Gallieni, Lyautey, Tonkin, 1892-1896 : le régime alimentaire de Gallieni

Eclats de vie coloniale

Morceaux choisis

Gallieni et Lyautey, au Tonkin, dans les années 1892-1896.

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Le régime alimentaire du colonel Gallieni

Un modèle de régime alimentaire moderne, avant la lettre : céréales, fruits, légumes et laitages

            « C’est en voyant nos tirailleurs se nourrir presqu’exclusivement de leur boule de riz, enveloppée dans une feuille de bananier, et, cependant, rester encore capables de supporter les rudes fatigues de nos colonnes et présenter moins de maladies des voies digestives que les Européens, que j’ai compris la nécessité de suivre un régime de nourriture conforme à celui des indigènes.

            Déjà, au Soudan, j’avais pu constater que les races les plus vigoureuses, celles qui nous fournissent les intrépides et robustes tirailleurs sénégalais, ou encore les Peuhls, ces marcheurs infatigables au corps souple et élancé, usaient surtout, dans leur alimentation, de mil, de riz et de laitage. Au Tonkin, les coolies annamites qui, en quelques heures, vous transportent en pousse-pousse de Hanoï à Bac-Ninh, ou aussi les solides montagnards de la haute région qui escaladent, avec une agilité extraordinaire, les mamelons, et les massifs rocheux de leur pays, ne connaissent guère la viande. Enfin, plus tard, à Madagascar, je fus à même de faire la même observation sur les bourjanes (1) qui me firent faire, à plusieurs reprises, en filanzana (1), le tour de l’île, accomplissant, pendant plus d’un mois consécutif, des étapes journalières de 60 à 70 kilomètres.

C’est pour cela que, peu à peu, pendant mes longs séjours coloniaux, je me mis au même régime que mes Soudanais, Tonkinois, et Malgaches, supprimant à peu près la nourriture carnée et me bornant aux légumes, fruits et laitages. Je me trouvai tellement bien de ce régime que je continuai à le suivre en France et que, depuis, le lui suis toujours fidèle. C’est certainement à lui que j’attribue l’excellente santé sont j’ai toujours joui, malgré un séjour de vingt-huit années aux colonies, sous les climats les plus pénibles et bien que j’eusse été exposé, pendant cette longue période, à des fatigues et à des privations tout à fait exceptionnelles. Quand j’exerçais le commandement du 13ème corps, j’allai inspecter, à Vichy, notre hôpital militaire et mes premières paroles au médecin-chef furent les suivantes :

« J’ai véritablement honte, mon cher docteur, moi qui ai vécu jusqu’à ce jour presque exclusivement dans nos colonies, de mettre les pieds pour la première fois à Vichy ! » Effectivement, rares sont les coloniaux, qui n’ont pas eu à y séjourner pour y soigner leur estomac, leur foie ou leurs intestins. »

Un commentaire rapide :

1-    Nous reviendrons plus loin sur le concept de races et sur la polémique moderne que certains chercheurs ont engagée sur la « politique des races » que défendait Gallieni au titre de sa politique militaire et civile de pacification.

2-    La station thermale de Vichy : Vichy fut le rendez-vous « incontournable », selon un certain langage moderne, des coloniaux, à l’époque des conquêtes coloniales, entre 1870 et 1914.

En tout cas en Afrique, où la France organisait ses campagnes annuelles pendant la bonne saison. Beaucoup des officiers, pour ceux qui survivaient, car beaucoup d’entre eux y sont morts, revenaient en permission en métropole, après leurs campagnes, pour s’y refaire une santé, précisément à Vichy.

3-    Et nous verrons que l’estomac de Gallieni eut beaucoup à souffrir à l’occasion des festivités françaises ou chinoises organisées sur la frontière de Chine, le maréchal Sou étant, ou la puissance invitante, ou la puissance invitée.

(1)  Un bourjane était un porteur,  car il n’existait pas de route à Madagascar, et le filanzana était la sorte de chaise à porteur que les gens riches ou les représentants du pouvoir utilisaient pour se déplacer.

Jean Pierre Renaud

Bon appétit !

Gallieni et Lyautey, ces « inconnus »? « Eclats de vie coloniale et morceaux choisis »

Gallieni et Lyautey, ces « inconnus » !

Annam, Tonkin, Madagascar, avec Gallieni et Lyautey

1892- 1905

Eclats de vie coloniale

Morceaux choisis

 Choix, présentation et commentaires par Jean Pierre Renaud

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Tonkin (1892-1896) et Madagascar (1896-1905)

Le regard de deux grands « colonialistes » de la Troisième République : Gallieni et Lyautey

L’adjectif de « colonialistes » a été choisi pour son caractère anachronique, plus familier à certains chercheurs qu’à d’autres, étant donné que le terme n’existait pas encore. Le dictionnaire Larousse, en 6 volumes, de l’année 1929 fait l’impasse aussi bien sur le mot de colonialiste que sur celui d’anticolonialiste.

Et, à nouveau, pourquoi ce silence des institutions savantes, notamment de la brillante EHSS, et des instituts de sondage, quant à l’utilité de procéder à une enquête statistique sérieuse sur la mémoire coloniale des Français ?

Faute d’idée d’y procéder, ou de peur d’y découvrir la vérité ?

Sans doute, peu d’entre eux connaissent le nom de ces deux « colonialistes », et encore moins leur rôle dans l’histoire de la France !

L’anecdote : le colonel Charbonnel rapportait, dans son livre « Vingt ans à l’ombre de Gallieni » la conversation qu’il eut avec le ministre de Lanessan, lorsqu’il servit à son cabinet, en 1900. M de Lanessan était franc-maçon, à la différence de Gallieni et de Lyautey. A cette époque de la Troisième République, cette appartenance avait beaucoup de poids politique. Il lui confia :

« Le général Gallieni, le colonel Lyautey, ce sont de bons chefs. Ce ne sont pas des coupeurs de têtes. »

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Présentation des textes

Les Sources :

« Gallieni au Tonkin par lui-même » (Berger-Levrault 1941)

« Lettres du Tonkin » (Armand Colin 1920) et « Lettres du Tonkin et de Madagascar » (1894-1899) de Lyautey (Armand Colin 1921)

« Lettres de Madagascar » (1896-1905) de Gallieni (Société d’Editions géographiques, maritimes et coloniales 1928)

« Lettres du Sud de Madagascar » (1900-1902) de Lyautey (Armand Colin 1935)

            Sous le titre « Eclats de vie coloniale », ces textes ont l’ambition de proposer toute une série d’illustrations du regard que deux « colonialistes », exceptionnels à tous points de vue, ont porté sur les deux territoires, que l’on appelait alors nos « colonies »,  le Tonkin et Madagascar, à l’occasion du service colonial, armé ou pacifique, qu’ils y ont exécuté.

            Au Tonkin :

 De 1892 à 1896, Gallieni fut le « pacificateur » du Haut Tonkin, en qualité de Commandant du Deuxième Territoire, frontalier de la province de l’Empire Chinois  du Quang-Si,  où il exerçait tous les pouvoirs civils et militaires.

            Il mit fin à la piraterie traditionnelle, sino-annamite, essentiellement d’origine chinoise, qui y  sévissait traditionnellement, facilitée par les hauts reliefs de cette région, avec la complicité des mandarins chinois, grâce aux liens de coopération et de confiance qu’il sut nouer avec le maréchal Sou, gouverneur militaire de cette province.

            Gallieni y mit au point une vraie méthode de pacification à la fois civile et militaire, la méthode dite de la tache d’huile.

            Entre 1894 et 1896, et alors qu’il était en poste à l’Etat-Major d’Hanoï, Lyautey eut la chance d’accompagner, à plusieurs reprises, le colonel Gallieni dans ses opérations de réduction des repaires de pirates les mieux installés dans ces hautes régions, notamment celui du Ké-Tuong.

Leur collaboration prit aussitôt un caractère exceptionnel, et Lyautey en rendit régulièrement témoignage dans les nombreuses lettres qu’il adressait à ses nombreux correspondants, sœur, frères, ou amis.

Un seul exemple parmi beaucoup d’autres, le récit de la conversation peu commune qu’ils eurent, au cours de leur campagne militaire dans les hautes régions du 2ème Territoire du Tonkin que commandait alors Gallieni.

A son sujet, Lyautey utilisait l’expression « grand frère ».

Le 3 mai 1895, avec la colonne du Ké-Tuong, à proximité de la frontière de Chine :

« Il s’est fixé comme règle immuable, que ce soit en station ou en route, de toujours s’imposer avant le dîner ce qu’il appelle son « bain de cerveau », c’est-à-dire une heure consacrée à se promener avec un compagnon , en causant, sans qu’il soit permis de prononcer un mot de service. En ce moment, il est emballé par un nouvel auteur italien qui vient de surgir : Gabriele d’Annunzio, dont il a un volume dans sa sacoche, et aussi sur l’Autobiographie de Stuart Mill, que j’avais emporté et qui l’empoigne. Il ne me parle donc que qu’Annunzio et Stuart Mill ; et comme je l’avoue, ma pensée est toute à Gérard (un des chefs de détachement militaire) et aux risques du lendemain, et que je ne puis m’empêcher de revenir, il me coupe net d’un : « Laissez donc tout ça tranquille, à la fin ! Les ordres sont donnés, tout le nécessaire est fait ; à quoi cela vous avancera–t-il de ratiociner ? Vous avez aussi besoin de tenir vos méninges en bon état ; causons Stuart Mill, et nous verrons bien demain matin. » (LTM/p,199)

Le commandant Lyautey écrivait beaucoup, à bord d’un bateau, au bivouac, lors d’une opération, ou dans sa maison  « bibelotée » de Hanoï.

Le récit des campagnes de Gallieni au Tonkin, paru dans le livre « Gallieni au Tonkin par lui-même », est avant tout un carnet de route militaire, mais avec une dimension de pacification civile, et tout autant « diplomatique », étant donné l’importance que revêtit l’établissement de relations de confiance avec le grand voisin chinois et son Empire du Ciel, c’est-à-dire entre Gallieni et le maréchal Sou, Gouverneur militaire de la province du Quang-Si.

« Les lettres du Tonkin » de Lyautey portent sur un champ d’observation coloniale beaucoup plus large, compte tenu des fonctions qu’il exerça au cabinet du Général, commandant en chef au Tonkin, et du Gouverneur général de l’Indochine.

Mais ses fonctions à Hanoï furent entrecoupées de campagnes militaires auprès de Gallieni, campagnes qu’il raconta longuement dans ses lettres, et c’est à l’occasion de ses campagnes qu’il noua des relations à la fois d’admiration et d’amitié avec Gallieni.

Lyautey écrivait plus loin :

Hanoï, 20 juillet 1895 :

« Ma « fleur bleue », c’est l’intimité qui s’est nouée entre le colonel et moi depuis nos bivouacs communs. »(LTM,p,225)

A Madagascar :

Cette intimité conduisit les deux officiers à se retrouver à Madagascar, quand Gallieni, le nouveau Gouverneur général et Commandant en Chef, l’appela à ses côtés en 1897.

Le général Gallieni fut nommé Gouverneur Général et commandant en chef  à Madagascar pour réduire la grave insurrection qui suivit la conquête de la grande île à la suite de la folle expédition de 1895.

En qualité de commandant en chef, il eut, tout au début, « la main lourde », comme il le reconnut plus tard, en faisant fusiller à l’automne 1896 deux princes du sang, l’un appartenant à la cour de la reine Ranavalona III, l’autre exerçant des fonctions de ministre de l’Intérieur auprès de lui, mais il mit en œuvre, et fit mettre en œuvre progressivement, une politique de pacification dite de la tâche d’huile, dont il avait imposé les principes et la mise en application au Tonkin.

Il s’agissait de combiner l’action militaire et l’action politique afin de ramener la paix civile. C’est ce qu’il fit à Madagascar, avec notamment le concours de Lyautey, tout d’abord dans ses commandements du nord de l’île, notamment à Ankazobé, puis à l’occasion de son commandement du Sud de Madagascar, à Fianarantsoa. (1897-1900)

Mais que le lecteur ne soit pas abusé par le nom du siège de ces commandements, car Lyautey, à l’exemple de Gallieni, était en permanence, non pas sur des routes qui n’existaient pas, mais sur les pistes. A Madagascar, Gallieni passa la moitié de son temps en tournées, à pied, en filanzana (sorte de chaise à porteurs), à cheval, ou en bateau autour de l’île.

Les notes de Gallieni sont intéressantes, car leurs sujets dépassent cette fois, et nettement, le cadre militaire, comme c’était le cas dans ses récits de campagne du Tonkin, et abordent donc, comme Lyautey, la plupart des aspects de la politique coloniale française.

Nous publierons donc, successivement, sur ce blog, ce que nous avons appelé des « Eclats de vie coloniale » – Morceaux choisis, c’est-à-dire des épisodes  éclairants de leur expérience coloniale, telle qu’ils la racontaient.

L’évocation de ces « Eclats de vie coloniale » suivra la chronologie de leur carrière militaire, tout d’abord au Tonkin, puis à Madagascar, et nos deux premiers sujets porteront, le premier sur le régime alimentaire de Gallieni (1), aux « avant-postes » d’une alimentation saine que nous paraissons redécouvrir aujourd’hui, et le deuxième (2), sur l’opinion que Lyautey avait sur notre expédition malgache, comparée aux possibilités exceptionnelles de développement qu’offrait notre présence en Indochine.

Seront ensuite publiés au cours des prochains mois, dans la série Tonkin, des morceaux choisis dont les objets sont les suivants :

–       en Indochine (1894-1895) : protectorat ou administration directe, avec le Gouverneur général de Lanessan,

–       l’Empereur Than-Taï, fou ou non, avec Lyautey (1895-1896),

–       Gallieni en Chine, chez le maréchal Sou, premier et deuxième voyage en 1894

–       Le maréchal Sou en visite à Lang-Son (1896)

–       Regards sur la modernité d’ Hanoï, de Lang-Son, et de Tuyen-Quan (1895-1896)

–       La politique des races de Gallieni au Tonkin et à Madagascar

Et nous proposerons ensuite aux lecteurs, une série d’ »Eclats de vie coloniale » et de morceaux choisis concernant Madagascar

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: Madagascar, l’arme secrète du dictateur en herbe, la « logomalgachie »!

La feuille de route ou un chèque en blanc à la dictature de la soi-disant « H »aute « A »utorité de « T »ransition !

       Un jeune Président de la HAT, pétri et pourri d’ambition, qui amuse la galerie internationale plus de trois ans après son coup d’Etat !

       L’objectif serait le retour à la démocratie ?

       Une HAT qui distribue à gogo places et privilèges, avec quel argent ?

Mais dont l’arme secrète et cachée est ce qu’on pourrait appeler la « logomalgachie » (ou kabary en malgache), toute en subtilités, discours, avancées, retraits, négociations et marchandages !

       Et si la France avait eu le courage de dire non, c’est-à-dire stop à la farce?

Le premier député « nègre », d’après l’historien Noiriel et la pertinence historique

Le premier député « nègre », d’après l’historien Noiriel et la pertinence historique

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« L’humiliant apprentissage du premier député « nègre », Hégésippe Legitimus »

par Gérard Noiriel, historien, dans le journal Le Monde du 24 février 2012, Décryptages Débats, page 21

Ou les limites d’une démonstration historique ?

Une tribune intéressante sur la perception qu’avaient certains journaux d’un nouveau député « nègre », intéressante parce qu’elle cite à l’appui de sa démonstration des extraits de presse de l’année 1898, alors que l’histoire coloniale de la France souffre incontestablement d’une grande carence d’analyse de la presse, à la fois dans ses tirages, ses contenus, et dans ses effets sur l’opinion, ou de façon plus ambitieuse, sur la culture.

Comment proposer en effet une analyse de « L’idée coloniale », comme cela a  été le cas, ou d’une « Culture coloniale » supposée, comme cela a été aussi le cas, en se privant d’examiner un des vecteurs principaux de l’information, de la circulation des idées, et de la culture, c’est-à-dire les journaux ?

Une représentativité historique ?

L’historien cite 5 sources de journaux, mais cet éclairage aurait mérité d’être pondéré par le tirage de ces cinq journaux au cours de la même année 1898, les contenus relatifs d’information, ainsi que par une évaluation difficile des effets supposés.

Dans le livre « Supercherie coloniale », j’ai tenté d’analyser l’importance qu’avait pu avoir la presse comme vecteur de la propagande coloniale, et il me semble avoir démontré que dans l’état actuel des recherches historiques sur un tel sujet, il n’était pas possible d’en tirer une conclusion quelconque.

Au-delà des tirages et des contenus, se pose aussi, et en effet,  la question de l’effet des tirages et contenus analysés de la presse des différentes époques coloniales considérées.

Pour revenir à la démonstration proposée, il est possible de communiquer les chiffres des tirages des cinq journaux en question, pour l’année 1910, tirés de l’Histoire générale de la presse (1972), 26 000 pour le Journal des Débats, 37 000 pour Le Figaro, 50 000 pour La Presse, et 647 000 pour Le Matin, le seul journal qui soutenait la comparaison avec d’autres grands organes de presse de Paris ou de province.

En 1910, Le Journal tirait à 810 000 et le Petit Journal à 835 000, en précisant que le tirage des 75 journaux parisiens quotidiens était alors de 4 950 000, et que ceux de province faisaient jeu égal en tirage avec ceux de la capitale.

Je n’ai pas trouvé de trace chiffrée du Journal du Dimanche.

Peut-être l’auteur de cette tribune a-t-il les chiffres des tirages de l’année 1898 ?

Il apparait donc assez clairement que ce type d’information  historique pose le problème de sa représentativité, et au-delà celui de ses effets sur l’opinion.

Un héritage ?

Mais allons plus loin dans l’analyse, notamment à propos de la phrase :

« Les représentants du peuple français sont les héritiers d’une histoire conflictuelle, laquelle marque encore leur vision du monde. »

« Héritiers » ? Sûrement ? Par quel mystère de la foi ou de « l’inconscient collectif des Français »,  clé historique qui nous est proposée depuis des années par des historiens connus, une telle « vision du monde » a-t-elle pu nous être transmise ?

L’auteur a-t-il des preuves de caractère statistique ou scientifique que la mémoire collective de la France porte effectivement des signes de racisme, ou d’ancien « colonialisme » ?

Le cas de Madagascar

J’ai proposé à maintes reprises à différentes autorités, et jusqu’à présent sans succès, d’effectuer un sondage approfondi et sérieux sur la mémoire collective coloniale des Français, et je proposerais volontiers à l’EHSSS de passer à l’acte, mais je voudrais saisir l’occasion pour proposer une réflexion sur le même sujet à propos de Madagascar..

Si le lecteur a la curiosité de lire dans le Journal Officiel de la République Française des années 1894 et 1895,  les débats qui ont précédé ou entouré la funeste expédition de Madagascar, financée à crédit par les Caisses d’Epargne de France, pour 80 millions de francs or de l’époque, hors montant de son remboursement, évidemment plus élevé (avant 1914), et marquée par l’hécatombe de plus de six mille soldats, il pourra constater que les propos d’une partie des parlementaires, de droite ou de gauche, valaient largement les propos cités par l’auteur dans le cas examiné.

Quelques exemples :

Le 22 novembre 1894, à la Chambre des Députés, M. Denêcheau, député radical de l’Aisne  « Je place notre honneur trop haut pour admettre qu’un peuple sauvage, qu’une reine à demi-barbare, qu’un ministre dont nous ne pouvons même pas prononcer le nom, puissent y porter atteinte. » (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs )

 Le 24 novembre 1894, au Sénat, M.Delbet, Gauche Démocratique de Seine et Marne : « On parle des Hovas sans les connaître, sur un ton de plaisanterie qui contraste avec la gravité des circonstances ; que nous veulent ces sauvages avec leur gouvernement grotesque et leurs noms de l’autre monde ? »

Le 23 novembre 1894, au Sénat, M. Deloncle, Gauche Démocratique des Basses Alpes : « Les noms hovas sont des noms kilométriques. » (Plutôt aimable, n’est-ce pas ?)

Les débats furent très animés, aussi bien à la Chambre des Députés qu’au Sénat, beaucoup plus qu’au cours des séances de nos assemblées qui, de nos jours, sont quasiment privées, du fait de la réforme de la Constitution, faite en 2008, du droit de refuser les aventures militaires.

En Lybie, les opérations ont miraculeusement bien tourné, mais que serait – il arrivé si l’intervention avait été un fiasco ?

Mais revenons au sujet !

Les plus chauds partisans de l’expédition de Madagascar furent deux députés de la Réunion, MM Pierre-Alype et Brunetet rappelons que l’intervention de la France à Madagascar, en 1885, fut un « fait accompli » colonial décidé, la première fois, par un  ministre de la Marine représentant du même département, M de Mahy, qui ne fut alors ministre que pendant quinze jours.

Une partie de la représentation nationale tenait donc un discours affligeant sur le peuple et la monarchie malgache, mais peut-on en conclure aujourd’hui que nous sommes les héritiers de cette « vision du monde », ainsi que le fait l’auteur de cette tribune ?

Voire ! Avec une démonstration historique plus rigoureuse et une évaluation des effets modernes d’une telle vision qui n’était pas nécessairement dominante, et qui, de toute façon, était  « datée » ?

Dans le cas de Madagascar, je crains fort que cette thèse manque singulièrement de pertinence, étant donné que la plupart des Français ignorent presque tout, sinon tout de l’histoire coloniale, de Madagascar ou d’ailleurs, et que beaucoup d’entre eux ignorent même où elle se situe sur notre globe terrestre.

Peut-être en est-il autrement pour l’histoire d’autres îles, ou pour d’autres anciennes colonies françaises, hors Algérie, qui est un cas historique, tout à fait particulier, mais cela reste donc à démontrer.

En conclusion, un doute « scientifique » à la fois sur la pertinence de la représentativité historique de l’exemple cité et sur une transmission, par héritage, dans la mémoire collective de la France.

L’exemple d’un discours « ministériel » dénué de culture générale ne suffirait heureusement pas à accréditer de telles assertions historiques.

Jean Pierre Renaud.

Madagascar ou les Maldives, le journal Le Monde des Pauvres ou le journal Le Monde des Riches… la démocratie de la jet-set?

Madagascar ou les Maldives, le journal Le Monde des Pauvres ou le journal Le Monde des Riches, ou encore, et dans l’Océan Indien démocratie de la jet-set contre démocratie de la misère?

Le Monde du 15 février 2012, dans l’article intitulé :

« Les Maldives, paradis perdu de la démocratie »

            En tant que tel, un article intéressant, mais qui laisse rêveur, pour ne pas dire affligé par les orientations d’un grand journal comme Le Monde !

            Cela fait trois ans, que le « Président de la Haute Autorité de la Transition », toujours transitoire, de Madagascar a pris le pouvoir, grâce à un coup d’Etat, et jamais, la grande île, d’une autre taille internationale, encore largement francophone, n’a bénéficié, sauf erreur de ma part, d’un tel succès d’écriture dans Le Monde !

            Cela fait plus de trois ans que Madagascar  patauge dans un vrai purgatoire de démocratie ! Alors, deux poids et deux mesures pour éclairer les lecteurs sur les démocraties comparées de l’Océan Indien ?

            Un « paradis perdu » pour Le Monde ?

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: Madagascar, fossiles naturels ou fossiles politiques vivants? La jungle de Makay, chronique télé du 16/12/11

Humeur Tique :

Madagascar : fossiles naturels ou fossiles politiques vivants?

Madagascar « Le savoir-vivre de la jungle »

« C’est tout vu ! Chronique télé »

Le Monde du 16 décembre : sur Canal +

« Makay, les aventuriers d’un monde perdu »

            Une relation ultra-résumée de cette belle aventure dans la jungle malgache :

            « Passer une heure et demie dans la jungle malgache à des milliers de kilomètres de la campagne présidentielle, ça fait un bien fou…le spécialiste des fossiles.. La tête qu’il fait lorsqu’il en découvre un gisement dans une falaise ! Et les cris qu’il pousse : « Ouh, ouh, ouh, c’est fantastique je le crois pas !…

            « On est drôlement contente pour lui, et on regrette cette jungle-là pour retrouver celle où des agences de notations, dont personne n’avait pensé à mesurer les dents, menacent de faire du « triple A » une espèce en voie de disparition. Et puis, on n’a pas fini de classer les candidats dans la campagne. Pour l’instant, beaucoup de fossiles. »

            Une brillante chronique sur une sorte de jungle naturelle, mais il est dommage que le Monde ne donne pas le même type d’éclairage sur une autre sorte de jungle, celle de la classe politique malgache qui va faire de leur pays un immense fossile.

            Convient-il, pour parler de ce beau pays, faire censure de son évolution politique et économique ?

            Notre grand journal de référence soutiendrait-il plus les printemps arabes, dits démocratiques, qu’un renouveau réellement démocratique dans cette ancienne grande colonie française encore gouvernée par un pouvoir issu d’un coup d’Etat ?

Humeur Tique: France-Madagascar: « Faut pas rêver » de France 3 (25/11/12) ou « On croit rêver », nouvelle émission de l’Elysée (7/12/11)?

Humeur Tique : France-Madagascar :

« Faut pas rêver » de France 3 (25/11/2011),

ou le « On croit rêver » nouvelle émission de l’Elysée (7/12/2011) ?

            Plus de deux ans et demi déjà que le Président de la République Française a dénoncé le coup d’Etat (février 2009), à la suite duquel le Président actuel de la HAT, (dite haute autorité de transition) de Madagascar, a pris le pouvoir.

            7 décembre 2011, « On croit rêver », le même « président de la HAT » est reçu à l’Elysée par le même Président de la République Française !

            On aura beau expliquer que le président de la HAT en question a accepté aujourd’hui d’appliquer la feuille de route démocratique arrêtée par la Communauté de Développement de l’Afrique Australe, c’est-à-dire le retour à des élections libres et démocratiques, le mal est fait !

            A l’heure actuelle, un pays en lambeaux, une jeune élite qui voit chaque jour l’ambassadeur de France se comporter comme un gouverneur général de Madagascar au petit pied, et l’auteur d’un coup d’Etat reçu en grandes pompes à l’Elysée.

Croyez-vous que le bon peuple malgache y comprendra quelque chose  dans les explications diplomatiques savantes et contournées de la France ?  

 Bien sûr que non ! Il aura compris qu’une fois de plus la France s’est imposée dans le jeu du fonctionnement des institutions de son pays.

Mais comment les mêmes malgaches, et aussi des Français amis, n’observeraient-ils pas, avec la même tristesse, le spectacle que lui propose chaque jour une partie de son élite politique, beaucoup plus soucieuse de places que de l’intérêt général de leur pays ?

France 3 « Faut pas rêver » le 25/11/2011 – Madagascar: Découverte

France 3 « Faut pas rêver »

Le 25/11/2011

Madagascar : Découverte. Présentation : Tania Young. 2 heures

            Compte tenu du silence quasi-général de la presse sur la crise institutionnelle qui dévore les forces vives de Madagascar, à la suite du coup d’Etat, en 2009 du Président actuel de la HAT, il serait difficile de se plaindre de voir une de nos grandes chaines publiques consacrer deux heures d’émission à ce beau et grand pays.

            Les documentaires présentés ont permis de découvrir les beautés et les raretés d’un patrimoine naturel inégalable : la splendeur hautaine des forêts de baobabs, la profusion d’une forêt primaire mise en danger par la poursuite des cultures traditionnelles sur brûlis, et au moins autant sinon plus, les trafics mafieux de bois précieux, la richesse de la grande île en plantes médicinales ou rares de toute nature, un coup d’œil sur deux des richesses minières du pays, l’or ou le grenat vert, car il y en beaucoup d’autres…

            Le documentaire sur les Zafimaniri, les sculpteurs sur bois de la région d’Ambositra, était très intéressant, car leur travail artistique est remarquable.

            Je suis beaucoup plus hésitant sur les documentaires qui avaient sans doute le but de nous faire découvrir les mœurs et la culture de ce pays, car manifestement leur contenu faisait la part trop belle à l’étrangeté de certaines croyances traditionnelles de quelques-unes des régions de Madagascar, dont l’importance n’est sans doute pas, et  très vraisemblablement, celle que  l’émission lui accorde, le retournement des morts et le rite du « tromba », sorte de vaudou sakalave.

            Quant aux témoins de la modernité du pays, le film sur le petit train de Fianarantsoa à Manakara  en donne une image aimable, mais tout à fait désuète.

            Il est dommage que dans un exercice de découverte d’un pays comme celui-là, on ne consacre pas quelques minutes à un cadrage historique et géographique de type pédagogique : combien de françaises et de français savent que la superficie de la grande île est supérieure à celle de la France, et donc que la découverte proposée ne donne qu’un aperçu de ce grand pays ?

            Pourquoi enfin ne pas demander aux malgaches eux-mêmes comment ils nous auraient fait découvrir leur pays, et ce qu’ils auraient aimé nous montrer ? Ont-ils eux-mêmes apprécié le contenu de cette émission ?

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: Madagascar, un conservatoire des espèces en voie de disparition, et donc à protéger! Espèces végétales et animales rares à protéger contre espèces politiques prolifiques!

Humeur Tique : Madagascar, un conservatoire des espèces en voie de disparition, et donc à protéger ! Espèces végétales et animales rares contre espèces politiques prolifiques !

            Madagascar est un magnifique conservatoire de la nature, et tout autant d’espèces rares en voie de disparition, que d’espèces politiques, en voie de prolifération, qui sont en train de faire sombrer les premières dans les belles eaux de l’Océan Indien.

            A voir le nombre de ministres qui ont défilé au gouvernement depuis que le président « immature » de la HAT est venu au pouvoir, en février 2009, à la suite d’un coup d’Etat, les institutions internationales, les ONG, …auront fort à faire pour protéger ces nouvelles espèces politiques prolifiques ! Toutes à protéger, et donc à pensionner ?

            Dernier gouvernement en date, 35 ministres ! Pas mal, non ?

Un ministre pour 500.000 pauvres malgaches et pauvres aussi ! En France déjà, un ministre pour 2.000.000 d’habitants environ, c’est déjà trop !

A Madagascar, la mafia du bois, Arte du 25/10/2011

« Enquête en forêt tropicale »

A Madagascar, la mafia du bois !

Arte du 25/10/11

Un documentaire très intéressant pour tous ceux qui s’intéressent à Madagascar, en dépit de la grave crise de gouvernance politique et civique qui s’y déroule depuis plus de deux ans.

            Le documentaire montre bien les éléments et les étapes du trafic des bois précieux de Madagascar, entre les Etats Unis, l’Europe, et avant tout la Chine qui est au cœur de tous les trafics.

            On y voit les bois précieux du parc national de Masoala, bois de rose et ébène, pillés par les mafias internationales.

            Il sera sans doute difficile de lutter contre ces trafics tant que Madagascar n’aura pas retrouvé un pouvoir légitime capable de lutter contre ces trafics. La brève allusion à une rencontre entre le président « Hatif » (1) et un mafieux chinois, laisse un peu sur sa faim.

            Dommage que le commentaire, un  peu trop ingénu, fasse de l’espion écologique qu’est devenu un descendant de Bismarck, le héros de cette chasse au trafic de bois précieux, un héros avec des côtés de bande dessinée.

(1) Le président actuel de la Grande Ile parvenu au pouvoir par un coup d’Etat, cela fait  plus de deux ans

Jean Pierre Renaud