En mémoire des harkis : le choix de l’honneur et non du fric !

Lors de l’indépendance de l’Algérie, la France n’a pas fait son devoir à l’égard des Algériens et Algériennes qui avaient choisi la France, notamment les harkis et moghaznis : elle les a laissés tomber et beaucoup d’entre eux ont été torturés, tués, persécutés, et proscrits par  le pouvoir algérien, c’est-à-dire le FLN !

            Le dossier ressort en permanence, et le Figaro titrait encore le 20 août dernier (page 9) :

« Des pistes pour mieux reconnaître le sort des harkis »

          « Un rapport préconise de créer un « fonds de réparation » doté de 40 millions d’euros. « Inacceptable » pour les associations. »

         L’honneur de notre pays aurait été de rapatrier les hommes et les femmes qui ont choisi notre camp, ou d’obliger l’Algérie nouvelle à respecter les Accords d’Evian, ce qui n’a pas été fait.

           Aujourd’hui, l’honneur conduirait à mettre en demeure le gouvernement algérien de respecter le droit de ses enfants et petits-enfants à pouvoir revenir dans leur famille et région d’origine.

         Le gouvernement algérien s’honorerait à respecter un tel droit, plutôt que de ressasser des haines longtemps recuites.

          N’est-il tout de même pas curieux que peu après l’indépendance de leurs pays des militants du FLN soient venus ou revenus en France, comme si de rien n’était, que lors de la deuxième guerre civile des années « noires » 90, laquelle a duré plus longtemps que la première, notre pays a accueilli massivement des réfugiés d’Algérie, que beaucoup d’Algériens et d’ Algériennes ont continué à venir légalement ou illégalement dans notre pays tout au long des années 2000, et cerise sur le gâteau que des milliers d’hommes d’origine algérienne tentent d’obtenir notre nationalité en épousant une Française…

       L’Algérie, chez elle ou chez nous, accuse la France de tous les maux du « colonialisme », mais en même temps l’Algérie accourt jour après jour chez nous…

      Pour conclure, un seul conseil pour notre pays : financer l’édition de dizaines de milliers de livres d’Alice Zeniter, « L’art de perdre », en arabe, en amazigh, et français, tout en demandant officiellement au gouvernement algérien de le distribuer dans les bibliothèques de ses écoles.

        Ne conviendrait-il pas aussi de redonner à cette nouvelle nation algérienne le goût des œuvres d’un de ses enfants, Albert Camus ?

          Jean Pierre Renaud       

Post Scriptum mémoriel : il est vrai qu’on a du souci à se faire après les propos de l’actuel Président et ancien candidat à Alger sur les crimes contre l’humanité de la colonisation.

« Le 19 mars 1962 », le livre de Guy Pervillé – Suite et fin

« 19 mars 1962 » ?

Le livre de Guy Pervillé

« Les événements fondateurs »

« Les accords d’Evian (1962) »

« Succès ou échec de la réconciliation franco-algérienne (1954-2012)

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Autres réflexions

           Première réflexion sur la date des Accords d’Evian, le 19 mars 1962 : cette date est depuis l’origine un sujet de controverse, et il est évident que pour l’immense majorité des hommes du contingent, cette date clôturait cette guerre, une guerre qui n’a jamais été conclue en effet par un accord de paix.

       Le livre explique bien pourquoi cette guerre n’était pas finie.

         Deuxième réflexion, le livre en montre bien les raisons, notamment les graves carences du nouveau pouvoir algérien qui n’a jamais honoré sa signature, tout autant que le sabotage de tout accord par l’OAS.

        Troisième réflexion : le gouvernement du Général de Gaulle, et le Général lui-même, n’ont pas été à la hauteur pour maîtriser la mise en application respectée de ces accords, sur le terrain, pour au moins cinq raisons que l’on voit bien dans l’ouvrage, et une sixième que j’évoquerai :

  1. Le refus d’accueillir en France les harkis et moghaznis qui avaient rejoint notre cause pendant cette guerre, ainsi que leurs familles.
  2. La désignation d’un ambassadeur, M. Jeanneney, que son expérience professionnelle et politique ne désignait pas spécialement pour faire appliquer vigoureusement ces accords par le nouveau pouvoir FLN, entre les mains de la mouvance extérieure du GPRA.
  3. L’objectif principal du Général, qui fut de tout faire, pour ne pas dire tout accepter, afin de préserver jusqu’à la fin de l’année 1966, la possibilité pour la France de poursuivre  ses essais nucléaires au Sahara, et accessoirement, y exploiter le pétrole, avec pour corollaire, continuer à transfuser l’Algérie indépendante avec nos francs et à faire bénéficier ce nouvel Etat de dérogations exceptionnelles, pour ne pas dire laxistes, dans le domaine de l’immigration.

Ces dérogations continuent encore sous une forme atténuée, si je ne m’abuse.

La lecture des pages 175 et 176, avec le compte-rendu de la rencontre du 13 mars 1964 entre le Général et le nouveau Président Ben Bella en est une des illustrations.

  1. Réconciliation ou relation internationale entre deux Etats ? Je vous avouerai que je n’ai jamais compris la politique française après l’indépendance de l’Algérie. Les Algériens avaient choisi leur destin. Rapidement, le régime algérien fut celui d’une dictature du FLN.

Pourquoi De Gaulle n’a-t-il pas choisi le type de relations internationales qui était celui de la France avec l’URSS ou la Chine ? Sauf à dire que son objectif numéro 1 avait toujours été celui de la préservation, le plus longtemps possible des sites nucléaires du Sahara, en fermant les yeux sur le ratage complet de la mise en application des Accords d’Evian ?

Je me suis déjà exprimé à de multiples reprises sur un tel sujet, en affirmant que je n’ai jamais vu pourquoi nous, anciens soldats appelés, pas plus que les citoyens français, nous devrions faire repentance.

  1. La cinquième est celle de l’imbroglio dans lequel était plongée une armée française en pleine crise, avec, à Alger, la question du qui était qui ou quoi, entre les « loyalistes », les révoltés, ceux de l’OAS, et ceux qui ne savaient plus quoi penser, avec le souci du général d’y mettre fin le plus vite possible, sauf nouvelle crise nationale majeure à venir, c’est à dire en clair : il fallait « dégager » au  plus vite !

Comme la plupart de mes collègues, nous étions favorables à une évolution politique majeure de l’Algérie, mais pas à celle qui s’est produite sous la conduite d’un FLN venu de l’étranger, avec son armée des frontières, incapable de faire régner la paix civile dans ce territoire, et de respecter les Accords d’Evian, sans que notre pays ait fait ce qu’il fallait pour l’obliger à le faire.

6 – Plus de cinquante ans après ces accords, j’ai eu la mauvaise curiosité d’aller consulter dans les Archives militaires de Vincennes les Journaux de Marches et d’Opérations du 28ème Bataillon de Chasseurs Alpins qui ont suivi mon retour en France, dans les années 1961 et 1962, et je vous avouerai que leur lecture m’a démoralisé.

      Une armée française qui avait ramené la paix civile dans cette région de la Petite Kabylie, à laquelle on donne l’ordre de se replier successivement vers la côte pour s’y embarquer, laquelle exécute loyalement les accords diplomatiques en question, sans que le gouvernement gaulliste fasse ce qu’il fallait pour obliger le FLN à les appliquer. Au fur et à mesure du retrait, le FLN n’avait qu’à lever le petit doigt pour inciter les soldats français d’origine musulmane encore en service dans les postes militaires à se soulever et à les faire tomber aux mains du FLN, les uns après les autres.

          La vallée de la Soummam, comme beaucoup d’autres régions d’Algérie, fut alors un lieu de tortures et de massacres des harkis et des moghaznis qui avaient rejoint l’armée française après 1954, jusqu’en 1962.

        Le rapport du sous-préfet d’Akbou Robert en a récapitulé à l’époque une partie dans la vallée de la Soummam.

       L’armée française a obéi au gouvernement du Général et donc appliqué les accords d’Evian, ce qui n’a pas été le cas du FLN.

      Ce livre montre bien le processus de désagrégation qui a suivi les accords d’Evian, l’impuissance du gouvernement algérien, en même temps que celle du gouvernement français, avec la mise en place d’une dictature politique et militaire servie par l’armée des frontières.

         Je terminerai en évoquant tout d’abord un des points les plus sensibles de ces accords, celui des crimes de guerre, car effectivement ces accords avaient par avance amnistié tous les crimes de guerre commis par les deux parties, et il est évident qu’il y en a eu, comme dans toute guerre de type révolutionnaire ou non, et c’est cette amnistie injustifiable qui a permis à trop de chercheurs ou de mémorialistes français de laisser croire que la France, en Algérie, n’a été que saloperie.

        Le fait qu’une chape de plomb pèse en Algérie sur toute cette histoire n’est pas de nature à apaiser les mémoires, souvent frelatées, d’autant moins qu’on trouve beaucoup moins de belles âmes pour exalter violences, crimes ou tortures de la deuxième guerre civile qui a ensanglanté l’Algérie dans le années 1992-2000, et la mise en place d’un régime policier de type dictatorial.

        Je voudrais dire enfin que je n’ai jamais compris cette volonté de réconciliation, d’une repentance qui ne dit pas son nom, toujours affirmée par qui ? Le plus souvent par le groupe des intellectuels sortis de la « matrice » algérienne, ou par ceux qui flattent une histoire française de l’autoflagellation, ceux que j’ai appelés « les fossoyeurs » de l’histoire de la France

    Pour avoir beaucoup travaillé sur l’histoire coloniale et la décolonisation, je fais partie de ceux qui mettent en cause tout au long de ce processus la ou les gauches françaises, responsables des conquêtes coloniales de la Troisième République, tout autant que du « fiasco des décolonisations », selon l’expression de l’historien Vermeren.

                     Le cas de l’Algérie en est une des caricatures les plus funestes avec le tournant de guerre que le gouvernement Mollet Mitterrand  a fait prendre à la France, avant le retour du Général au pouvoir, en 1958.

            Alors tout ça pour cela ! Nous avons servi la France et souvent l’Algérie, nous y avons exposé nos vies, certains de  nos camarades y ont laissé la leur, et nous entendons à longueur d’année et depuis des années un discours sur la torture – tous nous aurions donc torturé -, – nous aurions été les seuls à exercer la violence dans un contexte de guerre -, nous devrions faire repentance -, mais en même temps, –  prôner une réconciliation – ?

            Avec qui devrions-nous nous réconcilier, nous, anciens soldats appelés du contingent ?

            Avec qui nos gouvernements devraient-ils se réconcilier ? Les gouvernements  d’une dictature FLN  qui continue ?

         Jamais jusqu’à nos jours, c’est-à-dire plus de soixante après les faits, et à ma connaissance, l’Algérie du FLN n’a donné l’occasion à une quelconque personnalité algérienne, respectée, intègre, capable d’incarner le partenariat  légitime d’une réconciliation entre les deux Etats.

            Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

(1) Il est bien dommage que le texte des Accords d’Evian n’aient pas été joints. Oserais-je dire que c’est la première source que j’y ai recherché.

La Tragédie des Harkis: France 3 – la blessure

La tragédie des harkis : « La blessure » – France 3 du 20 septembre 2010

 Ma première remarque porterait sur le titre choisi, un titre un peu faible, compte tenu des meurtres et des tortures dont ont été victimes beaucoup de harkis et de moghaznis, et du meurtre moral et patriotique que la France a commis à leur égard

            Ceci dit, un documentaire intéressant, et j’espère utile, sur les souffrances et le calvaire des harkis qui avaient choisi la France, de leurs familles, et aujourd’hui, de leurs enfants et petits enfants qui ont beaucoup de peine à comprendre leur histoire, et la lâcheté de notre pays, comme l’ont d’ailleurs souligné certains des témoins.

            Je regrette toutefois que le canevas de l’émission ait été l’histoire de la guerre d’Algérie et les harkis, plutôt que les harkis et la guerre d’Algérie, notamment dans une dimension trop souvent méconnue, celle d’une guerre civile parallèle.

            Quelques remarques encore :

            Le commentaire situe la compétence des harkas dans le champ de la sécurité des SAS (Sections Administratives Spécialisées), alors qu’elles étaient rattachées à l’autorité militaire, et que les officiers SAS disposaient de maghzens, de moghaznis, chargés d’assurer police et sécurité des SAS : ne s’agit-il pas d’une erreur ?

            En ajoutant que beaucoup de moghaznis ont été assassinés et torturés après l’indépendance.

            Par ailleurs la version donnée sur le sort réservé par la France à ses supplétifs ne correspond pas à celle que je connais, et d’après laquelle les autorités avaient pour instruction de laisser en Algérie le maximum de supplétifs : qui dit vrai ?

            A mon retour d’Algérie, et en ce qui me concerne, j’avais effectué auprès d’un camarade d’études, à l’Elysée, une démarche pour faire connaître la honte que nous éprouvions, avec beaucoup de mes camarades, quant à l’attitude de notre pays à l’égard de ses harkis et moghaznis.

            Alors oui, trois fois oui, la France a une dette morale à leur égard, un droit à réparation morale, et sur ce dernier point, j’ai été un peu étonné de l’intervention d’un historien connu et partisan de la repentance.

 J’ai d’ailleurs beaucoup apprécié le langage utilisé, avec le massacre de Melouza, successivement, le nouvel « exclusivisme » du FLN, puis le mot de «  terreur », ce qui était effectivement le cas. 

Enfin, le débat qui a suivi l’émission était on ne peut plus décevant.

Jean Pierre Renaud