intellectuels Morris et Pomeranz.

           Le concept historique d’Occident est depuis longtemps un sujet de controverse, et l’auteur écrit :

           «  Les questions que pose Morris expose lui-même explicitement sont : 1) pourquoi « l’Occident » domine-t-il actuellement le monde ? 2) Combien de temps cette domination est-elle censée durer ? » (p,33)

         Un espace ou une idéologie ?

          Morris : « Il entend donc traiter de l’Occident et de l’Orient comme appellations géographiques, sans jugement de valeur – du moins à l’en croire » (p,35)

         Pomeranz : « Pomeranz ne se préoccupe non pas de l’Occident mais de l’Europe occidentale et même d’une région qu’il définit assez précisément »

        Morris « Comme contretype de ce matériau occidental, Morris a décidé de choisir un autre lieu. Son choix s’est tourné vers la Chine, (bien qu’on croie comprendre qu’il ne lit ni le chinois ni le japonais. » (p,36)

       « C’est la cueillette des cerises transposée à l’histoire, pour ne pas dire plus. » (p,37)

         « La mentalité binaire qui caractérise l’ouvrage tout entier. Mais depuis quand les historiens sont-ils effrayés par la complexité ? »

         Les appréciations de l’auteur sont violentes :

           « …une sorte de charabia …, pseudo-science naïve,… Il comporte un étalage d’érudition dont la fonction s’apparente aux poignées de confettis jetés en l’air pour distraire le spectateur pendant l’avancée du défilé… Peut- être est-ce vraiment une blague que nous joue un professeur érudit de grand talent qui a décidé de se métamorphoser, l’espace d’un instant, en un croisement de Nostradamus et de Bécassine. » (p,40)

         Fin de leçon : le lecteur partage le doute du professeur sur la nature et la définition relative de ce qu’est l’Occident, mais était-ce le seul but de la leçon ?

         UN EMPIRE ?

         Un autre sujet tout aussi sensible et polémique, celui de la signification historique du concept  d’empire, abordé par la Leçon 8 « Qu’est-ce qu’un Empire ? », un sujet très à la mode.

       En France, certaines écoles historiques n’ont-t-elles pas tendance à considérer que l’empire est avant tout un concept colonialiste ?

        En 1866, quoi de commun entre l’Empire du Brésil et l’Empire Ottoman ?

         L’auteur consacre sa réflexion au livre de John Darwin « Après Tamerlan » consacré à « l’histoire globale de l’empire depuis 1405 ». Il n’est pas interdit de se demander ce que l’auteur entend exactement par « empire ». John Darwin n’affronte pas cette question directement. Mais on peut y réfléchir en posant deux questions corollaires. En premier lieu, qu’est-ce qui n’est pas empire (et par conséquent exclu de cet ouvrage ) ? En second lieu, quels sont les autres termes qui vont de pair avec « empire », dans un de ces couples d’oppositions complémentaires dont les historiens et les spécialistes de sciences sociales raffolent, comme « empire » opposé à « Etat nation ? » (p,136)

      Le livre : «  Il met en avant trois vastes thèmes : l’évolution de la connexion globale vers la globalisation ; le rôle de l’Europe et des empires européens dans ces transformations de longue durée ; la « résilience » – peut-être faudrait-il dire le pouvoir résiduel – des Etats non-européens et des autres acteurs dans le processus.

       Ces thèmes sont à leur tour liés avec ce que John Darwin choisit d’appeler – « les quatre postulats de base » qui émergent rapidement dans l’ouvrage et sont les suivants :

  1.     la mutation historique produite par et à travers les empires après 1400 fut conjoncturelle et réversible, non pas linéaire, cumulative, et téléologique ;
  2.      dans ces six siècles, l’Europe doit constamment être replacée dans le plus vaste ensemble de l’Eurasie, afin d’échapper au piège de l’exception européenne ;
  3.       l’idée d’ « Europe » en elle-même doit être soumise à une constante interrogation pour distinguer ses diverses acceptions, comme « espace géographique, communauté socio-politique et programme culturel » ;
  4.       l’empire est une réalité largement répandue et pas uniquement une réalité européenne ; en fait, c’est « le mode par défaut d’organisation politique au long du plus clair de l’histoire », plutôt que «  le péché originel des peuples européens ». (p,136)

       « En quoi les trois premiers de ces quatre points sont-ils réellement des « postulats » – non des hypothèses ou des spéculations ? Ce n’est pas immédiatement évident. Toutefois, pris globalement, ils permettent de situer assez précisément John Darwin dans un  champ historiographique en tension : il n’est ni de ceux qui affichent une version triomphaliste de la mission universelle d’ l’Europe, ni le fervent partisan d’un certain style d’études postcoloniales. Ses interprétations ne se prêtent pas au politiquement correct. Pour autant, il ne succombe pas au radicalisme inverse du politiquement incorrect. Ce livre est en bref, une tentative de judicieux équilibre, ce qui peut évidemment susciter des ennemis de tous bords. » (p,137)

         Il est noté que l’histoire globale n’est pas nouvelle, voir Hérodote.

       « Reprenant au départ l’idée de « trois grandes zones de civilisation », à savoir la Chine, le monde islamique et l’Europe… (page 140

    … Rappelons que, dans « Une grande divergence » (2000 ; traduction française de 2010), Kenneth Pomeranz, spécialiste de la Chine, établit d’abord la quasi-équivalence, au XVIIIème siècle, entre les niveaux de développement socio-économique de l’Angleterre, berceau du décollage industriel européen, et ceux de la vallée du delta du Yangzi…Sa thèse n’a pas été sans provoquer de vives discussions…(p, 141)

      « … Nombre d’assertions et d’hypothèses stimulantes feront sans doute de ce livre, dans la prochaine décennie, un point de départ et de référence  pour des essais et des réflexions sur l’histoire globale… N’en demeurent pas moins quelques troublants problèmes conceptuels.

      Prenons, pour commencer, le terme « empire ». Nous l’avons vu, John Darwin ne se soucie guère de le définir, le considérant peut-être comme une notion qui relève du sens commun ou dont il suffirait de rechercher la définition dans l’Oxford English Dictionnary…

     De toute « évidence, les empires doivent être distingués d’autres formes politiques qui existent dans l’espace, comme les cités-Etats, les royaumes d’une pièce, ou les républiques ou les Etats-nations – dont certains ont en fait une assez courte histoire, même s’ils projettent encore leur ombre sur les débats actuels

      Au premier abord, c’est une question d’échelle, mais les choses ne sont pas si simples……

      Le raisonnement doit être explicité. L’empire implique une complexité politique, une diversité culturelle – le plus souvent, ethnique et linguistique – parmi les populations sujettes. La forme typique que prend cette complexité politique est une palette de dispositifs politiques et administratifs hétérogènes au travers de l’espace, s’accompagnant de phénomènes de souveraineté superposée. L’empire ottoman aux XVIème et XVIIème siècles en est un excellent exemple.…

       L’empire ici en vient à signifier diversité, tolérance et droit à la différence, à l’inverse de l’Etat-nation avec son penchant intrinsèque de l’homogénéité dans les domaines linguistique, religieux et autres… » (p,144,145)

       « Le problème, c’est que les empires peuvent être radicalement différents les uns des autres. Nous pouvons provisoirement en esquisser une vague classification pour la période postérieure à 1 400, même si c’est un peu à la manière de Borges :

  1.       Les empires qui pensent qu’ils sont des empires… Cette catégorie, la plus évidente, inclut les Ottomans, les Habsbourg, les Moghols, etc   …
  2.      Les Etats qui prétendent être des empires, bien qu’il y ait de bonnes raisons de douter du bien-fondé de leurs prétentions. Les danois au XVIIème siècle en sont un bon exemple, quelque peu obscur, mais sans doute peut-on aussi classer dans cette catégorie le Brésil du XIXème siècle.
  3.       Les empires qui nient être des empires. La Compagnie anglaise des Indes orientales vient immédiatement à l’esprit, comme la Compagnie hollandaise des Indes orientales, en certaines de ses incarnations. Si l’on accepte la classification de John Darwin, c’est là que devraient se retrouver les Etats Unis.
  4.       Le cas sur lesquels on n’arrive pas à trancher. Ainsi de l’Iran safaride ou de la Chine des Ming par opposition à la Chine des Qing. Autant de pouvoirs dont les traits impériaux semblent faiblement constitués.
  5.    Les empires continentaux d’un seul bloc, opposés aux empires avec des possessions séparées par de larges étendues d’eau.
  6.     Les empires constitués de petits territoires dispersés sur un vaste espace, comme l’empire portugais du XVI ème siècle.

       On voit maintenant la difficulté qu’il y a à manipuler la catégorie « empire » et la nécessité d’arriver à un accord qui prenne en compte cette difficulté plutôt que d’en nier l’existence. Il est vrai qu’«empire » est plus facile à manipuler que, par exemple, « globalisation », ou « modernité », en ceci qu’elle est beaucoup plus une abstraction et qu’à certains égards, elle est conjointement relativiste et universaliste. Ce qui complique un peu plus le problème, c’est qu’au XVème ou au XVIème siècle, l’entité qui était expressément opposée à l’empire était le royaume autonome (qui pouvait avoir ou ne pas avoir une base ethnique) alors qu’au XXème siècle, c’était l’Etat –nation (dont les citoyens avaient tous une  nationalité « commune ». (p,147)

          Je me suis beaucoup étendu sur les citations de l’auteur, ses raisonnements, ses définitions, sa classification, ses réflexions stimulantes, mais à dire la vérité, j’éprouve une certaine déception à ne pas y avoir trouvé de réponse au classement qui pourrait être proposé pour les empires coloniaux des 19 et 20ème siècles, sauf à dire qu’implicitement ils rentrent dans telle ou telle catégorie proposée, alors qu’il d’agit d’un sujet qui parait être encore un objet de vives controverses dans certains milieux de chercheurs.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Les « Printemps Arabes »? Entre Islam, Démocratie,Démographie… Quelle leçon pour la France?

Les «  Printemps Arabes » ? Entre Islam, Démocratie, Démographie, Technologie, et Occident : la continuité de l’ethnocentrisme ? 

Quelle leçon pour la France ?

         Le bouillonnement du monde musulman n’est pas récent, mais pendant des dizaines d’années, des régimes dictatoriaux avaient réussi à masquer cette évolution.

         L’explosion des « Printemps Arabes » est le résultat d’un ensemble de facteurs, avec sans doute, et en tout premier lieu, la croissance exponentielle de la démographie (1), et d’une jeunesse qui ne trouve pas d’emploi, donc  une jeunesse en « vacances », qui parallèlement, et naturellement, s’est entichée des nouvelles technologies..

         L’expansion des nouvelles technologies, la télévision, l’internet, le téléphone portable, a  en effet complètement bouleversé les conditions d’information et de relations, et donc de mobilisation potentielle des citoyens de ces pays.

          On l’a vu successivement en Tunisie, en Lybie, et en Egypte,

         Les médias occidentaux, et une partie de leurs élites, se sont extasiés devant ce qu’ils ont interprété comme un mouvement de démocratisation des pays musulmans, et comme la preuve que la démocratie pouvait faire bon ménage avec l’Islam.

         Les événements récents montrent que rien n’est encore véritablement joué sur ce terrain qui nous est familier, mais il faut laisser du temps au temps pour apprécier les résultats de ces nouvelles révolutions musulmanes.

         La leçon française immédiate qu’il serait possible d’en tirer serait celle d’une meilleure connaissance des composantes et des courants de l’Islam, notamment entre le sunnisme et le chiisme, des tensions qui les opposent, pour ne pas citer leurs guerres fratricides actuelles.

         Cette leçon n’est pas du tout anodine, alors que l’Islam est devenu en trente ans la deuxième religion de la France.

Jean Pierre Renaud

(1) Voir mon analyse du livre de Gaston Bouthoul « La surpopulation » (1964) sur le blog du 12 juillet 2011

Humeur Tique: Les « Printemps Arabes » des Occidentaux, ou un orientalisme très « tendance »!

  Les révoltes qui ont embrasé successivement plusieurs pays arabes ont enthousiasmé les beaux esprits de nos pays, avec en tête, le nouveau prophète BHL.

            L’attitude, ainsi que les positions, et les initiatives prises par les gouvernements, les médias, et une partie de l’élite pour encourager et soutenir ces révolutions appellent beaucoup d’interrogations, sur au moins deux plans :

Quant à la connaissance de l’histoire et de la culture de ces pays, et d’abord l’ignorance de l’Islam, de ses composantes, et de ses tensions permanentes, tout autant que des entités ethniques, culturelles, religieuses, multiples, qui font de tous ces pays une mosaïque souvent très instable.

            Quant aux résultats ! Comme diraient les militaires !

Plusieurs dictatures ont disparu, mais au profit de qui ? Les nouveaux régimes qui se sont mis en place avec beaucoup de difficultés sont des régimes au sein desquels la démocratie a de la peine à vivre, avec le retour ou le renforcement de la charia, la loi islamique, sous la menace permanente des extrémistes, qu’il, s’agisse des salafistes en Tunisie, en Egypte, ou en Syrie, ou des pasdarans en Iran.

            Chaque jour apporte son lot de désillusion, « la disgrâce des « Guignols » tunisiens » (Le Figaro du 27/08/12) , pour ne pas parler de l’agression d’un élu socialiste à Bizerte, de son épouse et de sa fille, par des salafistes dans une ville où le Maire de Paris aurait une résidence, ou encore de la destruction de mausolées musulmans en Libye…

            Pourquoi l’expression « un orientalisme très « tendance » ?

Le mot orientalisme a reçu des significations très diverses selon les époques et les auteurs, mais on pourrait dire en raccourci qu’il s’agit des visions et des représentations qu’a eues l’Occident de l’Orient dans les siècles passés, pour ne pas dire une construction souvent artificielle de l’Orient.