Carnets Buron – 1 – 1954-1956

Carnets Buron – 1-1954-1956

Première partie

I – Inconscience… 1954-1955 (page 9)

           2 novembre 1954, 5 heures du matin …

           « Voilà ce que je connaissais de l’Algérie en 1939. (c’est-à-dire pas grand-chose !)

         Durant la guerre, Alger a pris pour moi une valeur abstraite, sans lien avec son passé ou avec son avenir, ni sans doute simplement la réalité du moment…. L’armistice signé, l’Algérie a reculé dans l’ombre, loin du devant de la scène où je faisais mes premiers pas…

        Je me rappelle maintenant – avec quelque effort – la rébellion de 1945 et surtout la répression brutale qu’elle a entrainée, dénoncée discrètement par de rares hebdomadaires car la guerre n’était pas encore terminée…

      J’ai voté le statut de 1947 sans trouble de conscience et malgré les protestations de quelques radicaux et indépendants. Ma seule inquiétude concernait la complication du système imaginé et le caractère qui me paraissait quelques peu rétrograde de plusieurs de ses dispositions ; mais je n’étais pas un expert !

          Depuis que je siège dans les conseils du Gouvernement on a bien peu parlé de l’Algérie le mercredi matin ; à quatre reprises tout au plus en deux années – 1950 et 1951 – trois fois au sujet du renouvellement de la mission spéciale de six mois confiée à notre collègue Naegelen et la dernière pour commenter le résultat des élections.

           La presse, sinon le ministère de l’Intérieur, m’a appris qu’elles étaient scandaleusement truquées… Pierre Elain, mon colistier, parti soutenir la campagne de Ben Taïeb dans l’Algérois, en est revenu écœuré des mœurs administratives régnant en Algérie…

      En décembre 1951 je me suis arrêté à Alger. J’étais alors ministre de l’Information – en route vers Brazzaville. Invoquant ma fatigue supposée, le Gouverneur m’avait invité au dîner que des hauts fonctionnaires, corses pour la plupart et s’intéressant exclusivement aux problèmes concernant les Français d’Algérie dont la prospérité paraissait être le seul objectif proposé à leur administration.

      Les responsables de l’Information, de la Radio en particulier, étaient franchement réactionnaires, tous ces braves gens s’employant davantage à critiquer la politique de la métropole qu’à penser à l’évolution algérienne…

      J’aurais pu bénéficier davantage de ces contacts rapides, mais j’étais déjà très préoccupé de l’Afrique Noire et Alger n’était pour moi qu’une simple escale. Ainsi vont les choses !

      Et depuis ?

      Depuis, l’Algérie est sortie à nouveau de mon champ de conscience…

       Depuis la formation du Cabinet Mendès-France, le problème algérien a été évoqué en Conseil des ministres, parfois sur le plan économique, rarement sur le plan politique et François Mitterrand jusqu’à présent ne nous a rien appris de sensationnel à ce propos… (p,14,15)

       Evidemment, il faut convaincre les français d’Algérie ou leur forcer la main. Vichystes pendant la guerre, puis giraudistes et antigaullistes, ils refusent tout ce qui incarne la République en France et Mendès-France par-dessus tout. Pourtant, ils ont du cœur, et les jeunes ont fait plus que leur devoir pendant la campagne d’Italie. Le problème est de savoir les gouverner.

       Hélas, Pierre Mendès-France le saura-t-il, le pourra-t-il ? Radical de toujours, il a de vieilles amitiés avec les leaders algériens les plus conservateurs sur le plan économique et, quant à l’aile du RPF, de la majorité,  ce n’est pas elle qui soutiendra une politique courageuse et progressiste. » (p,16)

         Samedi 5 février, 6 heures du matin- 1954 (page 22)

       Fin du Gouvernement Mendès-France et fin sans doute de ma propre carrière ! Par 319 voix contre 278, nous venons d’être renversés. Je suis trop fatigué pour philosopher à ce sujet. Je peux seulement noter des impressions.

       Hier discours de Mitterrand, excellent quant à la forme, déplorable quant au fond, déplorable au sens propre du terme. Entendre Mendès et son ministre de l’Intérieur rivaliser de nationalisme cocardier pour tenter de retenir les éléments RPF ou indépendants qui nous avaient soutenus jusque-là, puis les voir en fin de compte, abandonnés même par les radicaux sympathisants et mes amis MRP qui, dans leur hâte de procéder à la mise à mort, ne se préoccupent même plus des motifs invoqués… C’était à pleurer.

       J’ai peine à penser que cette question algérienne ait l’importance que lui accorde la presse de gauche et qu’une nouvelle affaire indochinoise se prépare. Un Cabinet Mendès aurait dû, de toute façon, la traiter autrement que les cabinets Ramadier avant-hier ou encore hier Laniel n’ont traité la première…

     Mercredi 16 mars, dans l’avion vers Aoulef, Niamey et Garoua.

       Nous nous sommes arrêtés hier soir à Alger pour une courte escale de nuit. Ma femme m’accompagne dans cette tournée au Cameroun où nous nous rendons à l’invitation de Roland Pré que j’y ai nommé haut-commissaire il y a six mois…

       Dîner avec Jacques Soustelle, Gouverneur général :

       « Tout serait facile, dit-il, si les colons voulaient admettre qu’il est possible de gagner de l’argent sans pour autant exercer, à travers une administration docile, leur domination politique et sociale sur les musulmans et si les administrateurs venus de la métropole n’acceptaient trop vite les uns après les autres de fermer les yeux sur la vérité algérienne…

      Soustelle a compris tout de suite pourquoi le problème algérien n’était qu’incidemment policier et militaire et sa solution nécessairement politique. » (p,25)

         Mon commentaire

      Je faisais alors partie d’une des dernières promotions de l’Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer, complètement inconsciente, sans doute trop optimiste, car elle croyait qu’elle était destinée à servir une Communauté franco-africaine encore à construire et à faire vivre.

      A titre personnel, je m’étais engagé dans cette voie universitaire sur le conseil d’un aumônier qui m’avait encouragé à aller servir l’Afrique.

      La façon catastrophique dont la IVème République gérait les dossiers de la décolonisation, et en premier lieu celui de l’Algérie, nous inquiétait beaucoup, et encore plus, la perspective d’effectuer un service militaire de presque trois ans en Algérie.

     Nous suivions donc avec la plus grande attention l’actualité politique du moment.

II – Prise de conscience 1956 (page 26)

      Jeudi 26 janvier

      … Diner chez les Ardant où je retrouve Bouabid, le ministre d’Etat chérifien …. Il m’expose les revendications immédiates de l’Istiqlal… Nous parlons de l’Algérie. Visiblement – et c’est naturel – il est en relations suivies avec les dirigeants des maquis algériens. Sans complexe, malgré la situation assez particulière du nouveau gouvernement chérifien, il défend les thèses des révoltés. Il n’imagine pas de solution autre qu’une République algérienne indépendante au sein d’une communauté interdépendante…

        Mercredi 8 février (p,27)

     Que de souvenirs se lèvent à l’occasion de la réception réservée à Guy Mollet avant-hier à Alger par les jeunes fascistes du cru, les colons venus de la Mitidja pour l’accueillir à leur manière, mais aussi les cheminots, les électriciens et les traminots ! Cet accueil, m’a confié tout à l’heure Alexandre Verret, qui dirige son Cabinet, a profondément ébranlé Guy et pesé sur sa décision…

     Robert Lacoste va partir pour l’Algérie. Je le plains. Que pourra-t-il y faire vraiment ?

     Mercredi 29 février (p,28)

     Le problème algérien domine la vie politique. Un véritable sentiment d’angoisse s’empare de tous les Français. Le régime se délite peu à peu. Comment agir ?

… Que nous sommes mal informés ! Je dis nous car mes collègues sauf exception paraissent partager mon sort à cet égard.

… En métropole, une large majorité de l’opinion, qui, devant l’hésitation du pouvoir, est sur le point de choisir les voies de l’indiscipline, de l’individualisme, de la spéculation et de la « combinazzione » aux divers échelons, parait cependant prête à suivre un gouvernement qui réagirait avec énergie et mobiliserait ce qui reste en France de ce sentiment national dont les français ne se déprennent pas sans regrets, enverrait deux ou trois classes au-delà de la Méditerranée et inonderait de troupes (pour reprendre l’expression de Mendès-France au sujet de la Tunisie) les trois départements algériens, rassurant non seulement les « colons » mais les musulmans fidèles dont 37 ont été assassinés par les fellaghas…

        Les lettres que m’envoient d’Algérie les jeunes mayennais, en particulier mes propres cousins, laissent l’impression qu’ils se sentent victimes de l’ignorance, de l’irréalisme et de la confusion intellectuelle de ceux qu’ils désignent de ce terme malheureusement imprécis « les chefs »…

      Que représente vraiment pour nous le maintien de l’Algérie dans la France ? » (p,31)

       Vendredi 16 mars (p,31)

      « Guy Mollet a recueilli une majorité écrasante… mais a-telle une signification pratique ? Comment usera-t-il de ces pouvoirs spéciaux que nous lui avons concédés, C’est l’essentiel du problème… »

        En somme si la plupart des élus ne veulent songer qu’à la politique intérieure et à la vie quotidienne du Parlement, les plus lucides se convainquent qu’il n’y a pas d’issue concevable au drame algérien et voient l’avenir en noir… »  (p,33)

Robert Buron est de plus en plus perplexe sur le dossier algérien.

      « Mais alors, où est mon devoir ? Les français ne semblent pas voir la situation telle qu’elle est là-bas – sauf certains peut-être, tels mes petits mayennais appelés ou rappelés.

       Faut-il tenter de leur ouvrir les yeux et comment y parvenir ? » (p,40)

       Mon commentaire

      A cette date, j’avais fait ma première expérience de l’Afrique au nord du Togo et au sud, pendant un stage de six mois. A Sansanné-Mango, j’y avais rencontré Robert Buron qui s’acquittait d’une mission parlementaire aux côtés d’un député communiste et d’un député radical-socialiste.

     J’avais participé en cours du dîner à une conversation très ouverte sur l’évolution du continent africain et sur la décolonisation annoncée, dans une optique de coopération ouverte avec les nouveaux Etats en gestation.

        Du fait du mandat international de tutelle que la France y exerçait encore, la République du Togo expérimentait en quelque sorte les outils institutionnels des nouveaux Etats indépendants.

     Comme j’en fis à nouveau l’’expérience ailleurs, en Algérie, ou à Madagascar, ça n’était pas la France !

        Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

« Le choc des décolonisations » Pierre Vermeren Troisième Partie « La France, les Français et leurs anciennes colonies » p,221 à 234)

« Le choc des décolonisations »

« De la guerre d’Algérie aux printemps arabes »

Pierre Vermeren

Lecture critique

Tous droits réservés

Troisième Partie

« La France, les Français et leurs anciennes colonies » (p,221 à 324)

        Après avoir décrit le fiasco des décolonisations (I), puis la situation des décolonisés sous l’empire de leurs élites (II), l’historien analyse la situation de la France, des Français, et des anciennes colonies. (III)

      Comme je l’ai indiqué la décolonisation était inscrite dans l’histoire qui s’est effectivement déroulée, celle du « cours des choses » que beaucoup de membres de l’élite coloniale avaient prédit, ne serait-ce déjà que l’africaniste connu des spécialistes, Delafosse, et des bons connaisseurs de l’Afrique, lesquels proposaient l’association au lieu de l’assimilation.

        Il n’était pas facile pour les officiers de la conquête de manifester leur scepticisme sur ses buts, mais il en fut qui l’osèrent, je pense au colonel Frey qui exprima plus que de l’hésitation sur le bien- fondé de la conquête du Soudan, de nos jours le Mali, dans les années 1886-1888, une conquête dont il fut un des acteurs, je pense aussi au capitaine Toutée à l’occasion de sa mission politique et géographique vers le Niger, dans les années 1894-1895..

       Plutôt que d’aller à Madagascar, Lyautey, en ce qui le concerne, aurait préféré que la France s’attache à l’Indochine, le « joyau », respecte les institutions séculaires de l’Annam, de son Empereur, fils du ciel, plutôt que de les chambouler en remplaçant les mandarins par des résidents coloniaux.

       Un « cours des choses » qui toucha tous les empires » coloniaux, et qui se conclut généralement par un fiasco, même pour l’Empire des Indes, la Chine, ou l’Afrique du Sud pour ne citer que quelques-unes des terres coloniales les mieux loties.

        En ce qui concerne l’Afrique noire, je crois avoir démontré que les analyses de Frédéric Cooper sont trop décalées, historiquement, par rapport aux situations coloniales concrètes de l’après deuxième guerre mondiale en Afrique noire.

        En ce qui concerne la deuxième partie (II), son contenu illustre bien la difficulté qu’il y avait, compte tenu des caractéristiques de ces mêmes situations coloniales, en tout cas en Afrique noire, en termes de géographie physique, humaine, politique, économique, religieuse, culturelle, ethnique.

      La description qu’en fit le géographe Richard-Molard après la deuxième guerre mondiale suffisait à en montrer la très grande complexité.

    L’historien décrit toutes les dérives qui ont suivi les décolonisations, lesquelles découlaient largement de ces situations coloniales et de leur héritage, en termes d’Etat, de populations et d’élites.

       Je choisirais volontiers comme symbole de l’échec d’une certaine élite, Senghor, sorti de Normale Sup, un catholique d’exception élu grâce au soutien de la Confrérie musulmane des Mourides.

        Il se convertit à la solution du parti unique, une sorte de symbole de l’écart gigantesque qui existait entre des peuples qui n’étaient pas des nations et leurs petites élites, ou celui d’Houphouët-Boigny qui réussit à réaliser une certaine coagulation ivoirienne fondée sur un réseau de planteurs de cacao, mais surtout sur l’ethnie puissante que constituait le peuple Baoulé, en surfant sur une idéologie marxiste alors à la mode en métropole.

     Ai-je besoin d’ajouter que Mitterrand joua un rôle important dans la  « récupération » de ce leader, alors qu’il fut un des artisans de l’échec meurtrier de la décolonisation en Algérie.

      La troisième partie contient des analyses tout à fait intéressantes, d’autant plus qu’elles n’hésitent pas à mettre le doigt sur des incongruités historiques trop souvent méconnues.

        Le chapitre XIII ouvre le bal, mais à mes yeux, son titre même « Amnésie coloniale, mauvaise conscience, et beaux discours » souffre d’un biais courant et ambigu dans ce type d’analyse, c’est-à-dire qu’elle parait fondée sur un postulat, celui d’une « culture coloniale » des Français qui n’a jamais existé, et qui n’a jamais été mesurée, ne serait-ce que dans la presse, et qu’en même temps pour avoir existé, elle aurait été l’objet d’une « amnésie ».

     « Amnésie » pour qui ? Pour quelle amnésie ? Sur quel terrain colonial ? L’Algérie ?

     Les pages que l’auteur consacre aux politiques et surtout aux milieux intellectuels, montrent bien que c’est essentiellement l’Algérie qui leur a servi de toile de fond, leur rôle très actif dans le réveil d’une mémoire française qui aurait été coloniale.

       L’historien Stora en est, me semble-t-il un bon représentant, et c’est d’ailleurs son évocation qui ouvre ce chapitre (p,223), avec la référence de son livre « La gangrène et l’oubli » (1991), mais l’auteur souligne plus loin :

      « Cependant, il faut cesser de penser qu’il y alors en France ni débat ni réflexion sur cette guerre coloniale… » et plus loin, en titre de paragraphe « L’histoire coloniale engloutie par la guerre d’Algérie ».(p,224)

      Tout à fait !

     Il s’agit de l’objection la plus importante qui peut être faite au travail médiatique de Stora, finir par faire croire aux jeunes Français, et cela n’a pas l’air de bien marcher de nos jours, que l’Algérie fut l’alpha et l’oméga de la colonisation française, et lorsque j’écris « l’Algérie », il conviendrait de lire la « guerre d’Algérie ».

        Plus loin, l’historien cite le nom d’un autre intellectuel qui fit partie de cette nouvelle vague de propagande, lequel nous a entraînés récemment dans la désastreuse guerre de Libye:

     « La France passe en quelques années du mythe de la France résistante, installé par de Gaulle, à celui de la France collaborationniste porté par la jeune génération d’intellectuels, comme Bernard Henry-Lévy. C’est sur fond de retournement idéologique lié à l’irruption sur la scène publique de la génération nées après la guerre (Celle de 68 ?), que la mémoire coloniale» qui continue de « saigner », selon les mots de Benjamin Stora, refait surface. Bernard Henry-Lévy et lui-même appartiennent d’ailleurs à la génération d’intellectuels issus d’Algérie. » (p,232)

    Si mes informations sont exactes, l’intéressé ou sa famille auraient encore des intérêts en Afrique du Nord.

       Question : mémoire « coloniale » ou mémoire « algérienne » ? Que personne n’a d’ailleurs eu le courage de tenter de mesurer.

          Une mémoire qui « saigne » ? Diable ! Celle de Stora ?

         L’auteur note « La France des années 1960 ne veut plus entendre parler des colonies, inconnues des nouvelles générations. » (p,231)

         Je ne suis pas sûr que les anciennes générations aient plus entendu    « parler des colonies » avant les années 1939-1945, ce qui n’est pas démontré, sauf à quelques grandes occasions qui ont fait la une des actualités de l’époque, Fachoda ou guerre 14-18, la grande Exposition Coloniale de 1931, s’étant inscrite beaucoup plus dans le cycle des Grandes Expositions alors à la mode en Europe.

         Ainsi que je l’ai déjà écrit, les histoires coloniales et postcoloniales, avant tout, souffrent d’une  grande carence d’analyse de la presse, seul grand vecteur de mesure de l’opinion publique de l’époque.

     Ce livre nous donne à maintes reprises l’occasion de constater le rôle important que la mouvance des intellectuels issus de la matrice algérienne a joué dans ce que j’appellerais volontiers une  propagande coloniale inversée, beaucoup plus importante et plus efficace que ne fut la propagande du « temps des colonies », celle « adorée » par le collectif Blanchard end Co.

Jean Pierre Renaud

Mitterrand: « Le dernier mort de Mitterrand de Raphaëlle Bacqué

« Le dernier mort de Mitterrand »

de Raphaëlle Bacqué

Lecture

Ou comment peut-on être encore mitterrandiste ?

            Un livre intéressant sur le plan historique, sur le rôle des entourages familiaux ou amicaux, mais aussi sur celui de certains d’entre eux, beaucoup moins désintéressés, sur fond des magouilles du financement de la vie politique et des vies privées.

            Le « ministre de la vie privée » de M.Mitterrand est au cœur de l’intrigue, partenaire ou victime d’une véritable fascination amoureuse que le prince exerçait sur lui, qui l’aurait conduit au suicide ?

            Mais un livre glauque, mortifère de tout idéal politique, un livre désespérant, pour tout dire, pour ceux qui, comme moi, ont cru à la vie politique, à ses vertus et à ses idéaux.

            Je serais tenté de dire : comment peut-on encore porter un culte au personnage politique de Mitterrand ? Je vous avouerai que je dirais volontiers la même chose de son adversaire politique de l’époque, Chirac.

            Est-ce que c’est « l’idéal » socialiste que l’on propose à une jeunesse sceptique et déboussolée ? Tout autant d’ailleurs que « l’idéal chiraquien » ?

            Seul bémol à ce triste bilan, l’amour qui liait l’homme « public » à sa « deuxième » épouse, et cela, bien avant son arrivée au pouvoir, en 1981 !

                                                           Jean Pierre Renaud

Wikileaks et la protection française des sources des journaux: cohérence ou pas au journal Le Monde?

  A lire ou à écouter les informations que les journaux écrits ou télévisés publient sur la nécessaire protection des sources d’information des médias, et donc sur les plaintes déposées auprès des tribunaux à ce sujet, et à constater ce qu’il en a été de l’exploitation par les médias, de sources privées,  dans l’affaire Bettencourt par exemple, ou aujourd’hui, à l’occasion de la publicité donnée par des journaux sérieux à des rapports secrets du Département d’Etat : il est possible de s’interroger sur le contenu, la valeur et la portée de la déontologie des médias, même supposés sérieux.

Il y a de quoi en effet être très perplexe sur ces pratiques « déontologiques », d’autant plus surprenantes que les médias français ont respecté, pour la plupart, sur des sujets d’intérêt national, et jusqu’à présent, la règle du silence, de « l’omerta », quant au respect de la vie privée d’hommes ou de femmes de la scène publique, même lorsque cette protection de la vie privée (avec des années d’écoutes privées) coûtait très cher au contribuable, en faisant référence naturellement à la double vie, « protégée » de M.Mitterrand.

Ou qu’elle faisait peser une suspicion sur la conduite des affaires publiques, en raison des fameux conflits d’intérêts dénoncés par Martin Hirsch !

Comment ne pas penser en effet sur le même sujet aux « concubinages » cachés entre journalistes et politiques, ou entre avocats et magistrats,….

Car il y aura inévitablement des dégâts, parce que l’affaire Wikileaks  entérine une déontologie relative à chaque cas : qui appréciera la nécessité démocratique de la protection légale des sources d’information ? Les tribunaux ou les journaux ?

J’avouerai que dans une affaire de cette importance, ma conscience de lecteur et de citoyen est gravement troublée.

Et je dois dire que la conclusion du débat résumé par la médiatrice du Monde (5,6/12/10) n’est pas encourageante :

« Rappelons que la charte des devoirs et droits du journaliste précise qu’il ne doit « pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ». Il est vrai qu’elle a été signée à Munich en 1971, bien avant internet. »

Les journalistes du Monde n’auraient donc pas encore découvert internet ?

Est-ce que cela ne s’appelle pas botter en touche ?

Jean Pierre Renaud