« Les Raisins Verts » La Question post-coloniale – Yves Lacoste- Troisième Partie Les conquêtes coloniales – Chapitre 8 Le Marocs

« Les Raisins Verts »

Troisième Partie

Chapitre 8

« Le Maroc, la dernière des conquêtes coloniales »

(p,373 à 397, soit 24 pages)

  L’objet de ce dernier chapitre est intéressant, entre autres et principalement à mes yeux, parce ce qu’il pose la question de la définition de la géopolitique, compte tenu de la place majeure qu’a occupé son environnement international  de politique étrangère.

            Comment comparer en effet des situations géopolitiques aussi différentes les unes des autres que celles du Maroc, de Madagascar ou du Bassin du Niger, entre Etats et tribus ?

            La lecture de ce chapitre fait naturellement apparaitre la force des liens qui attachent l’auteur à son pays natal.

            « Alors que la conquête de l’Algérie a été menée par des militaires qui ne connaissaient rien des populations de cette partie du monde musulman et qui furent des années durant laissés sans objectif par des gouvernements hésitants, la conquête de la Tunisie et plus encore celle du Maroc furent le fait d’hommes d’affaires qui « préparaient le terrain » et de militaires qui s’intéressaient désormais  à l’histoire de ces pays, à leurs organisations tribales et aux dispositifs de pouvoirs entre celles-ci et le souverain, qu’il  s’agisse du bey de Tunis ou du sultan marocain. La conquête de la Tunisie et surtout celle du Maroc fut  soutenue indirectement par de grands groupes financiers et elles s’inscrivaient dans des rivalités impérialistes évidentes.  On est bien au « stade de l’impérialisme » et la guerre mondiale menace. Celle-ci n’éclate pas tant à cause des problèmes coloniaux qu’en raison de rapports de force et surtout de prestige entre les Etats européens regroupés en deux grandes alliances antagoniques.

            Le Maroc fut la dernière des conquêtes coloniales. En effet, celle de l’Ethiopie par les Italiens de Mussolini, entreprise difficile commencée en 1935 à partir de l’Érythrée qu’ils avaient annexée à la fin du XIXème siècle ne dura guère puisqu’ils en furent chassés par les Britanniques en 1941.

            La conquête du Maroc apparait encore aujourd’hui comme relativement facile, surtout comparée à l’Algérie. Celle de la Tunisie, qui avait été facile, fit croire aux dirigeants français qu’il en serait de même au Maroc, car l’Empire chérifien était lourdement endetté à l’égard des banques françaises et nombre de grands notables, come l’avaient fait les Tunisiens, avaient demandé la protection des ambassades européennes. Ces dernières étaient tombées d’accord pour les laisser agir au Maroc, les Français pourraient sans doute avoir le soutien discret d’un grand nombre de notables locaux. »

Commentaire : l’auteur évoque un des aspects majeurs de la géopolitique coloniale, le rôle des banques dans la prise de contrôle de territoires qui valaient d’être convoités, l’engrenage des emprunts, à partir du moment où les pays emprunteurs disposaient déjà d’un minimum de ressources économiques pour rembourser : il s’agissait d’un bon critère de distinction entre les territoires anglais et français.

            Cette mécanique coloniale a fonctionné en Méditerranée, notamment en Egypte, Tunisie et Maroc, et beaucoup en Chine, laquelle vit ses douanes prises en mains par les Anglais et les Français pour s’assurer du remboursement des emprunts.

            « Un galop d’essai, la conquête de la Tunisie (p,374)

L’auteur décrit un deuxième procédé utilisé pour contrôler un pays, ce qu’il faut bien appeler la corruption, le mélange des genres, des procédés sans âge, mettre la main sur les notables, sorte de protectorat avant la lettre, par le biais des consuls, encore faut-il que cette géopolitique puisse être mise en œuvre dans un pays disposant d’un Etat et de ressources à exploiter.

            « Par ailleurs, la modernisation permit à de nombreux hauts fonctionnaires de transformer en propriétés privées les domaines ou biens de fonction dont ils avaient la jouissance passagère. Pour ne pas avoir à les restituer à un successeur, ces notables se placèrent sous la « protection » du représentant d’une puissance étrangère, et celui-ci obtint l’accord du bey en leur faveur, en échange de nouveaux prêts ou de délais de remboursement d’emprunts précédents. Ainsi le système du protectorat commença-t-il discrètement à titre individuel pour la plupart des notables, bien avant d’être instauré officiellement sur l’Etat tunisien. » (p,375)

« Le Maroc, un vieil empire selon le modèle Khaldounien » (p,375)

L’auteur consacre ces pages à un ancien historien trop méconnu du Maghreb, Ibn Kaldoun dont l’apport le plus intéressant est incontestablement le rôle des tribus.

            « En me référent au grand historien et sociologue maghrébin Ibd Kaldoun (Tunis,1332- Le Caire, 1406), contemporain des  Mérinides et dont l’œuvre a été traduite sur ordre de Napoléon III, je crois utile d’expliquer comment se formait et se disloquait un  royaume marocain et plus largement un royaume maghrébin. Cela permet de mieux comprendre comment s’est déroulée la conquête coloniale, en particulier dans le cas du Maroc, dénommé l’empire chérifien.

            Comme dans l’ensemble du Maghreb et du Machrek (sauf en Egypte), il s’agissait d’Etats fondés sur des sociétés tribales où chaque homme était armé, savait se battre et appartenait à un groupe formé par des liens de parenté, la tribu (ou la fraction de tribu). Celle-ci était un ensemble politique – en principe égalitaire – qui avait son territoire, le défendait et l’exploitait de façon plus ou moins collective par l’élevage et l’agriculture. Elle entretenait avec les tribus voisines des relations parfois conflictuelles, en fait géopolitiques. Celles-ci étaient un effet de la concurrence territoriale, mais aussi de la volonté d’entretenir les relations politiques et la valeur guerrière de ses membres. La tribu, groupe à base largement familiale, était une sorte de machine politique et une machine de guerre (sans volonté d’exterminer les adversaires ni de capturer des esclaves…

                        Tout pouvoir royal, au Maghreb et au Moyen Orient (à l’exception, il faut y insister de l’Egypte) avait donc une base tribale, et celle-ci était le fait d’une tribu qui en avait entrainé d’autres à se rebeller contre un pouvoir royal. Ce dernier était lui-même d’abord celui d’une tribu qui s’était soulevée et avait été victorieuse grâce à l’alliance d’autres tribus. Le ralliement d’un certain nombre de celles-ci était plus facile quand la tribu qui menait le mouvement pouvait se réclamer d’un innovateur religieux fondateur d’un confrérie hostile à celle dont se réclamait le pouvoir en place. » (p,377, 378)

Question : Yves Lacoste aborde ici l’un des points sensibles, et il y en  a beaucoup d’autres, pourquoi ?

            Parce qu’il aurait utile et intéressant qu’il nous donne au moins un exemple du phénomène décrit qui met en cause un facteur géopolitique majeur, celui de l’Islam et des confréries particulièrement puissantes du Maghreb, comme elles le furent et le sont encore en Afrique noire.

            C’est bien dommage car l’auteur a publié, dans le passé, dans la revue qu’il a fondée, « Hérodote », une analyse fort intéressante sur les principaux courants de l’Islam.

            « Au Maroc, souvenir des grandes dynasties et rôle des confréries » (p,379)

            Ce système, qui rend compte du mode de formation et de déclin rapide de royaumes à base tribale, a fonctionné sur l’ensemble du Maghreb plus ou moins longtemps selon les régions. A partir du XVIème siècle, l’afflux d’or d’Amérique en Espagne, l’essor de la piraterie en Méditerranée et la riposte espagnole conduisent les corsaires d’Alger et de Tunis à faire appel à l’Empire ottoman. Ce grand Etat qui n’est plus à base tribale mais qui repose sur une administration d’origine byzantine, établit pour plusieurs siècles son pouvoir sur les tribus des régences d’Alger et de Tunis. Le système kaldounien cesse de fonctionner dans une grande partie du Maghreb, du moins en ce qui concerne les affaires importantes. Il n’y a pas de nouvelle dynastie en Algérie depuis le XVIème, mais une dynastie se crée en Tunisie au XVIIIème siècle.

            En revanche, le système décrit par Ibn Kaldoun continue de fonctionner au Maroc où des dynasties se sont succédées jusqu’au XXème siècle…

            La dernière dynastie qui s’établit au Maroc et qui est toujours au pouvoir est celle des Alaouites (sans être chiites, ces chérifs se réclament d’Ali, le gendre du prophète). Ils sont eux aussi des Arabes arrivés au XVIème siècle dans le Sud marocain qui se sont établis dans la grande oasis du Tafilalet…

On pourrait dire que le système kaldounien s’est peu à peu assoupi, puisque du XVIème siècle au début du XXème siècle aucune tribu n’a été assez forte pour renverser la dynastie…

            « Les contrecoups de la conquête de l’Algérie » (p,381)

Ce passage décrit bien l’engrenage financier avec emprunt et remboursement d’emprunt, dans un territoire à potentiel économique, qui conduit à la dépendance coloniale ou impériale, comme l’on veut, une configuration géopolitique dont l’effectif a varié au cours du temps, mais dont ne faisaient alors pas partie, mise à part l’Indochine, les autres territoires ciblés par les Français.

             « Le principe de la « porte ouverte »  (p, 382)

L’auteur en décrit le mécanisme décidé à la Conférence d’Algésiras (1906),  puis la crise de 1908 avec l’intervention, à partir de l’Algérie, du général Lyautey, avec une nouvelle crise à Fès en 1911.

            « L’instauration du Protectorat et l’insurrection nationale de 1912 » (p,384)

            « A Fès assiégé par les tribus, le sultan fut traité comme quantité négligeable par les Français ; il apprit indirectement l’accord franco-allemand et par conséquent l’instauration imminente du protectorat français…

            Les événements que l’on a longtemps passé sous silence sont au contraire considérés par l’historien Daniel Rivet comme une véritable « insurrection nationale ». Il ne s’agit pas, selon lui, de la classique agitation des tribus lors des crises dynastiques, mais d’un soulèvement national contre le passage sous l’autorité d’un Etat étranger et chrétien… Daniel Rivet ne parle sans doute pas assez des confréries, mais il montre bien les enjeux nationaux du soulèvement des tribus, notamment leur opposition du départ du sultan pour Rabat. Cette ville n’était plus une capitale depuis longtemps, à la différence de Fès, de Meknès, ou de Marrakech, mais c’était une implantation sur la côte atlantique qui permettait aux Français d’assurer la protection du sultan…

« … à la mi-mai 1912, Lyautey débarquait à Casablanca » (p385)

L’auteur propose alors un résumé historique du conflit, des « Méthodes de Lyautey », qui fut dix ans au Maroc :

« Lyautey, qui sut s’entourer de géographes, d’historiens et d’ethnologues, a compris les formes d’organisation politique de la société marocaine. Par ces intellectuels, il connait l’œuvre d’Ibd Kaldoun, et on peut dire qu’il va appliquer le modèle kaldounien dans les rapports géopolitiques entre le bled maghzen et le bled siba. L’un et l’autre sont constitués de tribus dont les relations d’alliance ou de rébellion avec le sultan changent au gré des circonstances…

« A la différence de l’Algérie où les occupants ont systématiquement cherché à disloquer les structures tribales en réduisant leurs territoires, Lyautey a cherché au Maroc à maintenir les tribus qui pour beaucoup avaient conservé leurs terres, sauf celles qui étaient particulièrement intéressantes pour la colonisation, par exemple autour des villes…

« Dès le début du protectorat, des régiments de tirailleurs marocains ont été constitués dans l’armée française avec des volontaires qui partirent en France dès septembre 1914. Ces tribus du Moyen Atlas ont fourni une grande partie de l’armée coloniale puis de l’armée royale après 1956. Encore aujourd’hui les cadres de l’armée marocaine viennent pour une bonne part de ces tribus. »

« La formation ou le renforcement d’un féodalisme marocain »(p,391)

« … L’un des points forts de la politique de Lyautey est qu’au début du XXème siècle les milieux coloniaux s’intéressaient bien davantage aux ressources minières qu’aux terres agricoles… » (p391)

« La guerre du Rif et les contradictions coloniales » (p,392)

« … Fait étonnant, il ne semble pas qu’elle ait alors suscité dans l’opinion marocaine une grande émotion… »

Question : sur quelle base d’évaluation ? Dans la presse marocaine ? Quelle était-elle à l’époque ?

« La relative brièveté du mouvement national et royal marocain. » (p394)

« La politique de Lyautey continua dans l’ensemble d’être mise en œuvre après son départ. Mais la pénétration des idées nationalistes parmi les intellectuels marocains se faisait sentir dans les villes. Aussi, au sein des sphères coloniales, apparut l’idée de soustraire les Berbères des régions montagnardes à l’influence des milieux arabisés. »

Question ; « sphères coloniales », les « sphères coloniales » du pouvoir ou des pouvoirs ? De qui et de quoi s’agit-il ?

L’auteur décrit en détail le rôle géopolitique des tribus dans l’histoire du Maroc, fondé implicitement sur la confusion entre un pouvoir tribal et un territoire tribal

L’auteur conclut son analyse ainsi :

« Je crois que les Marocains ne gardent pas de l’époque coloniale un trop mauvais souvenir. Celle-ci a été relativement courte et la lutte pour l’indépendance a été brève. En revanche, pour les Algériens, c’est une el longue et vieille histoire et leurs souvenirs de la guerre d’indépendance sont tragiques.  Mais c’est avec la France que les relations de l’Algérie sont les plus étroites et les plus nombreuses. La question post-coloniale en France, notamment dans les « grands ensembles », est indissociable de tous ces « jeunes » français dont les grand-pères sont venus, il ya bientôt cinquante ans, après avoir combattu l’armée française. » (p,397)

Questions : toujours les « grands ensembles » ? Toujours l’Algérie ? Une histoire par trop caricaturale ? Et les années noires des années 1990 ? Et la nature et les dates des flux des « grands pères » qui sont venus en France ?

Pourquoi ne pas signaler à nouveau que la plupart des discours tenus de nos jours par des groupes de pression de propagande post-coloniale, le plus souvent accusateurs de notre pays, se gardent bien de nous fournir des enquêtes statistiques sérieuses sur la mémoire coloniale en métropole et dans les anciennes colonies : Yves Lacoste a-t-il à sa disposition une documentation statistique à ce sujet ?

Je confluerai cette analyse et ces questions en renvoyant le lecteur sur le livre « La colonisation française » d’Henri Brunschvig Chapitre VII « Le Maroc et les interférences de politique étrangère » et sur la chronique que j’ai publiée le 17/10/2018 à propos des Mémoires de Joseph Caillaux

A l’époque des tensions internationales relatives à la question marocaine, ce dernier était  alors Président du Conseil.

Il donna sa version des faits dans le livre  « Mes Mémoires » Tome 2 « Mes audaces. Agadir… »

Dans le fil des recherches que j’ai effectuées sur les processus de décision des conquêtes coloniales, ces Mémoires me donnaient l’occasion de comprendre qui prenait la décision coloniale dans le cas du Maroc : la façon de raisonner de l’auteur, telle qu’elle était décrite était tout à fait surprenante, étant donné :

 1) qu’il prenait une décision en considérant qu’hors les Etats reconnus sur le plan international, les autres territoires étaient considérés comme des biens sans maître,

2) qu’il avait tout pouvoir à ce sujet, alors que la France était dans un régime parlementaire.

Le livre en question nous documente par ailleurs sur un personnage qui fit un beau parcours politique sous la Troisième République, André Tardieu.

Il sut alors pratiquer un remarquable mélange des genres entre la presse, le Quai d’Orsay, et le monde politique.

De nos jours, André Tardieu n’aurait-il pas des héritiers qui ne disent pas leur nom ?

Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

La Question Post-coloniale 3 – Chapitre 2 – L’importance des représentations géopolitiques – 1

La Question Post-coloniale 3

Chapitre 2

« L’importance des représentations géopolitiques »

(pages 63 à 123)

1

            Ce chapitre est important et il mérite un examen détaillé parce qu’il éclaire de nombreux aspects de la problématique de la géopolitique post-coloniale, telle que présentée par l’auteur.

            Il met le projecteur sur les interprétations géopolitiques que l’on peut avoir de notre passé colonial, sans toutefois répondre à une question préalable : qu’est-ce que l’auteur désigne comme des « représentations géopolitiques », car le mot et le sens de ce concept très extensif auraient justifié dès le départ d’être défini dans les cas examinés. L’auteur laisse le lecteur les retrouver et les comprendre au fur et à mesure de son analyse, une sorte de lecture anglo-saxonne à partir des cas.

J’ai été surpris de constater que l’auteur ne faisait pas référence au travail du Colloque Savant « Images et Colonies » qui s’est tenu les 20, 21, et 22 janvier 1993 et qui avait précisément pour objet cette catégorie importante des représentations, les images coloniales ou impériales : les conclusions de ce colloque n’étaient rien moins que très nuancées.

            L’auteur, comme il s’en explique longuement aux pages 115 et suivantes est issu d’une matrice maghrébine anticolonialiste dynamique et puissante qui a animé beaucoup de travaux sur les mêmes thèmes, disposait d’un bagage d’expériences et de relations dont il fait profiter le lecteur, notamment sur l’Algérie. (professeur dans un lycée d’Alger de 1950 à 1955, membre du Parti Communiste Français dont le rôle fut pour le moins ambigu au début de la guerre d’Algérie, jusqu’en 1956).

Une matrice maghrébine anticolonialiste ? Il s’agirait d’un beau sujet de thèse qui devrait intéresser un jeune chercheur soucieux de vouloir démêler le mélange des genres entre science humaine et engagement politique.

L’auteur nous y livre son itinéraire colonial, en même temps qu’il définit ses « représentations » du passé :

« J’ai en effet des rapports personnels complexes avec le phénomène colonial, puisque j’ai passé toute mon enfance au Maroc… Je suis donc né au Maroc… A la veille de la Seconde Guerre mondiale, ma famille est revenue en France où mon père est mort : j’avais 11 ans…je suis retourné au Maroc faire durant un an mes premières armes de géographe sur le terrain.

Mais, et cela me surprend encore, le mouvement pour l’indépendance des Marocains, comme celui plus tard des Algériens, m’a toujours absolument légitime, et je crois que cela ne résultait pas de mon appartenance – un temps- au Parti communiste français. Je suis en quelques sorte, depuis, depuis mon enfance (certes assez privilégiée), mais assez curieusement un colonial anticolonialiste – c’est évidemment une représentation…(page 115)

« Autre représentation : je crois que de nos jours tout homme dans de graves circonstances, est fier de sa nation (à l’exception peut-être des Allemands lorsqu’ils ont découvert les horreurs du génocide perpétrées par les hitlériens. Il se trouve que je suis français et je m’en félicite comme d’une grande chance ; j’aime ma France, nonobstant le désastre de 1940 et les guerres coloniales que j’ai dénoncées comme des opérations vouées à des échecs déshonorants. Contrairement à ce que proclament ceux qui prônent la « repentance » (jamais la leur, mais celles de leurs adversaires politiques), j’estime que ce ne sont ni la France ni la nation qui ont mené les entreprises coloniales et moins encore la traite des esclaves, mais de petits groupes d’hommes résolus… (page 115)

Je suis donc français, j’en suis très fier et allez savoir pourquoi, cela me parait expliquer la sympathie admirative que je porte à tous ceux qui luttent pour l’indépendance de leur pays, même lorsqu’ils combattaient  le mien – ou plutôt ceux qui menaient la politique de ces dirigeants contrairement à la formule usuelle, les pays ne se battent pas entre eux… »(page 116)

Commentaire : je me limiterai à l’essentiel, car le propos tenu soulève un profond malaise pour quelques-unes des nombreuses questions par ce genre de confession, ou pour user du langage quelque peu ésotérique de l’auteur, ses « représentations ».

J’ai pris acte tout d’abord de son « interprétation » d’une certaine présence française dont l’inspiration n’était pas celle de notre nation : à maintes reprises, j’ai écrit que la France n’avait eu ni culture coloniale, ni culture impériale.

Pourquoi ne pas rassurer par ailleurs l’auteur sur le nombre de Français qui partagèrent ce type de réaction, de refus du monde colonial tel qu’il existait encore entre les deux guerres, je pense par exemple à  Robert Boudry, Gouverneur général intérimaire de Madagascar entre 1939 et 1945. Je pense aussi à un camarade instituteur au Maroc dans les années 50 qui me décrivait dans ses lettres la situation d’alors… Ces exemples seraient innombrables, mais cela n’a pas empêché cet ami d’enfance d’aller faire la guerre d’Algérie au titre du contingent ?

En 1954, lors du début de l’’insurrection, en 1954, le Parti communiste partageait le même discours sur l’Algérie française que les autres dirigeants d de la SFIO ou du MRP. En 1956, les députés communistes votèrent les pouvoirs spéciaux  au gouvernement Guy Mollet…

Innombrables furent en effet les témoins de ce type de situation coloniale : citons, en 1914-1918, les tirailleurs sénégalais, Ho Chi Minh lui-même, et plus tard toute une série d’intellectuels coloniaux venus étudier en France tels que le député malgache Rabemananjara.

La deuxième guerre mondiale et l’expérience des guerres coloniales donnèrent à d’anciens combattants la même maturité civique et le refus du système colonial, à Ben Bella par exemple.

Je puis enfin rassurer l’auteur sur la « représentation » ou les « représentations » que je partageais avec mes camarades du contingent en Willaya III dans la vallée de la Soummam dans les années 1959-1960 : que faisions-nous dans ce pays ? Sinon, attendre la « quille », un cessez-le feu, en continuant toutefois le combat contre des rebelles qui étaient courageux.

Je suis loin d’être assuré que les anciens du contingent, encore vivants, puissent apprécier la description d’une guerre qui biffe purement et simplement leur existence, leurs blessés et leurs morts, et la mission qui leur avait été confiée par les autorités légitimes de la République Française.

En ce qui concerne la définition du mot représentation, revenons donc au Petit Robert, car le mot y bénéficie d’un très large spectre linguistique, pas loin d’une colonne.

            « Action de mettre devant les yeux ou devant l’esprit de quelqu’un…2° Le fait de rendre sensible (un objet absent ou un concept) au moyen d’une image, d’une figure, d’un signe, etc. »

A la page 71, l’auteur cite l’expression « Fracture coloniale » comme une « métaphore illogique ».

            Dans le contexte historique examiné, l’auteur cite en effet le livre « Fracture coloniale », publié en 2006, mais le groupe Blanchard, comme déjà indiqué, s’était illustré auparavant par la publication de deux autres ouvrages dont le contenu aurait incontestablement mieux répondu au souci d’illustration de la définition du terme « représentations », deux livres de date antérieure « Culture coloniale » et « Culture impériale » qui diffusaient une grande palette d’images couplées avec des interprétations de ces représentations du passé colonial : ce panel d’images jouait à fond la carte d’une représentativité historique non démontrée, sur une « imprégnation » coloniale non démontrée, et sur un « inconscient collectif » colonial pas plus démontré.

            Le groupe Blanchard and Co a surfé sur les « zoos humains », en utilisant un angle d’attaque incontestablement attractif, mais idéologique et politique, en s’abstrayant de toute rigueur scientifique et historique.

            Il serait intéressant de connaître le chiffre des ventes de ces livres, hors milieu universitaire.          

            L’auteur cite également le livre noir de Marc Ferro, et fait référence à la guerre des mémoires (page 68), des mémoires que l’historien et mémorialiste Stora n’a jamais eu le courage de faire mesurer, alors qu’il est l’auteur du petit livre paru sous ce titre.

            L’auteur a choisi le terme fourre-tout de représentations alors que l’expression de « propagande postcoloniale » aurait été sans doute plus appropriée, car il s’agit bien de cela.

            Revenons au texte :

            L’auteur écrit : « Dans tout raisonnement géopolitique, il ne faut pas seulement tenir compte des caractéristiques objectives, matérielles, mesurables, des populations qui vivent sur le territoire où se livre une rivalité de pouvoirs. Il faut aussi tenir compte des idées, des « représentations que chacun des groupes antagoniste (avec ses leaders) se fait à tort ou à raison, de la réalité ; de ses droits sur ce territoire comme de ce qui lui apparait comme important dans tout ce qui l’entoure, y compris au niveau mondial. Ces représentations plus ou moins subjectives sont presque toujours produites par ce que l’on peut appeler au sens le plus large des intellectuels, c’est à dire des hommes et des femmes qui réfléchissent, qui discourent, bref qui produisent des idées nouvelles et en reproduisent d’autres dont ils ne connaissent pas précisément l’histoire. » (page 64)

L’auteur revient aux « jeunes » des « grands ensembles », un sujet dont il fut un des spécialistes, évoque à nouveau une lutte de pouvoirs avec la police, en distinguant le positif et le négatif… :

« Mais ils expriment leurs insatisfactions et leurs inquiétudes par une hostilité croissante à l’encontre du pays et de la société où l’immigration de leurs grands-parents, il y a plusieurs décennies, les a fait naître. La justification de cette hostilité se fonde sur des représentations historiques qui, dans les milieux intellectuels, font de nos jours consensus dans la mesure où celles-ci réprouvent la colonisation depuis que les empires coloniaux ont disparu. Or, pour bien marquer leur différence, les jeunes intellectuels « issus de l’immigration » proclament que le colonialisme continue d’exister en France. » (page 65)

Questions : 1) nés en France ou venus après leur naissance ?

            2) « Consensus » ? La pertinence aurait voulu qu’il ait été mesuré, ce qui n’est pas écrit.

            3) S’agit-il des « grands ensembles » et non de la nation ?

            L’auteur analyse alors :

            « La diffusion de représentations accusatrices du colonialisme (page 67)

            « … Pour schématiser, on peut dire que, malgré les effets de « l’absentéisme scolaire », un certain nombre de ces jeunes vont au collège et qu’ils s’intéressent particulièrement, même de façon brouillonne et agressive, à ce que disent les professeurs d’histoire-géographie sur la colonisation et la traite des esclaves en effet, depuis une dizaine d’années, les programmes scolaires prescrivent qu’un certain nombre d’heures d’enseignement soient consacrées à ces problèmes qui sont aussi de plus en plus présents dans les manuels les enseignants en font d’autant plus état que cela les intéresse personnellement et passionne les élèves il n’en reste pas moins que, dans ces quartiers ou à proximité, la tâche des professeurs – qui sont de plus en plus des femmes – est encore plus difficile qu’ailleurs. » (page 67)

            Commentaire : cette analyse concerne les « grands ensembles », mais elle montre le rôle important des professeurs d’histoire géographie très souvent séduits par  une culture multiculturelle de gauche très influente dans l’ensemble de notre système scolaire. Il fut un temps où il s’agissait de la culture marxiste, mais faute de marxisme, on s’est rabattu sur une autre thématique à la mode, d’autant plus facilement que l’ouverture des frontières a fait sauter beaucoup de frontières culturelles, et misé sur la générosité et l’idéalisme de la jeunesse, comme de tout temps.

            Il serait sans doute possible de mettre au défi scientifique les animateurs et propagandistes de cette lecture de notre histoire de mesurer le même type de « représentations » dans les livres des 3ème et 4ème Républiques, images, nombre de pages, et lignes de texte, en tenant compte évidemment des contextes historiques correspondants, en l’absence notamment des images télévisées et de celles des réseaux sociaux.

            «  Un consensus de rejet de la colonisation depuis qu’elle a disparu.

            « Tout cela est la conséquence du développement relativement récent du vaste courant d’idées qui stigmatise la colonisation. Les quelques tentatives maladroites pour faire admettre qu’il n’y eut pas que des atrocités dans les colonies et que tout n’y fut pas constamment aussi épouvantable, suscitent de la part de certains (nouveaux venus en la matière) un surcroit d’accusations indignées et de publications vengeresses. » (page 67)

Questions : sur un sujet aussi sensible et polémique, le lecteur aurait aimé avoir plus de précisions sur les constats soulignés.

            « Consensus » : quelle évaluation ? « Vaste courant d’idées » : quelle évaluation ? « Publications vengeresses » ? Lesquelles ? Fusse en renvoi !

            Quel intellectuel aura le courage de contester les témoignages d’Hampâté Bâ dans ses nombreux livres, dont l’un de grande sagesse –« Kaidara », avec sa vision capitale des deux versions de la colonisation, la diurne et la nocturne ?

            L’histoire de l’impérialisme n’a jamais eu, ni frontière, ni époque : il s’est inscrit dans ce que la philosophie chinoise, a dénommé « le cours des choses ».

            De nos jours, comme par le passé, les « spécialistes », dénomment un certain de type de domination par l’expression gentillette de « soft power », mais le « hard power » n’est jamais loin, le totalitarisme, comme c’est le cas en Chine, en Corée du Nord, en Turquie…

            Tout au long des derniers mois, jeunes algériens et algériennes se sont mobilisés, semaine après semaine, pour contester une nomenclature dictatoriale qui ne dit pas son nom.

            « L’écho de problèmes géopolitiques extérieurs aux banlieues (page 72)

            Question : S’agit toujours plus des banlieues en général ou des « grands ensembles » ?

Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

Décision coloniale, qui décide ? Le cas du Maroc (années 1909-1912) Avec les Mémoires de Joseph Caillaux

DECISION COLONIALE, QUI DECIDE ?

Le CAS du MAROC des années 1909-1912 : avec Joseph Caillaux

« MES MEMOIRES »

Tome 2

Mes audaces. Agadir…

1909-1912

Joseph Caillaux

Plon 1943

Lecture critique

La date de cette parution peut surprendre, c’est-à-dire en pleine époque d’une France occupée par les Allemands.

            La lecture de ces mémoires m’a donné l’occasion de faire connaissance avec son auteur, un des hommes politiques les plus brillants de la Troisième République, mais surtout de réviser un certain nombre de connaissances que j’avais acquises grâce à la lecture passée du livre d’Henri Brunschwig, « La colonisation française » et de son chapitre VII « Le Maroc et les interférences de politique étrangère. »

            La lecture du tome II m’a surtout permis de voir comment fonctionnait un gouvernement de la Troisième République quelques années avant la Grande Guerre, à la fois sur le plan de la politique intérieure et sur celui de la politique étrangère et coloniale : qui prenait la décision ?

            Ces mémoires illustrent parfaitement la conception de la politique étrangère que pouvaient avoir alors les puissances coloniales à l’égard des terres qu’ils s’estimaient en « droit » de conquérir.

            Rappelons que Caillaux fit partie de cette caste politique – les Jaurès, Briand, Barthou, Clemenceau, Poincaré – qui gouverna alors la France. En sa qualité d’Inspecteur des Finances, il manifesta en permanence de l’intérêt pour les questions financières (voir l’impôt sur le revenu), et fit tout d‘abord partie du groupe des Républicains (la gauche) qui furent le fer de lance des conquêtes coloniales, puis de celui des radicaux socialistes.

            Caillaux fut un Président du Conseil éphémère, comme le furent beaucoup de ses prédécesseurs et successeurs au cours de la Troisième République, moins de six mois entre le 27 juin 1911 et le 14 janvier 1912.

            Son passage fut essentiellement marqué par l’affaire d’Agadir et les initiatives concurrentes de la France et de l’Allemagne pour dominer le Maroc, avec l’enjeu parallèle du Congo, par une intervention française du type « fait accompli » à Casablanca et à Fez, et en réplique, le positionnement de la canonnière Panther à Agadir.

            Brunschwig écrit, en parlant du Kaiser :

            « Il espérait la cession du Congo Français » … « des conversations réunirent, en dehors du quai d’Orsay, le conseiller d’ambassade von Lankert et Caillaux à Paris, l’agent personnel de Caillaux Fondère et le ministre des affaires étrangères Kiderlen-Waachter à Berlin. Pendant un mois, entre le 15 juillet et le 15 août, on fut à deux doigts de la guerre. » (p,252)

Cette situation donne déjà une petite idée du fonctionnement concret de la diplomatie française « en  dehors du quai d’’Orsay » avec un « agent personnel ».

            Indiquons que ces mémoires constituent un plaidoyer pro domo de Caillaux, une justification de la politique qu’il a menée avec l’Allemagne, de l’accusation qui lui a été constamment faite d’être un pacifiste, prélude, plus tard,  d’une accusation de haute trahison qui lui valut d’être traduit après la guerre devant la Haute Cour.

          Il sortit de ce procès avec honneur.

            Nous verrons plus loin les arguments que Caillaux développait pour justifier ses positions.

            Il n’est pas superflu de préciser que Caillaux faisait partie d’une nouvelle génération d’hommes politiques qui succédaient à celle d’une partie des Républicains que le Panama avait dévorés, c’est-à-dire très largement corrompus.

            Le scandale du Panama s’était soldé, en 1888 par une ardoise de 1,4 milliard de francs or, soit 5,4 milliards d’euros 2015, pour 850 000 souscripteurs, dont beaucoup étaient des petits épargnants rentiers.

            Puis intervint, en 1894, l’affaire Dreyfus qui « coupa la France en deux » (La Troisième République, Jacques Bainville, p, 203).

           La France parlementaire était en gros divisée en deux camps politiques, le camp politique de la revanche, avec le retour de l’Alsace Lorraine au pays et des alliances avec la Russie et l’Angleterre, afin de contrer la puissance allemande, et le camp politique de ceux qu’on appelait les pacifistes, Jaurès, Briand, et Caillaux, lesquels recherchaient l’apaisement et la négociation.

          Avant d’esquisser mes observations sur les acteurs du scénario Caillaux, sur la scène française et internationale où se jouait ce scénario, et sur ses résultats, échec ou succès, il convient de reconnaitre que l’homme politique avait une belle écriture, notamment lorsqu’il l’exerçait pour faire le portrait des acteurs qu’il appréciait, mais surtout ceux qu’il détestait.

        Ces portraits dénotent aussi beaucoup de condescendance à l’égard de ses collègues

        Les acteurs

         Les acteurs politiques – A lire ce deuxième tome des mémoires, les acteurs du scénario Caillaux constituaient un petit cercle d’hommes, et rarement de femmes, qui se sont fréquentés, croisés, combattus, pendant de longues années, tout en faisant souvent partie du même petit monde politique parisien républicain, radical, ou socialiste du début du vingtième siècle.

      A côté des ministres en vue, Caillaux évoque quelques figures surprenantes, le couple Herbette Conti : « L’administration est conduite par le sous-directeur des Affaires politiques et par le chef de cabinet du ministre, tous deux nationalistes aussi ardents qu’inconsidérés. »

      Il s’agissait d’Herbette le chef de cabinet du ministre des Affaires Etrangères de Selves – les Allemands l’avaient surnommé Herr Bête – (p149), Caillaux n’hésitant pas à dresser le portrait peu flatteur du ministre :

       « Je me suis montré quant à présent aussi réservé que possible dans mes appréciations sur M de Selves. Je voudrais continuer. Je n’ai pas le droit de lui en vouloir de sa faiblesse intellectuelle qui  le fait prisonnier de son entourage – car on entend bien que toutes les puérilités qu’il débitait lui étaient serinées par les Herbette et tutti quanti. Je l’avais choisi sachant sa médiocrité, ne me doutant naturellement pas du degré qu’elle atteignait. Peu importe ! J’étais averti. J’aurais dû voir plus clair. «  (p,203)

        Il s’agissait du ministre des Affaires Etrangères !

       Il faut reconnaître que l’auteur, à l’exception de de Freycinet, et encore, dresse des portraits très acides d’autres acteurs de cette scène, ministres ou ambassadeurs.

        Il trace un  portrait élogieux de M.de Freycinet, avec toutefois un coup de pied de l’âne final, qui lui parut sans doute d’autant plus justifié qu’il contribua à satisfaire les ambitions de son petit-cousin de Selves, le ministre cité plus haut :

        « … L’occasion m’est donnée de tracer un léger croquis de lui. Je manquerai d’autant moins de la saisir que M.de Freycinet fut jusqu’à la fin de sa vie un des grands personnages de la République.

        Il en imposait par son passé, par sa merveilleuse intelligence, par son exquise aménité qui se mariait avec un aristocratisme de bon aloi. « Allez donc causer avec M.de Freycinet, » disaient les anciens aux jeunes ministres tels que moi, tels que Barthou, quand les circonstances nous mettaient aux prises avec une question difficile de gouvernement ou d’administration. Et nous allions solliciter dans un hôtel de la rue de la Faisanderie les éclaircissements qu’avec une lucidité incomparable distribuait, d’une voix fluette, un vieillard au profil de camée, tout grêle et tout blanc – la souris blanche fut son surnom.- « Le cerveau de cet homme est un filtre, « disait de lui Gambetta. Le tribun avait raison. Il avait non moins raison hélas ! quand il ajoutait : « Toutes les eaux en sortent pures mais infécondes. » A M.de Freycinet, comme à d’autres, plus qu’à tous autres, le caractère faisait défaut. » (p,47)

          Ou de la façon de choisir ses ministres, toujours de Selves, puis Klotz :

      «  Tout bien pesé, je me résignai : de Selves au Quai d’Orsay, moi dans un grand ministère politique, ailleurs des collaborateurs appropriés à leur tâche, ayant tous de la valeur. Une seule exception : Klotz aux Finances, Klotz dont il ne me venait pas à l’esprit de mettre la probité en doute mais que je savais un médiocre.

        Pourquoi, ayant cette opinion de lui, me suis-je assuré de sa collaboration ? D’abord parce que je n’avais guère l’embarras du choix. Le Parlement était presque aussi pauvre en financiers d’État qu’en diplomates… ». (p,80)

      Dans cette galerie de portraits, Caillaux fait un sort à Berteaux qu’il choisit comme ministre de la Guerre, alors que de Selves détenait le Quai d’Orsay, le couple ministériel qui est à la manœuvre dans les affaires marocaines, dont Caillaux dénonce le rôle dans le fait accompli de Fez, une intervention française qui ouvre une nouvelle fois le dossier du Maroc avec l’Allemagne.

       « Possesseur d’une énorme fortune, sachant largement dépenser, Berteaux disposait d’une immense clientèle. Son empressement à rendre service, son exquise bonté lui valaient d’autres amitiés, plus précieuses celles-là puisque désintéressées. Il conquérait jusqu’à ceux qu’horripilait sa passion de démagogie. Car cet homme d’une réelle valeur avait une tare : il était foncièrement démagogue. Je dis « foncièrement ». Je suis en effet convaincu qu’il n’entrait pas de calcul dans les attitudes de Berteaux…

         Ce n’est guère qu’en 1911 que les barrières tombèrent devant lui. Il sentit alors avec l’extrême finesse dont il était doué qu’il ne désarmerait les hostilités, qu’il ne parviendrait aux très, très hautes situations dont il rêvait que s’il inscrivait à son actif un geste national… voire nationaliste. Pourquoi pas ? il ne répugnait pas entièrement au nationalisme qui cousine avec la démagogie. Or voici que surgit l’histoire de Fez. Elle offre une occasion exceptionnelle de prendre une posture éclatante. Comment hésiterait-il ? «  (p, 65,66)

        Caillaux évoque à plusieurs reprises le personnage politique de Briand, en même temps autant admiratif que contempteur.

       « Il était certainement de bonne foi quand il jugeait que notre parti abusait de sa force vis-à-vis de ses adversaires. Mais, quelles que fussent les exagérations auxquelles il se complaisait en paroles, il était trop intelligent pour ne pas comprendre que le temps seul pouvait modérer l’âpreté des luttes entre hommes de gauche et gens de droite, que collaborer discrètement à cette œuvre de longue haleine par des conseils de calme distribués à propos était tout ce qu’un gouvernement pouvait faire.

        Il serait entré dans ses vues, il n’aurait pas brandi « l’apaisement » s’il n’y avait trouvé un moyen de transformer le régime et du même coup, d’asseoir son hégémonie personnelle. C’est ici que l’analyse à laquelle je procède devient délicate…

        Fondre tous les Français en un seul et immense parti selon l’expression exacte de Jaurès avec pour toute bannière « l’apaisement », se placer à la tête du pays, assurer la permanence de son autorité et la compacité de l’amalgame formé en instituant – ce fut sa grande trouvaille – la dictature des journaux sous son contrôle à lui, Briand, tel fut sa politique… l’entreprise avorta …

       Mais cela est une histoire qui sera contée tout à l’heure. Ce qu’il me faut expliquer de suite c’est comment le Président du Conseil de 1909 parvint à mettre sur pied l’extraordinaire combinaison qu’il avait, selon toutes probabilités, méditée depuis longtemps, comment il arriva à cartelliser la presse de Paris. » (p,23,24,25)

        Nous reviendrons plus loin sur le rôle de la presse à la veille de la Grande Guerre, car il s’agit d’un sujet qui ne me parait pas avoir encore assez attiré l’attention des historiens, au cours de cette période, notamment dans le domaine colonial, alors qu’il s’agissait d’un des rares vecteurs d’information ou désinformation qu’il était possible de mesurer.

        J’ai déjà eu l’occasion dans quelques-uns de mes écrits de faire le constat de cette carence historique notoire pour tout ce qui touche à l’histoire coloniale de la Troisième et Quatrième République.

       Les pages consacrées à Tardieu, une figure de la Troisième République valent le détour de lecture.

       « M.Hébrard, le directeur du Temps, vint plaider auprès de moi la cause de M.André Tardieu. Attaché au cabinet de Waldeck-Rousseau qui était lié avec les siens, nommé tout jeune inspecteur général adjoint des services administratifs du ministère de l’Intérieur, devenu par la suite inspecteur général titulaire, M.Tardieu rédigeait la bulletin de politique extérieure du Temps. Cumul critiquable, admissible cependant… à la rigueur ! Ce qui n’était pas tolérable c’est que M.Tardieu prétendit participer à des affaires internationales et qu’il soutint ou qu’il attaquât les ministres des Affaires étrangères suivant qu’ils secondaient ou qu’ils se refusaient à servir les intérêts pécuniaires de ses amis…. Ce que, en revanche, je relevais, c’était la position que M.Tardieu avait prise dans l’affaire de la N’Goko-Sangha. Il avait accepté, lui inspecteur général des services administratifs, de se faire contre l’Etat l’avocat stipendié de la Compagnie devant le tribunal arbitral constitué pour décider si la société concessionnaire avait droit à indemnité et pour en fixer le montant aux dépens du Trésor. Arrivant au ministère de l’Intérieur, je jugeai que je ne pouvais laisser passer sans sanction une incorrection – c’est le moins qu’on puisse dire – dont, si elle restait impunie, d’autres fonctionnaires pourraient s’autoriser pour en commettre de semblables.

       M.Hébrard défendit très vivement son collaborateur… Il me fit valoir le profit que je retirerais du concours dévoué que le rédacteur de la politique étrangère dans le plus grand journal de la République ne manquerait pas de me prêter…

         M.Hébrard fit valoir que ses deux prédécesseurs ne s’étaient pas formalisés de cette situation, M.M.Briand et Monis.

      « Je souris. Je consentis le geste de générosité qui m’était demandé. » (p,107,108)

      Caillaux semble découvrir à cette occasion le rôle secret que joue Tardieu dans les négociations engagées sur le Maroc.

       Tardieu était un brillant sujet, et le mélange des genres qu’il pratiquait ne l’empêchera pas de faire une belle carrière politique après la Première guerre mondiale.

    Dans la chronique que j’ai consacrée à la problématique « Subversion et pouvoir », le lecteur a pu constater que le lobby des médias fonctionne toujours aussi bien.

        Jean Pierre Renaud   –   Tous droits réservés

Décision coloniale, qui décide ? Le cas du Maroc (années 1909-1912) avec Joseph Caillaux 2 et 3

DECISION COLONIALE, QUI DECIDE ?

Le CAS du MAROC des années 1909-1912 : avec Joseph Caillaux

2

        Les acteurs étrangers

     Quatre puissances étaient véritablement intéressées par le dossier marocain, la France tout d’abord, l’Espagne et la Grande Bretagne, et plus récemment l’Allemagne, avec l’ambition affichée du Kaiser, Guillaume II, de rattraper son « retard colonial », notamment en Afrique.

      En Europe, et face à l’Allemagne, la France avait noué des relations d’alliance avec la Russie, notamment sur le plan de la défense.

       Ses relations diplomatiques avec la Grande Bretagne restaient un brin ambiguës, tant ce pays avait pour constante attitude internationale de vouloir conserver sa liberté de manœuvre jusqu’au dernier moment.

       Il parait intéressant de dire un mot de deux représentants anglais et russe à Paris : Sir Francis Bertie, ambassadeur de Grande Bretagne et Iswolski, ambassadeur de Russie.

       Sir Francis Bertie : « Il m’amusait toujours de le voir. Je savourais son costume, ses allures. Le stick en bataille, la moustache au vent, le chapeau haut de forme campé de travers sur de beaux cheveux blancs bouclés, il marchait la tête haute, alerte, juvénile. Tenue tout à fait soignée… datant ! Saucissonné dans des jaquettes ou dans des vestons trop ajustés, portant la large cravate lavallière bleue à pois bleus… passée de mode, il ressuscitait les personnages de Dickens et de Thackeray.

     Mais, si l’aspect de l’homme faisait mes délices…. Si, tout compte fait, j’éprouvais une vive sympathie pour cet échappé des romans qui avaient enchanté ma jeunesse, je me sentais mal à l’aise vis-à-vis du diplomate.

       … – il était réactionnaire comme trente-six gendarmes -… Cette mentalité je crois l’avoir définie en appliquant à sir Francis Bertie un sobriquet. Je le dénommai à part moi The squire, le hobereau pour parler français….

        C’eut été perdre son temps que de lui montrer la transformation du monde, depuis cent ans ; perdre son temps de lui indiquer les dangers pour l’Europe, à commencer pour la Grande Bretagne, d’une conflagration qui pouvait ruiner, anéantir l’ancien continent au profit des Amériques…

       Après les paroles de bienvenue j’étale la carte de l’Afrique, je montre les ambitions allemandes. Je demande : « L’Angleterre consentira-t-elle à ce que l’Allemagne s’approprie les énormes territoires qu’elle convoite ?  – Mon cher, réplique Bertie, l’Angleterre laissera l’Allemagne prendre toutes les colonies qu’elle voudra pourvu que ce soient des colonies françaises. » Je rapporte textuellement la phrase, taillée à l’aune du squire. Je veux la tenir pour une boutade. » (p137,138)

      « La Russie, elle, avait une armée de terre magnifique sur le papier. Notre alliée ferait sans nul doute honneur à sa signature. Mais, était-elle prête ?

      Je n’eus pas besoin de convoquer le comte Iswolski ambassadeur de Russie pour lui poser la question. De lui-même il frappa à ma porte.

        A la différence de son collègue de Grande Bretagne, il n’était rien moins que plaisant à voir et à entretenir. Son aspect, ses allures, son langage, tout en lui trahissait une superbe dont il fallait se maitriser pour ne pas s’irriter.

       De belle stature, ne perdant pas un pouce de sa taille, vêtu avec la dernière élégance, le monocle vissé à l’œil, il était le spécimen le plus accompli, presque la caricature, du haut fonctionnaire tsariste. Chez lui comme chez la plupart de ses pareils, la suffisance dédaigneuse, incommensurable ! N’étaient-ils pas les serviteurs d’un grand souverain régissant un immense empire ?…

      Le comte roulait sans doute ces pensées dans sa tête, quand il entra il assit gravement sa morgue dans le fauteuil où, quelques jours plus tôt, le squire avait campé sa désinvolture dans mon cabinet avec l’attitude compassée, avec la démarche gourmée qui seyaient – il l’imaginait – au représentant de l’empereur de toutes les Russies.  (p140)

         … « Il me faut, monsieur le président, vous avertir que, quelles que soient nos dispositions d’esprit, nous ne sommes pas, à l’heure actuelle, en état de participer à une guerre européenne. »  (p,143)

       Ce qui était effectivement le cas après la mission  du général Dubail en Russie.

        Parmi les comparses officiels ou secrets de cette histoire figurait une  Mme M. de J…, amie, confidente du ministre des Affaires étrangères allemandes dont le récit ne révèle pas grand-chose, mais qui joua un rôle ambigu d’intermédiaire dans toute l’affaire

3

        Les scènes

      La situation internationale du Maroc avait fait déjà l’objet d’accords internationaux, en 1880, la Conférence de Madrid (huit signataires), en 1906, l’acte d’Algésiras (7/04/1906), des accords qui avaient placé le Maroc sous le régime commercial de la porte ouverte sur le plan international, avec les initiatives continues de la France pour y installer un protectorat, comme elle l’avait fait en Tunisie. Sur ses frontières, l’armée d’Algérie était à la manœuvre pour aider à la pacification d’un Maroc encore largement insoumis, gouverné par un sultan tout à la fois vénal et incompétent.

       Les gauches françaises, les Républicains et les Radicaux Socialistes avaient à peu près mis fin à leur « course au clocher », pour le partage de l’Afrique, mais les troupes coloniales n’avaient pas encore complètement terminé leurs opérations de pacification contre les résistances qu’elles rencontraient notamment en Côte d’Ivoire et sur les marges du Sahel.

      Les limites de la carte coloniale étaient à peu près fixées. Des accords avaient été passés avec les autres puissances coloniales, en appliquant la « règle du jeu » diplomatique tout à fait formelle dite des reconnaissances de « papiers », d’après lesquels, tel ou tel chef, ou roi, reconnaissant sa situation de « protégé » de telle ou telle puissance coloniale.

      Un mot sur le Congo, un territoire immense que les occidentaux avaient encore beaucoup de mal à connaître et dont les superstructures coloniales étaient encore en voie d’établissement, en tout cas du côté français.

     Il n’en était pas de même du Congo Belge qui connaissait déjà un développement foudroyant, facilité par la découverte d’immenses gisements de minerai.

      J’ai évoqué dans une autre chronique le Congo Belge des années 30 avec le concours du géographe Jacques Weuleursse dans son livre  « Noirs et Blancs ».

     La situation économique et financière du pays n’était pas mauvaise. L’épargne française avait beaucoup contribué à financer les infrastructures de la Russie, beaucoup plus d’ailleurs que celles du domaine colonial, les fameux emprunts russes qui ruinèrent après la guerre de 14-18 beaucoup de petits épargnants, comme l’avait fait avant guerre le scandale du Panama.

      Le pays sortait d’une phase politique relativement violente née de l’affaire Dreyfus et de la loi de Séparation de l’Église et de l’État (1905), et de façon tout à fait curieuse pour certains, avec une droite beaucoup plus soucieuse de la ligne bleue des Vosges que des côtes marocaines ou congolaises, avec le souci numéro Un de pouvoir affronter l’Allemagne, si nécessaire.

        A plusieurs reprises, il m’est arrivé d’ écrire que les conquêtes coloniales de la Troisième République étaient le fruit d’une alliance entre le sabre des troupes coloniales, et le goupillon de la franc-maçonnerie, car pour la droite parlementaire, l’objectif premier restait celui de la restitution de l’Alsace Lorraine, une province qui parlait aux français, ce qi n’était pas le cas des colonies en général, ou du Congo en particulier, puisque dans le cas du Maroc, le Congo était devenu un enjeu du dossier marocain franco-allemand.

      Il serait honnête d’y ajouter un troisième « larron », les Églises chrétiennes missionnaires en quête d’évangélisation des nouveaux peuples dominés, dans certaines contrées lointaines.

        En 1911, la France n’était pas prête à affronter l’armée allemande, et c’est un des éléments de justification importante que Caillaux fait valoir dans ses Mémoires pour justifier sa politique avec l’Allemagne, une politique que ses adversaires ont qualifiée de pacifiste.

          « Je n’avais pas besoin de causer longtemps avec le ministre de la Guerre M.Messimy, dont je veux dire tout de suite qu’il fut un collaborateur admirable, pour constater qu’il y avait deux lacunes on ne peut plus graves dans l’équipement de la défense nationale : le haut commandement n’était pas organisé, nous n’avions pas d’artillerie lourde. » (p,123)

        Caillaux inscrivait sa conception de la politique européenne dans un registre politique tout à fait respectable, et sans doute encore très prématuré pour son époque :

         « Je suis, j’ai toujours été, je serai toujours, non seulement de par ma doctrine mais de par ma réflexion, l’adversaire déterminé des guerres européennes que je juge monstrueuses dans le temps où nous sommes. L’incidente qui clôt ma phrase suffit à indiquer que je n’obéis pas en me décidant ainsi à une sentimentalité débile. Ceux qui savent ou qui sauront ma vie, ceux qui me liront, ceux mêmes qui ne me connaîtraient que par les attaques de mes adversaires, accorderont que la pusillanimité n’est pas précisément mon fait…

       Il y avait chance, me disais-je, en rassemblant mes idées, pour qu’une grande guerre sonnât le glas – le premier glas – de l’ancien continent, chance pour que, réparant peut-être certaines des violences internationales du passé, elle ne causât d’autres génératrices de luttes nouvelles, chance pour que l’Europe, s’épuisant… » . (p 11,112)

       A la lecture de ses Mémoires, son auteur donne effectivement, au-delà de toute rhétorique, des arguments très concrets de l’impréparation de la France sur le plan militaire, des arguments qui ont peut-être été validés par des spécialistes de l’histoire militaire, mais je n’en sais rien.

       « Le haut commandement, l’artillerie lourde, et le concours extérieur » :

     « Ainsi j’en viens à constater dans ce mois de juillet 1911 que notre commandement n’est pas organisé, que nous n’avons pas d’artillerie lourde, que nous ne pouvons compter sur aucun concours sérieux de l’extérieur ». (p,145)

         La dernière justification a déjà été évoquée plus haut, car les spécialistes estimaient qu’il fallait encore au moins deux ans pour que l’armée russe soit en état d’apporter un concours sérieux à la France.

      Il n’a sans doute pas suffi de remplacer le titulaire du haut commandement par Joffre, un général issu de la matrice coloniale, car le Joffre en question renvoya dans leur foyer plusieurs dizaines de généraux une fois la guerre engagée.

         Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

Décision coloniale, qui décide ? Maroc (années 1909-1912)- avec Joseph Caillaux – 4 – le scénario

DECISION COLONIALE, QUI DECIDE ?

Le CAS du MAROC des années 1909-1912 : avec Joseph Caillaux

4

             Le scénario

           Le scénario, c’est-à-dire le canevas de cette histoire échappait en fait à Caillaux, un Président du Conseil éphémère de quelques mois.

            « Le gouvernement qui se constitue à la fin de juin 1911 devait être enveloppé dans la tourmente à laquelle le nom d’Agadir est attaché. » (Caillaux,p,73)

        « Au mois de juillet 1911, l’Allemagne, pour signifier qu’elle maintenait ses revendications sur le Maroc, envoyait une canonnière devant Agadir. C’était la répétition de l’affaire de Tanger, une provocation ou un coup de sonde, peut-être une sommation à la France d’avoir à rompre avec l’Angleterre. Pourtant, le gouvernement allemand laissait entrevoir un arrangement. Renonçant à disputer le protectorat du Maroc à la France, il demandait une compensation coloniale et suggérait la cession à son bénéfice d’une partie du Congo. Un refus pouvait entraîner la guerre. Bien que l’Angleterre s’élevât contre une répartition de territoires faite en Afrique, sans son aveu, Joseph Caillaux consentit à traiter. Bien conduite par l’ambassadeur Jules Cambon, la négociation aboutit à une concession minime, que les nationalistes allemands trouvèrent dérisoire. La France, s’écriait un de leurs chefs, nous donne dix milliards de mouches tsé-tsé. » (Bainville, p,273)

          « En elle-même, pourtant la transaction n’était pas honteuse. Avec d’autres que les Allemands, elle eut été raisonnable. La France en 1904, n’avait-elle pas abandonné à l’Angleterre ses droits en Egypte et à Terre Neuve ? Le Congo, bien que Savorgnan de Brazza s’y fût illustré, comptait moins sans doute que la terre des pharaons où Napoléon s’était illustré. Bien peu de Français savaient même où trouver sur la mappemonde le « bec de canard. » (Bainville,p,274)

          Le lecteur est invité à voir dans cette affaire une des caractéristiques de la façon dont se déroulait le processus de décision en matière coloniale, pour autant qu’il n’en ait pas été de même dans les autres affaires de l’État, c’est-à-dire « le fait accompli » de certains acteurs du scénario.

         Ajouterai-je que les mots utilisés par l’historien ressortent du langage des affaires, des ventes ou d’acquisition de propriétaires fonciers, et qu’au surplus la remarque sur le « bec de canard », c’est-à-dire l’ignorance des Français sur « leurs » colonies, me parait assez bien représenter la dose de « culture coloniale » dont ils étaient « infectés » si l’on devait prendre au sérieux les discours du collectif Blanchard and Co.

         Ce fut le cas en Cochinchine avec le vice-amiral Rigault de Genouilly, au Tonkin avec Jules Ferry, au Soudan (Mali), avec  Archinard, et à Madagascar avec de Mahy.

         « Fait accompli », plus engrenage, comme le montre bien l’histoire d’Agadir et du traité du 4 novembre 1911.

         Les faits : le bombardement de Casablanca, l’expédition de Fez avec quelques européens pris en otage :

        « L’expédition pouvait-elle être évitée ? … Je n’étais pas complètement informé…. Mais la ville de Fez était-elle menacée ? (p,64)

         Les ministres de la Guerre et des Affaires étrangères, qui prirent à eux seuls (on le verra) la grave décision, avaient sans doute hâte de délivrer les Européens enfermés à Fez, mais des préoccupations personnelles ne furent pas – je le crains bien – étrangères à leur détermination. » (p,65)

        J’ai consacré tout un ouvrage de recherches historiques à l’étude des communications politiques et militaires, en même temps que matérielles, avec leur évolution sur les différents théâtres d’opérations coloniales, pour tenter de comprendre et démontrer le fonctionnement des conquêtes coloniales, afin de déterminer quel avaient été les rôles respectifs des gouvernements et des officiers, compte tenu de la difficulté intrinsèque d’interprétation du concept de mise en œuvre de la liberté de manœuvre, au-delà de l’évolution des moyens de communication entre la métropole et les théâtres d’opérations coloniales. 

       Dans le cas du Maroc, ce ne sont pas les conditions d’information respective du pouvoir politique et de l’exécutant militaire qui sont de  nature à expliquer  Fez et Agadir, mais bien le fait accompli politique des deux ministres de la Guerre et des Affaires étrangères, Berteaux et de Selves, les deux personnages déjà évoqués plus haut.

        Caillaux décrit très précisément comment cette affaire de rivalité coloniale entre la France et l’Allemagne se déroula, avec ses négociations parallèles, les manœuvres en tout genre, pour aboutir à un accord, le traité du 4 novembre 1911.

       Etaient stipulées l’égalité douanière entre les signataires, la reconnaissance du protectorat de la France sur le Maroc, la cession d’une partie du nouveau Congo français à l’Allemagne, afin de lui permettre d’avoir un accès à la mer pour le nouveau Cameroun allemand, séparant donc le Gabon du Congo.

        La carrière politique de Caillaux fut alors fragilisée, alors qu’il avait voulu aboutir à un accord qui donne la Maroc à la France, en même temps que sauvegarder la paix, mais l’assassinat du directeur du Figaro par son épouse le 16 mars 1914, l’écarta définitivement de la scène politique française.

                A la différence du Kaiser, Guillaume II : « Moi, je voulais délibérément, bien plus obstinément que lui, la paix, mais je voulais non moins fermement le Maroc pour la France. » (p,111)

       Jean Pierre Renaud    –   Tous droits réservés

Décision coloniale, qui décide ? Le cas du Maroc (années 1909-1912) – 5 – Fin – Les enseignements, la presse, avec Joseph Caillaux

DÉCISION COLONIALE, QUI DÉCIDE ?

Le CAS du MAROC des années 1909-1912 : avec Joseph Caillaux

5 – Fin

         Les enseignements

               A travers cet épisode colonial, et il y en a eu beaucoup, le lecteur aura déjà pu se faire une idée précise du fonctionnement d’un des gouvernements de la République française, sous la Troisième République, quelques années seulement avant la déflagration mondiale des années 1914-1918, la façon dont les affaires les plus graves étaient concrètement traitées, mais tout autant la façon dont la France officielle, celles de l’élite politique et de sa presse, abordait et traitait les problèmes coloniaux.

        Un mot sur la presse et sur son rôle :

       Tout d’abord, et une fois de plus, comment ne pas noter que l’histoire coloniale et postcoloniale souffre encore d’une grave carence d’analyse de la presse et de son rôle dans le domaine colonial.

       Les quelques lignes que Caillaux lui consacre dans ses Mémoires en montre pourtant le rôle et l’importance.

        A propos de Briand :

         « … Ce qu’il me faut expliquer de suite c’est comment le président du Conseil de 1909 parvint à mettre sur pied l’extraordinaire combinaison qu’il avait, selon toutes probabilités, méditée depuis longtemps, comment il arriva à cartelliser la presse de Paris.

          Il fut servi par les circonstances dont sa merveilleuse habileté sut tirer un parti prodigieux. J’ai montré dans un  manuscrit qui me fut  dérobé et dans des productions diverses, l’orientation que les maîtres des grands organes avaient tendance à donner depuis 1905 ou 1906 à leurs feuilles. J’ai indiqué pour quelles raisons ces puissants seigneurs faisaient de plus en plus grise mine aux gauches.

         C’est à l’heure actuelle…., un lieu commun pour les hommes politiques de constater l’effacement, dans les grandes villes du monde et surtout à Paris, des journaux de parti devant les grands journaux d’information. Le grand journal d’information, qui tire à plusieurs centaines de mille exemplaires, représente une grosse affaire. C’est une vaste firme étayée sur des millions. Ceux qui la dirigent ou qui la soutiennent appartiennent nécessairement aux classes riches, toujours disposées en France, à se rebeller quand leurs intérêts sont en cause…. Que leur importait la dissolution des congrégations, la séparation de l’Eglise et de l’Etat ?

       Tout changea du jour où cette partie de leur programme étant épuisé, au moins momentanément, les partis de gauche se prirent à aborder les réformes sociales et où se profila à l’horizon l’ombre de l’impôt sur le revenu…

        J’avais tenté de me rapprocher du plus considérable des directeurs de journaux, de M.Brunau-Varilla, « principal actionnaire » du Matin. J’eus beau multiplier les prévenances, les politesses, écouter patiemment, faire semblant d’approuver les calembredaines que débitait ce curieux homme, supérieur dans la conduite de ses affaires… j’aperçus que je me heurtais à un mur….

        « Tout ce que vous voudrez… pourvu que vous renonciez à l’impôt sur le revenu et à toutes mécaniques du même genre si parfaitement désobligeantes pour les multimillionnaires, surtout quand ils ont pêché leurs écus dans la grande eau trouble du Panama. »

       Car M. Bruneau-Varilla était un « panamiste », tout comme son rival à l’époque, son compère plus tard, M.Letellier propriétaire du Journal. » (p25,26,27) … ils avaient réalisé des fortunes colossales.

         Menacés de poursuites lorsque croula l’entreprise ; l’un et l’autre eurent l’idée de mettre à l’abri leurs personnes et leurs biens en s’embarquant sur des vaisseaux de ligne du journalisme qu’ils achetèrent, qu’ils affrétèrent à grand frais….

        Lorsqu’il se fut écoulé à peu près dix années après ces scandales, nos hommes jugèrent que la prescription leur était acquise. Ils s’émancipèrent. Letellier découvrit et exploita une nouvelle arme de bénéfices. Il hospitalisa dans les colonnes du Journal des annonces sur la nature desquelles mieux vaut ne pas insister…

         Bruneau-Varilla poursuivit, lui, tout autres buts, des buts grandioses. Il aspirait à « régner sur la France ». Clemenceau qui le harcelait d’épigrammes, l’appelait « l’empereur ». Toutes choses remises au point, le principal actionnaire du Matin voulait donner vie à de grands projets qu’il roulait dans sa tête. Il entendait surtout que les gouvernements brûlassent de l’encens à ses pieds et ne contrecarrassent aucune de ses idées maîtresses – sous un masque républicain, il était un parfait réactionnaire, réactionnaire social – il va de soi. – Des origines de sa fortune il ne s’embarrassait pas. «  (p28,29)

       Avec le Matin et le Petit Parisien, « Briand se trouva commander aux deux plus puissants journaux d’information. «  (p,30)

        Question : plus d’un siècle plus tard, les choses ont-elles réellement changé ?

            Presse et opinion publique ?

         L’auteur évoque à un moment donné l’opinion publique ;

      A propos du Congo,  Caillaux note « L’opinion est nerveuse », « elle regimbe », « elle s’insurge », (p,171), sans donner plus de précision sur la source qui lui permet d’affirmer qu’il s’agit bien de l’état de l’opinion publique.

      A propos de la négociation du traité, Caillaux note : « …l’opinion est incertaine. Elle a été offensée par le geste d’Agadir. Elle se demande si l’Allemagne a reçu la leçon qu’elle méritait. » (p172)

       De même écrit-il plus loin : « La masse du public français comprend que, s’il ne faut pas prendre au pied de la lettre les paroles de Maximilien Harden, adversaire passionné du Kaiser, l’échec de l’Allemagne n’en est pas moins patent. » (173)

        Comment prendre pour de l’argent comptant historique ce type de propos ? Je serais tenté d’écrire, l’opinion, le public, la masse  ont bon dos !

      L’état d’esprit colonial des hommes de gouvernement ? Impérialistes de tous les temps ou d’une époque déterminée ?

          A lire ce type de document, de témoignage, il est frappant de constater l’état d’esprit colonial qu’un de leurs éminents représentants exprime dans le langage même qu’il utilise :

        A cette lecture, on en tire en effet la conclusion, qu’en tout cas pour l’Afrique, les gouvernements occidentaux en décidaient comme s’il s’était agi de terres sans maîtres, qu’il s’agisse du Maroc ou du Congo.

       Caillaux note : « Le 4 novembre 1911 le traité est signé. La paix est maintenue. Le Maroc est à la France. Nous ne perdons que des bribes de possessions, acquises diplomatiquement de l’Allemagne elle-même moins de vingt ans auparavant (1895).

        Oublieuse de la lourde rançon que nous avons payée à l’Angleterre pour avoir les mains libres dans l’empire chérifien… » (p,172) 

          Plus loin, à propos de l’Italie, Caillaux note encore :

       « Attentive à l’accroissement considérable de forces dont bénéficiait la France réglant à son avantage la question marocaine, l’Italie résolut à la fin de septembre 1911 de s’approprier la Tripolitaine.

     «  Nous avions dès le 29 décembre 1900, écrit à nos voisins notre désintéressement sur Tripoli en échange de leur désintéressement sur Fez. Nous étions donc tenus non seulement à ne pas nous opposer à l’entreprise italienne mais à la considérer avec bienveillance. Le cabinet que je présidais n’y manqua pas. » (p,196)

        J’ai souligné les quelques mots qui marquent la tonalité du langage de domination occidentale qui avait cours à  l’époque considérée.

         N’étant pas un historien professionnel, je n’ai pas connaissance de recherches ou de travaux portant sur l’état d’esprit, les mentalités des « impérialistes » à chacune des époques impérialistes qu’a connues l’histoire du monde, mais il s’agit d’un des points qui m’ont le plus surpris dans la lecture des mémoires de Caillaux.

       Caillaux concluait :

        « Ainsi, tout était en bonne voie. Le haut-commandement avait été organisé. La rigoureuse observation de la neutralité belge était prescrite. La violation des traités par l’Allemagne n’en était pas moins prévue et l’état-major agençait, agencerait à coup sûr nos plans en conséquence. Enfin, l’armée était à la veille de posséder les premiers éléments d’une artillerie moderne.

       Ayant assuré la paix du monde, acquis le Maroc pour la France, amélioré l’institution militaire – le tout en sept mois, – le gouvernement de juin 1911 pouvait disparaître. 

         J’ai  décrit les phases diverses de l’affaire d’Agadir en pleine objectivité. C’est la même objectivité que j’ai apportée à mesurer les périls que faisaient courir à la France les graves lacunes dans l’organisation de sa Défense nationale auxquels mes collègues et moi-même mîmes un terme.

      Je ne conserverai pas plus longtemps l’entière sérénité dont je ne me suis pas départi quant à présent. … » (p,215)

        Les  « ragots » !

        « Ils ne voulaient pas admettre, oublieux du traité de février 1909, qu’un agrément quelconque, même limité à l’Afrique, fût passé avec nos voisins d’outre-Rhin. Ils ne pouvaient surtout digérer la phrase que j’avais prononcée à la tribune de la Chambre où je déclarais que la France et l’Allemagne « devaient être désireuses de s’accorder pour le plus grand profit de la civilisation dans le monde. » (p,216)

          Fin d’évocation de la situation coloniale du Maroc et du fonctionnement politique de son « règlement » au tout début du vingtième siècle.

          Jean Pierre Renaud    –   Tous droits réservés

« Le choc des décolonisations » Pierre Vermeren Lecture critique Troisième Partie – suite c

« Le choc des décolonisations »

« De la guerre d’Algérie aux printemps arabes »

Pierre Vermeren

Lecture critique

Troisième partie

Suite (c)

« La France, les Français et leurs anciennes colonies » (p,221 à 324)

        Sont cités Derrida, Althuser, Cixous, Rancière, Badiou, Braudel, Charles-André Julien, Lacoste, Bourdieu, Bernard-Henri Lévy, Jambert, Stora…

           « La critique radicale du système républicain français, et par extension de l’Occident, est un legs compl                                                                             exe du XXème siècle.  A la génération suivante, après 2010, la déconstruction est à son tour la cible de nouveaux idéologues et polémistes. S’il est difficile de statuer sur l’ampleur et le devenir de cette nouvelle critique idéologique, au moins peut-on remarquer que ses principaux promoteurs Eric Zemmour ou Robert Ménard, gardent un  gros tropisme algérien, du fait de leurs origines… La capacité de cette terre à produire de l’idéologie est peu commune. » (p,248)

           Pourquoi ne pas rapprocher cette dernière phrase avec le titre du livre de Sudhir Hazareesingh  « Ce pays qui aime les idées » Histoire d’une passion française » ?

          Sauf que dans ce beau débat des idées, silence sur les Gardes rouges de Mao, sur la génocide cambodgien, ou encore sur l’écroulement du rêve marxiste,  pour ne pas dire de la dictature marxiste !

          L’historien enchaine sur la liste des politiques qui ont partagé le même sillon idéologique : »De François Mitterrand à François Hollande : le lourd passif des générations d’après 1981 » (p248)

        « Mai 1968 fait surgir à Paris une nouvelle génération sur la scène politique et sociale, qui entre dans les palais nationaux en 1981 », avec des hommes et des femmes qui ont une filiation avec l’Algérie : Daniel, Julliard, Guillebaud, avant que ne viennent Plenel, Amar, Elkabbach…

            « L’alternance de 1981 amène au sein du monde politique une génération porteuse de la mémoire algérienne, et des combats perdus ou inachevés que l’on pensait enterrés. Des militants, intellectuels et responsables nés dans l’empire colonial s’imposent au parti socialiste. » (p,249)

      Sont cités Dray, Attali, Guigou, Mélenchon, Strauss-Kahn, Quilès, Bartolone, Delanoë, Royal…

        « Ils forment un groupe invisible, relié par des préoccupations, des héritages, une vision de la France et du monde qui les distingue et les soude. Conscients ou inconscients de cet héritage colonial, de ses rêves, de ses fantasmes et de son fiasco. Ils poursuivent ce combat par d’autres voies. » (p,249)

          Cette analyse appelle de ma part deux réserves, la principale étant celle de la confusion conceptuelle qu’elle est susceptible d’entretenir entre le domaine algérien, par extension, le domaine maghrébin, et le domaine colonial en général, une des objections majeures que j’ai formulée à maintes reprises sur le discours mémoriel ou historique que tient, depuis des années, Monsieur Stora dans les médias, historien à la fois politique et médiatique, la seconde portant sur le rôle de l’inconscient dans cette affaire.

         Mes lecteurs savent combien je suis très réservé sur cette irruption de l’inconscient dans notre histoire de France, notamment lorsqu’il qu’il s’agit de « l’inconscient collectif » cher à Mme Coquery-Vidrovitch , laquelle a eu aussi, sauf erreur, des affinités avec ce groupe intellectuel.

       Extension du domaine algérien, oui, car l’auteur est un très bon connaisseur de la Tunisie, mais surtout du Maroc, et la page qu’il consacre à ces deux territoires l’illustre bien :

        « Repli sur le Maroc et la Tunisie, pour le meilleur et pour le pire » (p,253)

       « Forts de cette histoire algérienne puissante et cruelle, le Maroc et la Tunisie ont joué leur partition, en détournant en partie vers leur territoire et leur économie les mannes refusées par l’Algérie. De nombreux pieds noirs et juifs algériens aisés ont investi au Maroc et en Tunisie, et y ont pris leurs habitudes touristiques ou de villégiature.

          La liste est longue des personnalités et réseaux que le Maroc et la Tunisie sont parvenus au fil des décennies, à séduire et à fidéliser, pour leur plus grande protection en France, dans le cadre de ce que l’on qualifierait aujourd’hui de lobbying… Les journalistes font l’objet d’une approche particulière, car leur influence est durable et leur rôle de médiateur est irremplaçable….

      « Les amis du Maroc » ont peut-être modifié leurs habitudes, mais la conspiration du silence et de l’amitié est demeurée intacte. Sous Mohammed VI, les personnalités de très haut niveau qui côtoient le Maroc, au Parti socialiste, au centre, à l’UMP et au Front national, n’ont peut-être jamais été aussi puissantes et nombreuses dans l’establishment politique français. Journalistes, hommes politiques, grands patrons, auxquels s’ajoute désormais la « tribu » des stars franco-marocaines, déploient une commune passion marocaine. » (p,254)

         En ce qui concerne ces dernières années, j’y ajouterais volontiers la liste des ministres ou secrétaires d’Etat qui ont la double nationalité, française et marocaine.

        La description qui est faite de ces relations est tout à fait éclairante, et renvoie par exemple pour le Maroc à une interview du même auteur, qui dans le Figaro ou le Monde, soulignait le rôle du Rif dans le trafic du haschich en France, avec sa corrélation, le nombre de nos jeunes que la consommation de hasch conduit dans nos hôpitaux.

         Ajouterais-je en finale que les élites postcoloniales qui sont en cause sont celles dont les origines sont liées à l’ancien monde colonial et au nouveau monde néocolonial.

Jean Pierre Renaud

Nouvelles du Rif et du shit ! Maroc et France, des relations au beau « shit » !

« Les relations diplomatiques Maroc-France sont au beau « shit » ! »

Silence, on tourne !

Suite de notre feuilleton avec les Nouvelles du Rif !

            Petit rappel du blog ! Le 22 octobre 2012, un petit écho intitulé « le silence est d’or » et de « cannabis ».

            Le 29 juillet 2015, entre la Maroc et la France, « les relations diplomatiques sont au beau shit ».

            Le 22 mars 2016, « des bulles de champagne aux eaux troubles du port de Tanger »

            Aujourd’hui, avec les interviews de l’historien Pierre Vermeren dans les journaux Le Figaro (22/03/16, page 16), et Le Monde (24/03/16, page22) ;

           Avec le Figaro, nouvelles du Rif, le trafic du shit nourrit le djihadisme, détruit une partie de notre jeunesse, mais notre establisment ferme les yeux.

            « L’idée s’est imposée au fil des décennies dans les milieux  dirigeants (de droite comme de gauche) que le commerce du haschich est un moindre mal. Que ce trafic fait vivre une région explosive et pauvre du Maroc, le Rif. Que la stabilité du Maroc ami prime sur la santé publique des jeunes européens, comme si ce royaume ancien avait besoin de cela pour aller de l’avant. En outre, les élites tolèrent de fait cette drogue longtemps réputée douce, bien que les hôpitaux psychiatriques soient remplis de milliers de jeunes ayant décompensé sous son effet. » (Pierre Vermeren)

             Ce qui n’empêche pas combien de nos anciennes ou nouvelles éminences politiques ou médiatiques de France de fréquenter les cieux très agréables du Maroc, comme si de rien n’était !

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: Cannabis entre Maroc et France, ou le « silence est d’or » et « de cannabis »!

Humeur Tique : Cannabis entre Maroc et France, ou « le silence est d’or » et « de cannabis » !

Que fait donc la police ? (du roi du Maroc)

            Les médias s’intéressent de plus en plus au trafic du cannabis qui constitue, dans certains quartiers sensibles, une véritable économie parallèle, bien structurée et « policée » par les nouveaux caïds.

            Vous est- il arrivé d’entendre l’un ou l’autre de nos médias mettre en cause le pays qui fournit une grande partie de ce trafic, c’est-à-dire le Maroc, et notamment le massif du Rif, au nord du pays ?

            Jamais, ou exceptionnellement !

            Quand  la France va-t-elle demander au roi du Maroc, et Commandeur des Croyants,  mécène de mosquées dans le Val de Loire, de faire le ménage dans son royaume ?

            Car le Maroc est depuis très longtemps un pays musulman ami de notre pays.

Haro sur le cannabis? Ou vive le cannabis? Information ou désinformation du Monde Magazine du 3 septembre 2011?

     Le Monde Magazine du 3 septembre 2011 a ouvert un dossier sur la légalisation ou non du cannabis, en sept pages.

Je ne suis pas sûr que ce dossier, tel qu’il est présenté, permette à un citoyen de se faire une opinion sur la question de savoir s’il convient ou non de dépénaliser le cannabis, car, incontestablement, le dossier est construit comme un argumentaire en faveur de la dépénalisation.

Après avoir lu ce dossier, j’ai adressé au site de la rédaction du magazine, le 7 septembre, le message suivant :

« Bonjour, intéressant, votre dossier cannabis, mais est-il véritablement objectif, en dépit des multiples références de rapports ou autres que vous citez ?

Les auteurs de ce texte sont incontestablement favorables à la légalisation, et c’est leur droit, mais le pour et le contre sont-ils bien dans le champ d’une information objective des citoyens ?

Dans le Figaro du 5 septembre, le professeur Costentin écrit : « Aligner la législation du cannabis sur celle du tabac multiplierait par dix le nombre d’usagers » : le professeur en question dit-il donc des bêtises ?

Par ailleurs, ne conviendrait-il pas d’interpréter le phénomène à la lumière d’une certaine influence, pour ne pas utiliser un mot plus fort, des moeurs et traditions du Maghreb, et du Maroc en particulier ?

Quant à la formulation de la page : « Qui osera affronter l’alliance objective des dealers et des agents des stups, victimes désignées d’une réforme qui les privera de leur job et statut ? »

C’est vrai des dealers, mais pas des stups, car il y a bien longtemps que les stups, et la justice, derrière, ne courent plus après la fumette.

Enfin, pourquoi dans votre magazine, ne pas ouvrir un dossier sur les quartiers sensibles en interrogeant les « éléphants » de gauche et de droite qui ont exercé des responsabilités importantes dans les départements et circonscriptions à quartiers sensibles et leur poser la question simple ?

Qu’avez-vous fait pour faire rentrer vos quartiers sensibles dans la République ? Entre autres, pour Vaillant.

Leur réponse éclairerait sans doute les données de l’économie parallèle du cannabis dans ces quartiers, et précisément, avant le rendez-vous de 2012, avec ma considération distinguée,  »

JPRenaud

Le Monde Magazine du 17 septembre a publié mon texte en le modifiant sans mon accord : pas de points de suspension en cas de suppression ou de modification, et suppression pure et simple des lignes de la fin du texte, à partir de « en interrogeant…)