Histoire ou Mémoire ? France-Algérie (1962-2021) Macron Stora

HISTOIRE ou MÉMOIRE ?

Le Figaro du 21 janvier 2021, pages 10 et 11, avec grande photo de Macron et de Stora dans les ors de la République, sous le titre:

« Macron veut réconcilier sans céder à la repentance »FRANCE – ALGÉRIE (1962 – 2021)

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Question : est-ce que les Français ne s’en « foutent » pas ?

Témoignage d’un ancien officier SAS du contingent en Algérie avec quelques extraits de texte

Le Président s’est lancé dans une opération politique de caractère dérisoire en confiant à  Benjamin Stora une mission impossible.

Qui est Monsieur Stora, un universitaire, un historien de l’Algérie, un mémorialiste, ou plutôt l’exemple bien connu des universitaires qui défendent des positions politiques ? Un historien qui passe de l’histoire à la mémoire, et qul se l’approprie ?

Aujourd’hui, « la mémoire juste », après « la guerre des mémoires » et les « mémoires qui saignent », alors qu’il n’a jamais eu le courage avec ses nombreux amis politiques de faire procéder à une enquête sérieuse sur la mémoire collective de la colonisation et de la guerre d’Algérie !

Macron aurait dit : « regarder l’histoire en face » et en même temps « construire une mémoire inclusive ». Est-il bien sérieux de mettre dans le même sac de raisonnement mémoire et histoire ? Il conviendra de demander aux philosophes ce que signifie l’adjectif à la mode « inclusive » et de l’expliquer aux citoyens.

Une commission, des propositions, un calendrier de commémorations bien calé pour les prochaines présidentielles !

Ne prend-t-on pas les Français pour des cons ?

Pour avoir toujours respecté le peuple algérien et avoir servi la France et l’Algérie, la solution ne consiste pas à continuer à enfiler des perles politiciennes et dérisoires,

  1. Ayez le courage de proposer aux citoyens le tableau statistique de la mémoire coloniale et algérienne des Français et des Françaises, tout en espérant que le même exercice d’honnêteté puisse être effectué en Algérie, avec les mêmes exigences de méthode statistique.

Les agitateurs patentés de notre histoire ont sans doute peur de constater que les citoyens ne sont pas concernés par le sujet.

  1. d’ouvrir toutes grandes les portes de l’information sur les relations fixées par de multiples accords diplomatiques, dont certains, me semble-t-il, datent encore des Accords d’Evian.

Dernière observation : la comparaison qui a été faite entre la Corée et l’Algérie manque de pertinence historique.

J’ai fait la critique de l’analyse que Lionel Babisz proposait dans le numéro 19 Année 2012 de la revue Cipango sous le titre « Japon- Corée, France-Algérie » : voir article du blog du 20/04/2016.

La critique de fond portait sur la pertinence d’une comparaison historique entre deux cas de contextes historiques très différents.

Pourquoi pas une petite chansonnette à la mode ancienne ?

« Tout le monde s’en foutait !

Tout le monde s’en foutait !

Tout le monde s’en fout !

Tout le monde s’en fout ! »

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Quelques extraits de mon témoignage

« Morts ou vivants, ils l’auraient dit ou ils diraient »

 « Guerre d’Algérie Années 1958-1959-1960 »

« Vallée de la Soummam » (p, 60)

« Le sourire hygiénique »

Année 1959

« …Guerre aseptisée, apprivoisée, empaquetée, niée et s’il n’y avait pas eu de temps en temps un cercueil revêtu du drapeau tricolore pour revenir sur la bonne terre de France, personne n’aurait cru, non personne, qu’on jouait avec la mort et la vie en Algérie.

Beaucoup de monde, beaucoup trop de monde en Algérie pour qu’il n’y en ait pas qui refusent d’aller au paradis, sans comprendre ce qui s’y passait, en dehors de ce que racontaient les gazettes

D’autant qu’avec le temps, il se trouvait de plus en plus de jeunes soldats aux yeux ouverts et aux oreilles propres.

D’autant plus que les bons petits français disposaient de l’antidote naturel à leur désir congénital de vanité et de gloire : ils s’adonnaient avec la même ferveur au plaisir masochiste de la mauvaise conscience.

D’autant plus que les intellectuels français en remettaient chaque jour une louche dans les gazettes.
       Belle et magnifique intelligentsia, abordant le problème algérien comme la peinture moderne : elle avait peur de manquer le train de l’histoire.

Les Algériens commettaient des crimes abominables et le cœur des vierges chantait la louange des terroristes angéliques. L’Armée commettait des crimes non moins abominables mais elle n’avait aucune excuse atténuante. Gorge et plumes déployées pour accuser toujours et toujours la France et encenser les rebelles, croisés des temps modernes.

Intellectuels croque-morts : l’évènement d’Algérie sorti tout armé de leur plume pour plaire à l’Histoire.

La France n’a pas perdu l’Algérie, mais notre jeunesse y a perdu son âme, ses rêves, dans un cul de sac.

La guerre d’Algérie nous a tous collé à la peau et nous colle encore à la peau : il y avait des salauds des deux côtés et des gens honnêtes dans les deux camps, mais pourquoi toujours condamner la France par avance ?

Etait-il vraiment insensé  d’imaginer amener les trois couleurs autrement qu’en laissant nos harkis et moghaznis se faire empaler et embrocher sur les places des villages ?

Ils étaient de plus en plus nombreux à goûter à la drogue du doute et à contaminer famille et amis.
       Mais avant que la grande noria tant souhaitée du retour vers la terre natale n’emporte leur contingent d’élus, que de fantasias, de nuits blanches, d’estropiés et de morts laissés sur le carreau, des deux côtés !

Ce jour-là, à l’aube d’un beau matin de Pâques, avec une mer d’huile bleutée et verte, un gros vaisseau pansu et blanc déversa sur les quais d’Alger la blanche sa cargaison habituelle de chair humaine.

Pendant toute la traversée, les petits gars du contingent s’en étaient donné à cœur- joie : les carafons de mascara n’avaient pas beaucoup de peine à chasser nausée et mal de mer, derviches tourneurs, danseuses du ventre, prémonition de gloire ou de mort, avec Sartre en prime.
      En avant toute, pour la fantasia, les nuits câlines et voluptueuses, les parfums d’oranger les plus délicats, et la mort à l’aube tout droit sortie du Petit Illustré. »

Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

Année 1960

« Morts ou vivants, ils l’auraient dit ou ils diraient » (page 94)

« …Le douar reprenait une vie normale, un café maure avait rouvert, même un cinéma, les écoles avaient rouvert leurs portes. Tout semblait dire : la pacification a réussi, on pouvait la toucher du doigt….

     Juste une illusion, car le mal était fait. L’histoire avait effectivement franchi ici un pas. Elle ne reviendrait pas en arrière.
     Notre merveilleuse intelligentsia avait vu juste, mais elle avait beaucoup contribué à ce qu’il en soit ainsi.

      Le sourire hygiénique de la pacification, des hommes et femmes pacifiés, avait remplacé le sourire hygiénique du lieutenant de la SAS.

       En dépit d’une certaine paix revenue, les généraux et les colonels n’étaient pas encore rassasiés : les grandes opérations étaient toujours un pur régal. Ils rêvaient toujours des campagnes des grands chefs de guerre, les Bonaparte, Rommel, ou Mac Arthur.
        Ils rêvaient   toujours de grand-messes militaires et de pompe liturgique et ne pouvaient plus se passer du bruissement des radios, boîtes à merveilles ou boîtes à malices. Le chant des radios, de rose à noir, de rouge à bleu, de Pélican à Colombe, de Thérèse à Monique, ou de tango vert à Balto jaune, flattait toujours leurs oreilles  Sans radio, le chef était mort.

        Grandes opérations utiles ou inutiles, là n’était pas la question. Que serait devenu l’art militaire, le seul, sans ces exercices de pure esthétique ? 

        Avec un peu de chances, le colonel aurait bien quelques morts ou prisonniers du camp d’en face à faire  valoir aux journalistes et à son commandement avant la fin de la journée, de quoi organiser plus tard une belle prise d’armes.

          Le colonel espérait rentrer tôt, car il avait un dîner chez le sous-préfet. La glace tintait déjà dans les verres, la table était fleurie, les femmes jolies. Les joues de la sous-préfète rosiraient lorsque le colonel raconterait les faits d’arme de la journée.

         Les petits gars du contingent avaient une obsession plus prosaïque, la quille, le calendrier et le blanc des jours que l’on voulait voir mangé le plus vite possible par le noir du stylo. Il fallait décidemment une bonne petite guerre pour que des hommes de vingt ans veuillent biffer d’un coup deux années de leur vie.

          Et des quilles, il y en avait de toutes les sortes, la petite maigrichonne ou la   malicieuse, la quille bijou portée en collier, celle qu’on accrochait en sautoir, celle qui pendait à la ceinture… On ne pensait plus qu’à ça. Elle envahissait tout…

          Manquaient à la parade les quilles revêtues de noir de ceux qui ne reviendraient jamais d’Algérie… »

Dernier commentaire : jusque dans les années 1939-1945, la grande majorité des Français n’était pas concernée par les colonies. Depuis les années 1980-1990, les Français ont souvent découvert ce passé colonial, du fait de deux facteurs majeurs, les flux d’immigration et l’activité débordante d’une multitude d’ONG.

          Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés 

Nihil obstat – Marie Christine

Relations entre la France et l’Algérie (1962-2020) – 4 – Mémoires fictives et mémoires dangereuses – Mediapart avec Stora, Jenni, et Ferrari

Les Relations entre la France et l’Algérie (1962-2020)

Vive l’Indépendance de la France !

Les Confidences du Président à Arthur Berdah, journal du Figaro du 6 novembre 2020, page 8, sous le titre « Islamisme : ce que Macron a en tête »

« Initiatives mémorielles… organisationnelles… politiques…cet impensé… »

« Ventre Saint Gris » ! Comme aurait juré Henri IV !

 Presque 60 ans plus tard !

Vive enfin l’Indépendance de la France !

4

Ci-après une chronique déjà publiée le 21/04/2017, toujours d’actualité, intitulée :

« Histoire, mémoire, roman, propagande, subversion ? »

Plus d’un demi-siècle plus tard !

Autour des « Raisins Verts » ?

Quatrième et dernier épisode

Mémoires « fictives » et « mémoires dangereuses » !

« L’histoire est un roman qui a été, le roman de l’histoire qui aurait pu être »

« Les Frères Goncourt »

Une suggestion de dissertation pour les élèves des deux professeurs Alexis Jenni et Jérôme Ferrari, au choix, entre « La chute de Rome » et « L’art de la guerre »

« Pour ou contre la lecture des Frères Goncourt d’après laquelle l’un ou l’autre des deux romans n’est qu’ « roman de l’histoire qui aurait pu être », c’est-à-dire la leur ? »

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Au Club de Mediapart, Benjamin Stora et Alexis Jenni, dialoguent sur les « mémoires dangereuses »

« Le Club de Médiapart…

Les mémoires dangereuses. Extrait d’un dialogue

Extrait des mémoires dangereuses » (Ed Albin Michel, 2016), début du dialogue entre Alexis Jenni de « L’art français de la guerre » (Ed Gallimard) Prix Goncourt, 2011, et Benjamin Stora »

            Il s’agit d’un extrait tout à fait intéressant, parce que symbolique de la production d’un courant intellectuel qui tente encore de tenir un petit pan de l’opinion publique en haleine, pour tout ce qui touche aux pages les plus sombres de l’histoire de notre pays, tout en se défendant du contraire.

            Pourquoi ne pas dire dès le départ que ce type de discours incarne et diffuse une forme de perversion intellectuelle sur l’objet « mémoires » ?

            Rappelons succinctement quelles sont les Tables de la Loi du site Mediapart : une information de qualité, cultivant l’indépendance, la pertinence, et l’exclusivité.

Qualité ? Soit ! Indépendance ? Un site qui ne serait pas irrigué par une ancienne et continue idéologie tiers-mondiste, ce qui veut dire une forme subtile de « servilité » à une idéologie ? Pertinence ? Nous verrons. Exclusivité ? Il parait difficile d’appliquer ces principes au contenu de ce dialogue, pas uniquement en raison du goût des deux dialoguistes pour tous les médias.

Ce dialogue draine beaucoup des mots qu’aime utiliser Monsieur Benjamin Stora, en jouant sur les multiples facettes du mot « mémoires », aujourd’hui « dangereuses », hier en « guerre », de nos jours « communautaristes », et récemment avec la profession de foi d’un apôtre de la paix des mémoires, selon une chronique récente du journal La Croix.

« Le prisme de la guerre d’Algérie…. Une histoire qui a été longtemps occultée

C’est à si perdre, tant son discours est toujours aussi tonitruant, nourri d’affirmations et de certitudes répétées à satiété sur l’état de ces « mémoires », sans jamais, jusqu’à présent, et sauf erreur, avoir jamais donné la moindre mesure de cette guerre des mémoires. Monsieur Jenni parle de « guerre culturelle ».

Est-il pertinent de tenir un tel discours mémoriel sans avancer la moindre évaluation des phénomènes décrits ? Non !

            Les mots tonitruants ?

            Monsieur Stora abrite son discours sous le parapluie d’une « histoire du Sud » laquelle ferait l’objet d’un « déni », en évoquant l’existence de trois mémoires celles des rapatriés, des anciens appelés du contingent d’Algérie, et  des enfants ou petits-enfants issus de l’immigration algérienne.

            « Aujourd’hui, la mémoire de cette guerre fait retour, massivement, dans les sociétés, algérienne et française… »

            Il conviendrait d’expliquer par quelle voie cette « histoire » ou cette « mémoire » fait aujourd’hui retour massivement  chez les enfants ou petits-enfants nés après 1962.

            S’agit-il 1) de l’Algérie ou de l’Empire colonial ? 2) de l’opinion du mémorialiste, fils d’un rapatrié de Constantine, ou enfin de la mesure de ce retour massif de la mémoire de cette guerre?

            A lire ce dialogue, la guerre des idées ferait rage, « des affrontements mémoriels d’une grand violence symbolique », « Ce conflit mémoriel », « Cette bataille culturelle », en dépit du « déni », du « refoulement », de la « dénégation » de notre pays, toutes caractéristiques  abondamment décrites en chœur par les deux dialoguistes ?

            J’oserais écrire volontiers que ce type de discours ne correspond pas, jusqu’à preuve du contraire, à la situation historique actuelle de notre pays.

            J’oserais écrire une fois de plus que le peuple de France n’a jamais eu la fibre coloniale, que l’empire, sauf exception, n’a jamais été la préoccupation des Français, que la question coloniale a fait irruption dans notre histoire avec la guerre d’Algérie, et de nos jours, avec la présence d’une population d’origine immigrée largement nourrie par l’ancien domaine colonial.

J’oserais écrire qu’en 1962, la grande majorité des Français et des Françaises ont été contents de se débarrasser du dossier algérien, et qu’à ma connaissance, la France d’alors n’a pas accueilli joyeusement le flot des rapatriés venus d’Algérie, comme s’en rappelle sans doute l’actuel Président  de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration.

            J’oserais écrire que ce type de discours mémoriel est étranger à celui de beaucoup des soldats, sous-officiers, officiers qui ont fait la guerre d’Algérie, faute pour le gouvernement de gauche de l’époque d’avoir su ménager une vraie voie d’évolution politique de l’Algérie.

            Beaucoup d’entre eux ont livré publiquement le fruit de leurs mémoires, et rien n’a été caché, le blanc comme le noir, comme dans toute guerre.

Deuxième partie

Non Messieurs Stora et Jenni, nous,  anciens soldats du contingent n’avons pas tous torturé, violé les femmes algériennes, fait partie d’une armée soi-disant « coloniale » !

            C’est un mensonge de dire que ces histoires ont fait l’objet d’un déni de la part des Français qui ont été tenus largement au courant de ce qui se passait en Algérie ou dans les autres colonies, pour le petit nombre que la chose concernait et intéressait, car il n’y en avait pas beaucoup.

            Dans la vallée de la Soummam, plus en état d’insécurité qu’à Alger, Oran, ou Constantine, dans les années 1959-1960, il m’est arrivé de pouvoir me procurer le journal Le Monde, lequel n’était pas spécialement tendre, et même honnête, à l’égard de notre action en Algérie.

            Ce type de discours est à mes yeux une forme beaucoup plus subtile et plus massive de propagande que ne l’a jamais été la propagande coloniale.

            L’historienne Sophie Dulucq a consacré une étude approfondie de l’écriture de l’histoire ou de l’historiographie à l’époque coloniale, et tout au long de son ouvrage, comme je l’ai signalé dans ma lecture critique sur ce blog, court un des nombreux fils conducteurs, à savoir la question de savoir si ses rédacteurs étaient soumis à une servilité à l’égard du ou des pouvoirs.

            Ma conclusion était on ne peut plus nuancée, en observant qu’il existait plusieurs sortes de servilité, notamment dans la catégorie idéologique, les quatre plus récentes étant le marxisme, le tiers-mondisme, le marché en monnaie sonnante et trébuchante, et la repentance- victimisation- assistance.

            Le discours mémoriel de Monsieur Stora relève d’au moins une des formes de cette servilité.

            Mais puisqu’il s’agit aussi d’histoire au moins autant que de mémoire, pourquoi ne rangerait-on pas les deux romans de Messieurs Jenni et Ferrari, couronnés tous deux par le prix Goncourt, dans la catégorie des romans historiques, avec deux auteurs qui, avec un réel talent d’écriture, réécrivent un pan de l’histoire de France ?

            Etrangement ces deux romanciers troussent leurs intrigues en mettant en scène une partie de notre histoire coloniale, d’abord celle de la guerre d’Algérie, en donnant vie ou parole à certains de leurs personnages qui émaillent leur récit d’exemples qui généralement ne font pas à honneur à notre pays.

            Seul problème, Monsieur Ferrari n’a connu de l’Algérie, sauf erreur, que celle récente des années 2003-2007, au cours de son expérience de professeur en Algérie pendant ces quelques années, et Monsieur Jenni, en effectuant ses propres recherches historiques en France comme il l’indique dans le dialogue :

            « J’ai écrit l’Art français de la guerre en me documentant par moi-même, mais après sa parution, j’avais été très frappé de réaliser l’ignorance extraordinaire des gens sur l’histoire coloniale en général : notre propre histoire nous est totalement méconnue. Je tombais des nues : moi qui ne suis pas historien du tout, je me suis rendu compte que tout ce que j’avais trouvé facilement était ignoré par le public – je n’étais pas chercheur, je n’avais pas fréquenté des bibliothèques universitaires pour trouver ce dont j’avais besoin pour écrire sur l’Algérie coloniale, j’ai seulement ramassé ce qui était accessible au grand public. Je me suis rendu compte de l’ignorance à l’égard de notre histoire, et aussi de l’ignorance à l’égard des autres, qui est encore plus profonde. »

            Est-ce que ces propos n’apporteraient pas la preuve de la thèse que j’essaie de défendre depuis quelques années, à savoir que la France n’a jamais été coloniale, que seule la guerre d’Algérie par son côté de sale guerre comme toutes les guerres subversives,  a fait découvrir à l’opinion publique, mais surtout aux familles des jeunes gens du contingent, un des domaines de cette histoire, où, comme par hasard, existait la seule communauté européenne.

            Ai-je besoin d’ajouter, comme je l’ai déjà écrit aussi, que dans beaucoup de situations algériennes, hormis la côte, tous mes camarades constataient que l’Algérie n’était pas la France ?

            Un mot encore sur le prix Goncourt et sur les pseudo-romans de guerre !

            Par un étrange concours de circonstances, et au début du siècle passé, à l’heure de la colonisation soi-disant triomphante, dans une France qui « baignait dans la culture coloniale », dixit le collectif Blanchard and Co, le même prix Goncourt, en tout cas dans son appellation, fut décerné à deux ouvrages qui dénonçaient à leur façon les dessous ou les à-côtés du « roman » colonial, Claude Farrère dans son livre « Les Civilisés » et plus tard René Maran, dans son livre « Batouala »

            Les deux auteurs mettaient leur talent au service de la France, en ne cachant pas grand-chose des conquêtes coloniales, et beaucoup de témoignages dénonçaient aussi la violence coloniale, mais beaucoup d’autres récits d’explorateurs, d’officiers et d’administrateurs décrivaient dans leurs carnets de route, sans servilité à l’ égard du pouvoir, les mondes qu’ils découvraient.

En est-il de même pour les deux bénéficiaires de ce prix, lesquels, un siècle plus tard, reconstruisent purement et simplement un pan de notre histoire coloniale, qui ne fut jamais véritablement nationale, sans avoir, semble-t-il, aucune expérience de la guerre, et guère plus des terres exotiques décrites ?

            A mes yeux, le prix Goncourt a couronné purement et simplement deux œuvres qui distillent ou diffusent un discours national de repentance ou d’autoflagellation.

            Dans un passé plus ou moins lointain, d’autres écrivains et romanciers ont obtenu le prix Goncourt en proposant des récits des guerres auxquelles ils avaient participé ou dont ils avaient été témoins, sans avoir besoin de faire appel plus de cinquante plus tard à leur imagination inventive et livresque, pour intéresser leurs lecteurs.

            Après la première guerre mondiale, Dorgelès, Genevoix seraient à citer,  ou Jules Roy, après la deuxième guerre mondiale.

En ce qui concerne les guerres de décolonisation, les récits de Lucien Bodard sur l’Indochine et l’Extrême Orient seraient à citer, et pour l’Algérie, « La grotte » du colonel Buis, très bon exemple de la problématique très compliquée des guerres coloniales que les deux auteurs décrivent dans leur « salon », sinon du haut ou du bas de leurs chaires d’enseignants.

            Non messieurs les romanciers, tous les soldats, tous les sous-officiers, tous les officiers d’une armée française qui ne fut pas coloniale, fusse du contingent ou de l’armée de métier n’ont pas été des tortionnaires ou des salauds !

            Dernières remarques : 1) ce dialogue ne se situe évidemment pas encore au niveau intellectuel du dialogue Camus-Char (Angers, 1951), et encore moins à ceux de Platon.

            2) Ou comme le déclarait en 2009, le Président actuel de l’AFP, Emmanuel Hoog : « Trop de mémoire tue l’histoire »

            3) Pourquoi ne pas recommander à ces romanciers de s’inspirer par exemple de la méthode d’écriture d’un excellent romancier historique, Jean d’Aillon, qui prend soin de conclure souvent ses ouvrages par une rubrique sur « Le vrai, le faux » ?

            Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Les Relations entre la France et l’Algérie (1962-2020) – « La guerre des mémoires » de Benjamin Stora

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Les Relations entre la France et l’Algérie (1962-2020)

Vive l’Indépendance de la France !

Avant tout commentaire, et avant de se forger une opinion, il est difficile de parler de mémoire collective,  sans faire référence à l’ouvrage « fondateur » un qualificatif goûté par certains chercheurs, « La Mémoire collective » de Maurice Halbwachs, mort en déportation, publié après sa mort.

J’en ai proposé un résumé sommaire sur le blog du 15 avril 2010.

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« La guerre des mémoires

La France face à son passé colonial »

par Benjamin Stora

            « Pourquoi ne pas avouer que j’ai éprouvé un malaise intellectuel à la lecture de beaucoup des pages de ce livre, crayon en mains, alors que j’ai  aimé l’article du même auteur à la mémoire de Camus (Etudes coloniales du 30 septembre 2007). Albert Camus a été un de mes maîtres à penser,  à agir, et à réagir,  avant, pendant la guerre d’Algérie, et après. J’y ai servi la France et l’Algérie, en qualité d’officier SAS, en 1959 et 1960, dans la vallée de la Soummam, entre Soummam et forêt d’Akfadou.

              Un historien sur le terrain mouvant des mémoires chaudes, pourquoi pas ? Mais est-ce bien son rôle ? Dès l’avant-propos, le journaliste cadre le sujet de l’interview de M.Stora : « La France est malade de son passé colonial », mais sur quel fondement scientifique, le journaliste se croit-il permis d’énoncer un tel jugement ?

            Il est vrai que tout au long de l’interview l’historien accrédite cette thèse et s’attache à démontrer l’exactitude de ce postulat : les personnes issues des anciennes colonies, première, deuxième, troisième génération (il faudrait les quantifier, et surtout les flux , les dates, et les origines) «  se heurtent inévitablement à l’histoire coloniale » (p.12), « la guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), la « fracture coloniale », « c’est une réalité » (p.33), « l’objectif est d’intégrer, dans l’histoire nationale, ces mémoires bafouées » (p.81), « saisir comment s’élaborent en permanence les retrouvailles avec un passé national impérial » (p.90)

            Et l’auteur de ces propos, qui se veut « un passeur entre les deux rives », incontestablement celles de la Méditerranée, accrédite le sérieux des écrits d’un collectif de chercheurs qui n’ont pas réussi, jusqu’à présent, par le sérieux et la rigueur de leurs travaux historiques, à démontrer la justesse de la thèse qu’ils défendent, fusse avec le concours bienveillant de certains médias, quant à l’existence d’une culture coloniale, puis impériale, qui expliquerait aujourd’hui la fameuse fracture coloniale. (1)

Et le même auteur de reprendre le discours surprenant, de la part d’historiens de métier, sur la dimension psychanalytique du sujet : « la perte de l’empire colonial a été une grande blessure narcissique du nationalisme français » (p.31), pourquoi pas ? Mais à partir de quelles preuves ? « Refoulement de la question coloniale » (p.32). « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective, jusqu’à aujourd’hui, une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer » » (p.32). « Les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            « Pourquoi cette sensation diffuse d’une condition postcoloniale qui perdure dans une république où les populations issues des anciens empires n’arrivent pas à se faire entendre ? » (p.90).

Comment ne pas souligner le manque de clarté des propos de l’auteur, lequel écrit page 11 que la population issue des anciennes colonies a doublé entre les années 1980 et 2007, et les propos qu’il tient parallèlement sur les « mémoires bafouées » : mais les colonies sont indépendantes depuis le début des années 60, et l’Algérie depuis 1962 ? (2)

            De quelles générations s’agit-il ? Des enfants d’immigrés du travail venus en France avant 1962 ? Ou pour l’Algérie, importante source d’immigration, des enfants de pieds noirs, de harkis, ou d’enfants de citoyens algériens venus en France après l’indépendance de leur pays, notamment en raison de ses échecs économiques, puis de sa guerre, à nouveau civile ? Pour ne citer que l’exemple de l’Algérie qui est le postulat de la plupart de ces réflexions.

            L’auteur cite le cas de Boudiaf, un des principaux fondateurs du FLN, lequel revenu d’exil dans son pays en 1992, était inconnu des jeunes Algériens : « Les jeunes Algériens ne connaissaient même pas son nom » (p.60). (3)

            Quant au propos tenu sur Madagascar, pays avec lequel j’entretiens des relations particulières, « Dans cette ancienne colonie française, les milliers de morts des massacres de 1947 restent dans toutes les mémoires ». (4)

            Je ne suis pas le seul  à dire que la repentance de Chirac, lors de son voyage de   2005,  est tombée à plat, parce que ce passé est méconnu des jeunes générations.

            L’auteur de ces lignes est-il en mesure de justifier son propos ?

            Les Malgaches ne connaissent pas mieux leur passé colonial que les Français, car pour ces derniers, ce n’est pas l’enquête de Toulouse, faite en 2003, par le collectif de chercheurs évoqué plus haut, qui peut le démontrer. Cette enquête va clairement dans un tout autre sens, celui de la plus grande confusion qui règne actuellement sur tout ce qui touche le passé colonial, la mémoire, et l’histoire coloniale elle-même, et la réduction de cette histoire à celle de l’Algérie. Cette enquête révélait en effet l’importance capitale de la guerre d’Algérie dans la mémoire urbaine de Toulouse et de son agglomération.

            Et ce constat avait au moins le mérite de corroborer deux des observations de l’auteur, celle relative à « l’immigration maghrébine » qui « renvoie à l’histoire coloniale », et l’autre quant à l’importance de la guerre d’Algérie dans cette « guerre des mémoires » : « Mais, c’est la guerre d’Algérie, qui est le nœud gordien de tous les retours forts de mémoire de ces dernières années. » (p.50)

            L’obsession de l’Algérie

            Et c’est sur ce point que le malaise est le plus grand, car comment ne pas voir, que pour des raisons par ailleurs très estimables, l’auteur de ces lignes a l’obsession de l’histoire de l’Algérie, et qu’il a tendance à analyser les phénomènes décrits avec le filtre de l’Algérie, pour ne pas dire la loupe, avec toujours en arrière-plan, le Maghreb.

            Le tiers des pages de ce livre se rapporte à l’Algérie, et beaucoup plus encore dans l’orientation des réflexions qui y sont contenues. Les autres situations coloniales ne sont évoquées qu’incidemment, alors que l’histoire coloniale n’est pas seulement celle de l’Algérie, quelle que soit aujourd’hui l’importance capitale de ce dossier.

            Un mot sur la mémoire ou les mémoires de l’Algérie et de la guerre d’Algérie. Pour en avoir été un des acteurs de terrain, je puis témoigner qu’il est très difficile d’avoir une image cohérente et représentative de la guerre d’Algérie vécue par le contingent. Chaque soldat, chaque sous-officier, et chaque officier, a fait une guerre différente selon les périodes, les secteurs, les postes militaires occupés, et les commandements effectifs à leurs différents niveaux (sous quartiers, quartiers, secteurs, et régions). Si beaucoup d’anciens soldats du contingent ont écrit leurs souvenirs, peu par rapport à leur nombre, mon appartenance à ce milieu me conduit à penser que beaucoup d’entre eux se réfugient toujours dans le silence, mais pas obligatoirement pour la raison qu’ils auraient commis des saloperies, ou assisté à des saloperies. Un silence qui pourrait s’expliquer par un fossé immense d’incompréhension entre leur vécu, l’attitude des autorités d’hier ou d’aujourd’hui, et celle du peuple français

            M.Rotman a parlé de guerre sans nom. Je dirais plus volontiers, guerre de l’absence, absence d’ennemi connu, absence du peuple dans cette guerre, sauf par le biais du contingent qui, à la fin de ce conflit, s’est trouvé tout naturellement en pleine communauté de pensée avec le cessez le feu du 19 mars 1962. Et c’est sans doute le sens profond de sa revendication mémorielle.

            Pour la grande majorité des appelés, l’Algérie n’était pas la France.

            Les appelés ne savent toujours pas quelle guerre on leur a fait faire : guerre de l’absence et du silence (5), et le remue-ménage qui agite en permanence, à ce sujet, certains milieux politiques ou intellectuels leur est étranger.

            Il convient de noter que pour un acteur de ce conflit, ou pour un chercheur marqué dans sa chair et dans son âme par celui-ci, c’est un immense défi à relever que de vouloir en faire l’histoire.

            Et sur au moins un des points évoqués dans le livre, je partage le constat qu’il fait sur l’effet des lois d’amnistie « personne ne se retrouvera devant un tribunal » (p.18), et personnellement je regrette qu’il en soit ainsi, parce qu’il s’agit là d’une des causes du silence du contingent, et de cette conscience d’une guerre de l’absence. A quoi servirait-il de dénoncer des exactions injustifiables si leurs responsables, c’est-à-dire les salauds inexcusables n’encourent  aucune poursuite judiciaire ? Cette amnistie n’a pas rendu service à la France que j’aime et à son histoire.

            Le métier d’historien

            Ma position de lecteur, amateur d’histoire, assez bon connaisseur de notre histoire coloniale, me donne au moins la liberté de dire et d’écrire ce que je pense des livres qui ont l’ambition de relater ce pan de notre histoire.

            Ce passage permanent de la mémoire à l’histoire  et inversement, est très troublant, sans que l’intelligence critique y trouve souvent son compte! Et beaucoup d’affirmations ne convainquent pas !

            Est-il possible d’affirmer, en ce qui concerne l’Assemblée Nationale et sa composition : « C’est d’ailleurs une photographie assez fidèle de cette génération qui a fait la guerre d’Algérie ou qui a été confrontée à elle. »

            Une analyse existe-t-elle à ce sujet ? Et si oui, serait-elle représentative de l’opinion du peuple français à date déterminée ?

            Tout est dans la deuxième partie de la phrase et le participe passé « confrontée » qui permet de tout dire, sans en apporter la preuve.

            La mise en doute du résultat des recherches qui ont été effectuées sur l’enrichissement de la métropole par les colonies : mais de quelle période parle l’auteur et de quelle colonie ? (p.20)

            L’affirmation d’après laquelle la fin de l’apartheid aurait été le  « coup d’envoi » mémoriel mondial (p.41) : à partir de quelles analyses sérieuses ?

            L’assimilation de l’histoire coloniale à celle de Vichy, longtemps frappée du même oubli. (p.21,50,96).  Non, les situations ne sont pas du tout les mêmes !

            Et ce flottement verbal et intellectuel entre mémoire et histoire, une mémoire partagée ou une histoire partagée ? (p.61,62, 63). Outre la question de savoir si une histoire peut être partagée.

             Et pour mettre fin à la guerre des mémoires, un appel à la reconnaissance et à la réparation (p.93), ou en d’autres termes, à la repentance, que l’historien récuse dans des termes peu clairs dans les pages précédentes (p.34), une récusation partielle répétée plus loin (p.95).

            Et d’affirmer qu’il est un historien engagé (p.88) et d’appeler en témoignage la tradition dans laquelle il inscrit ses travaux, celle des grands anciens que sont Michelet, Vidal-Naquet et Vernant. Pourquoi pas ? Mais il semble difficile de mettre sur le même plan, périodes de recherche et histoires professionnelles et personnelles des personnes citées.

            Le lecteur aura donc compris, en tout cas je l’espère, pourquoi le petit livre en question pose en définitive autant de questions sur l’historien et sur l’histoire coloniale que sur les mémoires blessées ou bafouées qui auraient été transmises par je ne sais quelle génération spontanée aux populations immigrées, issues des anciennes colonies.

            Pourquoi refuser de tester la validité « scientifique », et en tout cas statistique, de ce type de théorie historique ?

            Nous formons le vœu qu’une enquête complète et sérieuse soit menée par la puissance publique sur ces questions de mémoire et d’histoire, afin d’examiner, cas par cas, l’existence ou l’absence de clichés, des fameux stéréotypes qui ont la faveur de certains chercheurs qui s’adonnent volontiers à Freud ou à Jung, la connaissance ou l’ignorance de l’histoire des colonies, et donc de mesurer le bien fondé, ou non, des thèses mémorielles et historiques auxquelles l’historien a fait largement écho.

            Alors, histoire ou mémoire ?

            La nouvelle ère des « historiens entrepreneurs ».

             L’histoire est-elle entrée dans un nouvel âge, celui de l’Historien entrepreneur selon l’expression déconcertante de Mme Coquery-Vidrovitch (Etudes coloniales du 27/04/07), ou celui de l’histoire devenue bien culturel selon l’expression de l’auteur ? Mais en fin de compte, sommes-nous toujours dans l’histoire ?

            Et à ce propos, nous conclurons par deux citations de Marc Bloch, évoquant dans un cas Michelet et ses  hallucinatoires résurrections, et dans un autre cas,  le piège des sciences humaines :

            «  Le grand piège des sciences humaines, ce qui longtemps les a empêchées d’être des sciences, c’est précisément que l’objet de leurs études nous touche de si près, que nous avons peine à imposer silence au frémissement de nos fibres. » (Fustel de Coulanges-1930)

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Références

  1. Les œuvres  de l’équipe Blanchard-Lemaire-Bancel
  2. A la page 90, l’auteur écrit sur le travail des historiens : «  On peut se demander effectivement, si ces saignements de mémoire, ces désirs mémoriels exprimés par une partie de plus en plus importante de notre société, ne freinent pas le travail de l’historien. »
  3. Boudiaf a été assassiné par le FLN en
  4. Le discours de Chirac s’inscrivait dans ce climat généralisé d’ignorance d’une mémoire coloniale enfin mesurée.
  5. La plupart des soldats du contingent savaient ce qu’étaient les fels et les terroristes sur le terrain, mais ignoraient presque tout du contenu de la guerre contre-révolutionnaire qu’on leur faisait faire.

Quelques références de lecture sur le blog :

      Jeux de mémoire coloniale ou le Sexe des Anges coloniaux (15/04/2010-25/04/2010- 7/05/2010)

      Histoire ou mémoire ou subversion : Benjamin Stora (3/04/2017)

      Subversion et pouvoir (20/09/2017)

      Une subversion postcoloniale ordinaire (4/04/2018)

      Mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie : de quoi s’agit-il ? (16/08/2020)

Les Relations entre la France et l’Algérie (1962-2020) Vive l’Indépendance de la France !

Les Relations entre la France et l’Algérie (1962-2020)

Vive l’Indépendance de la France !

1

Avant tout commentaire, et avant de se forger une opinion, il est difficile de parler de mémoire collective,  sans faire référence à l’ouvrage « fondateur », un qualificatif goûté par certains chercheurs, « La Mémoire collective » de Maurice Halbwachs, mort en déportation, publié après sa mort.

J’en ai proposé un résumé sommaire sur le blog du 15 avril 2010.

&

« Initiatives mémorielles… organisationnelles… politiques…cet impensé… »

« Ventre Saint Gris » ! Comme aurait juré Henri IV !

 Presque 60 ans plus tard !

Vive enfin l’Indépendance de la France !

Les Confidences du Président à Arthur Berdah, journal du Figaro du 6 novembre 2020, page 8, sous le titre « Islamisme : ce que Macron a en tête »

Le Président a chargé Monsieur Stora, historien et mémorialiste de la Guerre d’Algérie  de lui faire un rapport sur le sujet en décembre prochain :

« Cette étape ouvrira ensuite la voie à des initiatives mémorielles, des initiatives organisationnelles pour la jeunesse et une série d’initiatives politiques »… « sur le sujet, toutes prévues entre 2021 et 2022. » (Comme parhasard !) « On n’a pas réglé le problème de la guerre d’Algérie parce qu’on n’a pas réglé cet impensé de l’histoire contemporaine française… »

            Pourquoi cette mission confiée à un historien-mémorialiste qui fait partie de la mouvance maghrébine des enfants dont les dents sont encore ou ont été « agacées » par Les Raisins Verts qu’ont mangé leurs parents en Algérie est une fois de plus incongrue ? Une mouvance intellectuelle qui ne pouvait qu’être placée sous le signe biblique des « Raisins Verts » : on récolte ce qu’on sème…

            Pour continuer à agiter un monde qui a très largement disparu et que des groupes de pression ont intérêt à manipuler pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’histoire ?

L’historien indien Sanjay Subrahmanyam introduit le chapitre IV « Nationalisme, identité et histoire universelle »,  dans le livre « Faut-il universaliser l’histoire ? (2020) »:

« La question de savoir pourquoi l’on choisit d’étudier l’histoire est bien trop souvent liée à celles concernant la personne qui a fait ce choix et son champ d’étude. » (page 89)

Propos d’un historien un brin dérangeant ! Son livre « Leçons indiennes » a fait l’objet d’une analyse critique le 3 juin 2016.

            L’historien Pierre Goubert confiait qu’il avait choisi d’étudier le Moyen Age afin d’éviter précisément ce mélange des genres entre histoire, mémoire et vécu.

            Il est évident que le Président a fait le choix d’un homme dont le parcours n’est pas de nature à faire naître la confiance dans l’ ensemble des initiatives qu’il lui recommandera : un historien qui depuis de longues années a ses petites et grandes entrées dans le microcosme politique parisien des princes, de préférence à gauche, qui nous gouvernent.

            Pour avoir été officier SAS du contingent pendant la guerre d’Algérie, sans que ma famille n’ait eu d’intérêt à défendre au Maghreb,  je ne suis pas du tout prêt à adhérer à ce type de manipulation politique : pourquoi me réconcilier et avec qui ? Avec la jeunesse algérienne qui manifeste depuis quelques années pour plus de liberté dans son pays, plus de 50 ans après l’indépendance de l’Algérie ?

Revenons au cœur de notre sujet : comment adhérer à la défense d’une thèse mémorielle, et non historique, ou même idéologique, à partir du moment où cette thèse n’a pas été fondée jusqu’à présent par une ou plusieurs enquêtes statistiques, comme il en pleut chaque jour dans les médias depuis plusieurs dizaines d’années ?

            Monsieur Stora a longuement exposé cette thèse mémorielle dans un petit livre intitulé « La Guerre des Mémoires », publié en 2007.

            J’ai analysé longuement les constats et raisonnements de son auteur, et publié à l’époque une critique de l’ouvrage sur le blog « Etudes coloniales » le 11/11/2007. Je l’ai publiée à nouveau sur ce blog le 20 janvier 2016 dans le cadre d’une synthèse sur le modèle de la propagande postcoloniale, celle développée notamment par les historiens Blanchard, Lemaire, et Bancel, laquelle souffre de la même carence  quantitative d’analyse des sources historiques et de leurs effets.

            Tout à fait curieusement, et sauf erreur, dans un livre truffé de chiffres et d’enquêtes sur « L’archipel français » de Jérôme Fourquet, le post-colonial est quasiment absent : la fameuse « Fracture coloniale » des trois historiens Blanchard-Bancel-Lemaire s’est évanouie, de même que les « saignements de mémoire ». de Monsieur Stora, page 90.

Je publie à nouveau cette analyse comme un des éléments de réponse à la décision tout à fait étrange et inacceptable de la désignation de l’historien mémorialiste à la tête d’une mission de réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie.

Je précise que cette analyse critique ne porte pas sur les travaux d’un historien en cette qualité, mais sur le rôle, pour ne pas dire la « mission » idéologique et politique qu’il s’est donnée sur le sujet.

Le lecteur est bien obligé de constater que l’auteur se répand en propos sur la ou les mémoires, sans avancer aucun chiffre les accréditant.

Le lecteur trouvera en postface un certain nombre de références de chroniques que j’ai publiées sur le sujet et sur ce blog.

L’Observatoire B2V des Mémoires a publié en 2019 un livre intitulé « La mémoire, entre sciences et sociétés », sous la direction de Francis Eustache, un ouvrage savant, volumineux, qui ne s’inscrit pas vraiment dans l’héritage scientifique de Maurice Halbwachs : ces travaux ne font pas beaucoup avancer, à mes yeux en tout cas, la méthodologie statistique et scientifique d’analyse de la mémoire collective dans le domaine de l’histoire.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

L’assassinat de Samuel Paty: « il faut faire le ménage »

L’assassinat de Samuel Paty, Professeur d’Histoire

Le 16 octobre 2020

En sa mémoire

Une simple question :

Quand est-ce que les pouvoirs publics vont-ils se décider à « faire le ménage » dans le « milieu » des ennemis de la France ?

Jean Pierre Renaud

« La Question post-coloniale  » – Deuxième Partie – « Les luttes pour l’indépendance »

« La Question post-coloniale »

Deuxième Partie

Les luttes pour l’indépendance

(pages 123 à 213)

Chapitre 3

Comment les empires coloniaux ont-ils pris fin ?

&

 Avant-propos méthodologique

            L’auteur jouit de la réputation d’un géopolitologue sérieux et novateur, pour avoir fondé la revue savante et appréciée, la Revue Hérodote.

            Il n’empêche que l’analyse qu’il propose soulève des questions redoutables de déontologie intellectuelle, à partir du moment où les sujets traités, analysés, se caractérisent par un mélange des genres évident entre convictions, expériences, engagements politiques, même s’il est vrai que cette caractéristique a coloré toute une génération d’intellectuels et d’enseignants marxistes, une situation qui pèse sur le crédit scientifique des travaux.

            Ici, il s’agit de l’ensemble des historiens ou de géopolitologues qui se sont engagés dans les luttes coloniales, avec dans le cas de l’Afrique du nord, l’existence d’une matrice maghrébine très influente en métropole, déjà évoquée, avant et après les indépendances.

            C’est notamment le cas pour la guerre d’Algérie qui a donné naissance à une profusion de mémoires et de témoignages qui se sont largement substitués à l’histoire.

            J’ai déjà évoqué ce type de problématique, le plus souvent non résolue, des sciences humaines, et dans le cas de l’histoire, et rappelé les raisons du choix du domaine historique que fit l’historien Goubert.

            Les sciences humaines ont le redoutable défi d’accréditer leurs analyses sur des bases « scientifiques », et les situations décrites n’y échappent évidemment pas, compte tenu de la quantité de biais scientifiques qui sont à éviter, dans des contextes d’engagement et de fréquentation du terrain, pourquoi ne pas dire des « territoires », pour faire appel à un concept d’Yves Lacoste.

            Le même type de problème se pose quant à la « scientificité » des thèses de doctorat, à partir du moment où les présidents et directeurs de thèses sont les maîtres du jeu, et que la soutenance « publique » devant le jury est généralement confidentielle et que ses délibérations, non publiées, sont quasiment couvertes par un secret défense.

Les doctorats souffrent d’un véritable « secret de la confession », une carence de transparence, comme je l’avais écrit sur le blog « Etudes coloniales » et sur mon propre blog. J’en avais également fait part à la professeure Bergada.

            Une anecdote pour clore cet avant-propos : il m’est arrivé, il y a fort longtemps, et à l’occasion d’une rencontre non universitaire, d’évoquer le sujet auprès d’une professeure d’université (un temps à l’Elysée), laquelle n’avait pas caché  qu’il s’agissait effectivement des pratiques universitaires.

Chapitre 3

« Comment les empires coloniaux ont-ils pris fin ? »

&

Témoignage, mémoire, histoire, géopolitique ?

Un rapide passage en revue

            Compte tenu de mon passé d’officier SAS du contingent pendant la guerre d’Algérie (1959-1960), par hypothèse colonialiste et usager de la gégène, je me contenterai de passer en revue les thèmes traités et les quelques questions posées.

            D’autant plus que l’analyse fait l’impasse complète sur les centaines de milliers de petits gars du contingent de France qui pensaient faire leur devoir de citoyen !

            « Il y eut autrefois de grands mouvements d’indépendance sans indigènes. » (page 124) (notamment en Amérique centrale et sud)

            « … Au début du XXe siècle commencent d’importants changements dans les sociétés indigènes…… » (page 129)

            « … La Seconde Guerre Mondiale, principale cause de la disparition des empires coloniaux d’outre-mer… Mais les empires coloniaux en continuité territoriale se sont alors maintenus… » (URSS et Chine) « (pages 130,132)

            « La Seconde Guerre Mondiale et le mouvement national algérien (page 135)

            « En Algérie, les conséquences de la Guerre Mondiale furent extrêmement importantes. Elles sont d’abord à l’origine des massacres de Sétif du 8 mai 1945, jour de la capitulation de l’Allemagne et les souvenirs de ces massacres pèsent lourd, neuf ans plus tard, dans le développement de la « révolution algérienne »  contre la France. Cinquante ans après l’indépendance, la question post-coloniale qui préoccupe de plus en plus de Français, est pour une grande part un effet de l’évolution très singulière du drame algérien. On peut dire que le prologue de la tragédie a été constitué par ces massacres de Sétif que j’ai évoqué d’entrée de jeu. Les Algériens en parlent beaucoup encore mais sans en prendre en compte toutes les causes. » (page 135)

Questions :  les deux constats cités par l’auteur auraient mérité d’être statistiquement justifiés, 1) « la question post-coloniale qui préoccupe de plus en plus de Français ». 2) « les Algériens en parlent beaucoup encore »

            Un propos d’homme de science ? Sans justification statistique, alors que les sondages et enquêtes statistiques de toute nature nourrissent chaque jour l’actualité ? Les animateurs de ce type de propagande post-coloniale auront-ils le courage un jour de lever un légitime soupçon ?

            Pourquoi les Anglais ne se sont-ils pas cramponnés à l’Inde ? (page 140)

            Sans renvoyer le lecteur vers les analyses comparatives entre Empires coloniaux anglais et français que j’ai proposées sur mon blog, lesquelles sont beaucoup consultées depuis quatre ans, je dirais simplement que les situations coloniales n’avaient pas grand-chose à voir entre elles.

            Dans les pages 148 et suivantes, l’auteur cite in extenso le discours de Clément Attlee devant la Chambre des Communes, le 15 mars 1946, en le titrant :

 « Un très grand discours sur l’Inde que les Français devraient connaitre et méditer. »

Question dans quel univers géopolitique sommes-nous plongés ?

            L’auteur cite le cas de l’Irlande, qu’il m’est arrivé de citer moi-même, où le colonialisme britannique a régné très longtemps, et qui mériterait à lui seul une longue analyse géopolitique, géographique bien sûr, mais tout autant sociale et politique d’un pays qui gardait et garde encore une tradition sociale bien enracinée entre classes supérieures et classes inférieures : dans l’empire britannique l’administration coloniale était entre les mains de la classe supérieure.

            Pourquoi le Vietnam a-t-il dû mener de si longues guerres pour son indépendance et sa réunification ? (page 153-169)

            J’avancerais au moins deux raisons principales, sans aller plus loin, l’aveuglement des « décideurs » politiques de la métropole, dans un premier temps, et dans un deuxième temps, l’irruption de la Guerre Froide avec une Chine devenue communiste en 1949.

Chapitre 4

Les luttes pour l’indépendance en Afrique du Nord

(p,170 à 213)

            « Des colonies où le nombre des Européens était relativement élevé. »

            Commentaire : avant tout en Algérie, seul cas de figure dans l’empire colonial français !

            « Distinguer les luttes pour l’indépendance de celles qui autrefois avaient été menées contre l’invasion »

            « Des frontières anciennes » (p,172)

            « Une décolonisation assez bien menée en Tunisie et au Maroc, tragique en Algérie »

            « Comment expliquer cette différence de destin de ces trois peuples voisins et véritablement frères lors de leur lutte pour l’indépendance contre une même puissance coloniale ? Certes, l’Algérie était une colonie et constituait même « trois départements français », alors que la Tunisie et le Maroc étaient seulement des protectorats. Dans chacun d’eux régnait encore en principe un souverain indigène. Nous verrons que la conquête de chacun des trois pays avait été menée, à soixante-dix ans d’écart de façon tout à fait différente… »

            « Encore les conséquences de la Seconde Guerre mondiale » (p,175)

« Les luttes pour l’Indépendance de la Tunisie » (p, 175)

            « Les luttes pour l’indépendance du Maroc » (p,179)

« Les tragédies algériennes » (p,188 à 213)

     « Alors qu’au XIX siècle, la  conquête de l’Algérie par une grande partie de l’armée française a été une véritable tragédie tant elle a été longue et meurtrière (de toutes les conquêtes coloniales, elle a été la plus difficile) la lutte des Algériens pour leur indépendance, encore une fois contre la plus grande partie de l’armée française, fut, avec celle des Vietnamiens, celle qui dura le plus longtemps et fut la plus dure » (p,188)

Question : quel sens l’auteur a-t-il voulu donner aux expressions soulignées ? Curieuses !

    « Pourquoi les Français après le 1er novembre 1954 semblent s’être cramponnés à l’Algérie ? (p,188)

    « C’est l’image que la France a donnée sur le plan international. En fait, les « Français de France » ne savaient pas ce qu’y s’y passait habituellement : la morgue des grands colons, les fraudes électorales, la répression massive de Sétif. Ils croyaient que l’Algérie, c’était trois départements français comme les autres, à ceci près qu’il y avait des Arabes. En 1956, le gouvernement investi par des députés qui venaient d’être élus sur le mot d’ordre « Paix en Algérie»  a bientôt déclaré aux Français qu’il fallait envoyer des soldats, tous les soldats en Algérie, pour y rétablir l’ordre et pour garder le pactole tout juste découvert au Sahara.

     Les Français se sont-ils cramponnés à l’Algérie ? Ils ont surtout laissé faire nombre de partis politiques plus ou moins rivaux dont les chefs n’ont pas eu le courage ni surtout la possibilité de prendre des décisions fondamentales et les appliquer… » (p,189)

Commentaire : avec deux remarques, la première relative au fait que les Parti Communiste soutint la politique des gouvernements jusqu’en 1956, et la deuxième relative à la convergence de mon analyse historique avec l’auteur sur l’absence de culture coloniale de la France, même de l’autre côté de la Mare Nostrum.

     Je me demande pourquoi l’auteur n’a pas saisi cette occasion, déjà citée, pour illustrer son analyse historique en citant les flux d’« images » développés dans la thèse Blanchard-Bancel- Lemaire, et de la mettre en question, puisqu’il s’agissait de son choix d’analyse des « représentations », et dans cette hypothèse la « Fracture coloniale » des mêmes auteurs ?

    « La guerre aurait pu durer plusieurs années encore. «  (p,209)

     « … En définitive, la victoire du FLN résulte dans une grande mesure de la prise de conscience par de Gaulle et la grande majorité des Français des risques d’une prise du pouvoir par des militaires en Franc. Ceux-ci auraient pu s’appuyer en métropole sur un parti ultra-nationaliste réunissant, comme dans tout mouvement fasciste, des gens de gauche déçus, par les socialistes et d’autres venus de l’extrême droite, y compris d’anciens partisans de Vichy,  qui auraient pu dénoncer dans les médias la trahison de de Gaulle. Celui-ci pouvait être assassiné ; il échappa notamment à l’embuscade du Petit Clamart le 22 août 1962. »

Commentaire : je ne partage pas cette interprétation de la fin provisoire de cette histoire algérienne, d’autant plus que cette analyse fait l’impasse, étrange à mes yeux pour un homme de science qui déclare son amour pour la France, sur le sacrifice des centaines de milliers de petits Français que les gouvernements ont envoyé en Algérie, tout autant que le choix que de nombreux algériens et algériennes avaient fait en faveur de la France, dont nombre d’entre eux ont été les victimes de la barbarie du FLN.

   Dans la vallée de la Soummam, et dans les années 1954-1960, les douars n’étaient pas tous acquis au FLN et même à l’indépendance : je pense ici au douar que j’apercevais chaque jour en me levant, de l’autre côté de la vallée.

     En revanche, et comme  je l’ai déjà écrit pus haut, l’analyse Lacoste sur « La paradoxale émigration vers la France » (p,212,213) est intéressante, d’autant plus qu’elle déplace complètement les enjeux mémoriels.

     Je vous avouerai enfin que le contenu et le style évangéliste du paragraphe final « Puisse le récit – que j’ai fait à ma façon – (effectivement à sa façon), de ces luttes pour l’indépendance faire mieux comprendre aux fils et filles d Maghrébins nés en France pourquoi leur grand-père ou leur père y sont venus… » m’ont surpris.

     Je conclurai simplement en disant que les enfants et petits enfants des deux rives ont droit à la vérité.

        Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

La Parole de la France ? -1- Suite, un cas historique représentatif des absurdités coloniales : Hélie de Saint Marc

La Parole de la France ?

1 – Suite

Un cas historique représentatif des absurdités coloniales :

Hélie de Saint Marc

« Mémoires »

« Les champs de braise »

(Perrin-1995)

            Le témoignage d’un officier qui fut un des acteurs de la guerre de Libération de la France (1939-1945), Résistant, Déporté au camp de concentration de Buchenwald, officier pendant la guerre d’Indochine, avant celle d’Algérie.

       Un des grands témoins de la parole trahie et des reniements de la France !

Au péril de sa vie et au prix de sa condamnation à la prison !

&

            En 1940 : « J’avais dix-huit ans », « je voulais être officier » (p,59)

 Il entre dans la Résistance : « Avant mon arrestation en juillet 1943, j’ai rencontré peu de résistants véritables… A l’époque, la Résistance état infime… (p,64)

            A Buchenwald : « 4 – L’humiliation…. Matricule M 20543… Le Dieu de nos pères était absent de la planète Buchenwald… »(p,87)

            Après Saint Cyr, Saint Marc s’engage dans la Légion :

            « Pourtant, c’est seulement à la Légion que j’ai trouvé l’équilibre. Dans ma mémoire si chargée d’événements et d’émotions de toutes sortes, les légionnaires que j’ai commandés pendant quinze ans occupent une place écrasante. La Légion fut la grande affaire de ma vie… » (p,92)

            Ses Légionnaires : « Ils ont souvent été engagés dans des batailles pourries, parce que des autorités préféraient envoyer à la mort des étrangers plutôt que des Français… » (p,95)

            « 6 – L’aventure  « La lumière du Tonkin… La lumière du Tonkin remplaçait en moi la nuit de Buchenwald… (p,100)

            « La lumière du Tonkin… sur la RC4… un bout du Vietnam… rien n’avait bougé depuis Gallieni… nuit de veille… comme un alcool fort… Talung, le piège de mon existence… embuscades et combats de jungle… une question de confiance et de trahisons… un Moloch sans tête et sans âme… résistances vietnamiennes… le cycle de la vengeance… l’évacuation des lieux où le bonheur et la honte se sont succédé…Le piège de Cao Bang… » (p,99)

            Langson, le long de la frontière chinoise : « Les autorités françaises naviguaient à vue » (p,101)

        « La guérilla était omniprésente dans la région. »

      « Le drame communiste »… J’étais arrivé à Talung (1) comme le représentant d’une puissance coloniale aux prises avec un mouvement d’indépendance. En quelques mois j’étais devenu un soldat aidant le gouvernement vietnamien de Bao Dai à lutter contre le Vietminh communiste.  Notre étiquette et le sens du combat avaient changé. Mais l’ennemi restait le même. Il était difficile de faire comprendre cette évolution aux populations qui vivaient autour de nous. Elles étaient plus sensibles à un climat et à des personnes qu’à des considérations politiques. J’imaginais avec effroi les conséquences prévisibles en cas de victoire de la guérilla. Les villages qui s’étaient ralliés à nous seraient massacrés. (p,115,116)

       Dans la presse, je sentais le désintérêt de la métropole, comme on disait alors, pour ce combat au bout du monde. Pourtant le communisme était la grande interrogation de l’immédiat après-guerre. La Chine était sur le point de basculer. Le rideau de fer et le mur de Berlin séparaient peu à peu l’Europe en deux mondes antagonistes. Qui allait l’emporter ? La partie était rude. J’essayais de comprendre les combattants qui nous faisaient face. J’interrogeais ceux qui avaient de la famille vietminh. Quand nous faisions des prisonniers, je les questionnais sur leurs motivations. Mais j’étais le plus souvent déçu. Les hommes étaient de qualité. Ils vivaient de manière courageuse, dans les grottes, avec un petit sac de riz, courant les pistes pour monter des embuscades. Ils étaient de la trempe de ceux qui donnent leur vie pour plus grand qu’eux. Mais je ne  retrouvais pas l’idéal conscient qui animait les communistes que j’avais connus dans les camps. Leur courage me semblait  sec. J’entendais une mécanique sommaire, un discours tout fait, un propagande récitée avec application.

       Vu de près le totalitarisme est immonde. Il décervelle les hommes aussi sûrement qu’une drogue. Dans la  Haute-Région, nous n’étions pas en contact avec ces hommes habiles et cultivé »s qui dirigeaient le mouvement et qui savaient impressionner leurs interlocuteurs occidentaux. Nous combattions des hommes pris par la machine communiste. Ce qui explique sans doute le décalage de perception entre les journalistes et nous. Le drame du Vietnam demeure d’avoir connu à la tête des premiers mouvements d’indépendance des communistes formés à l’école de l’Internationale pure et dure. Les archives de Moscou, que l’on découvre aujourd’hui avec un effarement tardif, montrent l’étendue du contrôle soviétique sur ses alliés internationaux. Quand le dessous des cartes de la tragédie vietnamienne sera à son tour dévoilé, il est à craindre que beaucoup d’hommes qui se sont laissé prendre à la mythologie romantique des combattants aux pieds nus ne découvrent avec stupeur qu’ils ont cru à un théâtre d’ombres. L’horreur de notre siècle tient à  ces espérances perpétuellement bafouées…Tant de souffrances inouïes pour un naufrage sans appel… «  (p,117)

      « Je sentais que la fin approchait. Dans mes jumelles, j’avais vu le poste frontière du côté chinois tomber aux mains des partisans de Mao. Il ne s’agissait plus d’une guérilla isolée. Une armée appuyée par tout un continent se préparait. Talung était à la charnière entre deux époques de guerre. Sur la RC4, dans notre dos, les combats redoublaient. Les convois français subissaient des attaques d’une rare violence…

        Il était évident que quelque chose de grave allait se produire. Je me sentais de plus en plus attaché à ce carré de jungle où j’avais pris racine avec la rapidité de ceux qui pensent que  la mort va les surprendre le lendemain…. Je réfléchissais à ces hommes et à ces femmes que j’avais engagés à ma suite, au nom de mon pays et d’une partie des leurs… » (p,120,121)

        « La fuite

       Un jour de février 1950, j’ai vu arriver un convoi à moitié vide accompagné d’une escorte. Le colonel Charton, qui dirigeait en second Cao Bang, descendit du premier véhicule. J’ai cru à une inspection. C’était une opération de repli. La victoire communiste en Chine avait transformé la donne. Il fallait rapatrier toutes les forces éparpillées en Haute-Région sur Cao Bang qui allait être assiégée par le Vietminh. Il fallait faire vite…

         Les partisans rassemblèrent leurs familles pour monter dans les camions. Je suis resté quelques minutes avec les légionnaires pour assurer l’arrière-garde en cas d’attaque vietminh, et puis nous avions embarqué. C’est là que j’ai vu ceux que je n’avais pas voulu voir, auxquels je n’avais pas voulu penser. Les habitants des villages environnants, prévenus par la rumeur, accoururent pour partir avec nous. Ils avaient accepté notre protection. Certains avaient servi de relais. Ils savaient que sans nous, la mort était promise. Nous ne pouvions pas les embarquer, faute de place et les ordres étaient formels : seuls les partisans pouvaient nous accompagner. Les images de cet instant-là  sont restées gravées dans ma mémoire comme si elles avaient été découpées au fer, comme un remord qui ne s’atténuera jamais. Des hommes et des femmes qui m’avaient fait confiance, que j’avais entrainés à notre suite et que les légionnaires repoussaient sur le sol… Certains criaient, suppliaient. D’autres nous regardaient, simplement, et leur incompréhension rendait notre trahison plus effroyable encore. Le silence est tombé sur le camion qui fonçait à travers les calcaires… Dans toute la région, des opérations semblables avaient été effectuées. Au nord de Cao Bang : Tra Linh, Nguyen Binh, Ben Cao. A l’est de Thât Khé : Poma, Binhi. A Saigon, j’imaginais le point presse triomphal : « notre dispositif de frontière a été resserré. Tout s’est bien passé »… La période plus  exaltante de ma vie s’est alors terminée dans un désastre total. Nos efforts avaient débouché sur la trahison, l’abandon, la parole bafouée…  

        « Le guerre telle que nous la pratiquions au Vietnam entrainait une certaine osmose entre les troupes et la population. Il ne s’agissait pas d’un conflit de positions entre deux ennemis bien définis, mais d’un affrontement politique et géopolitique où les intérêts de toutes sortes et les stratégies contradictoires s’imbriquaient inextricablement, entre la Chine et le Vietnam, l’Occident et le communisme, la France et son ancienne colonie indochinoise, les Viets et les minorités ethniques. Autant de dimensions qui nécessitaient de prendre sur le terrain des engagements allant au-delà du simple métier de soldat. Pendant des années, les cauchemars de Talung allaient rejoindre ceux de la déportation. J’avais le sentiment d’être un parjure. Ce mot vaut-il encore quelque chose à une époque où la notion d’honneur est passée à l’arrière-plan ? Disons qu’il ne s’agissait pas d’un serment chevaleresque. Tout simplement de centaines d’hommes et de femmes, dont parfois les moindres traits du visage sont inscrits dans ma mémoire, et à qui, au nom de mon pays et en mon nom, j’avais demandé un engagement au péril de leur vie. Nous les avons abandonnés en deux heures. Nous avons pris la fuite comme des malfrats. Ils ont été assassinés à cause de nous.

       Depuis 1949, ce canton perdu dans la Haute-Région vit toujours en moi, comme un pan autonome de ma mémoire, le bloc d’un iceberg détaché du courant….

        Par les associations de boat-people, j’ai reconstitué l’histoire de Talung. Après les terribles massacres qui ont suivi notre départ, les Thos ont été mis à contribution sur le plan militaire par le Vietminh, formant l’essentiel de la célèbre division 308…» (p,124,125)

Commentaire : un bref commentaire, car ce passage illustre bien le type de guerre révolutionnaire pour laquelle l’armée française n’était pas du tout préparée. Le Vietminh mettait en œuvre le type de guerre qui avait donné à Mao Tsé Tung les clés de la Chine, c’est-à-dire le contrôle de la population.

     Certains officiers, au cas par cas,  en retirèrent rapidement la leçon, mais c’est sur le théâtre d’opérations algérien que l’armée française mit en œuvre une nouvelle stratégie de guerre contre-insurrectionnelle qui connut un incontestable succès, mais qui conduisit à la suite que l’on connait, le refus d’une partie des officiers d’obéir à un commandement qui trahissait la parole donnée, comme en Indochine.

  1. Chez les Thos, ethnie de la Haute-Région

      « Le siège de Cao-Bang (p,126)

       « … Avant la fin de ce premier séjour en Indochine, il me restait encore à vivre quelques semaines de combat. La pression Vietminh s’accentuait de jour en jour…

      A partir de Cao bang, nous avons régulièrement effectué des missions de reconnaissance et de renseignement. Nous ramenions des prisonniers. Tous les indices concordaient : des moyens considérables se mettaient en place. Or, plus le commandement renforçait la défense de la ville, plus l’évacuation devenait une opération lourde et difficile. Le piège se mettait en place. Mon premier séjour touchait à sa fin… «  (p,127)

Le lecteur pourra prendre ailleurs connaissance de la tragédie de Cao-Bang qui constitua un des tournants majeurs de cette guerre.

&

      Le capitaine de Saint Marc effectua un deuxième séjour en Indochine entre 1950 et 1953 dans un Bataillon Etranger Parachutiste, un BEP, nouvelle forme d’une guerre aéroportée.

       La guerre d’Indochine avait basculé dans une autre dimension  avec l’arrivée de la Chine communiste sur les frontières d’Indochine, une des dimensions internationales de la nouvelle guerre entre l’Est et l’Ouest, l’aide des Etats-Unis, et la tentative du général de Lattre de faire prendre un nouveau tournant stratégique et tactique à cette guerre.

&

       « L’expérience de la guerre (p,136)

      «  Les combats que j’ai connus de 1950 à 1953 furent d’une âpreté et d’une violence  que je n’ai plus retrouvées dans ma carrière militaire…

      « L’annuaire des troupes du 2ème BEP entre 1950 et 1954, ressemble à un monument aux morts. On y dénombre, selon les compagnies de 30 à 60 pour cent de disparus.(p,133)

     La guerre est un mal absolu. Il n’y a pas de guerre joyeuse ou de guerre triste, de belle guerre ou de sale guerre. La guerre c’est le sang, la souffrance, les visages brûlés, les yeux agrandis par la fièvre, la pluie, la boue, les excréments, les ordures, les rats qui courent sur les corps, les blessures monstrueuses, les hommes et les femmes transformés en charogne. La guerre humilie, déshonore, dégrade. C’est l’horreur du monde rassemblée dans un paroxysme de crasse, de sang, de larmes, de sueur et d’urine.

      « Sur la route d’Hoa Binh (p,141)

    « En novembre 1951, de Lattre décide de couper les forces du Vietminh en deux sur la Rivière Noire, à la hauteur d’Hoa Binh…

    Nous avions trente ans et nous vivions dans l’ignorance du lendemain. Nous savions bien sûr que notre drapeau n’était pas aussi pur qu’il aurait pu l’être et que la France se désintéressait chaque jour davantage de la cause indochinoise. Mais nous étions tombés amoureux de cette terre et de ce peuple…La fin de mon séjour au 2ème BEP fut marquée par la bataille de Nassan… La mort du général de Lattre avait fait retomber l’espoir d’une victoire militaire… » (p,14&,148,153)

Jean Pierre Renaud – Tous Droits Réservés

Intoxication mémorielle ou « fièvre » chiraquienne à la « tête » de la République Française ?

Intoxication mémorielle ou « fièvre » chiraquienne à la « tête » de la République Française ?

Lu dans Le Figaro du 27 janvier 2020, page 8 :

« L’Élysée récuse toute comparaison entre Shoa et guerre d’Algérie »

« Aux yeux de Macron, le seul lien qui existe se joue au niveau de la charge mémorielle que représentent ces sujets pour un président »

Question préalable : l’auteur de l’article est-il bien l’auteur du titre et sous-titre ?

Car le titre et le sous-titre proposent une version édulcorée du contenu.

Citation du journal :

      « Exécutif Couper court. Face à la polémique naissante sur les propos d’Emmanuel  Macron – tenus dans l’avion présidentiel qui le ramenait d’Israël, où il a reçu le Figaro -, l’Élysée a récusé toute comparaison entre la Shoa et la guerre d’Algérie. En s’appuyant notamment sur ce que le Président avait déclaré dès jeudi soir.- « C’est le crime absolu qui ne peut être comparé à aucun autre », avait-il tranché, relevant la « singularité la plus extrême de l’Holocauste. » « Le Président a réaffirmé l’unicité de la Shoah : elle est indiscutable », complète l’un de ses conseillers, pour ne laisser aucun doute.

      (Macron ou un « conseiller » ?)

       Dans l’esprit du chef de l’État, le seul lien qui existe se joue entre «  les sujets mémoriels. » Dans leur ensemble, qui sont au « cœur de la vie des nations ». « Qu’ils soient utilisés par certains, refoulés par d’autres, assumés… Ils disent quelque chose de ce que vous voulez faire de votre pays et de votre géopolitique ». juge-t-il.

       Selon lui, un même processus en trois étapes est chaque fois nécessaire avant de pouvoir « regarder son histoire en face ». Il y a le travail de l’historien. Il y le travail du juge. Et quand on préside ou qu’on participe à la vid’une nation on a ce matériau à saisir », détaille-t-il. Entre les lignes c’est bien à la guerre d’Algérie que pense le Président. « Je suis très lucide sur les défis que j’ai devant moi d’un point de vue mémoriel et qui sont politiques. La guerre d’Algérie, sans doute, est le plus dramatique d’entre eux », confirme- t-il. On en a plein, comme ça. Mais la guerre d’Algérie est la plus problématique. Je le sais depuis ma campagne. »

        (« Matériau à saisir » ? Ne s’agit-il que d’un « matériau » ?)

      A l’époque, le candidat d’En Marche ! avait cru bon, lors d’un déplacement de l’autre côté de la Méditerranée, de qualifier la colonisation de « crime contre l’humanité ». Une expression qu’il « ne regrette pas » aujourd’hui, même s’il se garde bien, de le réemployer. « J’ai crispé des gens. (Mais) je pense que je les ai ramenés, maintenant dans une capacité à distinguer », estime-t-il, citant tour à tour l’ensemble des parties prenantes. Désormais, il souhaite mettre fin au « conflit mémoriel » qui demeure sur  cette question. « Je n’ai pas la réponse » pour y parvenir, reconnait-il toutefois «  avec beaucoup d’humilité », admettant « tourner autour du sujet. « 

       En attendant de trouver la bonne formule, Emmanuel Macron s’inspire de son défunt prédécesseur, Jacques Chirac. « Quand (il) fait le discours du Vel d’Hiv, ça a un impact politique. C’est quelque chose qu’il fait à dessein, aussi, politiquement. Et  pas simplement historiquement », se souvient-il… Aujourd’hui, son lointain successeur considère que la charge mémorielle qui lui incombe avec  la guerre d’Algérie est équivalente. C’est tout le sens de ce  qu’il a confié dans l’avion.

          A ses yeux, s’il réussit le travail qu’il compte entreprendre sur ce sujet, la guerre d’Algérie aura « à peu près le même statut que ce qu’avait la Shoa pour Chirac, en 1995. »

       (« Statut » ? Qu’est-ce à dire ?)

        Ce rapprochement,qui ne porte que sur l’aspect mémoriel, a immédiatement fait bondir l’opposition…

       Soucieux de ne laisser aucun malentendu s’installer, Emmanuel Macron a précisé samedi au Figaro, le sens exact de sa pensée. « La       guerre d’Algérie est aujourd’hui un impensé de notre politique mémorielle et l’objet d’un conflit de mémoire comme l’étaient la Shoa et la collaboration de l’Etat français lorsque Jacques Chirac avait prononcé son discours du Vel d’Hiv », a-t-il expliqué. »

     Élu sur la promesse de « réconcilier les Français », le chef de l’Etat semble donc  se fixer un objectif pour sa présidence : celui de trouver la bonne approche pour refermer, enfin, ce chapitre qu’il a lui-même ouvert durant sa campagne. … » (Fin de citation)

        J’ai souligné le mot « impensé », un mot idéologique à la mode qui couvre en réalité un « business » postcolonial, un mot que j’ai cité (page 239) dans le chapitre IX du livre « Supercherie coloniale » intitulé « Le ça colonial » (pages 235 à 251).

         Le texte de ce chapitre a été publié in extenso sur le blog du 14 janvier 2016 et le livre lui-même a été édité en numérique.

     A lire ces réflexions successives, le lecteur ne peut manquer d’être frappé :

  1. par son manque de clarté : ne confondez pas les situations, mais elles se ressemblent, en comparant des situations historiques non comparables,
  2. par le manque de culture historique, pour ne pas dire tout simplement de culture générale de son auteur,
  3. par une envie politique irrépressible de chausser les bottes de Chirac.
  4. par la sorte de copié-collé d’un texte de Stora paru dans son livre intitulé « La guerre des mémoires » La France face à son passé colonial » :

       « Et puis en 1995 avec l’arrivée de Jacques Chirac au pouvoir, les nostalgiques de l’Algérie française se sont réveillés. Avec son fameux discours du 16 juillet 1995 reconnaissant la  responsabilité de l’Etat français dans la déportation des juifs, le Président Chirac a fermé la page de Vichy, mais il n’a pas ouvert véritablement celle de l’Algérie. » (pages 20, 21)

      En ce qui me concerne, en ma qualité  d’ancien Officier de SAS du Contingent pendant la guerre d’Algérie, et en ma qualité de citoyen d’une République encore française, je récuse ce type d’assimilation mémorielle idéologique et politique entre Shoa et guerre d’Algérie.

        Mais alors, les camarades tués en Algérie ne seraient pas « morts pour la France », et nous-mêmes n’aurions pas servi la France ? Assimilation aux collabos et aux nazis ?

       Honte à un tel Président !

      Macron cherche une réponse ? Elle est toute trouvée !

Ayez le courage de faire procéder à une enquête mémorielle statistique complète, sérieuse, et contrôlée par le Parlement sur cette guerre d’Algérie, en distinguant naturellement les citoyens français d’origine algérienne, selon leur communauté  d’origine des autres citoyens, et en tenant évidemment compte des âges et des domiciles des personnes interrogées, et en ce qui concerne les citoyens français d’origine algérienne leur date d’arrivée ou de naissance dans notre pays.

            A plusieurs reprises, et sur mon blog, j’ai invité Monsieur Stora, propagandiste en chef d’une « guerre des mémoires » à procéder à cet exercice, mais il n’a jamais eu le courage de les faire mesurer « statistiquement » et « scientifiquement ». (voir « La parabole des raisins verts » blog du 17/9/2017)

&

            A lire ces « jugements » présidentiels successifs sur l’histoire de France, je ne puis m’empêcher de penser que notre pays est passé dans un univers de pensée familier à la vieille Chine et à celle de Mao Tsé Tung, résumé dans la maxime « Le poisson pourrit par la tête ».

            Le Président actuel ne serait-il pas à la « tête » du mouvement de subversion postcoloniale qui bouleverse actuellement la France ?

Petit éclairage historique

Le Fort des Capucins Presqu’île de Crozon, la carte postale d’un vieil ami, ancien ingénieur général de l’armement qui contribua à la mise au point les fusées atomiques sous-marines :

            « Landevennec, 13 mars 2003.

      Cette carte est destinée à illustrer votre prochain ouvrage sur les Colonies, à la rubrique « Bretagne » La France lui a imposé sa langue, mis en place des gouverneurs étrangers et traité sa population comme si elle  appartenait aux races inférieures. »

            Avec mes amitiés »

A l’adresse du groupe de propagande postcoloniale Blanchard and Co : Bécassine face à Banania !

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Histoire et Mémoire ? Histoire coloniale et Mémoire coloniale ? Mémoire collective et Inconscient collectif ?

Histoire et Mémoire ?

Histoire coloniale et Mémoire coloniale ?

Mémoire Collective et Inconscient Collectif ?

Mémoire collective ou histoire « immédiate » ?

La France a-t-elle une « mémoire collective coloniale », de même qu’un « inconscient collectif colonial » ?

Suite

L’historien Denis Peschanski propose plusieurs contributions dans les différentes parties de l’ouvrage :

      Une première contribution dans la partie « Mémoire et oubli », chapitre 3 « Repenser les memories studies » (page 68 à 82) : « L’historien face à la plasticité de la mémoire sociale – Les conditions de la mise en récit mémoriel – Les régimes de mémorialité – Pour un changement de paradigme dans les memory studies – L’héritage – Mémoire et mémorialisation : un projet en construction –  L’analyse des textes »

    Une deuxième contribution dans la partie «  Mémoire et émotions », Chapitre 5 « Et voilà un beau sujet » (page 212 à 237)

   L’actualité d’une  transgression ? Histoire et émotion : une nouvelle mode ou un nouveau chantier ? De la Seconde Guerre mondiale au 13 Novembre : études de cas

    L’interprétation transdisciplinaire et le témoignage

     Une troisième contribution avec Francis Eustache dans la conclusion de la partie « Ma mémoire et les autres » (page 385 à 406):

   Conclusion – L’évidence des interactions entre mémoire individuelle et mémoire collective : quelles conséquences ?

   Le tournant social – Cognition sociale, mémoire individuelle et mémoire collective – Un programme de recherche transdisciplinaire consacré à la construction des mémoires individuelles et collectives – Vers une nouvelle approche clinique des troubles de la mémoire.

    Une quatrième contribution, dans la partie «  Les troubles de la mémoire : prévenir, accompagner, Chapitre 6 – Le Never Again, entre mémoire et oubli comme prophylaxie : La solution de l’oubli et de l’amnistie – La solution de l’hypermnésie obsessionnelle – La solution intermédiaire : « la justice transitionnelle » (page 491 à 507)

     Une cinquième contribution dans la partie « La mémoire du futur », Chapitre 7 (page 645 à 662) « Mémoire du futur et futur de la mémoire – le choc des temporalités : passé, présent et futur sont inextricablement liés – mémoire du futur : quelles promesses d’avenir ? La mémoire au futur : quel avenir pour notre mémoire ?

      Nous porterons spécialement notre attention sur la contribution du chapitre 3 de la première partie (page 68 à 82) « Repenser les memories studies »

     « Le temps n’est-il pas venu de dépasser les frontières de la connaissance ?…

     L’auteur donne quelques exemples de la complexité de la mémoire, tirés de la Deuxième Guerre mondiale, la mémoire des bombardements en Normandie et la mémoire des enfants cachés et écrit :

     « Voilà quelques exemples qui fondent notre conviction : il est impossible de comprendre pleinement les phénomènes mémoriels si l’on ne mobilise pas dans le même temps les disciplines les plus diverses qui toutes ont à voir avec la mémoire, mais qui, toutes, en général, le pensent de leur seul point de vue. Les memories studies seront nécessairement plurielles. 

    L’historien face à la plasticité de la mémoire sociale.

      La mémoire est dans l’histoire. Telle est la première leçon qu’il faut garder dans l’esprit. Depuis des décennies, le couple histoire/mémoire a été (et reste) perçu comme conflictuel. Les historiens arguent de leur démarche scientifique pour interroger les limites du témoignage écrit ou oral. Je n’étais pas le dernier à mettre en évidence les effets pervers du témoignage pour reprendre une terminologie (re-construction, extrapolation, re-hiérarchisation, immédiateté de l’histoire). A l’inverse, le témoin arguait de son vécu pour dénier la capacité de l’historien à connaître vraiment la réalité dont il prétendait rendre compte. Le débat ne manque pas d’intérêt, mais nous choisissons de le déplacer : la mémoire devient l’objet d’histoire… Dès lors deux questions majeures  se posent : comment un événement prend-t-il statut d’événement mémorisé, structurant de la mémoire collective/sociale ? Puisque la mémoire s’inscrit dans la diachronie, dans une évolution sans cesse renouvelée, comment scande-t-elle sa propre histoire ?

   Les conditions de la mise en récit mémoriel (page 70)

    Le point de départ, justement, fut une rencontre avec une autre discipline : la psychanalyse. Comme je parlais de « mémoire traumatique » avec une psychanalyste, Marie-Christine Laznik, celle-ci mit le doigt sur une contradiction majeure dans les termes, un oxymore en quelque sorte. Dans la mesure où le traumatisme est l’omniprésence du passé dans le présent, il n’y a a pas de réelle place pour la mémoire  de ce trauma. Pour « faire la place »  à la mémoire, la psychanalyse souligne l’importance du refoulement. Mais si refoulement il y a, si de la place est ainsi dégagée pour la mémoire, si le passé est renvoyé dans son passé, il n’y a pas trauma.

     Je ne souhaite pas ouvrir le débat, mais expliquer le déclic que provoqua cette conversation. Il me fallait m’interroger sur les conditions de la mise en récit mémoriel. Si la question se posait pour l’individu, elle devait aussi se poser pour le groupe, pour la société.

     Je prendrai deux exemples pour illustrer cette plasticité mémorielle, la mémoire des bombardements en Normandie et la mémoire des enfants cachés…(page 71)

    Les régimes de mémorialité (page 72)

   Pour parler de l’historicité de  la mémoire, nous resterons sur notre période  de prédilection, celle du moins que nous connaissons le moins mal, la Seconde Guerre mondiale…

    Pour théoriser cette histoire, nous sommes partis d’un concept de François Hartog et Gérard Lenclud, qui ont parlé de « régime d’historicité » pour caractériser des rapports différents à l’histoire et à ses méthodes d’analyse. Inutile, disent-ils à juste titre, de chercher un « père de l’histoire », alors même qu’on ne pensait pas l’histoire dans les mêmes cadres.

    Je parlerai donc de « régimes de mémorialité » » pour souligner l’historicisation des questionnements mémoriels. A toute période, on peut définir des processus de convocation et d’appropriation du passé, fondés sur le tri visant à une construction identitaire.

Commentaire :

1)  L’auteur propose un discours savant sur la mémoire collective, mais est-il différent, hormis les détours scientifiques empruntés,  de celui que le sociologue Halbwachs exposait dans son livre « La mémoire collective » ? (1950) 

            C’est-à-dire une mémoire collective qui ne peut être définie que par rapport à un espace, un groupe déterminé, un temps historique, Halbwachs précisant qu’une mémoire collective a une durée de vie limitée.

            Le concept de « régimes de mémorialité » ne s’inscrit-il pas dans la définition Halbwachs ?

2) Les exemples cités des bombardements de Normandie et des enfants cachés (juifs)  s’inscrivent encore dans un temps mémoriel et historique court – la période de prédilection »  (page 73) – de nature à faciliter une exploration statistique satisfaisante, compte tenu des progrès qui ont été  faits, en France,  dans les sondages et les enquêtes d’opinion après 1945.

    Le livre fait d’ailleurs état des sondages effectués par le collectif (page 74)

    La question posée est donc celle des méthodes scientifiques concertées entre historiens, psychologues, sociologues, sémiologues, et statisticiens fiables pour explorer la mémoire collective antérieure à 1945, et très précisément dans le domaine considéré de la mémoire collective coloniale ou de l’inconscient collectif colonial, un domaine d’actualité compte tenu des flux d’immigration qu’a connus notre pays depuis plusieurs dizaines d’années.

L’auteur écrit dans les pages suivantes :

   « Mémoire et mémorialisation : un projet en construction (page76)

   « Dans le programme de recherche Matrice que nous avons mis en œuvre avec bien d’autres, la transdisciplinarité est la règle. Travailler sur la mémoire, c’est d’abord associer scientifiques et professionnels des musées, de l’image et du son. Ainsi la mémorialisation – entendue comme toutes les formes de mise en scène publique de la mémoire – a appelé à un travail au sein du Mémorial de Caen et dans la préparation du Mémorial du 11 septembre (New York), comme elle a impliqué l’Institut national de l’audiovisuel (INA), qui dispose de richesses uniques, singulièrement depuis 1995 et l’imposition du dépôt légal (à savoir l’obligation faite aux chaines de télévision et aux radios d’accepter le stockage).

    La plateforme que nous avons mis au point comprend deux  grands axes  de recherche, qui partagent l’objectif de confronter mémoire individuelle et mémoire collective, et, donc, de repérer leurs interactions (voir schéma page suivante). (page 77)

   La première démarche consiste à mettre en parallèle ce que nous appellerons les « grands récits », tels qu’on peut les traquer dans les  journaux télévisés ou à la radio, et la parole de témoins ou de simples citoyens. Cela s’effectue par l’analyse comparée des différents corpus d’information (journaux, témoignages…). A l’arrivée, il s’agit bien de comprendre comment les uns empruntent aux autres et réciproquement… (page 78)

    Le deuxième versant de nos recherches vise l’analyse des comportements des visiteurs de mémoriaux. Le rapprochement n’est pas anodin. Il s’agit là encore de mettre encore en parallèle un grand récit, celui porté par les concepteurs du parcours historique, et les visiteurs du mémorial… ». (page 79)

L’analyse des textes

   « Des exigences s’imposent pour qui veut décrypter les textes et mieux comprendre les stratégies discursives et les fluctuations du vocabulaire.

    L’école française d’analyse des discours, développée depuis des décennies et fédérant des linguistes, des statisticiens, des probabilistes, des historiens et des sociologues, est particulièrement bien placée. Le logiciel TXM – conçu et développé par Serge Heiden, Bénédicte Pincemin et Mathieu Decorde – que Matrice aide aujourd’hui à enrichir est l’héritier de cette école. » (page 80)

   « A mon sens, ces memories studies doivent d’appuyer sur quatre principaux piliers :

. La dialectique rend bien compte de l’interaction productive entre la psyché et le social ;

. La transdisciplinarité conditionne les nouveaux protocoles en ce qu’elle induit la construction en commun de l’objet d’étude, et non la seule mobilisation de quelques disciplines pour répondre à des questions posées par une autre ;

. La modélisation mathématique et le calcul intensif conditionnent le travail sur d’importantes et complexes masses de données (des big data en ce sens) ;

. Enfin la leçon d’Edgar Morin ô combien d’actualité, lui, qui, dans le lumineux concept structurant de « complexité », explique, entre autres choses, que le tout ne se réduit pas à la somme de ses composantes. » (page 81)

Fermé le ban !

Commentaire

   La lecture de ce texte, pour autant que j’en aie parfaitement compris le sens, fait apparaître un objectif qui est assez éloigné du questionnement sur la méthodologie qu’il conviendrait d’inventer et de mettre en œuvre pour être en mesure de décrire le contenu des mémoires d’un passé antérieur à 1945, alors que les outils que l’auteur expose n’existaient pas, en tout cas, pas à ma connaissance.

    A mes yeux le mérite de ces réflexions et conclusions est ailleurs, celui de la mise en œuvre de méthodes transparentes et interdisciplinaires, technologiques aussi avec le XTM, et avec les moyens financiers que cela suppose.

    Les recherches citées semblent se situer beaucoup plus sur le versant du fonctionnement cérébral de la mémoire que sur ses effets  historiques.

    Pour revenir à nos moutons, mémoire coloniale et inconscient collectif colonial, il est au moins un domaine d’information où il n’est pas trop difficile de faire la lumière avec les outils disponibles, celui de la mémoire coloniale et de l’inconscient collectif postérieur à 1945, grâce aux enquêtes statistiques qu’on sait faire aujourd’hui.

    La véritable question porte sur les raisons qui empêchent les chercheurs  de passer au stade de la réalisation, car le sondage de Toulouse réalisé par l’Achac en 2005, de même que l’enquête d’opinion lancée en 2014 (voir blog du 29/01/2015)  par la Fondation Jean Jaurès manquaient de pertinence scientifique.

    Le sujet serait-il tabou, au cas où il apporterait la preuve que la mémoire coloniale des Français et des Françaises serait défaillante, de même que l’inconscient collectif colonial, un concept que le livre a peu évoqué ?

    A lire les importants moyens dont semble disposer le collectif de chercheurs animé par Francis Eustache, pourquoi ne pas se poser la question de ce silence dont la signification politique et universitaire pose problème ?

      Quant aux recherches portant sur la mémoire collective et l’inconscient collectif antérieures à 1945, je ne vois guère comme vecteur principal de recherche, la presse, laquelle, avec sa numérisation et la mise en œuvre des outils cités dans ce livre, donnerait la possibilité d’obtenir un reflet indirect de cette fameuse « mémoire ».

     Pour  ce qui est de l’inconscient collectif colonial, est-ce qu’on ne risque pas d’explorer le « Triangle des Bermudes » ?                                                                                                                                                                             Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

Histoire et Mémoire? Histoire coloniale et Mémoire coloniale ? Mémoire collective et Inconscient Collectif

Histoire et Mémoire ?

Histoire coloniale et Mémoire coloniale ?

Mémoire Collective et Inconscient Collectif ?

Mémoire collective ou histoire « immédiate » ?

La France a-t-elle une « mémoire collective coloniale », de même qu’un « inconscient collectif colonial » ?

            Comme je l’ai déjà écrit, un courant contemporain d’historiens et de chercheurs a mis l’éclairage sur l’importance de la mémoire « historique », au risque d’entamer la confiance que l’on peut accorder aux recherches historiques les plus sérieuses, notamment en avançant l’idée ou le principe d’une mémoire collective « coloniale », et même d’un inconscient collectif « colonial ».

            J’ai traité ce sujet sur le blog à plusieurs reprises, notamment le 15 avril 2010, en résumant la leçon que proposait Maurice Halbwachs dans son livre « La mémoire collective », en relevant la critique de fond que suscitait le discours de l’historien Stora sur l’existence ou non d’une mémoire collective coloniale, de même que le discours tenu à la Mairie de Paris dans un colloque intitulé « Décolonisons les imaginaires ».

Dans un article publié sur le blog, le  15/04/2010, je m’attachais à :à définir ce qu’est la mémoire collective selon les critères d’Halbwachs, son véritable initiateur, ci-après (contribution 1) , à proposer au lecteur trois analyses concrètes de textes ou de situations évoquées par des historiens ou d’autres intellectuels, « La guerre des mémoires » de l’historien Stora, d’une part (contribution 2), et le colloque de la Mairie de Paris du 12/03/09 sous le titre « Décolonisons les imaginaires », d’autre part (contribution 3).             

1-  Histoire ou mémoire collective ?

Contribution 1  Le débat postcolonial avec l’éclairage Hallbwachs

            A lire articles ou livres de chercheurs, sociologues ou historiens, notre mémoire collective jouerait un rôle primordial dans l’approche et la compréhension de notre histoire coloniale.

            Une mémoire collective investie d’un rôle clé, quelques exemples :

            Premier exemple, le livre « La guerre des mémoires ».

             Citons des échantillons des textes dans lesquels il est fait référence à ce concept.

            « La guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), «  la fracture coloniale, c’est une réalité » (p.33), le « refoulement de la question coloniale » (p.32), « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective jusqu’à aujourd’hui une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer (p.32), « les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            Deuxième exemple, le livre « L’Europe face à son passé colonial »

            A la page 144, un historien note « une explosion mondiale des mémoires », et un autre écrit à la page 219 : «  La mémoire coloniale constitue depuis plusieurs années un sujet primordial dans le débat public français. »

            Troisième exemple, le livre « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy ».

            Un historien illustre à plusieurs reprises le concept : « une vision largement partagée par nos concitoyens (p.113) », « ces stéréotypes », « cette façon de voir les Africains est bien présente dans la mentalité française (p.116) », « combien le discours de Dakar « colle » à une opinion majoritaire en France » (p.122), « au service de l’anéantissement de ces clichés et stéréotypes si profondément ancrés dans une certaine vision de l’Afrique. » (p.123)

            Quatrième exemple, le livre « Mémoire année zéro ».

            Brillant essai d’un auteur habile à manier les concepts de mémoire, d’histoire, et d’identité nationale, à donner le vertige intellectuel au lecteur, j’écrirais volontiers d’une excellente facture « ENA ».

            Dans cet essai riche en citations, références, jugements et perspectives,  l’auteur écrit : « A côté de l’histoire, la mémoire était un instrument commode et populaire. La mémoire est collective (1). Les souvenirs sont individuels. (p.24) » La note (1) de la page 39 renvoie au livre « La mémoire collective » de Maurice Halbwachs, sans autre plus de précision.

            A la même page 39, l’auteur écrit : « On le voit : notre mémoire collective est en crise… »

            L’auteur nous entraîne dans un exercice de haute voltige intellectuelle autour du concept de mémoire, sans attacher, semble-t-il, une grande importance à la définition stricte des concepts manipulés, notamment sans asseoir ses raisonnements sur la définition rigoureuse de la mémoire collective qu’en a proposée Halbwachs.

            A partir de quelle définition et quelle mesure, ces appréciations et assertions sont-elles formulées, donc sur quel fondement ? Telle est la question

A force de lire articles et livres portant sur l’histoire coloniale, sur le passé colonial de la France, je me suis posé la question de savoir ce qu’était cette fameuse mémoire collective, nouvelle panacée de certains intellectuels, comme nous l’avons vu.

            J’ai donc été à la rencontre de l’inventeur, sauf erreur, de la théorie de la mémoire collective, c’est-à-dire Maurice Halbwachs, et donc de son livre fondateur, comme certains disent de nos jours.

            Rien ne vaut en effet, même pour un historien amateur, d’aller à la source.

            Qu’est-ce que nous dit cet auteur ? Dans un ouvrage austère, mais très bien écrit, Halbwachs analyse tous les aspects de la mémoire collective et en décrit les conditions de base, c’est-à-dire : une mémoire collective qui ne peut être définie que par rapport à :

            un espace (lequel ?),

            un groupe déterminé (lequel ?),

            un temps historique (lequel ?).

             Le sociologue ne manque pas de préciser qu’une mémoire collective a une durée de vie limitée (laquelle ?).

            Les héritiers du grand sociologue ont été inévitablement confrontés à la mesure de cette fameuse mémoire collective, en proposant méthodes, et outils de mesure quantitative, au moyen d’enquêtes statistiques fiables.

            Le constat : dans les textes des livres cités, nous n’avons trouvé ni définition du concept, ni indication de sources d’enquêtes statistiques, qui pourraient accréditer le discours de ces chercheurs.

            Je conclurai donc en faisant appel à la sagesse du bon vieux Descartes, comment ne pas douter, en tout cas pour l’instant, du fondement de ces affirmations, tant qu’elles ne s’appuieront pas sur des démonstrations conceptuelles et statistiques ?

            Pourquoi ne pas se demander entre autres si la fameuse mémoire collective française n’est pas plutôt branchée sur l’Europe, allemande, anglaise ou italienne, plutôt que coloniale ? A démontrer !

            Quelques citations éclairantes pour finir :

            « C’est à l’intérieur de ces sociétés que se développent autant de mémoires collectives originales qui entretiennent pour quelque temps le souvenir d’évènements qui n’ont d’importance que pour elles, mais qui intéressent d’autant plus leurs membres qu’ils sont peu nombreux. »  (page 129)

            « La mémoire collective, au contraire, c’est le groupe vu du dedans, et pendant une période qui ne dépasse pas la durée moyenne de la vie humaine, qui lui est, le plus souvent, bien inférieure. » ( p,140)

            « Chaque groupe défini localement a sa mémoire propre, et une représentation du temps qui n’est qu’à lui. » (p, 163)

&

Mes recherches personnelles m’avaient conduit à m’interroger, notamment dans le  livre « Supercherie Coloniale » sur le discours mémoriel du collectif de chercheurs de l’équipe Blanchard, d’après lesquels la France de la Troisième République, puis de la Quatrième, aurait été imprégnée de culture coloniale puis impériale, plongée dans un « bain colonial », sans en avoir apporté les preuves scientifiques suffisantes, sans proposition d’une méthodologie de l’existence de la mémoire collective en question.

            Le chapitre IX de ce livre a résumé questions et critiques sous le titre «  Le ça colonial ! L’inconscient collectif ! Freud au cœur de l’histoire coloniale. Avec l’Algérie, l’alpha et l’oméga de la même histoire coloniale » (page 235 à 281)

Mes conclusions n’ont pas changé, faute pour les historiens et les mémorialistes de proposer une méthode scientifique de calcul qui permette effectivement d’y procéder :

  1. Comment parler de « mémoire collective » coloniale sous la Troisième République alors que l’instrument statistique des sondages n’a commencé à être utilisé en France, qu’après 1945 ? Et pour la période antérieure « coloniale » à partir de quels vecteurs de mémoire collective supposée ?
  2. Comment parler aussi d’un « inconscient collectif » colonial existant sous la Quatrième ou Cinquième République, sans s’être donné les moyens de le mesurer par des enquêtes d’opinion sérieuses, comme il est possible de le faire depuis de nombreuses années ?

A la condition sine qua non qu’on puisse scientifiquement l’ausculter et le mesurer ?

  1. Question : à partir des travaux de l’Observatoire B2V, et du livre « La mémoire entre sciences et société », la situation a-r-elle évolué avec les instruments statistiques nécessaires pour évaluer la mémoire collective du passé, ou encore l’inconscient collectif du même passé, grâce aux travaux de cet Observatoire ?      

Après avoir lu un article de Pascale Senk dans le Figaro du 20 mai 2019 sous le titre « Quand l’imaginaire collectif nous ébranle », et l’interview de Francis Eustache intitulée « La mémoire collective est en pleine expansion », ma curiosité a de nouveau été éveillée par ce sujet, et donc par ce livre.

Pascale Senk faisait référence à la publication d’un ouvrage collectif dirigé par Francis Eustache, intitulé « La mémoire, entre sciences et société » (Observatoire B2V des Mémoires- Le Pommier poche), avec la collaboration de six scientifiques, une psycho gérontologue, une neurologue, un spécialiste d’intelligence artificielle, un neurobiologiste, un historien, et un philosophe.

Ce livre de plus de 700 pages a évidemment un contenu austère pour un lecteur non spécialisé dans les disciplines traitées tout au long de très nombreux chapitres distribués dans cinq parties :  « Mémoire et oubli » (p,15 à 133) – « Mémoire et émotions » (p,133 à 277) – « Ma mémoire et les autres » (p,277 à 406) – « Les troubles de la mémoire : prévenir, accompagner »  (p,406 à 537) – « La mémoire du futur » (p, 537 à 671).

Le sous-titre de l’’article de Pascale Senk cadrait bien le sujet : « Catastrophes, attentats, faits divers… Face à l’actualité, notre vie psychique a aussi une dimension collective », de même que sa conclusion :

« Reste que de puissantes images nous imprègnent et constituent une autre forme d’imaginaire collectif se construisant en permanence : un héros donnant sa vie pour d’autres, des avions s’encastrant dans des buildings ou une cathédrale qui brûle. Combien de temps agiront-elles en chacun de nous, et pour les générations suivantes ? Nous l’ignorons. »

Dans l’interview de Francis Eustache, neuropsychologue de la mémoire humaine, et à la question : « Le Figaro – Pour vous qui travaillez sur la mémoire la notion d’inconscient collectif est-elle pertinente ?

Oui, car aujourd’hui les différentes disciplines étudiant la mémoire se rejoignent. Pendant longtemps, la psychologie et les neurosciences, d’une part, les sciences sociales, d’autre part, travaillaient de manière séparée. Aux premières l’étude de la mémoire individuelle, typique, ou malade ; aux secondes, la mémoire collective, avec un focus sur le fait que certains événements étaient occultés car ils n’avaient pas de signification sociale, mais finissaient par ressurgir. A Caen par exemple, les conséquences des bombardements alliés, ont longtemps été passées sous silence. Il a fallu soixante-dix-ans pour que l’on mentionne les victimes (25 000 victimes civiles). Mais les Normands qui avaient vécu cela avaient en fait deux mémoires : l’une familiale, beaucoup ayant perdu un ou plusieurs membres de leur famille sous ces bombardements ; l’autre collective, qui parlait de reconstruction et d’accueil des libérateurs. Différents types de mémoire peuvent donc cohabiter en chacun. »

  • Sont-elles transmissibles ?

« En tout cas, lorsqu’elles correspondent à des blessures indélébiles, leur récit saute souvent une génération…

Est-ce l’émotion qui « imprime » ces mémoires ?

Oui, quand l’histoire collective, rejoint un vécu personnel, cela crée une émotion surprenante qui nous dépasse. Nous cherchons à décrypter scientifiquement, par l’imagerie cérébrale, l’observation des neuro-cognitions et des enquêtes d’opinion par exemple, ces liens entre ces deux dimensions mnésiques. D’autant plus qu’avec les caisses de résonance que sont devenus les médias, les événements sont amplifiés. La mémoire collective est en pleine expansion.

Vous travaillez notamment sur la mémoire des attentats du 13 novembre 2015 … »

Pourquoi ne pas se demander si les deux concepts d’’inconscient collectif et de mémoire collective sont synonymes ?

Première partie  

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés