Le 10 janvier 2011, j’avais publié une réaction mitigée sur un film de Nicole Garcia, intitulé « Un balcon sur la mer », film dont le ressort était la nostalgie bien légitime de leurs héros pour leur Algérie Française, celle d’Oran.
J’avais relevé que la période de ma vie que fut la guerre d’Algérie dans la vallée de la Soummam, en qualité d’officier du contingent, ressemblait plus à l’Oran de « La Peste » qu’à celle de ce film.
Cet été, je suis tombé par hasard sur un magazine du Parisien, daté du 26 juillet 2013, qui contenait un long reportage sur une famille algérienne, binationale, qui partait, comme tous les ans, en vacances à Oran.
L’article était intitulé :
« Un été algérien avec la famille Bey
Chaque année, Mohamed, sa femme Yasmina et leurs enfants retournent au « bled », à Oran. Partisan du président Bouteflika, le patriarche s’inquiète pour l’avenir de son pays. »
M. Bey déclare « nous vivons en France et nous avons tous la double nationalité franco-algérienne »
Plus loin : « Mohamed a « tout vécu ». Né en 1937 à Oran, dans l’Algérie Française, cet ancien chauffeur de bus « a été torturé par les militaires français en 1962, à la fin de la guerre d’indépendance, pour avoir transporté des maquisards. Emigré en France en 1964. Il a eu plusieurs vies, avant de revenir en Algérie quelque temps puis de s’installer définitivement à Epinal, en 1991. »
Une date qui correspond aux dates de la guerre civile des années 1991-1999, et qui fit, d’après le journal, 200 000 morts.
Pour avoir servi la France, alors que la première guerre, celle dite d’Algérie, me paraissait inutile, un gâchis, le chemin de vie de M.Bey est le symbole de toutes les contradictions des anciens combattants du FLN qui ont abandonné leur pays quelques années après l’indépendance, l’ont à nouveau abandonné pendant la deuxième guerre civile, et qui de nos jours bénéficient de la double nationalité.
Les mêmes anciens combattants du FLN qui revendiquent la repentance de la France ?
Le symbole aussi de toutes les contradictions des groupes de pression et des chercheurs ou pseudo-chercheurs, qui, en France, diffusent ce qu’il faut bien appeler par son nom, c’est-à-dire une propagande « coloniale » sans égale par rapport à ce que fut, aux dires des mêmes chercheurs, la propagande coloniale des années coloniales.
Il y a décidément de quoi troubler n’importe quel pied noir, ou descendant de pied noir, et tous ceux qui ont, d’une façon ou d’une autre, partagé cette histoire tragique, et nourrir beaucoup plus que de la nostalgie.
Il y a tout autant de quoi éprouver malaise, sorte de mélancolie profonde, peut-être surprise, pointe de colère, ou pitié, de la part d’un ancien de la guerre d’Algérie qui a servi son pays et qui voit un ancien combattant du FLN abandonner au moins deux fois son pays et vivre aujourd’hui dans l’entre-deux confortable des deux rives.
Malaise sur le qui était qui et le qui faisait quoi, et sur le qui est qui et le qui fait quoi aujourd’hui dans notre pays ?
Qui assume vraiment son passé ?
A l’aune de ce type d’exemple, le débat toujours recommencé, ou toujours rallumé à dessein, sur les mémoires de la guerre d’Algérie, parait bien dérisoire!
Jean Pierre Renaud