Humeur Tique : Madagascar, tournez, tournez manège !

Madagascar, tournez, tournez manège ! Dernier gouvernement de 32 ministres, dernier ou nouveau en  date ?

Avec le général Vital, accompagné de plusieurs officiers généraux, un observateur étranger ne peut qu’être surpris par cette nouvelle richesse en étoiles de l’armée malgache ! Une nouvelle armée mexicaine ?

            L’île rouge est-elle riche à ce point qu’elle puisse entretenir un personnel politique aussi important, toujours en mouvement et en renouvellement, sur le manège que fait tourner le président de la Haute Autorité de Transition ?

            Qui paie donc ces folles dépenses ?

            Combien d’anciens ministres, anciens ou encore à venir, au fur et à mesure des tripotages constitutionnels et politiques de ce « président » !

            N’aurait-il pas été plus simple, et moins coûteux pour le peuple malgache, avec ce « Président » d’une « transition » qui n’en est pas une, de procéder aux élections de retour à la normalité constitutionnelle qui s’imposaient après son coup d’Etat ?

            Une fois de plus, car il faut le répéter sans cesse, aux oreilles de ceux qui nous gouvernent et qui feignent de gouverner Madagascar, il n’y aura jamais de solution durable et respectable en dehors d’élections démocratiques contrôlées par des institutions internationales.

            La France s’honorerait en délivrant un tel message, car au-delà de ce manège politique, c’est l’intérêt général du peuple malgache qui est en jeu !

            Et pour les amis français de Madagascar, quelle tristesse !

Humeur Tique: Editoriaux du Monde, la France, la Côte d’Ivoire, la Lybie, et pourquoi pas Madagascar?

 Edito du 11 mars 2011 : « L’avenir de l’Afrique se joue en Côte d’Ivoire »

            Edito du 16 mars 2011 : « Il est temps d’aider la rébellion libyenne »

            Bravo au journal de « référence » pour ces prises de positions claires !

            Encore un petit effort pour prendre le même type de position claire sur Madagascar, c’est-à-dire dire clairement au nom de la France, que notre pays veut le retour à des institutions démocratiques issues d’une élection contrôlée par des institutions internationales.

            Avec la complicité de la France, ce pays s’enfonce toujours plus dans la misère, sous le contrôle d’une « Haute Autorité », dite de « Transition », Transition qui dure depuis plus de deux ans, Haute Autorité issue d’un coup d’Etat.

            Il serait enfin temps que les citoyens français connaissent la politique étrangère qui est faite en leur nom à Madagascar, bien loin de notre idéal républicain !

La politique étrangère de la France: réflexions d’un citoyen

Réflexions d’un citoyen sur la politique étrangère de la France

L’actualité arabe met le projecteur sur la politique étrangère de la France, et il est bien dommage que les citoyens français, directement, ou par la voix de leurs représentants à l’Assemblée Nationale ou au Sénat, n’aient jamais l’occasion de débattre de ces sujets, et de donner leur avis.

Chacun sait en effet qu’elle est le plus souvent entre les mains de hauts fonctionnaires, en poste à l’Elysée, plus ou moins talentueux, et à mon humble avis, trop souvent, ignorants de l’histoire des relations entre la métropole et ce qu’il était convenu d’appeler « l’empire français »

Première réflexion donc, relative au fonctionnement des pouvoirs de la Cinquième République actuelle : qui décide ? Qui porte la parole de la France ? Le Conseiller spécial du président lorsqu’il signe une tribune dans le Monde ?  Le Secrétaire Général de l’Elysée lorsqu’il donne ses instructions? L’ambassadeur de France à Madagascar lorsqu’il prit la parole, au mois de décembre, pour accréditer le discours d’un président d’une haute autorité provisoire, toujours provisoire depuis plus de deux ans, laquelle a accédé au pouvoir grâce à un coup d’Etat ?

A Madagascar, est-ce que la voix de la France n’aurait pas été plutôt, et clairement, celle de la condamnation du coup d’Etat et de son engagement déterminé en faveur d’un retour au fonctionnement normal des institutions, à la suite d’élections libres organisées sous le contrôle international, en plein accord avec les puissances régionales d’Afrique ?

Quelle image de la démocratie de notre pays donne-t-il ainsi à la jeunesse de ce pays en cautionnant un coup d’Etat, et en entretenant un rôle très ambigu de la France dans le processus actuel de retour à la « démocratie » malgache ? Mais il est vrai que la plupart des Français ne savent pas grand-chose sur Madagascar, pour autant d’ailleurs qu’ils sachent même situer la grande île sur la carte !

Deuxième réflexion de la part d’un citoyen qui dispose d’une assez bonne connaissance de notre histoire coloniale, relative au fonctionnement institutionnel de la Cinquième République très semblable à celui de la Troisième République.

En partant à la conquête de la terre entière, Jules Ferry et sa petite équipe de « colonialistes » ont incontestablement ouvert la voie pérenne des méthodes de travail de la petite équipe de notre belle Françafrique, dans le silence, la manipulation, et pourquoi ne pas le dire, dans la corruption et le mélange des genres !

Seule différence, et elle est capitale, la Chambre des Députés se saisissait alors du sujet, consacrait des séances entières au Soudan, au Tonkin, ou à Madagascar, alors qu’à ma connaissance la politique étrangère de la France dans ces anciens territoires français n’est jamais évoquée  et encore moins débattue à l’Assemblée.

Est-il nécessaire de rappeler que le gouvernement de Jules Ferry est tombé sur les affaires du Tonkin ?

Que les personnes les mieux informées nous disent quand la position de la France en Côte d’Ivoire ou à Madagascar a été l’objet de questions et de débats à l’Assemblée ? Quand l’Assemblée Nationale a-t-elle approuvé la politique de la France dans ces deux anciennes colonies ?

Et c’est là qu’est le fond du problème, étant donné que la politique étrangère de la France n’est jamais sérieusement débattue et approuvée par la représentation nationale.

Et donc en parallèle, et impunément, de grands notables français, politiques, économiques, ou universitaires, avec le concours de je ne sais quelles officines, mènent on ne sait jamais quelles missions, et au service de qui et de quoi !

Troisième réflexion, liée au débat ouvert par la tribune du groupe de diplomates « Marly », celle du positionnement de la diplomatie française dans le monde. La France n’a plus les moyens d’une grande puissance, et combien de fois faudra-t-il le répéter !

Pourquoi ne pas dire que cette diplomatie souffre des mêmes défauts qu’une certaine politique française en général, celle d’avoir des ambitions qui, depuis longtemps, ne sont plus à la portée de notre pays ? Pourquoi ne pas oser dire que notre réseau d’ambassades est surdimensionné, même si en définitive son coût global n’est pas exagéré, car il faut faire des choix : comment ne pas se poser la question de la compatibilité de ce réseau avec celui que l’Europe met en place actuellement ? Afin de résumer ma pensée, j’userais volontiers d’une maxime bien connue des temps passés, en Franche Comté, dans un langage beaucoup plus vert !

Le grand journal Le Monde n’aurait-il pas, par hasard, le même type de problème, celui de la réadaptation de son réseau mondial à ses moyens ?

Quatrième réflexion, corrélative de la précédente : est-ce que la France a su trouver les moyens d’adapter le métier d’ambassadeur à la révolution internet, à l’explosion mondiale des communications et des médias, révolutions de nature à bouleverser l’exercice du métier ?

Et la même réflexion pourrait sans doute être faite pour les métiers de souveraineté, préfectorale et justice y compris.

Cinquième réflexion, celle de l’indépendance de notre politique étrangère à l’égard de notre ami puissant, les Etats Unis, pour autant que cette indépendance puisse de toute façon exister. Il est évident, et le fait a été souligné, que le retour de la France dans l’OTAN a limité les marges de liberté que le pays pouvait avoir auparavant, mais sans en exagérer toutefois les possibilités réelles.

Sixième réflexion, un excellent spécialiste du monde arabe, M.Laurens a eu l’occasion d’exprimer une opinion tout à fait intéressante à l’émission animée par M.Elkabach à la bibliothèque Médicis, le 26 février, une opinion susceptible de consoler beaucoup d’observateurs : la diplomatie française a été, comme toutes autres, aveugle sur les événements qui allaient agiter le monde arabe, et c’est tant mieux, car au moins, ces pays ne pourront pas accuser les occidentaux d’avoir allumé les incendies démocratiques de Tunisie, d’Egypte, et d’ailleurs.

M. Elkabach avait organisé un débat très intéressant, original, parce que transversal entre un écrivain égyptien célèbre, M.Khaled Al Khamissi, le ministre actuel des Affaires étrangères d’Algérie, M. Mourad Medelci, et le professeur Laurens, spécialiste reconnu du monde arabe, dont l’objet était le devenir des révolutions arabes en cours, avec le rôle majeur de la jeunesse de tous ces pays, incontestablement une des clés de leur évolution.

Avec, en finale, le constat du tout est possible !

Comment ne pas terminer ces réflexions en regrettant que l’ambassadeur de France en Tunisie n’ait pas été rappelé illico presto dans son pays?

La France n’a pas fini de payer son verbe imprudent et impudent, comme elle a mis longtemps à payer auprès de la Chine la perte de « face » que le Préfet de Police lui a infligée à l’occasion du passage de la flamme olympique à Paris !

Jean Pierre Renaud

Madagascar et Indépendance? « L’Afrique noire française » « L’heure des indépendances » « L’indépendance de Madagascar »

« L’Afrique noire française »

« L’heure des indépendances »

Lecture

Volet 2

5°partie : L’Océan Indien et l’indépendance de Madagascar

Ou comment on écrit l’histoire !

La contribution du Colloque intitulée « Les Tananariviens face à la proclamation de l’indépendance » (page 637 à 665) est fondée sur deux postulats historiques, non encore démontrés:

 1) que la capitale était représentative des réactions malgaches de l’ensemble de l’île à l’indépendance,

2) et que l’indépendance de l’année 1960  était étrangère aux « événements », à la « rébellion », ou à l’« insurrection » de 1947, ou plutôt à l’action du MDRM (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache), justement soulignée, à ce même colloque, par un de ses éminents représentants, M.Rabemananjara, ancien député à l’Assemblée Nationale (française).

Quelques observations sur le premier point : l’historienne évoque rapidement le retour des trois députés, Raseta, Ravohangy, et Rabemanjara, mais passe donc  quasiment sous silence leur rôle politique, avant 1947.

Pour le reste, pas grand-chose à dire sur l’histoire racontée des fêtes de l’indépendance, organisées par le régime du président Tsiranana, renversé en 1972.

L’historienne écrit :

« Mais les Tananariviens ne considèrent pas ce dernier comme le père de l’indépendance (il s’agit de Tsiranana). Et ils ne se laissent pas tromper : officiellement, Madagascar est souverain, mais les accords de coopération avec l’ancienne puissance colonisatrice sont signés tout de suite après la proclamation du nouveau statut. Pour la capitale, commence une période d’opposition au régime néocolonial, longue de douze ans. Le régime de Tsiranana tombe finalement sous le coup de grèves d’étudiants et d’élèves qui cristallisent le rejet des structures néocoloniales. Ces grèves touchent plusieurs villes de Madagascar, précédées par les manifestations du Sud, mais ce sont les manifestations du 13 mai 1972, devant l’hôtel de ville de Tananarive, qui donnent le coup de grâce à un régime moribond. Tananarive, comme d’autres capitales, fait et défait des régimes. » (page 663)

L’historienne pensait à Paris ?

Dommage qu’elle n’ait pas été plus prolixe sur la nature des structures néocoloniales qui empêchaient Madagascar d’être vraiment un pays indépendant, mais la critique de fond viendrait plutôt du témoignage de l’ancien député Rabemananjara, un témoignage fort intéressant de la part d’un des premiers artisans de l’indépendance malgache, un des trois véritables pères de l’indépendance..

Le témoignage fort intéressant de M.Rabemananjara :

L’ancien député reproche à l’historienne d’avoir fait une impasse sur le rôle et l’histoire du MDRM, qui fut effectivement un grand parti à Madagascar :

« L’on comprend donc que Tsiranana ait voulu occulter la vérité. Mais que les historiens fassent une impasse sur le MDRM, moi, je l’avoue, je ne le comprends vraiment plus. C’est comme si pour l’indépendance de la Côte-d’Ivoire, vous alliez faire une impasse sur le rôle du RDA. Vous allez parler d’Houphouët-Boigny ; mais vous vous abstenez de parler du RDA. Cela ne vous paraît un peu bizarre ?

Si j’insiste sur cette omission, ce n’est pas uniquement par souci d’éclairer des points d’histoire. Car, voyez-vous, quand on évoque ces événements, je choisis le mot événement, étant donné que c’est beaucoup plus neutre que le mot rébellion, que le mot insurrection. J’y reviendrai tout à l’heure.

Qui était au centre de toutes ces questions d’indépendance de Madagascar ? Nul doute, c’est le MDRM. Ici, j’attire l’attention de vous autres, les historiens, sur l’importance et sur la gravité du fameux télégramme de Marius Moutet, ministre des Colonies. Pour bien en mesurer le poids, il faut se rappeler que la France était sous un gouvernement tripartite : Paul Ramadier, Président du Conseil, était socialiste, comme Marius Moutet, Maurice Thorez, ministre d’Erat, vice-président du Conseil, était communiste, et Pierre-Henri Teitgen, garde des Sceaux, était MRP. Ces hommes se vantent d’appartenir à un Etat de droit, et ils sont d’accord pour permettre à Marius Moutet d’adresser au gouverneur général de Madagascar, le télégramme que voici :

« Abattre le MDRM par tous les moyens ».

 Vous rendez-vous  compte de la portée d’une telle décision ? Abattre le MDRM par tous les moyens. On abat les chiens enragés. On abat les sangliers. Sans qu’il y ait eu le moindre jugement, le MDRM est condamné sans appel. Un gouverneur général recevant un tel ordre de son ministre, de son gouvernement, que va-t-il faire ? Il ne cherche pas à savoir si le MDRM est coupable ou non ? Il exécute la consigne L’inqualifiable curée commence

Ces considérations vous amènent à croire que nous n’avons jamais donné l’ordre de cette fameuse rébellion et que nous n’en avons jamais conçu l’idée, ni élaboré le plan…. J’apporte ces précisions pour vous permettre d’avoir une idée plus claire de ce qu’il est commode d’appeler la rébellion malgache…

Je voudrais profiter de cette occasion pour rendre un hommage solennel à l’Assemblée nationale française ; jamais, elle n’a accepté de nous défaire de notre mandat, si bien que, pendant les années où nous croupissions en prison, dans les débats parus au Journal officiel de l’Assemblée nationale ; quand il y avait vote, vous pouviez lire : « Raseta, Ravohangy, Rabemananjara, empêchés ». Nous étions dans la geôle colonialiste et l’Assemblée nationale reconnaissait notre totale innocence. » (page725)

.Qu’ajouter de plus à ce témoignage pour l’histoire d’un des trois pères de l’indépendance malgache ?

Pour mieux comprendre ce qui s’est passé dans la grande île dans les années 1945, 1946, et 1947, les lecteurs intéressés pourront se reporter, entre autres, aux ouvrages de Pierre Boiteau, « Contribution à l’histoire de la nation malgache » (1958), et de Jacques Tronchon, « L’insurrection de 1947 » (1986). Et sans doute aussi à des travaux d’historiens malgaches.

En ce qui concerne le ministre Moutet, Jean-Pierre Gratien, propose, sur le même sujet, un éclairage historique dans un livre récent « Marius Moutet, un socialiste à l’Outre-Mer »

A partir de ces sources, il est possible de faire plusieurs commentaires :

A la fin de la deuxième guerre mondiale, la situation internationale, ainsi que celles de la France, en pleine reconstruction, ainsi que celle de Madagascar, affaiblie par la misère, était plus que trouble, mais il faut reconnaître que les gouvernements français des années 1945-1947, n’ont pas fait preuve d’un grand discernement dans la gestion des crises coloniales, pour ne pas dire plus.

Avec le recul des années, mais mon appréciation personnelle est déjà ancienne, le rôle et les décisions des gouvernements français de l’époque, ceux Provisoires de la République Française, et ceux de la 4°République, à compter du 22 janvier 1947,  dont la composition politique était tripartite (SFIO, MRP, et PC), paraissent tout à fait incompréhensibles, sans bon sens politique, en pleine contradiction avec l’esprit de liberté qui avait animé les mouvements de Résistance.

 Je vous avouerai que je n’ai toujours pas compris l’aveuglement, pour ne pas dire la bêtise, des décisions de politique coloniale prises par les gouvernements des années 1945, 1946, 1947 (Gouin, Bidault, Blum et Ramadier), en particulier celui de Ramadier, l’artisan et le responsable de la répression de 1947, alors que leur composition politique n’était pourtant pas réputée conservatrice.

Rappelons à ceux qui l’auraient oublié  que le la gauche était majoritaire dans ces gouvernements, la SFIO et le PC étaient les alliés du MRP

Leur aveuglement soulève la question de fond qu’il faut d’ailleurs poser quant à la politique coloniale de la France, tout au long de la période coloniale : qui prenait vraiment les décisions ? A Paris, ou dans les colonies ?

Mais dans le cas de Madagascar, la réponse semble assez claire : le ministre socialiste Moutet, ancien du Front Populaire, fut l’artisan de la répression coloniale tout au long des années 1946 et 1947 : il fut ministre de la France d’Outre- Mer, sans discontinuer, du 26 janvier 1946 au 19 novembre 1947.

L’instruction dont fait état M.Rabemanjara « Il faut abattre le MDRM par tous les moyens » est confirmée dans le livre Boiteau, et trouve sa source dans le témoignage de M.Boudry, un haut fonctionnaire des Finances qui fut le Secrétaire Général provisoire de la colonie en 1946. Il fut relevé de ses fonctions pour avoir refusé d’appliquer les instructions Moutet.

A noter que le même Boudry fut l’ami du grand poète Rabearivelo, sur lequel nous reviendrons ultérieurement grâce à son témoignage.

Moutet accusait le MDRM d’être « séparatiste », « nationaliste », et enfourchait la thèse classique de l’idéologie coloniale, celle d’une mythologie « hova », l’aristocratie « dominatrice » des plateaux, qu’il fallait combattre, et dont l’origine remontait au proconsulat Gallieni.

Il est tout de même curieux de voir que la France, avec Gallieni, fit tout pour détruire les éléments « naissants » d’un Etat de type centralisé, animé par la monarchie « hova », un Etat embryonnaire qui évoluait vers la modernité. Il n’est pas inutile de rappeler qu’il y avait, en 1895, sans doute, moins d’illettrés sur les plateaux de l’Imerina que dans notre belle Bretagne.

La doctrine Gallieni ne fut pas celle de Lyautey en Indochine et au Maroc, mais le général Gallieni eut à faire face à une révolte importante, et s’il fit prendre alors un mauvais « pli » à la colonisation française, ses autres « plis » de proconsul ne furent pas tous négatifs. Il ne faut pas non plus oublier que Gallieni était un républicain laïc convaincu.

Et pour revenir à Moutet, ce dernier mit effectivement tout en œuvre, illégalités comprises, pour abattre le MDRM, et mettre fin à l’insurrection, quel qu’en soit le prix.

Et pour la petite histoire et grande histoire, il n’est pas inutile de rappeler que Gaston Defferre, celui de la loi émancipatrice de 1956 sur les colonies, bref Sous-Secrétaire d’Etat à la France d’Outre-Mer dans un cabinet Blum (16/12/46 à 22/1/47) accomplit une mission d’information dans la grande île au terme de laquelle il recommanda l’envoi urgent de renforts militaires.

La gauche restait donc fidèle à la politique engagée par Jules Ferry, alors que le monde avait changé, et cette fidélité avait toutes les caractéristiques de la bêtise.

Moutet nomma son ami de Coppet Gouverneur général de Madagascar, lequel appliqua les instructions de son ami ministre. De Coppet fut très mal accueilli à son arrivée à Tananarive, le 19 mai 1946, à la fois par les malgaches et par les français qui résidaient dans l’île, hostiles aux socialistes.

De Coppet fut assez rapidement relevé de ses fonctions, alors qu’il avait conclu à la nécessité d’engager le processus de l’indépendance de Madagascar.

En ce qui concerne les forces en présence, il n’est pas interdit de se poser la question du rôle de ceux qu’on appelle communément les « colons », dont le poids n’était pas négligeable dans la grande île , à la différence d’autres colonies, et de celui de la société coloniale de la grande île et du groupe de pression de la petite île de La Réunion, qui fut à l’origine de la colonisation de Madagascar, et qui continuait à avoir du poids politique.

Il est tout de même étrange que la thèse coloniale du dualisme entre côtiers et merinas des plateaux ait en fait servi (provisoirement) les intérêts des colons qui s’étaient implantés dans les concessions côtières.

 Qui commandait réellement à Tananarive dans les années considérées ?

Enfin, et pour citer un historien colonial à la fois compétent et réputé, Henri Brunschwig, dans le livre « La colonisation française », publié en 1949, c’est-à-dire encore  « à chaud » de ces événements, prit incontestablement un risque historique en écrivant :

 « Le MDRM semble avoir fomenté l’insurrection qui éclata brusquement dans la nuit  du 29 au 30 mars dans la falaise de la côte est. » (page 225)

Tout en rectifiant le tir dans le paragraphe suivant :

« Il n’est pas encore possible de faire une étude objective de la révolte. »

Jean Pierre Renaud

                    Les caractères gras sont de ma responsabilité

« L’Afrique noire française » « L’heure des indépendances » sous la direction de MM Ageron et Michel

« L’Afrique noire française »

« L’heure des indépendances »

Sous la direction de Charles-Robert  Ageron  et Marc Michel

Lecture

Volet 1

            Un pavé de près de 800 pages qui a la particularité de se présenter comme une réédition, dans l’année du cinquantenaire des indépendances :

« 1990,2010, ce livre est une réédition. Il reprend sous une forme condensée, les apports d’un colloque remontant à 1990, trente ans après les indépendances de treize pays africains « francophones ».

Après avoir rappelé le chemin éditorial de ce livre, nous bornerons notre commentaire de lecture à quelques-unes des pages qui ont retenu notre attention, et tout particulièrement à celles consacrées à l’indépendance de Madagascar, et au témoignage très intéressant, à tous points de vue, de M.Rabemananjara, ancien député à l’Assemblée Nationale.

L’ouvrage comprend sept parties :

1 La marche aux indépendances : le rôle des forces intérieures (21 à 221)

2 La France et les indépendances africaines (221 à 377)

3 Les indépendances vues d’Afrique (377 à 539)

4 L’environnement international (539 à 629)

5 L’Océan indien et l’indépendance de Madagascar (629 à 729)

En ce qui concerne la première partie consacrée au « rôle des forces intérieures », leur lecture me laisse assez dubitatif, sauf en ce qui concerne le rôle des élites du Sénégal et celui des partis politiques de l’ancienne AOF, mais ce dernier, tardif, puisque postérieur à 1945.

Et la réponse à ce doute figurerait sans doute dans le rapport général de la troisième partie, quant à l’ambigüité du mot et du concept d’indépendance, tels qu’ils étaient compris par les africains.

Le rapporteur écrit :

« L’idée et le mot donc se banalisent à partir de 1958, même si le contenu en reste relativement flou. Une observation linguistique d’abord : peu de partis politiques ou de personnalités politiques ont, semble-t-il, à partir des textes que j’ai vu traduits en langue indigène, utilisé le mot « indépendance ». (page 383)

« Ce balbutiement au niveau des concepts sur lesquels il y aura peut-être des choses à dire lors de la discussion me semble témoigner de cette chose dont nous avons un tout petit peu discuté hier, c’est-à-dire la capacité non seulement d’adaptation, mais aussi d’invention de la part des sociétés africaines. » (page 384)

Et l’analyse du rôle des « acteurs africains » n’est pas toujours très éclairante, d’autant plus quand le rapporteur général précise :

« Comment savoir ce que pense, à cette époque, l’homme de la rue ? Comment mesurer l’opinion publique ? » (page 389)

Effectivement, et pour avoir navigué, dans les années 1956, au nord du Togo, territoire sous mandat de l’ONU, et promis à l’indépendance, il n’y avait tout d’abord pas de rues, et les journalistes auraient été bien en peine de dire ce que pensaient les Ngan-Gan (animistes) ou les Tyokossi (musulmans) de l’indépendance, sauf en interrogeant leurs féticheurs, leurs marabouts, ou leurs chefs, qui faisaient concrètement la pluie et le beau temps, et qui constituaient leur véritable horizon social ou culturel, beaucoup plus que les commandants de cercle.

A noter qu’a cette époque encore, les Ngan-Gan (cercle de Sansanné-Mango) vivaient nus : les hommes portaient un étui pénien et les femmes une décoration de feuilles vertes. Il est loin d’être assuré du reste que « l’ethnie » en question n’ait pas craint, avec « l’indépendance » de se retrouver sous la domination de leurs puissants voisins.

Un monde séparait par ailleurs la mentalité des gens de la côte et des gens de la brousse.

En 1990 (époque de ce colloque), il aurait été encore possible de réaliser un important travail d’interview de tous les intermédiaires cités plus haut ; peut-être le travail a-t-il été fait, mais les rapports n’en parlent pas, alors que c’est tout le problème posé par la problématique de l’opinion publique villes- brousse des années 1950, pour autant qu’il ait eu quelque chose qui ressemblât à une opinion publique de brousse.

A se demander donc si ces réflexions de type « historique » ne reconstruisent pas une histoire qui n’a jamais existé ?

Le même problème d’analyse et d’évaluation de l’opinion publique française à l’égard des colonies se posait, dans un contexte d’information qui n’avait naturellement rien à voir avec celui des colonies, avant l’arrivée des sondages d’opinion, c’est-à-dire juste avant 1939.

Et pour rassurer les sceptiques sur ce magnifique sujet de l’opinion publique dont on peut dire tout et n’importe quoi, je signale que beaucoup d’historiens ont évoqué l’évolution de l’opinion publique française, jusqu’aux sondages analysés entre autres par M.Ageron, sans jamais avoir pris le soin d’exécuter un travail d’analyse statistique de tous les supports culturels qui ont existé et qui sont encore disponibles, afin de déterminer si oui ou non, les « médias » de l’époque (et avant les sondages) accordaient de l’importance aux colonies, à la fois dans la place accordée (statistiquement) et dans le contenu de leurs messages.

Le livre ne fait pas état des réflexions tout à fait pertinentes faites à ce sujet par un des co-directeurs de l’ouvrage, précisément M.Ageron, dans la Revue Française d’Histoire d’Outre-Mer, numéro du premier trimestre 1990, l’année du colloque, intitulé : «  Les colonies devant l’opinion publique française (1919-1939 ».

L’historien s’interrogeait sur la capacité que l’on avait de pouvoir évaluer l’opinion publique, avant les années 1938, 1939, dates des premiers sondages en France, en reconnaissant la difficulté de la tâche, et observait :

« Mais l’historien de la période contemporaine ne peut renoncer pour autant à tenter de connaître, par des méthodes plus empiriques, cette opinion publique, à condition de bien mesurer les limites de son entreprise. Qui s’intéresse à cette « préhistoire » de l’opinion, celle qui précède l’ère des sondages, doit être parfaitement conscient du champ de cette recherche. » (RFOM, page 31)

Comme je l’ai indiqué dans le livre « Supercherie Coloniale »,  les historiens du sujet ne paraissent pas être encore sortis de cet âge de la « préhistoire », plus de vingt ans après, et des ouvrages d’histoire coloniale ou postcoloniale à la mode dissertent à loisir sur la culture coloniale, une opinion publique « imprégnée » de colonial, sans jamais s’être attachés à évaluer sérieusement cette fameuse opinion publique, en procédant à des travaux d’évaluation statistiques sérieux sur les vecteurs de l’opinion publique de l’époque, et en particulier sur la presse.

Quant à l’échec des fédérations, le rapporteur écrit :

«  Quoi qu’il en soit, l’échec des fédérations primaires  est incontestablement un échec du RDA, parti majoritaire en AOF et qui était né pour rassembler l’Afrique. C’est aussi et surtout un échec de la décolonisation française en Afrique noire. La France seule, à l’instar de ce que firent les Anglais en Nigéria, pouvait maintenir l’unité des fédérations qu’elle avait créée de toutes pièces et qui étaient néanmoins devenues des réalités politiques, économiques, et culturelles. » (page 456)

Il parait tout de même difficile de comparer l’AOF à la Nigéria, eu égard, aussi bien, à leurs ressources comparées et à la configuration géographique des deux territoires, outre un « héritage colonial »  très différent.

Une contribution souligne plus loin le manque d’intérêt stratégique de l’Afrique de l’ouest (page 543)

Est-ce que la France se serait opposée à la volonté de Senghor et d’Houphouët – Boigny s’ils avaient eu la volonté de maintenir la fédération ?

Et dans l’histoire de cette région d’Afrique, est-ce que les grands Almamys que furent Ahmadou,  à Ségou, et Samory, à Bissandougou, ne rencontrèrent pas le même type de difficultés pour agréger à leurs empires musulmans des royaumes malinké ou bambara ?

La quatrième partie consacrée à « L’environnement international », contient une contribution intéressante de M.Pervillé, de laquelle il résulte que  le FLN  n’a jamais été panafricaniste, et que les députés africains, dans leur grande majorité, ont toujours manifesté une certaine prudence, pour ne pas dire réserve, à l’égard  de la guerre d’Algérie.

La semaine prochaine, le volet 2 de cette lecture sera consacré à Madagascar

Jean Pierre Renaud

Ingérence de la Françafrique dans les affaires intérieures de la République Malgache, ou le « fait accompli colonial » au goût du jour!

Ingérence de la Françafrique dans les affaires intérieures de la République Malgache

Ou pour les lecteurs qui bénéficient d’un petit ou d’un grand vernis de culture coloniale, les  nouveaux « faits accomplis coloniaux » du XXI°siècle »

Après Gallieni à Madagascar et Archinard à Ségou et Kankan, Guéant et Châtaignier sur le Rova (la colline royale) ?

            Petite définition du fait accomplile « fait accompli » peut être défini comme un acte d’insubordination à une autorité légitime politique ou publique, par exemple d’un préfet ou d’un général à leur gouvernement légitime. Une sorte de voie de fait politique, militaire, ou administrative, en dehors de toute règle de droit, un fait qui prime tout droit.

            Dans le cas considéré, il s’agirait de la violation de traités internationaux, de la politique étrangère de la France, ou des instructions gouvernementales, s’il y en a.  

Le fait accompli de Gallieni

En 1897, le général Gallieni tira parti des délais et aléas de communication avec le gouvernement pour déposer la reine Ranavalona III, alors qu’un câble avait été posé dans le canal du Mozambique, mais il fallait encore un certain temps pour rendre compte.

Tout au long de la période des conquêtes coloniales, les officiers de marine ou des troupes de marine pratiquèrent la politique du fait accompli, en profitant des très longs délais qui étaient nécessaires pour échanger instructions et comptes rendus  entre autorités centrales, ministres et gouvernements, et autorités locales (gouverneurs ou officiers).

C’est ainsi que l’amiral Dupetit-Thouars prit possession de Tahiti, en 1843, sans en référer à son gouvernement, que le contre-amiral Rigault de Genouilly fit de même en Cochinchine, en 1859, et que le colonel Archinard prit Ségou en 1890, et Kankan, dans le fief de Samory, en 1891, dans les mêmes conditions..

Le colonel Archinard fut un grand adepte du fait accompli colonial, mais le concept de fait accompli colonial n’a jamais été clair, à partir du moment où des communications télégraphiques existaient, car avec la complicité d’un ministre du gouvernement, dans le cas d’Archinard, il s’agissait d’Etienne, le fait accompli militaire et colonial était souvent, et également  un fait accompli politique.

Et pour ramener cette problématique de la communication coloniale à celle de la guerre, il suffit de lire les analyses de Keegan sur la guerre de 1914-1918, pour prendre conscience de la fragilité de tout système de communication, qu’elle ait des causes techniques ou politiques, et donc de l’écheveau toujours complexe des lignes de commandement.

Toujours est-il que les déclarations de l’ambassadeur Châtaignier, à Antananarivo, sur la situation politique de la grande île, ressemblent fort aux fameux faits accomplis coloniaux du XIX°siècle !

De deux choses l’une :

– Ou l’ambassadeur a agi « proprio motu », et c’est de l’ingérence ou du fait accompli dans les affaires intérieures de la République malgache, à la manière Archinard,

– Ou l’ambassadeur a agi sur instruction du préfet Guéant, et cela ressort tout à fait de ce que faisaient certains ministres de la III° République, à la manière Etienne.

Et en sous-titre: est-ce que, par la voix « Chataigner » la France espère tirer les « marrons » du feu?

Jean Pierre Renaud

Madagascar et la Françafrique de l’ambassadeur de France Châtaignier

Il y a quelque chose de «  pourri » dans la politique étrangère de de la République Française, ou en tout cas dans les déclarations, interventions, et interférences de l’ambassadeur de France, à Madagascar, dans les affaires intérieures de cette République.

D’après Madagascar Tribune.com du 8 décembre 2010, l’ambassadeur Châtaignier aurait déclaré le 7 décembre : « Le référendum est un fait politique à considérer. », et  « Il faut reconnaître ce qui se passe lorsqu’on est dans une logique de sortie de crise ».

Si tel est bien le cas, il n’est même pas besoin d’un WikiLeaks pour connaître la politique de la France et ses secrets, et donc son immixtion dans les affaires intérieures de la République Malgache.

De deux choses l’une, ou l’ambassadeur dit et « dicte » la politique de la France, et nous sommes effectivement en pleine Françafriqiue ,

Ou cet ambassadeur outrepasse ses instructions, et la République Française doit le rappeler.

De toutes les façons, le mal est fait pour tous les Malgaches et les Français qui avaient encore quelques illusions sur la politique de la France à Madagascar, et sur la réserve qu’un ambassadeur de la France doit respecter.

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: les cuisines de l’Elysée, la HAT démocratique de Madagascar, la démocratie elyséenne du Parti Socialiste

Humeur Tique : les cuisines de l’Elysée, la HAT de Madagascar, issue d’un coup d’Etat et ses atteintes à la sûreté de l’Etat, la démocratie Elyséenne du PS et la démocratie lycéenne

Les cuisines de l’Elysée :

Hier 25 novembre, l’émission « Envoyé spécial », sur France 2, a diffusé un documentaire très intéressant sur la gastronomie française, trop souvent, et dans beaucoup de restaurants,  une gastronomie du micro – ondes.

Le Président de la République a défendu et obtenu la reconnaissance de la gastronomie française par l’UNESCO, bravo et très bien ! Mais que voit-on dans ce documentaire, et qui voit-on ?

Le capitaine des cuisines de l’Elysée, Bernard Vaussion, qui accorde donc son patronage « physique » à la grande manifestation mondaine d’un des grands fabricants de produits et de plats cuisinés, la société anglaise Brake, si j’ai bien compris.

Martin Hirsch aura donc la possibilité d’ajouter un nouveau chapitre gastronomique, à son livre « Pour en finir avec les conflits d’intérêt »

Et en ce qui me concerne, si les faits décrits sont avérés, je virerais purement et simplement ce grand chef tricolore des cuisines de l’Elysée.

La Haute Autorité de Transition de Madagascar et la démocratie

Il est tout de même curieux qu’une Haute Autorité de Transition, venue au pouvoir à la suite d’un Coup d’Etat, toujours transitoire depuis presque deux années, s’arroge aujourd’hui le droit d’engager des poursuites contre X ou Y pour atteinte à la sûreté de l’Etat, alors que depuis presque deux années, elle porte atteinte à cette sûreté de l’Etat, et ce qui est plus grave, à la sûreté du peuple malgache.

La France n’a pas été claire dans cette affaire, en ne s’engageant pas pleinement et clairement dans le processus de retour à la démocratie initié par les accords de Maputo. Nombreux sont en effet ceux qui pensent, que la France a contribué, tout au début de la crise, et après le coup d’Etat, à pourrir la situation politique de ce pays.

Démocratie au Parti Socialiste et démocratie lycéenne ?

Dans une livraison précédente, nous avons dit ce que nous pensions de la démocratie lycéenne à l’occasion du blocage non démocratique des lycées. Pour Ségolène qui avait incité les lycéens à descendre dans la rue, c’était effectivement un galop d’essai

Le Parti Socialiste a retenu la leçon : après avoir passé des années à batailler, plutôt que de s’attaquer à un projet de gouvernement, et à se mettre d’accord sur un processus électoral permettant le choix de son candidat aux futures présidentielles, on voit bien que tout cela n’a servi à rien : Aubry, Strauss-Kahn, et Royal ont passé un accord de non-agression, si les citoyens ont bien compris le discours d’Aubry.

Il ne reste donc plus qu’au principal « cocu » de ce processus et autres candidats de fonder un nouveau parti démocratique, ou à lancer un nouveau processus de désignation démocratique pour l’année 2017, si tout se passe bien.

Propagande coloniale, vous avez dit propagande coloniale? Le Petit Journal et son supplément illustré de 1906

Un coup de périscope historique sur la propagande coloniale en 1906

Le Petit Journal Militaire, Maritime, et Colonial

Supplément illustré du Petit Journal paraissant toutes les semaines – 3ème année

Abonnement (un an, 6 francs, soit 21 euros#) ou vente au numéro (10 centimes, soit 36 c d’euro #)

            Un groupe de chercheurs, bien introduit dans les médias, diffuse un discours d’après lequel la propagande coloniale aurait inondé la France, « matraqué » le cerveau des Français, entre 1871 et 1962.

Quoi de mieux que d’analyser un des outils de la propagande coloniale supposée, celle du supplément d’un journal, le Petit Journal, dont le tirage frisait alors avec le million de numéros ? 

 A cette époque, la presse provinciale faisait d’ailleurs jeu égal avec la presse parisienne.

Le titre du supplément est assez clair sur son contenu, trois thèmes, le militaire, le maritime et le colonial.

Chaque supplément  hebdomadaire comprenait 15 pages, dont une de publicité, et une ou deux consacrées aux mouvements de personnel militaire ou maritime parus au Journal Officiel, donc une douzaine de pages utiles à d’autres informations.

Les suppléments étaient abondamment illustrés de croquis, de photos et de cartes.

            En ce qui concerne l’année 1906, les thèmes d’information dominants portent sur l’actualité des armées française et étrangères, avec un accent sur l’armée allemande, les nouveaux armements, les marines et leurs navires, les plans de défense français, et accessoirement sur les colonies.

Les 52 numéros du supplément ont consacré de l’ordre de 13% de leurs colonnes aux colonies, avec quelques numéros exceptionnels, notamment le numéro 110, celui concernant la Conférence d’Algésiras au Maroc.

Les informations coloniales traitées sont très variées : officiers tués, agitation en AOF, en Mauritanie, ou à Madagascar, folie de l’Empereur d’Annam, assistance médicale en AOF, Exposition coloniale de Marseille et musique malgache, Tchad et portage, budget général de l’AOF, mission de Brazza au Congo, avec aussi des informations sur les colonies étrangères, notamment une histoire de corruption étrange dans les colonies allemandes.

Une citation intéressante sur la relation entre exposition coloniale de Marseille et convictions coloniales du personnel gouvernemental, à l’occasion de la visite à Marseille et de son exposition, ville coloniale par excellence, du Président de la République :

« Une réception d’autant plus enthousiaste… qu’elle marque la fin d’une sorte de défaveur dont leur magnifique Exposition coloniale a semblé être l’objet jusqu’à présent de la part du personnel gouvernemental. » (numéro 146)

A la lecture des suppléments, il parait difficile de dire que le Petit Journal bourrait le crâne de ses lecteurs. Il ne leur cachait pas la vérité sur l’actualité coloniale, aussi bien les troubles, les réalisations, que les problèmes rencontrés.

Citons à cet égard les informations sur les abus du système de « portage » au Tchad, ou l’enquête de Brazza sur les exactions coloniales au Congo.

Le contenu lui-même des articles était d’une grande neutralité sur les différents sujets. Rien de triomphant ou de dithyrambique en faveur de la cause coloniale !

Nous aurons l’occasion de revenir sur certains des sujets abordés dans le courant de l’année.

Jean Pierre Renaud

14 juillet 2010, Madagascar, les indépendances, et la Françafrique

« Les ambiguïtés d’un 14 juillet africain »

Editorial du Monde du 8 juillet 2010

La Françafrique ?

Madagascar : la Françafrique et le président « immature » !

            Dirais-je que, pour une fois, j’adhère complètement au contenu de cet éditorial, et notamment à sa conclusion :

            «  La France aurait gagné, au contraire, à saisir l’occasion du cinquantenaire pour affirmer sa rupture définitive avec le post-colonialisme et considérer ses anciennes possessions comme des partenaires et non comme des obligés. En un mot, normaliser sa relation avec l’Afrique. »

            La situation de Madagascar est à cet égard à la fois symbolique et caricaturale : une autorité soi-disant de transition (depuis février 2009) parvenue au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat, et soutenue, qu’on le veuille ou non, par la France, au risque de compromettre définitivement les liens républicains qui auraient pu unir le destin des deux pays. Comment voulez-vous inspirer confiance aux jeunes malgaches ?

            Alors que penser de cette Françafrique, encore entre les mains d’un petit

club d’hommes étroitement liés par des intérêts politiques et économiques, grâce à l’entregent, en parallèle, d’anciens personnages politiques dont les intérêts sont entremêlés avec ceux bien concrets d’un petit club d’entreprises, qui considèrent encore que ces territoires font partie de leur chasse gardée !

            Une Françafrique ignorée par un Parlement aveugle et complice !

            Quel est l’intérêt économique de cette fameuse Françafrique, et quel est son coût politique ?

            Mais cher ami, et le prestige ? Et la grandeur de la France ?

            Mais nous ne sommes plus aux siècles de Louis XIV, de Napoléon, de Jules Ferry, ou même de de Gaulle !

            Et le prestige et la grandeur de la France feraient meilleur ménage, au vingt et unième siècle, avec la démocratie, la république, et les droits de l’homme !

            Et pourquoi la mascarade continue ? Parce qu’aujourd’hui comme hier, les Français ne sont pas concernés par les enjeux de la Françafrique, laissant ces jeux « futiles » de politique internationale à leurs politiques, et d’intérêts bien compris pour les autres, c’est d’ailleurs bien dommage.

            Et pour ceux qui, comme moi, ont une certaine culture de l’histoire coloniale, l’histoire de France se répète, et la politique française de l’outre mer, hier les colonies, aujourd’hui les « indépendances », est entre les mains d’un petit club d’hommes ou de femmes, et pas du tout entre celles des citoyens français, qui, comme hier, ont le tort de ne pas s’y intéresser.

Jean Pierre Renaud