« Les immigrés stimulent la croissance » ? Enjeux Les Echos avril 2013

L’immigration non européenne vue par le journal Les Echos : une comparaison pertinente des valeurs économiques ?

La chronique appropriée d’une étude économétrique ?

Enjeux Les Echos n° 299 Avril 2013 (pages 66 à 69)

« LES IMMIGRES

STIMULENT

LA CROISSANCE »

            En bas de page 66, la chronique est ainsi présentée :

            « L’immigration légale revient au Parlement le 17 avril. Un débat qui promet d’être houleux. Enjeux l’amorce avec les réactions de l’UMP, du FN et du PS à une étude exclusive sur la contribution des migrants à la croissance. »

            Citation : « Cet article propose un évaluation quantitative des interactions entre, d’une part, le produit intérieur brut (PIB) par habitant et le taux de chômage et d’autre part, l’immigration permanente en France métropolitaine, sur la période 1994-2008. » Hippolyte d’Albis, Ekrame Boubtane et Dramane Coulibaly voudraient clore une polémique qui dure depuis des années : l’immigration a-t-elle ou non un effet positif sur la croissance et les Français ? »

            Les données exploitées sont les titres de séjour de plus d’un an accordés entre 1994 et 2008 aux étrangers en provenance de pays non-européens.

           A la page 67, un graphique chronologique (1994-2008) des titres de séjour en distinguant les trois catégories, pour motif de travail, de regroupement familial, ou autre, et à droite, la suite du commentaire.

           Les données : entre 1994 et 1996, moins de 60 000 titres de séjour par année, dont moins de 30 000 pour regroupement familial ; de 1997 à 2000, le nombre des titres de séjour augmente chaque année, passant de 80 000 à 100 000, avec une progression parallèle du regroupement familial, et à partir de 2000, la courbe vogue vers les 150 000 par an entre 2002 et 2008, dont plus de la moitié  est dûe au regroupement familial, de l’ordre de 80 000 à 90 000.

           La page 68 est consacrée à la suite du commentaire de la même analyse, avec un encart intitulé :

 « Peut-on mesurer l’impact de l’immigration sur les comptes sociaux ?

           La dernière et quatrième page est consacrée aux réactions des trois représentants des mouvements politiques cités plus haut, avec un petit espace de fin de commentaire.

Discussion

          Expédions tout d’abord ces réactions politiques qui se sont naturellement contentées de donner un point de vue général sur le sujet, et abordons le sujet au fond.

          Indiquons par ailleurs que la chronique fait l’impasse sur le taux de chômage évoqué dans la citation du début.

          Première remarque relative au graphique des cartes de séjour : le commentaire :

         « La première (catégorie)  concerne les migrants qui se sont vus accorder un titre de séjour d’au moins un an pour motif de travail, soit 4 300  à 20 800 titres par an, et 7,6% en moyenne du total des titres délivrés, des hommes en grande majorité (68%). »

         Le graphique fait ressortir les statistiques par année en les échelonnant par strate de 30 000 unités, soit de 0 à 180 000.

         Le problème est qu’il est impossible, même en prenant son double-décimètre, de trouver les chiffres même moyens de 4 300 titres : au cours des années 1994 – 2 000, la moyenne a été plutôt de 35 000 à 40 000.

         Comment ne pas remarquer aussi que le nombre des titres de séjour pour regroupement familial a doublé à partir des années 2000, et que leur effet en valeur ajoutée mériterait d’être démontré ? Evidemment différent de celui des titres de séjour pour motif de travail, avec des effets collatéraux évalués en termes de logement, de scolarisation, de santé, de sécurité, notamment dans les quartiers sensibles, etc… ?

         Deuxième remarque relative au contenu de l’encart intitulé « Peut-on mesurer l’impact de l’immigration sur les comptes sociaux ? »

          Le texte évoque deux études dont le sens est opposé, la première, en 2004, du professeur Bichot, chiffrant à « 8 milliards le coût annuel net de l’immigration pour le système français de protection sociale », la deuxième, en 2010, de MM Chojnicki et Ragot, montrant que « la contribution nette globale de l’immigration au budget des administrations publiques serait positive et de l’ordre de 3,9 milliards pour l’année 2005. »

          Il est difficile de conclure, sauf à penser que l’incidence de ces chiffres sur les PIB examinés par les auteurs de l’analyse sur laquelle le journal s’appuie, a bien entendu, été prise en compte, s’agissant du contenu du PIB.

         Troisième remarque relative à l’effet calculé de l’immigration non européenne sur le PIB de la France, je cite :

       « En clair, cela signifie que pour la période considérée (1994-2005), lorsque le taux de migration (nombre de migrants rapporté à la population totale) augmente de 1%, alors le PIB par habitant augmentait lui d’environ 5 euros par personne et par an. A l’unité, cette somme peut sembler faible, mais multipliée par les 67 millions d’habitants de l’Hexagone, on obtient un gain de 300 millions d’euros. »(page 68)

         1° – Faible, certainement, pour ne pas dire non significatif compte tenu des rapports entre agrégats : 300 millions par rapport à un PIB de 1 718 000 millions en 2005, ou en considérant, par exemple, que de 2 005 à 2 006, la progression du PIB a été de 4,3% entre 2004 et 2 005, soit 4,7%, soit 80 746 millions, c’est-à-dire, 300 par rapport à 80 746 millions ?

         2° – Comment faire état de l’augmentation de 1% du taux de migration, alors que le graphique de la page 67 fait état de variations de ce taux entre 1994 et 2005 qui contredisent ce chiffre ?

        Les chiffres des titres de séjour qui figurent à la page 67 n’apportent pas la démonstration du commentaire : prenons les années 2000 et 2001, les titres de séjour passent en gros de 90 000 à 115 000, soit + 25 000 sur une population française de l’ordre de 60 000 000, soit un rapport infinitésimal que les modèles économétriques réussissent à capter ?

        Avec de tels calculs, la polémique est loin d’être close, sauf si le résumé de cette thèse optimiste ne correspond pas à son contenu.

        Est-il donc bien sérieux d’afficher le titre en question : « Les immigrés stimulent la croissance » ?

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique : Chypre et ses comptes bancaires ou « Un bon croquis..etc »

Humeur Tique : Chypre et ses comptes bancaires ou « Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours » dixit Napoléon !

Le tableau du journal Les Echos, page 7, le 25 mars 2013 !

Les comptes de dépôt dans les banques de Chypre, en % selon la taille (montant en milliards d’euros)

      Moins de 20.000 euros :          27% (18,46)

       De 20.000 à 100.000 euros:   19% (12,99)

     De 100.000 à 500.000 euros :   12% (8,2)

                Plus de 500.000 euros :      42% (18,46)

Total = 58,11 milliards euros

Avec un seul commentaire : il est dommage que le journal n’ait pas proposé le même type de statistique pour les pays de l’Union Européenne, dont la France !

Pour mieux comprendre l’affaire de Chypre !

Humeur Tique : une gouvernance Hollande un peu trop glissante !

 Les observateurs du monde politique se sont sans doute interrogés sur deux phases de sa vie politique, la première quant à son long maintien dans son mandat de secrétaire général du parti Socialiste, alors qu’il aurait pu devenir  ministre de Jospin, une expérience gouvernementale qui lui manque aujourd’hui, la deuxième quant à la candidature de Ségolène Royal, son épouse à la ville, aux élections présidentielles de 2007, alors qu’il était le candidat naturel du Parti Socialiste.

            Peur d’une prise de risque ? Goût prononcé pour les compromis et les arrangements qui faisaient sa force au sein de son parti ?

            Sa manière de gouverner, sans cap clair, ses allers et retours dans les annonces politiques, un flottement incontestable, toujours la recherche du compromis, s’inscrivent dans la continuité du personnage, mais les Français ont de plus en plus de mal à comprendre sa politique.

Dans le journal Les Echos du 25 février 2013, page3, et à propos  du président, le directeur du centre de recherches politiques de Sciences Po caractérisait bien sa situation :

«  Le chef de l’Etat va devoir se résoudre à choisir entre deux gauches et à sortir d’ « un instinct des combinaisons » qui le prive de toute la lisibilité nécessaire aux temps de crise. »

Et sortir d’un personnage un peu trop glissant ! Il est vrai que la saison n’y est pas vraiment favorable!

Humeur Tique: Privilèges, Egalité à la Française et Conspiration du Silence!

Humeur Tique : Privilèges, Egalité à la Française et Conspiration du Silence ! Centre National du Cinéma, Air France, Presstalis, EDF,etc …

            Chaque jour apporte son lot de cas de privilèges à la française, hier le CNC, ou le Comité d’Entreprise d’Air France, puis le panier de crabes de Presstalis, et aujourd’hui EDF !

            Presstalis :

Il est tout de même assez surprenant que ce quatrième pouvoir, celui de la presse et des médias, ait fait aussi longtemps la preuve de son incapacité de mettre fin à un régime de distribution de la presse obsolète, largement subventionné par le contribuable, et accaparé par le puissant syndicat qui y règne en maître, depuis plus de soixante années.

            Magnifique exemple de vertu syndicale !

EDF :

Le jour suivant, les « privilèges de caste » du personnel d’EDF : en première page du journal Les Echos du 11 février 2013 :

« EDF : les avantages des salariés dénoncés

A lui seul, le – tarif agent – coûte plus de 220 millions d’euros par an à l’électricien »

Sur la base des 100.000 salariés d’EDF, cela ferait 2.200 euros par tête, pas mal non ! Il faut sans doute introduire d’autres bénéficiaires dans le calcul, les retraités, les filiales ?

Le journal cite lui le chiffre de 66.000 salariés du groupe, ce qui arrondirait encore l’avantage moyen d’un salarié.

N’y-a-t-il pas une erreur dans le chiffre cité, tant le montant du cadeau parait élevé ?

Et pour en ajouter une couche, il conviendrait de rappeler que les œuvres sociales de la même société sont abondées, sauf erreur, sur la base de 1% d’un chiffre d’affaires de 65 milliards d’euros environ, soit une cagnotte de 650 millions d’euros.

                Les citoyens français savaient-ils qu’ils accordaient chaque année aux salariés d’EDF, soit en prime, soit en subvention, ou tout simplement en cadeau, les sommes indiquées par année, en payant tout simplement leurs factures d’électricité.

            Qu’ajouter de plus ? Le nouveau rapport de la Cour des Comptes qui épingle toutes sortes d’abus de gestion et d’incurie dans de très nombreux domaines !

            Il y a là de quoi décourager les Françaises et les Français les plus sérieux !

Humeur Tique : Une Europe en catimini et sans colonne vertébrale! Avec la Croatie en douce !

  Les journaux ont à peine signalé l’adoption, par le vote unanime du Parlement, du traité d’adhésion de la Croatie à l’Union  Européenne.

            Les Echos des 18 et 19 janvier 2013, en page 2, rubrique  « En Bref  = 14 lignes ! » Tout à fait bref en effet !

            La Croix du 18 janvier 2013, en page 6, un sixième de colonne sur les cinq colonnes, soit 13 lignes !

            Quelle modestie d’écriture pour un sujet qui vaudrait un peu plus de commentaire !

            Aucune information sur les conséquences institutionnelles de cette nouvelle adhésion sur une Union qui compte déjà 27 pays.

            Alors que les dix-sept membres de la zone euro sont incapables de réaliser l’union politique de la zone !

            On voudrait désespérer les citoyens d’Europe qui y croyaient, ou qui y croient encore un peu, qu’on n’agirait pas autrement 

Humeur Tique: Une information saugrenue!

Humeur Tique : Du saugrenu dans votre information !

Un CO 2 saugrenu à Doha !

            Journal Le Monde du 27 novembre 2012, Planète page 8

            « A Doha, la négociation climatique à petits pas sur fond d’émissions records de CO 2 »

            Et en tout début d’article : «  C’est dans l’émirat du Qatar, détenteur, avec 60 tonnes de CO 2 par an, du record mondial des émissions par habitant, que s’est ouverte, lundi 26 novembre, la 18ème conférence des parties de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique. »  (CNUCCC)

Du saugrenu chez Peugeot ! 

Journal Les Echos du 22 novembre 2012, Finances&Marchés, page 25

Que n’avons-nous pas entendu de la part de certain ministre du gouvernement sur la conduite sociale inqualifiable de Peugeot.

            Or, on prend connaissance,  dans le journal Les Echos du 22 novembre 2012, des résultats d’une enquête d’une agence de notation, présidée par qui ? Devinez ? L’ancienne secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat.

            Les trois premières entreprises « championnes de la responsabilité sociale », sont dans l’ordre, L’Oréal, Danone, et Peugeot.

            C’est à n’y rien comprendre, n’est-ce pas ?

Le Qatar, impérialisme de l’Orient? La France et le Qatar

Le Qatar, impérialisme de l’Orient ?

Jeu stratégique du « A qui perd gagne ! » ? Entre Orient et Occident ?

La France, partie prenante dans le « grand jeu » entre sunnites et chiites ?

Ou enfin, et plus simplement, un jeu de « grenouilles » ?

Avec mes remerciements à mon vieil et fidèle ami M.A pour sa lecture critique éclairée.

 Le Qatar entre sur la scène publique

            Une curiosité de l’opinion publique française, nouvelle, à l’endroit des initiatives de l’Emirat du Qatar, à l’endroit d’un nouvel impérialisme qui ne dirait pas son nom ?

            Au fur et à mesure des années, et des initiatives que prend le Qatar sur le plan national et international, l’opinion publique commence à connaître le petit émirat du Qatar, en tout cas dans sa « face » extérieure, médiatique.

            Le Qatar a suscité un premier mouvement de curiosité lorsque  sa candidature fut retenue pour la Coupe du Monde de Football de 2022, avec la surprise de voir un petit pays du Golfe Persique se porter candidat pour cette manifestation mondiale !

Un territoire à peine plus grand que la Corse, mais, il est vrai, gorgé de gaz et de dollars, « pour le moment » !

            Plus récemment, et au cours des derniers mois, le Qatar a  fait la une des journaux avec une succession d’investissements et de prises de participation dans de grandes sociétés françaises, notamment au PSG, le club de football de Paris, ou chez Lagardère.

            Et chaque jour, ou presque, l’acquisition par le Qatar d’un des plus beaux immeubles de la capitale.

Quelques titres de journaux :

 « L’intrigant intérêt du Qatar pour Lagardère » (Les Echos du 20/03/12)

« Notre ami l’émir » (Le Monde du 22/03/12) « …La France apporte son poids sur la scène internationale, l’Emirat ses leviers régionaux et son carnet de chèques.. »

« Le fonds souverain du Qatar de plus en plus offensif dans ses investissements » (Les Echos des 23,24/03/12) : 12,8% du capital de Lagardère, 5,5% de Vinci, 5% de Veolia, 2% de Total et 1% de LVMH.

Certains dirigeants sont inquiets de cette « intrusion » : « Canal Plus face à la menace Al-Jazira » (Les Echos du 2/04/12),mais d’autres, tels que le Président de la Ligue de football professionnel, se félicitent, au contraire, de la même « intrusion » , en concluant que grâce aux gros sous espérés d’Al Jazira, Ligue et Al Jazira font faire du « gagnant-gagnant » (voir son plaidoyer dans les Echos du 21/05/12, sous le titre «  Au secours, le Qatar débarque »)

« Avec le 52, avenue des Champs Elysées, le Qatar ajoute une adresse de prestige à son portefeuille immobilier parisien » ( Les Echos du 6/06/12)

Encore tout dernièrement, les achats d’immeubles de luxe ou d’hôtels à Paris ou sur la Côte d’Azur :

Le Parisien du 23 juin 2012, en première page « Ce que le Qatar vient chercher en France », et en pages 2 et 3, « Pour le Qatar, la France reste une terre de prédilection », « Total, liens historiques », investissements, rapports politiques, etc…

Notons au passage que le qualificatif « historique » attribué par un ancien diplomate n’est pas tout à fait approprié, étant donné que cette « histoire » n’a commencé qu’en 1990.

En novembre 5th 2011, the Economist publiait un article sous le titre :

« Pygmy with the punch of a giant »

Les enjeux de cette entrée en scène

Le Canard Enchainé du 4 avril 2012 pose le problème sous un tout autre angle, que nous adoptons pour notre analyse du sujet :

« Le Qatar et la manière de coloniser

Les milliards investis en France par l’émirat hypnotisent notre classe politique. Anciens ministres, élus, capitaines d’industrie se ruent dans le Golfe pour causer religion, justice fromage de chèvre et… business. »

Le Canard Enchainé a-t-il raison de placer le débat sur le terrain de la colonisation, nous dirions-nous, tout simplement de l’impérialisme ?

De même que Les Echos du 19 juillet 2012, et à propos de l’achat d’un nouveau joueur au Paris-Saint Germain, un article intitulé : « Ibrahimovic pourrait coûter au moins 250 millions d’euros au Paris-Saint Germain », avec un deuxième article dont le titre est une forme de commentaire :

« Le sport est l’un des supports de la stratégie d’influence planétaire du Qatar »

Les deux journaux en question posent donc la vraie question : s’agit-il d’une nouvelle forme de l’impérialisme moderne, dont on avait l’habitude d’attribuer la seule paternité à l’Occident ?

Un nouvel impérialisme venu de l’Orient ? Prenant, en quelque sorte, à revers, la thèse, incontestablement brillante, qu’a défendue Edward W. Said dans son livre « Culture et Impérialisme » ?

En concurrence avec d’autres thèses privilégiant notamment la puissance des technologiesdont a disposé l’Occident à partir du milieu du dix-neuvième siècle, vapeur, électricité, armement à tir rapide, télégraphie, ou quinine, des thèses qui ont plutôt notre faveur en ce qui concerne l’impérialisme de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle.

Le jeu impérial du Qatar

Tel peut être l’enjeu d’une réflexion sur le nouveau jeu impérial du Qatar !

Le cas de cet émirat illustre-t-il un renversement des facteurs de domination tel qu’il puisse exprimer et réaliser une nouvelle forme d’impérialisme, venue cette fois, et à nouveau, de l’Orient, longtemps après, par exemple celui d’ l’Empire Ottoman ?

Réalisant une fusion réussie entre la religion, la culture, le sport, les médias, les technologies les plus modernes, au moyen de ses pétrodollars, de la chaîne télévisée Al Jazira, ou de ses nombreux investissements à l’étranger ?

Une forme aussi réussie d’impérialisme que toutes les formes antérieures des impérialismes que l’histoire du monde a connus, avec leur caractéristique essentielle de domination.

La forme impériale du Qatar et l’analyse Said ?

Dans la lecture, l’analyse, et la critique, que nous avons proposée du livre de M.Said « Culture et Impérialisme » (1), le concept central d’une « structure d’attitudes et de références », et aussi « d’affinités » apparaissait à ses yeux comme la clé de l’interprétation et de la compréhension du fonctionnement de l’impérialisme occidental, un concept qui le sous-tendait et l’expliquait.

Cette thèse reposait sur l’analyse de très nombreuses œuvres littéraires publiées au dix-neuvième et vingtième siècle, allant du « Mansfield Park » de Jane Austen à « La Peste » ou à « L’étranger » de Camus, ou à « Les damnés de la terre » de Frantz Fanon.

D’après cet auteur, l’’ensemble de ces œuvres était porteur du message de l’impérialisme occidental, une « structure d’attitudes et de références » qui formatait et justifiait cet impérialisme, et qui, toujours, minorait la culture de l’Orient.

L’état d’esprit d’un Occident dominateur et sûr de lui, de ses valeurs, de son pluralisme, de son libéralisme, de ses libertés de pensée et d’action, de son esprit d’entreprise, mais au moins autant de son esprit critique, à la source de sa créativité technologique et de ses conquêtes impériales.

Nous avons relevé que ce concept, pour séduisant qu’il fut, souffrait d’au moins deux faiblesses, son manque de cohérence historique entre les œuvres culturelles analysées et citées sur les deux siècles considérés, d’une part, et, d’autre part, son défaut d’identification susceptible d’être évaluée à la fois dans ses éléments et dans ses effets.

 Edward W.Said ne propose jamais une évaluation historique pertinente, quantitative, des éléments de sa thèse impériale, et nous restons donc dans le domaine de la théorie des idées, séduisante, mais pas nécessairement dans celui de l’histoire réelle.

Alors que dans le cas du Qatar, le concept de « structure d’attitudes et de références » est susceptible, semble-t-il, de recevoir un contenu historique très concret, mesurable.

Le concept de jeu impérial du Qatar peut faire sursauter certains observateurs qui seraient plutôt prêts plutôt à épingler un comportement de « nouveau riche ». C’est à qui aura le plus grand aéroport, la plus haute tour, le plus beau musée… ! Sans qu’apparemment le mouvement Al Quaïda n’y trouve rien à condamner…

Une puissance d’Etat incontestable, oui, mais plutôt celle d’une famille régnante, avec une minorité d’autochtones et beaucoup de travailleurs étrangers. 

       Sous la houlette d’un émir, un Etat unitaire et centralisé, de type islamique, appliquant la charia, animateur et soutien de la propagation de l’Islam dans le monde entier, disposant de moyens considérables, les pétrodollars, pour développer son influence à l’étranger, grâce à sa chaine de télévision Al Jazira, de type CNN, c’est-à-dire une diffusion de l’information en continu dans le monde arabe, mais aussi grâce à ses investissements dans le capitalisme mondial.

Un puissant cocktail de moyens de puissance et d’influence sachant mêler et associer le matériel et l’immatériel, les investissements lourds et le culturel, la religion et le sport…

Tous les ingrédients donc d’un nouvel impérialisme moderne utilisant au mieux les technologies d’influence les plus efficaces !

Mais comment ne pas souligner en parallèle que les talibans savent également utiliser les mêmes technologies, dans leur ordre de la révolution islamique.

Le Qatar met en œuvre, avec une très grande habileté, tous les outils des nouvelles puissances, en choisissant des cibles financières et économiques qui démultiplient son influence, notamment dans le sport, la culture,  et l’information, mais en développant une stratégie religieuse subtile qui a le mérite de doubler le plus souvent son influence civile.

Et le même Qatar ne s’est pas privé d’intervenir directement ou indirectement dans la solution des crises récentes du monde musulman et arabe, dernièrement en Libye, et aujourd’hui en Syrie.

Et c’est sans doute cette cohérence politique et religieuse qui donne sa forme et sa force à cette nouvelle influence impériale, surtout dans le monde musulman.

Le Qatar soutient, jusqu’à preuve du contraire, un Islam, beaucoup moins rigoureux que celui de l’Arabie Saoudite, un Islam qui tend à faire la part de la modernité, et c’est en cela que son influence est intéressante, car elle semble apporter une réponse au débat qui oppose souvent une majorité de musulmans traditionnalistes, comme le sont aussi nos « intégristes », et les musulmans  pragmatiques.

Entre Qatar et France, un échange de stratégies indirectes ?

Curieusement, l’influence du Qatar trouve un appui « mondain » auprès d’une partie de notre élite politico-économique, sans que l’on sache toutefois si ce soutien est fondé sur une véritable analyse de stratégie indirecte, seule praticable par le Qatar et par la France.

Sans vouloir encombrer ce débat, indiquons simplement que la stratégie indirecte, telle qu’elle a été définie à l’origine par Sun Tzu, et remise au goût du jour par Liddell Hart, consiste à imposer sa « volonté » à un « adversaire », en utilisant tout un ensemble de stratagèmes pour triompher, pour prendre intact « tout ce qui est sous le Ciel », en mettant l’accent sur la psychologie, la volonté, l’esprit.

Cette stratégie implique la mise en œuvre d’approches indirectes de toute nature, de détours stratégiques efficaces pour endormir ou apaiser l’adversaire ou le partenaire, et au résultat, imposer sa volonté.

Simple petit rappel ! A la différence de Clausewitz qui prônait lui l’affrontement direct, et en quelque sorte la mise à mort de l’adversaire !

Il n’est pas interdit de se poser la question, à la fois de l’existence d’un tel schéma stratégique réciproque, et s’il existait, de son importance réelle dans les relations internationales, de sa place dans l’échelle des puissances mondiales.

Un article récent du Monde (24/08/12, page 4) viendrait illustrer ce type de stratégie pour la Syrie :

« La France coordonne avec la Qatar son aide à la rébellion »

Soit dit en passant, entre Sarkozy et Hollande, donc rien de changé !

De mauvais esprits relèveraient peut-être aussi que les deux acteurs auraient pris les habits de la fable connue, l’un,  la France, une « grenouille » qui n’a plus envie ou qui n’a plus les moyens de se gonfler, et l’autre « grenouille » qui se dégonflerait vite, s’il y avait un « printemps arabe », si les Etats Unis quittaient la plus importante base de la région qu’ils ont dans cet émirat, si la Chine trouvait du gaz de schiste ou n’achetait plus le gaz du Qatar ,etc…

Car il ne faut pas exagérer l’influence de cet émirat, pas plus que celle de la France du XXIème siècle, même s’il dispose d’un fonds d’investissement de plus de cent milliards de dollars, d’une tirelire confortable de pétrole, et d’une chaine d’information continue, Al Jazira.

L’audience de cette chaine, même si elle fait concurrence à notre chaine France 24, plutôt modeste, avec 3,4% d’audience internationale, est très loin derrière les grandes chaines mondiales, CNN International, avec 18% ; Skynews (16,8%), Euronews (14,2%) , ou BBC World New (13,1%).

Son intérêt est ailleurs, c’est-à-dire la cible de son public arabe et musulman.

            En 1953, les Editions du Seuil (Esprit) présentaient ainsi le livre de F.W.Fernau « Le Réveil du Monde Musulman » :

            «… Un monde que travaillent deux « réformes », l’une religieuse qui purifie l’islam par un retour aux sources – l’autre politique, qui vise au contraire à la laïciser, à la moderniser… des nations qui cherchent leur voie, à travers les pressions étrangères et les secousses intérieures. Et l’Islam, ne l’oublions pas est le plus riche réservoir du pétrole. »

            Cette analyse est un peu dépassée car la deuxième réforme a disparu des écrans, vraisemblablement avec la guerre des Six Jours de 1967, et laissé toute la place à l’expansion de l’Islam, avec la poussée d’une religion souvent conquérante.

            Le Qatar est un bon exemple de cette problématique ancienne, toujours d’actualité, étant donné qu’il se trouve à la frontière de ces deux mouvements, purisme religieux d’un côté, et tentative de modernité de l’islam de l’autre.

            En conclusion, chacune des deux parties, la France et le Qatar, a un intérêt à entretenir des stratégies indirectes d’influence, une sorte de « soft power », pour autant qu’elle existe au Qatar, et dans notre pays, car les deux partenaires paraissent avoir  à cœur de promouvoir une cohabitation apaisée entre un Orient islamique en pleine renaissance et un Occident laïc et démocratique de plus en plus contesté, mais il ne conviendrait pas d’exagérer l’influence respective des deux puissances en question, l’une ancienne et déclinante, et l’autre jeune, en montée de puissance, mais aux pieds fragiles.

Seul l’avenir dira qui sera le gagnant de ce jeu stratégique du « A qui perd gagne » ! Pour autant qu’il existe ! Pour la France du XXIème siècle !

Dans l’état actuel des forces respectives des deux partenaires, entre un Qatar décidé et offensif, et une France ouverte à tous les vents du large, les paris ne peuvent qu’être très ouverts.

Mais comment ne pas remarquer enfin que les groupes de pression influents de la défense des droits de l’homme dans notre pays restent bien discrets sur le sujet, lorsqu’il s’agit de nos relations avec ce pays, et noter que dans ce nouveau « Grand Jeu » stratégique,  la France se trouve partie prenante dans la confrontation entre le sunnisme, dont le Qatar est un des défenseurs et promoteurs, et le chiisme ?

Une tout autre sorte de « Grand Jeu » que celui décrit par Kipling dans le très beau roman de « Kim », dans l’Inde des Anglais !

Jean Pierre Renaud

(1)  Sur ce blog ma lecture critique du livre « Culture et Impérialisme » les 13/07/11, 7/10/11, 19/10/11, 7/11/12, et 1/12/11.

Humeur Tique: Les quartiers sensibles de Bartolone, Parité au sommet de l’Europe, notre nouvelle Babel!

Humeur Tique : Humeur Politique du Jour : Bartolone, et nos beaux quartiers sensibles, la parité dans notre nouvelle Babel d’Europe !

M.Bartolone, élu Président de l’Assemblée Nationale, un grand bravo !

         Mais quid de ses quartiers sensibles ?

Mais pourquoi n’auriez-vous pas la curiosité de demander à l’ancien Président du Conseil Général de la Seine Saint Denis, riche en quartiers sensibles, et grand élu du même département depuis plus de trente ans, quelles ont été ses initiatives pour aider les quartiers sensibles de son département à rentrer dans notre belle République, et naturellement le bilan précis de son action ?

La parité en Europe ?

La belle photo du Conseil Européen des 28 et 29 juin 2012 ! (Voir Les Echos du 2 juillet 2012 (page 8) !

4 femmes, en tout et pour tout, sur 33 membres !

Il y donc encore beaucoup de chemin à faire !

La nouvelle Babel d’Europe !

Toujours dans le journal Les Echos, le même jour, un modeste encart à la page 10 « Lancement des négociations d’adhésion du Monténégro à l’Union européenne », une douzaine de lignes au total, sans nous informer des conséquences institutionnelles et financières que cette adhésion va entrainer.

A décharge, indiquons que ce nouvel Etat est modeste, mais nous allons donc le voir un jour, présider l’Union, comme Chypre aujourd’hui, alors que ces pays ne disposent pas des structures institutionnelles suffisantes !

Pratique quasi-permanente de la presse française en matière de non-information, pour ne pas dire désinformation sur les contours de notre belle Union européenne, sur les nouveaux problèmes de fonctionnement que cela va créer.

Croatie, Serbie, Monténégro, Macédoine, … ?

Silence de la presse ou silence des gouvernants ?

C’est à se demander si nous ne sommes pas dirigés par des « fous » !

Lesquels nous fabriquent une drôle d’Europe, alors qu’à 27, ils sont déjà incapables de bien gouverner l’Europe actuelle !

Humeur Tique: pluralisme de la presse, Pigasse et le journal Les Echos

Humeur Tique : Presse et pluralisme ? Liberté de l’information ? Ou tout simplement l’information !

Pigasse et le journal Les Echos des 4 juin 2012 et 25 juin 2012 !

            L’ancien administrateur civil du Trésor Pigasse fait parte des archétypes de hauts fonctionnaires qui, après avoir rempli leur carnet d’adresses, pantouflent avec succès dans le monde des grandes entreprises, à la banque Lazard, dans le cas présent, après avoir fait ses classes politiques chez DSK et Fabius.

            Devenu un grand capitaliste de gauche, M.Pigasse a pris le contrôle du journal Le Monde avec ses deux amis, Niel et Bergé, et, information intéressante parue dans Les Echos du 4 juin « Entreprises et Marchés », il serait intéressé par le quotidien Libération, comme indiqué par le titre de l’article :

« Mathieu Pigasse veut entrer au capital de « Libération »

Trois semaines plus tard, le même journal publie une longue interview du même banquier sur une pleine page, dont le contenu est du reste intéressant, et peut-être utile, mais les trois journalistes qui ont recueilli ses propos ne lui posent aucune question  sur son projet d’entrée au capital de Libération.

L’hypothèse de son entrée au capital de Libération est mentionnée tout en haut de la page, « Son parcours » « Son actualité » dans le petit texte ci-après :

« Après avoir investi dans « Le Monde » et les « Inrockuptibles », son nom est évoqué pour une nouvelle injection d’argent dans la quotidien « Libération ».

Quel silence étrange, alors que le sujet est sensible, puisqu’il s’agit du pluralisme de la presse française !

Alors me direz-vous entre le journal Libération, organe quasi-officiel du Parti Socialiste et le journal Le Monde, soutien, tout  en coulisses, du même parti, cela ne changerait pas grand-chose !

Mais quelle discrétion journalistique pour un journal d’information économique et financière !

Gloire à notre belle presse nationale d’information !

Humeur Tique : Le Crédit Agricole, une banque « mutualiste » ? Vraiment ?

La Grèce, le « trou » sans fond de la banque Emporiki, grâce aux caisses régionales mutualistes du Crédit Agricole ?

            La crise de l’euro, celle parallèle de la Grèce, et celle tout aussi grave pour une banque dite « mutualiste, le Crédit Agricole !

            A lire les titres des journaux, une situation très inquiétante !

            Le Monde du 11 mai 2012, page 4 :

« Enlisé en Grèce avec sa filiale Emporiki, le Crédit Agricole voit monter la facture

La banque est l’établissement étranger le plus exposé à la crise hellène. »

         Les Echos des 11 et 12 mai 2012, page 8 :

«  Emporiki, l’enfer grec du Crédit Agricole

Six ans après le rachat de l’établissement grec et deux crises plus tard, le Crédit Agricole voit désormais la facture  avoisiner les 6 milliards d’euros. Dans l’impasse, la banque verte n’a d’autre choix que de réduire petit à petit son exposition  à la Grèce »

            Le Monde du 22 mai 2012, page 15 :

«La Grèce empoisonne le Crédit Agricole

Les caisses régionales ont signifié à la direction de la banque leurs craintes de devoir recapitaliser l’établissement »

En langage diplomatique, on ne ferait sans doute pas mieux !

Car la banque va devoir apurer une dette colossale.

Et les questions ne vont sans doute pas manquer : qui gouverne la banque ? Son management ou les caisses régionales ?

 Les journaux ne rappellent jamais que la banque est soi-disant mutualiste : le serait-elle vraiment ?

Que penser enfin du sort réservé, dans cette affaire, à la « piétaille » qui a fait la force de cette banque, et qui la fait encore, pour combien de temps ?

Une « piétaille » qui se plaint par ailleurs de voir les banques ne plus assumer assez leur véritable rôle de prêteur !