« La société piégée par la guerre des identités. Echec du multiculturalisme »- Amselle – Le Monde du 16/10/11

« La société française piégée par la guerre des identités

Echec du multiculturalisme »

Jean Louis Amselle

Le Monde du 16 septembre 2011, page 21

&

Réflexions sur cet article

            Un article très difficile à résumer, dont le contenu fait référence à des concepts  qui soulèvent  de grandes difficultés de définition, et autant de controverses.

            Quel est le sujet traité ? A-t-il été défini ? Quel est le discours Amselle sur le sujet ainsi défini ? Et enfin, quelle est la démonstration scientifique de ce discours ?

            Des mots qui claquent au vent, comme des drapeaux !

            Des grands mots qui dérangent, tout d’abord ! Un langage politique ou un langage scientifique ? Un mélange des genres donc ?

            Pourquoi, en effet, et  aussitôt, ces grands mots de « piège », de « guerre des identités », après la guerre des mémoires « coloniales » dont aucune institution n’a eu le courage, jusqu’à présent, de mesurer dans l’opinion publique française, si elle existait vraiment ?

Alors que l’historien qui a lancé, semble-t-il, cette expression dans les médias, et compte tenu des relations étroites qu’il entretient avec certains d’entre eux, aurait pu obtenir de leur part une véritable enquête statistique, sérieuse, qui nous aurait donné la possibilité de mesurer enfin cette fameuse mémoire coloniale (avec ou sans l’Algérie) qui expliquerait tellement de dysfonctionnements dans la société française.

Qui a véritablement intérêt à entretenir cette conspiration du silence ?

Des sondages d’opinion, il en pleut chaque jour, et il est bien dommage que ce type de sujet n’intéresse personne ! Serait-ce parce qu’il donne la possibilité de discourir sans démontrer ?

Il en est par ailleurs de même de l’interdit quasi religieux qui pèse sur les statistiques dites ethniques. Comment est-il possible de faire le procès de la discrimination en refusant de mesurer ce qu’il en est exactement par rapport à telle ou telle catégorie sociale, si l’on n’en a pas la mesure démographique ?

Dans leur préface au petit livre intitulé « Au cœur de l’ethnie » que Messieurs Anselme et M’bokolo ont cosigné, en se déclarant opposés à l’introduction de critères ethniques dans les recensements, ils écrivaient :

« Par un étrange retournement de situation, l’expansion coloniale qui s’est faite au nom de la « mission civilisatrice » de la France, mais qui a en fait largement reposé sur la gestion de la différence culturelle, ferait actuellement retour sur sa terre d’origine pour mettre en place un mode d’administration des « populations » fort éloignées du modèle théorique dressant le citoyen face à l’Etat. »

L’historien Pap Ndiaye a préconisé d’instaurer une visibilité qui serait en même temps invisible, et il conviendrait donc de nous expliquer comment un tel mystère est susceptible d’être résolu (voir blog du 16/5/11).

            Revenons donc au sujet de l’article :

            L’auteur ouvre son texte en écrivant :

« Le multiculturalisme, en tant qu’il est fondé sur la reconnaissance des identités singulières de race et de culture, a échoué en France et en Europe. Non pas, comme le prétendent Angela Merkel, David Cameron et Nicolas Sarkozy, parce qu’il n’est pas parvenu à  intégrer les « immigrés » Mais en raison de la fragmentation du corps social opérée partout où ce principe est appliqué ou promu par des organisations  politiques. »

Une des raisons principales de cet échec, sinon la seule, serait à rechercher chez les porte-parole des communautés intéressées :

«  De sorte qu’il n’est pas illégitime de mettre en doute l’existence, en France, des communautés « noires », « juive », « musulmane », ou « maghrébine », autrement que dans les discours de porte-parole parfois nommés ou encore autoproclamés qui s’expriment « au nom » de ces communautés en prenant en quelque sorte leurs « membres » en otages. »

Il aurait été évidemment intéressant que l’auteur propose sa définition du multiculturalisme en France, dont le contenu a peu de points communs avec celui auquel il est fait référence en permanence, l’anglais ou l’américain, dont les origines historiques n’ont rien à voir avec un soi-disant multiculturalisme français qui pourrait leur ressembler, mais en quoi ? Juridiquement, historiquement, socialement, culturellement ?

L’auteur met en cause dans cet échec, – mais y-a-t-il eu échec ? – , le rôle des porte- parole de certaines des communautés qui vivraient dans notre pays.

Pourquoi pas ? Mais jouent-ils le rôle important que leur prête l’auteur, je n’en suis pas sûr, et j’écrirais volontiers qu’il s’agit beaucoup plus d’une conviction, d’un discours que d’une démonstration, car en beaucoup de lieux, les rapports entre membres des communautés d’origine étrangère ne fonctionnent pas de la façon implicite, supposée.

Ce que l’auteur dénomme l’échec du multiculturalisme, indéfini, ressort plutôt sur certains territoires de la métropole d’un déséquilibre culturel et social entre populations d’origines différentes : comment ne pas penser, par exemple, que dans les communes où les citoyens français d’origine étrangère sont majoritaires, les ajustements ne soient pas toujours faciles ? L’immigration a été trop rapide !

L’auteur met également en cause la responsabilité des organisations  politiques qui se sont attachées à prôner la diversité plus que l’égalité, et il est exact que la gauche y a trouvé un champ politique plus ouvert, car il est plus facile de prôner la diversité que l’égalité.

Comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, le professeur Walter Benn Michaels a dit d’excellentes choses sur le sujet, dans son petit livre « La diversité contre l’égalité ».

Trois réflexions  encore à propos de ce constat :

La première converge avec le constat, à savoir le fait que les porte- parole annexent pour eux-mêmes et leurs affidés des revendications ou des interventions qui ne sont pas partagées ou même comprises des membres des communautés qu’ils disent représenter, mais il ne s’agit là que d’une opinion, d’un « discours »..

La deuxième sent évidemment le souffre, étant donné qu’il s’agirait de reconnaître une disposition naturelle des membres de certaines de ces communautés à la « palabre », à la parole, au verbe, que beaucoup de français de « souche », encore une incongruité, n’ont jamais connu sur leur terre natale. L’auteur sait mieux que quiconque que la « parole » façonnait la plupart des sociétés africaines : elles furent, en effet, et très longtemps, tout autant des sociétés de la solidarité que du verbe, même celles touchées par une première imprégnation de l’«écrit », c’est-à-dire du Coran.

Et la troisième relative à ce qui ressemble fort à une sorte de propagande, insidieuse, beaucoup plus efficace que n’a jamais été la propagande coloniale, faite de dénonciation de crimes coloniaux, de repentance, de mauvaise conscience, d’histoires reconstruites, idéologiques, nourries d’un humanitarisme qui est venu, fort opportunément,  succéder au marxisme, de l’assimilation revendiquée de l’esclavage à la « Shoa », et donc de droits imprescriptibles à réparation.

Les porte-parole en question n’ont donc fait qu’exploiter le discours de ces « récadères » (1) modernes d’une nouvelle parole officielle de certains chercheurs, dont l’ambition est de reconstruire l’histoire des pays anciennement colonisés, d’« d’ouvrir de nouvelles voies » à l’histoire des anciennes colonies françaises, en surfant sur les nouveaux courants de l’immigration.

Comment ne pas reconnaître que ce processus politique et idéologique est enclenché sur le terrain de la réparation ?  Il vise à faire reconnaitre la légitimité d’une assistance généralisée, en même temps qu’une dépendance, aujourd’hui et souvent assumée, par des pays qui ont obtenu leur indépendance, depuis plus de cinquante ans ?

M.Anselme propose son diagnostic, mais il est légitime de se demander (discours contre discours) si dans un domaine comme celui-là, la théorie n’est pas trop éloignée du terrain social. Le multiculturalisme n’a pas attendu l’empire colonial et les indépendances pour nourrir la culture française, et de nos jours, de nouvelles formes de multiculturalisme  rythment la vie de tous les jours de nombreuses communes, à la condition qu’il ne soit pas complètement déséquilibré, mis en cause par une immigration par trop « invasive ». Les Français, d’origine africaine, et de bonne  foi, sont les premiers à reconnaître qu’un très fort esprit de solidarité de famille ou de clan caractérise encore les flux d’immigration africaine.

Il conviendrait donc, avant toute chose, de poser la bonne définition, scientifique autant que possible,  du sujet dont on débat. Le multiculturalisme a toujours existé en France, et il n’est pas mort, mais encore faut-il qu’on ne cherche pas à intoxiquer les Français par une nouvelle propagande « coloniale » !

Est-ce que la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la laïcité n’a pas posé la base d’un multiculturalisme religieux solide dans un pays qui avait connu dans son histoire de multiples conflits religieux ?

Un multiculturalisme institutionnel, à la fois religieux et culturel ?

Est-ce qu’on a fait mieux, depuis, pour la paix civile et le bien commun de la France ?

Enfin, le propos de l’anthropologue s’articule sur un constat implicite, celui des dangers de la reproduction coloniale, en France, de la discrimination qui existait dans les colonies, sauf à faire observer que, compte tenu des moyens que la France consacrait à son outre-mer, et du chantier gigantesque que représentait la mise en œuvre de l’universalisme prôné par l’auteur, et tout autant par ses lointains prédécesseurs coloniaux de la société des Lumières,  il n’était guère d’autre solution que de ne pas toucher aux croyances locales, aux coutumes, et au statut des personnes. 

Par ailleurs, n’était-ce pas pure folie, ou rêve, que de vouloir mettre dans le même moule républicain et assimilationniste toutes sortes de peuples et de cultures d’Afrique ou d’Asie ?

Comment ne pas rappeler que la Côte d’Ivoire, bien connue de l’anthropologue, créée ex nihilo par la France, à la fin du 19ème siècle, comptait de l’ordre de cinquante peuples ou ethnies, et autant de langues et coutumes ?

Historiquement, la France coloniale n’avait guère d’autre choix que de faire de « la gestion de la différence culturelle ».

Si je partage tout à fait la conclusion de l’auteur, mon cheminement intellectuel et historique n’est donc pas tout à fait le même !

En bref, discours ou démonstration ?

Jean Pierre Renaud

(1)    Dans le royaume d’Abomey, le récadère était le porte- parole du roi, et le bâton qu’il portait était le signe qu’il avait bien été investi par ce chef..

Le film « L’exercice de l’Etat », Une suite cinématographique à la française du Sofitel de New York?,…Le Monde du 26/10/11

Le film « L’exercice de l’Etat »

Une suite cinématographique à la française du Sofitel de New York ?

Une concurrence inédite avec certaines pages spéciales de Libé ?

Ou encore une métaphore photo de très mauvais goût ?

Le Monde du 26 octobre 2011, la page 22, Culture

Le titre de la critique :

« La politique, cet obscur objet du désir »,

avec une très belle photo d’un quart de page intitulé « Coup de maître de Pierre Schoeller que d’établir dès la première scène de « L’exercice de l’Etat » la dimension fantasmatique et érotique du pouvoir. »

Avec « action », comme au cinéma :

Sur la photo, une femme nue, à genoux, à quatre pattes, en train de faire entrer sa tête dans la gueule immense d’un crocodile, sur fond de boiseries dorées et de cheminée en marbre blanc, cela va de soi !

            Une critique « enchantée » et enchanteresse, pour user de mots qui vont peut-être connaître bientôt  une belle fortune politique et médiatique !

            Et trois étoiles pour inciter d’aller le voir !

. Il est vrai qu’il se trouve en concurrence immédiate avec un autre film, américain, qui aura sans aucun doute ses trois capsules de Nespresso, au lieu de la petite étoile accordée par la critique du Monde.

            En ce qui me concerne, et uniquement après avoir lu attentivement cette magnifique critique et admiré la photo, je dirais volontiers qu’on peut se dispenser d’aller voir ce film.

            C’est bien dommage, car dans le même journal, le lecteur avait à sa disposition dix pages très intéressantes sur l’actualité européenne, et deux pages sur le trou de la Sécurité Sociale, avec de très beaux fromages.

         Et ma concubine préférée, d’écrire :

         « L’image fantasmatique et érotique du pouvoir » ?  On voit une femme à poil, à 4 pattes, le symbole du mépris de la femme et de la femme objet ; le pouvoir érotique d’une femme à genoux.

            On parle de l’Islam et de la condition de la femme, et pourquoi donc ne pas parler de l’Occident et de la condition de la femme vue par les cinéastes et autres publicitaires ?

            Et pourquoi pas un homme à genoux, à quatre pattes, et à poil ?

            Jean Pierre Renaud

Choc des cultures, des civilsations, des religions? 1868: l’incident de Sakai entre la France et le Japon

Choc des cultures, des civilisations, des religions ?

Avec la multitude de questions que pose aujourd’hui le multiculturalisme dans le cadre national français ! 

Un exemple historique, pour la réflexion.

1868 : l’incident de Sakai entre la France et le Japon

            Le professeur Samuel P. Huttington s’est taillé un beau succès de librairie et de réflexion en publiant, en 1996, le livre « Le choc des civilisations », un livre qui a nourri beaucoup de polémiques.

            Ce livre avait le mérite de mettre le doigt sur un des problèmes majeurs, sinon le problème majeur qui a bien souvent caractérisé les relations entre civilisations, cultures, et donc pays différents, et à certaines époques, étrangement différents.

C’est dans ce contexte qu’il a paru intéressant de revenir sur un épisode historique tout à fait caractéristique du fossé, pour ne pas dire du gouffre, qui séparait la civilisation traditionnelle du Japon et celle qui se considérait alors, comme évoluée, moderne selon les canons de l’époque.

C’était en 1868 ! Autre temps, autre monde, en êtes-vous sûr ?

A l’occasion de son voyage en Extrême Orient, et au Japon, dans les années 1920, le célèbre journaliste reporter Albert Londres traça un portrait du Japon qui conservait encore beaucoup des traits du récit de l’écrivain Ogai Mori.

Et pourquoi ne pas souligner à ce sujet que la rencontre entre les premiers blancs et beaucoup de communautés africaines situées loin des côtes provoqua très souvent un choc comparable, le blanc exhibant une couleur d’extraterrestre ?

Et  à titre d’autres exemples, récents :

Les Echos du 30/05/11, page 13 : une interview du président et cofondateur d’Infosys, M. Narayana Murthy :

« L’inde est tantôt présentée comme une grande puissance du nouveau millénaire, tantôt comme un pays toujours sous-développé. L’impression est donc plutôt confuse. Comment voyez-vous la position réelle de l’Inde ?

« Pour moi, ce n’est pas confus. Je vois l’Inde avec une croissance forte. Mais je peux vivre en harmonie avec une Inde pleine de pauvreté, d’illettrisme, de problèmes de santé, de malnutrition. Nous vivons en harmonie avec cela parce que la culture hindoue dit fondamentalement que ce que nous sommes dans cette vie est le résultat de ce que nous avons fait dans une vie précédente. Donc, si je fais des choses bien dans cette vie, mon sort sera meilleur dans la prochaine. Le résultat est que les pauvres ne haïssent pas les riches et les riches ne haïssent pas les pauvres. L’Inde est l’un de ces très rares pays où, quand vous allez dans les endroits les plus déshérités, les gens vous sourient, vous n’avez rien à craindre. C’est parce que nous acceptons le principe de réincarnation »

Dans notre monde à nous :

Le Monde du 12/08/11, page 3 : un entretien avec Mme Rahmeth Radjack, psychiatre transculturelle. Elle-même fille de migrants, elle aide les adolescents en tenant compte de leur histoire familiale.

Au cours d’un voyage à Karikal, ancien comptoir français des Indes, et pays de ses parents, c’est le choc :

« Chez moi en France, c’était un petit peu l’Inde, à travers la cuisine que nous mangions, ou certains habits. Mais là-bas, c’était complètement différent ! Mes cousines n’avaient pas du tout le même état d’esprit ; les mêmes objectifs de vie, les mêmes préoccupations… Je me suis soudain rendu compte du décalage qu’avaient vécu mes parents, en sens inverse, lorsqu’ils sont venus en France. »

Le Monde du 16 septembre, dans Débats Décryptages, page 21, avec un article de M.Jean-Louis Amselle, anthropologue, intitulé

« La société française piégée par la guerre des identités

Echec du multiculturalisme »

Le contenu de cet article éclaire le sujet d’une lumière que je considérerais volontiers comme plutôt  nouvelle dans le milieu de ces chercheurs spécialisés, dits « postcoloniaux ».

Dans les semaines qui viennent, nous reviendrons sur cette tribune qui soulève beaucoup de questions, notamment relatives à la mesure et à l’évaluation des phénomènes décrits, et des concepts proposés.

Signalons enfin que, sur ce même blog,  le 16 mai 2010, nous avons proposé une lecture résumée du livre « Diversité contre égalité », du professeur Walter Benn Michaels », un texte qui pose bien le problème de l’arbitrage, politiquement calculé ou non, entre égalité et diversité, ou culture.

Et, le 3 octobre 2010, nous avons fait écho aux travaux du sociologue, quant au poids qu’avait la culture dans la scolarisation des enfants d’origine immigrée, à Mantes la Jolie, et aux Mureaux.

Le contexte historique de l’affaire « Sakai »

En plein dix-neuvième siècle, le Japon était refermé sur lui-même comme un huitre, et vivait dans le secret et la tradition puissante d’une culture originale et exigeante, au sein de laquelle l’honneur tenait une place « capitale », et c’est tout à fait le cas de le dire, comme nous allons le voir.

Dans son introduction intitulée « La guerre dans l’histoire de l’humanité », John Keegan décrit rapidement l’histoire de ce Japon féodal des samouraïs, aussi brillants lettrés que guerriers, avec une  lutte permanente entre les grands féodaux qui se disputaient le premier rôle, lutte qui s’acheva au début du XVIIème siècle grâce à l’emploi de la poudre qui mit fin aux combats rituels.

Etrangement, le shogoun, féodal reconnu comme le plus puissant, interdit alors les armes à feu, situation qui demeura inchangée jusqu’au milieu du XIXème siècle.

« Puis en 1854, l’arrivée dans la baie de Tokyo des « bateaux noirs » du commodore Perry réintroduisit la poudre au Japon. » (page 69)

Keegan en tire la conclusion que l’abandon de la poudre et le retour à la tradition, le sabre, apporte la démonstration que Clausewitz se trompait :

« Elle démontre aussi que la guerre peut-être, parmi bien d’autres choses, la perpétuation d’une culture par ses propres moyens. »

Le livre « Carnage et Culture » de Victor Davis Hanson illustre parfaitement cette conclusion, mais là n’est pas notre propos.

Ce ne fut donc qu’en 1854, que le Japon accepta d’ouvrir quelques-uns de ses ports au commerce international, sous la pression et après l’intervention armée de la marine américaine.

Il convient de rappeler qu’à la même époque les marines occidentales étaient très actives en mer de Chine, notamment celle de Grande Bretagne, et que dans les années 1856-1860, eut lieu en Chine, la deuxième guerre de l’opium.

Le traité du 29 juillet 1858 confirma cette ouverture au commerce international et ouvrit la voie à la nouvelle ère du Japon, communément appelée de la « Meiji », l’empereur Mutsuhito succédant au dernier shogoun de la lignée des Tokugava.

1868 : l’incident de Sakai entre la France et le Japon

Afin d’illustrer ce que fut alors le choc des cultures et des civilisations entre la France et le Japon, nous avons choisi de raconter brièvement ce que fut l’incident de Sakai à partir de la source précieuse qu’est le texte littéraire qu’a rédigé le talentueux Ôgai Mori intitulé « L’incident de Sakai ».

La lecture de ce texte provoque un choc, en raison notamment de la description minutieuse et cruelle de la cérémonie de la réparation diplomatique avec le seppuku successif des vingt guerriers japonais offerts en sacrifice pour cette réparation.

Nous n’avons donc retenu que le premier de ces seppuku, laissant au lecteur curieux le soin de se reporter, pour l’ensemble de la nouvelle, au texte remarquable d’Ôgai Mori.

Les circonstances de l’incident

« Au premier mois de l’an un de Meiji, année du Dragon de la Terre aînée (1868), les troupes de Yoshinobu Togugawa ayant été vaincues à Fushimi puis Toba, et n’ayant pu défendre même le château d’Ôsaka, refluèrent en direction d’Edo par la voie maritime : sur ce, les fonctionnaires d’Osaka, de Hyögo et de Sakai, abandonnant leur poste, se réfugièrent dans la clandestinité, et pendant quelque temps ces villes tombèrent dans un état anarchique. Par ordre de l’Empereur leur contrôle fut alors remis à la charge de trois seigneurs : à celui de Satsuma échut Ösaka, à celui de Nagato, ce fut Hyögo, et celui de Tosa eut Sakai…L’ordre fut bientôt rétabli dans la ville, et les portes des théâtres qui avaient été temporairement fermées furent rouvertes.

Le quinzième jour de ce deuxième mois, les notables de la ville se présentèrent à la Préfecture militaire : ils avaient entendu dire que des soldats français partis d’Ösaka devaient venir à Sakai. Seize bâtiments de guerre étrangers du mouillage de Yokohama étaient venus jeter l’ancre au large du mont Tempô en Setsu, et parmi eux se trouvaient, en compagnie d’anglais et d’américains, des vaisseaux français. Sugi convoqua les chefs des Sixième et Huitième Corps et leur ordonna de se mettre en position au pont de Yamato. Si les soldats français étaient appelés à passer avec une autorisation officielle, il y aurait dû y avoir une notification préalable du secrétaire au Bureau des étrangers, Muneki Date Yyo-no-kami ; or il n’y avait rien de semblable. En admettant même que cette notification eut été retardée, il fallait qu’ils fussent munis d’un laissez-passer pour voyager à l’intérieur des terres. Si les Français n’en avaient pas, il ne pouvait être question de leur permettre le passage. Se faisant suivre de soldats des deux Corps, Surgi et et Ikoma s’assurèrent du contrôle du pont de Yamato où ils attendirent. Les soldats français se présentèrent. On fit demander à l’interprète qui les accompagnait s’ils avaient un laissez-passer ; ils n’avaient rien de tel. Comme les Français étaient peu nombreux, un détachement de Tosa leur barra le chemin, et ils s’en retournèrent en direction d’Ösaka. 

Au soir du même jour, des citadins accoururent au campement des Corps d’infanterie revenus du pont de Yamato et rapportèrent que des marins français avaient débarqué au port. Un bâtiment de guerre français était venu à une lieue environ au large du port et avait envoyé des marins à terre dans une vingtaine de canots. Alors que les deux chefs des Corps d’infanterie faisaient procéder aux préparatifs d’intervention, l’ordre de départ leur arriva de la Préfecture. Il fut aussitôt suivi, et on constata que les marins ne se livraient à aucune violence particulière. Cependant, ils entraient effrontément dans les sanctuaires et les temples ; ils pénétraient à leur fantaisie dans les maisons des citadins ; ils arrêtaient des femmes pour les importuner. Les habitants de Sakai, qui n’était pas un port ouvert, n’était pas habitués aux étrangers et nombreux étaient ceux qui ne sachant plus où se réfugier dans leur stupéfaction et leur crainte, se retranchaient dans leur demeure après avoir verrouillé la porte. Les deux chefs de corps voulurent persuader les marins de retourner à leurs bâtiments, mais il n’y avait pas d’interprète. On eut beau leur faire signe de rentrer par gestes, aucun ne voulut obéir. Lors, les chefs de corps donnèrent l’ordre d’entraîner les marins de force jusqu’au casernement. Les soldats voulurent se saisir des marins à leur portée et les ligoter. Ces derniers s’enfuirent en direction du port. L’un d’eux s’empara d’un fanion du corps posé contre la porte d’une maison et disparut à toutes jambes.

Les deux chefs de corps les poursuivirent à la tête de leurs troupes, mais sans parvenir à rattraper les Français aux longues jambes et rompus à la course. Déjà les marins allaient embarquer sur leurs canots. Or en ce temps il y avait parmi les fantassins de Tosa des sapeurs : chaque patrouille de garde en ville en emmenait régulièrement quatre ou cinq. Il leur appartenait également de porter le fanion de leur corps, et l’un de leurs chefs, qui avait pour nom Umekichi Porte Drapeau, était présent. Il était si expert à la course que lorsqu’il partait en service à Edo lors d’un incendie, il n’arrivait jamais à plus de six pieds derrière un cavalier au pas rapide. Cet Umekichi dépassa les fantassins et parvint à la hauteur du marin qui avait ravi le fanion du Corps. Le croc qu’il portait déchira l’air et s’abattit dans le crâne du marin. Celui-ci poussa un hurlement et s’écroula à la renverse. Umekichi lui reprit le fanion.

Ce que voyant, les marins qui attendaient dans les canots se mirent soudain à tirer tous ensemble avec leurs pistolets.

Les deux chefs de corps prirent instantanément la décision d’ordonner le tir. Les fantassins impatientés alignèrent leurs soixante-dix et quelques fusils et les déchargèrent en direction des barques où s’étaient entassés les marins. Six de ces derniers s’écroulèrent ici ou là. D’autres blessés tombèrent à l’eau. Ceux qui étaient demeurés indemnes se jetèrent en hâte à la mer et, frappant les vagues du talon, une main sur les planches de bordage, manœuvrèrent leurs barques, tantôt plongeant pour éviter les balles et tantôt émergeant pour recracher l’eau salée. Les canots s’éloignèrent petit à petit. Il y eut en tout treize morts, dont un sous-officier, parmi les marins français… »

Comptes rendus, enquêtes d’une hiérarchie très bureaucratique, et le compromis :

« Au dix-huitième jour, par l’intermédiaire de Tarôbei Nagao, on ordonna que fussent suspendus de leurs fonctions les deux chefs de corps, et les soldats sous leur commandement se virent interdire le franchissement des portes de la Représentation… 

… Ensuite arriva, en qualité de mandataire du Seigneur Retiré de Tosa, le Gouverneur Toyoshige Yamamouchi, l’Intendant général Kanae Fukao accompagné de l’Inspecteur général Gorômon Kominami. C’est que le ministre de France Léon Roches, à bord du vaisseau militaire Vénus ancré à Ôsaka, avait entamé des pourparlers de dédommagement avec le secrétaire du Bureau des étrangers. Les exigences du ministre français furent aussitôt acceptées par le conseil de la Cour impériale. En premier lieu, le seigneur de Tosa devait se rendre en personne sur la Vénus afin de présenter des excuses. Deuxièmement, il convenait que les deux officiers ayant commandé les troupes de Tosa à Sakai et vingt soldats de la compagnie qui avait tué des Français fussent exécutés sur les lieux du massacre, et cela dans les trois jours suivant l’arrivée à Kyôto des documents du compromis. Enfin, comme compensation financière destinée aux familles des Français tués, le seigneur de Tosa devait payer la somme de cent cinquante mille dollars…

Le vingt-deuxième jour,

Fukao déclara :

« Notre Seigneur Retiré en personne devait vous parler, mais il est présentement indisposé, et c’est moi qui vais le faire en ses lieu et place. A la suite de cet incident de Sakai, les Français font de dures représentations à la Cour impériale, et en conséquence il a plu à sa Majesté d’ordonner que l’on présente vingt des prévenus en tant que criminels de droit commun. C’est une très grande douleur pour notre Seigneur Retiré qui veut bien cependant vous recommander d’offrir vos vies avec une calme dignité. »

Sur ces derniers mots, Fukao se releva et disparut dans la maison.

Ensuite Kominami transmit les ordres de Toyonori, sire de Tosa :

« Quant aux vingt hommes que nous devons remettre à l’exécuteur, nous ne savons qui désigner ni qui exempter. Allez tous au sanctuaire d’Inari pour y prier les dieux, et décider qui vivra et qui mourra en tirant des billets au sort. Ceux qui trouveront un billet blanc seront exemptés, et ceux qui auront un billet indiquant qu’ils devront se soumettre à la décision de notre maître seront condamnés à mort. Allez maintenant devant les dieux ! »…

Les seize hommes du groupe des condamnés, ainsi que les deux chefs de corps Minoura et Nishimura, et les deux chefs de compagnie Ikenoue et Ôishi, furent placés en détention à la résidence principale de la Représentation…

A la nuit, les défavorisés du tirage au sort rédigèrent leur testament destiné à leurs parents, frères et sœurs ou anciennes connaissances ; ils y enroulèrent leur chignon de soldat qu’ils avaient coupé et remirent le tout aux policiers militaires.

Les officiers des cinq compagnies qui gardaient la résidence vinrent alors adresser leurs adieux aux condamnés en faisant apporter du saké et des mets d’accompagnement. Les chefs de compagnie du corps et les seize soldats jouirent de cette faveur en groupes séparés. Les hommes de troupe, ivres s’endormirent.

Cependant Hachinosuke Doi du Huitième Corps s’était abstenu de trop boire, et lorsqu’il vit ses compagnons commencer à ronfler, il rugit au plus fort de sa voix :

« Holà, vous autres ! Nous avons demain une journée des plus importantes. De quelle façon avez-vous l’intention de mourir ? Voulez-vous vous laisser simplement décapiter ? »… (il convainquit Sugimoto du Sixième Corps)

Les deux hommes éveillèrent leurs compagnons en les appelant, et en secouant aux épaules ceux qui ne voulaient pas se lever. Tout le monde, une fois les yeux ouverts, écouta l’avis des deux soldats, et il ne se trouva personne pour refuser son assentiment. Qu’importait de mourir ? Ils s’y étaient résignés du jour où ils avaient quitté leur province pour entrer dans l’armée. Mais il ne pouvait être question de périr dans la honte. C’est ainsi que l’assemblée toute entière décida d’obtenir à tout prix l’autorisation de se livrer au suicide honorable du seppuku. »

Et des négociations difficiles furent alors engagées avec leur hiérarchie qui aboutirent à une décision favorable de l’Empereur :

« A la suite de l’incident qui a lieu à Sakai, Sa Majesté l’Empereur désire changer d’attitude dans ses relations avec les pays étrangers, et en conséquence elle a pris, selon le droit public, la mesure suivante : ordre- vous est donné de vous tuer demain de votre sabre à Sakai. Que chacun d’entre vous, conscient d’agir pour notre Empire, reçoive cette sentence en toute gratitude. D’autre part, divers hauts fonctionnaires et représentants officiels des pays étrangers seront présents sur les lieux ; veillez donc à faire montre de l’esprit de courage et de probité qui est celui des guerriers de notre Empire. »…

« S’il en est ainsi, nous désirons qu’ils consentent, chose bien naturelle, à ce que nous soyons dorénavant traités sur le même rang que les guerriers : c’est en quelque sorte notre dernière volonté. » ( le seppuku était un privilège réservé aux guerriers (samurai) »…

« A la suite d’une délibération exceptionnelle, ordre est donné de vous traiter tous selon le statut de guerriers. En conséquence, on vous attribue à chacun un assortiment de soie. »

Et Ôgai Mori de décrire en détail le processus de la cérémonie du seppuku :

« Il faisait beau le vingt-troisième jour… Lorsque les vingt hommes passèrent sous le portail de la résidence en faisant sonner les hautes planchettes de leurs socques, on fit mettre à leur disposition vingt palanquins préparés par les maisons Hosokawa et Asano…. Arrivaient alors les vingt palanquins, chacun d’eux, accompagné de six soldats armés de fusils avec la baïonnette engagée…

Un moment après le départ de Nagabori, Kametarô Yamakawa alla saluer un par un les passagers des palanquins, puis il revint à la hauteur de celui de Minoura et dit :

« Vous êtes certainement mal à l’aise dans ces étroits palanquins. De plus, le chemin est long, et avec les stores maintenus baissés, vous devez vous sentir oppressés. Voulez-vous que l’on relève les stores ? »

« Je suis confus de votre bienveillance, mais si cela ne présente pas d’inconvénient, je vous en prie. »

Et les stores de tous les palanquins furent ainsi relevés.

Quelque temps plus tard, Yamakawa repassa près de chaque palanquin pour proposer :

« J’ai fait préparer du thé et des gâteaux que je voudrais offrir à ceux qui en désirent. »

Le traitement accordé aux vingt hommes par les deux clans était d’une grande prévenance en toutes choses….

Le temple bouddhique Myôkokuji avait été désigné pour abriter la cérémonie du seppuku. Sur le portail était déployé l’étendard impérial du chrysanthème…

Les vingt hommes, se parlant joyeusement comme s’ils vivaient une journée normale, attendaient l’heure.

Certains officiers des deux maisons avaient préparé pour ce moment des pinceaux, du papier et de l’encre qu’ils apportèrent devant Minoura assis en tête des vingt hommes, en le priant de rédiger quelques mots en souvenir……

« Rejetons la funeste influence étrangère et payons la dette due à la patrie pour ses bienfaits.

Cette décision résolument prise, peut-on se soucier de ce que disent les hommes ?

Qu’il suffise de respecter cet idéal, afin que l’on en parle encore dans mille années, et la mort d’un homme ne saurait entrer en compte. »

L’expulsion des Barbares étrangers était encore au cœur des préoccupations de cet homme. »

Et comme l’heure de la cérémonie était encore lointaine, on proposa aux vingt hommes de visiter le temple.

« Tous remirent aux moines la totalité de l’argent qu’ils possédaient, et parmi eux certains ajoutèrent une précision à leur offre : ce n’est pas que je veuille quémander le salut de mon âmes dans l’autre monde…

Les moines recueillirent l’argent et descendirent du pavillon de la grande cloche. Les condamnés, quittant également le pavillon, furent ensuite mine d’entrer dans l’enceinte cernée de tentures, en se proposant de jeter un regard sur le lieu qui allait abriter leur suicide… Quittant les lieux ainsi aménagés pour leur mort, les condamnés se rendirent tous ensemble au Hôguin, leur cimetière, pour y voir leurs tombes qui étaient déjà creusées sur deux rangées. Devant ces tombes on avait déjà disposé de grandes jarres d’une hauteur de plus de six pieds, et chacune d’elles portait un nom collé sur sa surface. Lisant les inscriptions au passage, Yokota dit à Doi :

« Toi et moi, nous avons mangé et dormi côte à côte pendant notre vie, et voici que nos jarres funéraires sont l’une à côte de l’autre. Il semble que même après notre mort nous pourrons converser en voisin … 

La cérémonie du seppuku fut enfin fixée pour l’heure du Cheval (11-13 h). Dans l’enclos entouré de tentures s’installèrent d’abord les assistants des condamnés… tous avaient relevé leurs manches de leur tunique en les attachant en croix avec la dragonne de leur sabre, et ils attendaient en arrière de l’endroit où allait se dérouler le seppuku.

A l’extérieur de l’enclos ceint de tentures étaient disposés vingt autres palanquins qui serviraient à transporter les cadavres au Hôjuin ; ceux-ci devaient être transférés dans les jarres funéraires avant l’ensevelissement….

A ce moment, le ciel se couvrit brusquement et une forte averse se mit à tomber… La cérémonie fut provisoirement … et les préparatifs auxquels on se livra de nouveau furent achevés à l’heure du Singe (15 h – 17 h)

Le préposé aux appels cria le nom de Minoura Inokochi. A l’intérieur comme à l’extérieur du temple un profond silence se fit soudain. Minoura, portant ce jour une veste d’habit en drap noir et un large pantalon de cérémonie resserré aux chevilles, prit place à l’endroit de sa mort. Son assistant Baba alla se tenir debout à trois pieds derrière lui. Après avoir adressé un salut au Surintendant et aux autres observateurs, Minoura attira près de lui le petit plateau de bois blanc à quatre pieds qu’un préposé lui avançait et de sa main droite prit le sabre court qui y était posé. Alors s’éleva une voix de tonnerre qui retentit dans tout l’enclos :

« Vous autres les Français, écoutez ! Ce n’est pas pour des gens comme vous que je vais mourir, mais pour notre Empire. Regardez bien comment périt de son propre sabre un homme du Japon ! »

Minoura écarta ses vêtements, agrippa son sabre en dirigeant la pointe vers lui et l’enfonça dans le côté gauche de son ventre, qu’il trancha sur trois pouces vers le bas, puis, tournant la lame vers la droite, la força de trois pouces encore vers le haut. L’entaille ayant été profonde, la blessure s’ouvrit largement. Minoura rejeta son sabre, introduisit sa main dans la plaie béante et, tout en retirant ses entrailles à la poignée, fixa sur les Français un regard dur.

Baba dégaina son grand sabre et l’abattit sur la nuque de Minoura, mais le coup était trop faible.

« Baba que t’arrives-t-il ? Fais ton œuvre plus posément ! » cria Minoura.

Le deuxième coup de Baba sectionna les vertèbres cervicales avec un bruit sec. Minoura s’écria encore d’une voix retentissante :

« Cela ne suffit point encore, tranche mieux ! »

Ce dernier cri, plus fort que les précédents, résonna sur trois cents mètres à la ronde.

Le ministre français qui avait suivi les gestes de Minoura depuis le début, avait senti une stupéfaction épouvantée prendre peu à peu possession de lui. Et, au moment où il tenait plus que difficilement en place, cet énorme cri inattendu frappant ses oreilles le fit se lever de son siège sans plus savoir comment se comporter.

Baba décolla enfin la tête de Minoura à la troisième volée. »

« Nushimura, dont le nom fut appelé ensuite, était un homme d’une grande douceur…Le suivant fut Ikegami, assisté par Kitagawa…

Après lui, Sugimoto, Shôgase, Yamamoto, Morimoto, Kitadait, Inada et Yanase s’ouvrirent le ventre… Le douzième était Hashizume qui prit place au moment où le crépuscule commençait à tomber ; on allumait les lampes dans le pavillon central.

Le ministre français, se levant et se rasseyant sans cesse, s’était jusqu’alors comporté d’une façon trahissant un malaise insupportable. Son malaise atteignit peu à peu les soldats français qui, fusil au pied, assistaient au spectacle. Leur attitude se relâcha entièrement, et ils en vinrent à échanger des murmures soulignés par des gestes de la main. Au moment où Hashizume prenait place, le ministre français lança quelques mots, et aussitôt les soldats, entourant leur maître, quittèrent l’enclos sans même présenter leur salut ni au Prince ni aux fonctionnaires présents. Puis, dès qu’ils eurent traversé la cour du temple et franchi le portail, soldats et ministre prirent le pas de course et se hâtèrent vers le port.

Sur la natte où il devait mourir, Hashizume écartait ses vêtements de son ventre et se préparait à plonger le sabre lorsqu’un fonctionnaire accourut à lui en s’écriant : « Un moment ! » Surpris, Hashizume arrêta le mouvement de sa main ; le fonctionnaire lui relata le départ du ministre français et lui notifia qu’il convenait en l’occurrence de différer son suicide jusqu’à nouvel avis. Hashizume s’en retourna auprès des huit survivants et les informa de ce qui s’était passé.

Les neuf hommes étaient dominés par le sentiment qu’ils préféraient mourir sans plus attendre, puisque c’était leur lot… »

Les intendants des sept seigneuries concernées avaient pris contact avec les Français.

« Nous sommes allés sur le vaisseau français et avons demandé pourquoi ces gens ont quitté les lieux ce soir. C’est alors que le ministre français nous a répondu ce qui suit : « Nous admirons certes le mépris de leur vie et l’esprit de sacrifice au bien public dont les soldats de Tosa ont fait preuve, mais nous ne pouvons vraiment plus supporter ce spectacle à ce point éprouvant, et nous nous en remettons au gouvernement quant à la merci qui peut être accordée aux survivants. »…

Au deuxième jour du troisième mois, la nouvelle parvint que la peine de mort était remise et que les neuf hommes seraient rendus à leur province natale…

La seigneurie de Tosa édifia au temple Hôjuin onze pierres tombales pour ceux qui étaient morts au temple Myôkokuji.

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Mori Ôgai (1862-1922), l’auteur, de son vrai nom Rintarô Mori, écrivain célèbre de l’ère Meiji, et médecin. Il voyagea en Europe, en Allemagne, et traduisit des grands auteurs européens tels que Daudet ou Calderon. Lire « L’oie sauvage », un échantillon de ses œuvres littéraires.

1914, Originally published in Japan – Extraits de la traduction de Jean Cholley

&

PS : et pour les amateurs de mangas, l’incident de Sakai a fait l’objet d’une manga aux Editions Delcourt, une manga qu’on lit à la japonaise.

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Rappelons enfin qu’à l’époque moderne, le grand auteur Mishima s’est fait seppuku, et que Viviane Moore, connue pour ses livres d’aventures dans les anciens mondes normands ou celtes, a publié un roman intitulé « Tokyo intramuros » dont une des héroïnes japonaises, mystérieuses et habitée du même sens de l’honneur qui fut une des grandes traditions du Japon, se fait également seppuku à la fin du roman.

Et très récemment, la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima a fait apparaître à nouveau des qualités d’unité et de dignité de la nation japonaise dont peu d’autres nations sont capables de faire preuve.

Alors, cher lecteur, la culture ne pose-t-elle pas beaucoup de questions lorsqu’elle est confrontée à d’autres cultures ?

Les caractères gras sont de notre responsabilité

Jean Pierre Renaud

WikiLeaks et le journal Le Monde: une relation ambiguë! Ou qui a le droit de violer les sources et les contenus d’information publique ou privée?

WikiLeaks et le journal le Monde : une relation ambiguë !

Ou qui a le droit de violer les sources et les contenus d’information publique ou privée ?

            Nous avons abordé ce sujet à deux reprises déjà sur ce blog, le 5 décembre 2010, et le 13 septembre dernier.

            Le 5 décembre, nous nous interrogions sur la validité des justifications que ce journal donnait pour publier des messages diplomatiques, confidentiels ou secrets, diffusés  dans le circuit internet par WikiLeaks.

Le 13 septembre dernier, et à la suite d’un article du même journal, des 4 et 5 septembre, intitulé « WikiLeaks : les informateurs mis en danger par de nouvelles publications »

Tiens donc !

Nous posions la question : qui a le droit de violer les sources et les contenus d’information publique ou privée ?

Le 14 septembre (page 12), le même journal évoquait à nouveau l’affaire Bettencourt dans un long article, et dans le paragraphe ci-après, il  écrivait :

« Dans des rôles différents, les deux femmes se sont trouvées au cœur de l’enquête préliminaire menée par le procureur de Nanterre Philippe Courroye – un proche du chef de l’Etat -, dès la révélation, en juin 2010, part le site Média-part, des enregistrements clandestins opérés au domicile des Bettencourt. Le Monde a pu avoir accès à cette procédure dont on comprend que le procureur ait tenu à la garder secrète – l’enquête préliminaire, placée sous le seul contrôle du parquet, soumis hiérarchiquement à l’exécutif, n’est accessible à aucun avocat. »

Nous avons souligné en gras la phrase intéressante : qui donc a pu, et qui s’est arrogé le droit de violer, dans le cas d’espèce, le secret des sources et des contenus ?  (par la voie (ou voix du Saint Esprit?)

Dans le numéro du 2 septembre dernier, le Monde faisait son titre de première page

« Comment les services secrets ont espionné « Le Monde »

Une enquête judiciaire montre que le contre-espionnage s’est procuré des informations confidentielles d’un journaliste pour identifier ses sources dans l’affaire Bettencourt »

A bien comprendre les positions de notre grand journal national de référence, un journaliste aurait le droit, à des fins d’information, de violer sources et contenus, en fonction des convenances de vulnérabilité (WikiLeaks), aurait le droit d’accéder à une enquête préliminaire (Bettencourt), théoriquement secrète, alors que la puissance publique se verrait interdire le droit de protéger ses actions ?

            Ne pensez-vous pas que nous sommes décidément dans un débat d’un droit et d’une déontologie à géométrie très variable, c’est-à-dire de pure opportunité ?

            Sauf pour la justice à se prononcer sur la question de fond posée par l’application de la loi du 5 janvier 2010, dans son article 1 :

            « Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public »

            Mais dans certaines limites fixées par le même article :

            « Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie »

            Alors, et dans les cas visés, impératif prépondérant d’intérêt public ou non ?

            Ou encore, extension d’un droit qui parait reconnu par tous les partenaires de la justice, y compris par certains magistrats, celui de violer le « supposé »  secret de l’instruction ?

Jean Pierre Renaud

Humour du Monde: « Gérard Pardini, l’essence d’un directeur »

Humour d’un journaliste du Monde dans le numéro du 10 septembre (page 10)

Ou

« Gérard Pardini, l’essence d’un directeur »

Ou encore une essence préfectorale précieuse !

            Un titre d’article plein d’humour noir, puisqu’il y a eu feu et cendres dans une paillote célèbre de la Corse, à l’instigation d’un Préfet devenu célèbre de la même île !

            « Gérard Pardini, l’essence d’un directeur »

            Et l’article de raconter que cet ancien directeur de cabinet du préfet vient d’être nommé  directeur adjoint de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHES).

            Le haut fonctionnaire avait fidèlement exécuté les ordres de son préfet d’aller mettre le feu à l’une des paillotes illégales d’une des belles côtes de l’île :

            « Le pauvre Pardini, après avoir longuement hésité, a fini par aller arroser d’essence, le 7 mars 1999, l’Aria Marina, un établissement de paille à Ajaccio, avec le colonel Henri Mazières, le patron de la gendarmerie de l’île, le Préfet Bonnet lui ayant obligeamment prêté son briquet. »

            Il y a déjà longtemps, un magistrat docile, requis par voie d’hélicoptère dans le massif de l’Himalaya, investi d’une mission déontologique dans le football, il y a moins longtemps, un député condamné pour corruption promoteur d’une loi sur la déontologie de la presse, et très récemment, un animateur de télévision soumis à une procédure judiciaire pour usage de stupéfiants, réintégré par France Télévision pour animer une « émission familiale »dans quelles République et France sommes-nous aujourd’hui ?

            Et enfin cette nomination du pyromane devenu pompier qui ressemblerait à une mauvaise plaisanterie d’un corps préfectoral, qui, il est vrai, n’en est pas toujours dépourvu !

Jean Pierre Renaud

Haro sur le cannabis? Ou vive le cannabis? Information ou désinformation du Monde Magazine du 3 septembre 2011?

     Le Monde Magazine du 3 septembre 2011 a ouvert un dossier sur la légalisation ou non du cannabis, en sept pages.

Je ne suis pas sûr que ce dossier, tel qu’il est présenté, permette à un citoyen de se faire une opinion sur la question de savoir s’il convient ou non de dépénaliser le cannabis, car, incontestablement, le dossier est construit comme un argumentaire en faveur de la dépénalisation.

Après avoir lu ce dossier, j’ai adressé au site de la rédaction du magazine, le 7 septembre, le message suivant :

« Bonjour, intéressant, votre dossier cannabis, mais est-il véritablement objectif, en dépit des multiples références de rapports ou autres que vous citez ?

Les auteurs de ce texte sont incontestablement favorables à la légalisation, et c’est leur droit, mais le pour et le contre sont-ils bien dans le champ d’une information objective des citoyens ?

Dans le Figaro du 5 septembre, le professeur Costentin écrit : « Aligner la législation du cannabis sur celle du tabac multiplierait par dix le nombre d’usagers » : le professeur en question dit-il donc des bêtises ?

Par ailleurs, ne conviendrait-il pas d’interpréter le phénomène à la lumière d’une certaine influence, pour ne pas utiliser un mot plus fort, des moeurs et traditions du Maghreb, et du Maroc en particulier ?

Quant à la formulation de la page : « Qui osera affronter l’alliance objective des dealers et des agents des stups, victimes désignées d’une réforme qui les privera de leur job et statut ? »

C’est vrai des dealers, mais pas des stups, car il y a bien longtemps que les stups, et la justice, derrière, ne courent plus après la fumette.

Enfin, pourquoi dans votre magazine, ne pas ouvrir un dossier sur les quartiers sensibles en interrogeant les « éléphants » de gauche et de droite qui ont exercé des responsabilités importantes dans les départements et circonscriptions à quartiers sensibles et leur poser la question simple ?

Qu’avez-vous fait pour faire rentrer vos quartiers sensibles dans la République ? Entre autres, pour Vaillant.

Leur réponse éclairerait sans doute les données de l’économie parallèle du cannabis dans ces quartiers, et précisément, avant le rendez-vous de 2012, avec ma considération distinguée,  »

JPRenaud

Le Monde Magazine du 17 septembre a publié mon texte en le modifiant sans mon accord : pas de points de suspension en cas de suppression ou de modification, et suppression pure et simple des lignes de la fin du texte, à partir de « en interrogeant…) 

Wikileaks et l’espionnage des services secrets – le Monde des 2/9/11, et 4,5/9/11 – Ou qui a le droit de violer sources et contenus d’informations privées ou publiques?

Wikileaks et l’espionnage des services secrets (Le Monde (numéros des  2/09/11 et 4,5/09/11)

Ou qui a le droit de violer sources et contenus d’informations privées ou publiques ?

            A la suite de la publication, en 2010, par Wikileaks de câbles diplomatiques, c’est-à-dire de dépêches dites confidentielles ou secrètes par le journal le Monde, assumée par la Direction de la Rédaction de ce quotidien de référence, en accord avec quatre autres grands médias internationaux, Le Guardian, le New York Times, le Spiegel, et El Pais,  j’avais évoqué ce sujet sensible sur le blog du 5 décembre 2010 et écrit :

« A lire les informations que les journaux écrits ou télévisés publient sur la nécessaire protection des sources d’information des médias, et donc sur les plaintes déposées auprès des tribunaux à ce sujet, et à constater ce qu’il en est de l’exploitation par les médias de sources privées, dans l’affaire Bettencourt par exemple, ou aujourd’hui à la publicité donnée par des journaux sérieux à des rapports secrets du département d’Etat : il est possible de s’interroger sur le contenu, la valeur et la portée de la déontologie des médias, même supposés sérieux. »

L’affaire vient de rebondir, sur le plan international, avec la publication de la totalité des câbles diplomatiques américains, et sur le plan national avec la plainte du Monde contre les services secrets français qui auraient espionné « le Monde ».

Il est évident que la jurisprudence « déontologique » décidée par les cinq grands médias, c’est-à-dire un tri des signatures en fonction du critère de la vulnérabilité de la source ne pouvait être qu’une petite digue fragile contre d’autres « transgressions déontologiques », et  c’est ce qui vient de se produire.

On peut donc être légitimement étonné de voir Le Monde publier en page 2, dans le numéro des 4 et 5 septembre, un article intitulé :

« Wikileaks : les informateurs mis en danger par de nouvelles publications.

La décision de Julian Assange condamnée par les journaux partenaires dont « Le Monde »

Et plus loin :

 « Jusqu’alors, dans les 20 000 câbles publiés, les noms des personnes jugés vulnérables avaient été supprimés »

Et à la fin  de l’article : « Les dommages collatéraux ne font que commencer. »

A parler et à écrire vrai, qui a le droit, ou qui se l’arroge-t-il, de violer les sources et les contenus d’information, qu’elles (ou ils), soient publiques ou privées, la puissance publique ou les médias privés ?

Comment les médias privés seront-ils juges de la vulnérabilité ou non de telle ou telle source, laquelle autoriserait ou non la publication des informations qui en seraient issues ? Et de quel droit ?

Dans l’état actuel de la déontologie de la presse, la réponse faite dans le journal des 5 et 6 décembre 2010, par la médiatrice du Monde, paraissait à la fois bien dérisoire et obsolète : d’après une charte de 1971, les journalistes ne doivent « pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents. »

Et pourquoi ne pas poser une dernière question relative à la cohérence de ce débat au regard de la loi du 4 janvier 2010 qui dispose qu’« il ne peut être porté atteinte, directement ou indirectement, au secret des sources. » ?

Le sentiment qu’il s’agit ici d’un autre exemple des nombreuses hypocrisies françaises, telle que le fameux secret de l’instruction, dont tout le monde se réclame, quand il y va de son intérêt, ou viole, quand il y va autrement de son intérêt !

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: « Les bergeries de la Sarkozie », loups et bergeries?

Loups et bergeries ?

Le journal Le Monde vient de publier dans son numéro du 29 août 2011 un reportage d’investigation remarquable  intitulé : « Les bergeries de la Sarkozie ». « Décryptages Enquête », pages 16 et 17) »

A l’Assemblée Nationale, un projet de loi sur les conflits d’intérêt, le mélange des genres, loi destinée à « promouvoir un Etat exemplaire et une République irréprochable »,  et sur les plages de Corse, une certaine élite française, notamment politique, qui fait bon ménage avec le petit monde des voyoux.

« Etrange Murtoli qui héberge des voyoux et- des ministres, accueille de concert des repris de justice et des hiérarques policiers. »

Hier, le ministre des finances actuel, aujourd’hui le secrétaire d’Etat chargé du tourisme !

Diantre ! Le tourisme du représentant d’une République Française « irréprochable » ?

Et bien sûr quelques petites ou grandes « stars » du petit ou du grand écran !

On comprend mieux les raisons du succès de nos séries policières, tellement proches du réel.

Et comment, par comparaison, ne pas juger bien dérisoire le combat de la justice contre les petits délinquants, même récidivistes, de nos belles banlieues ?

« Françafrique, l’argent roi » LCP.AN (5/08/11) : Françafrique ou Africafrance?

« Françafrique

2ème Partie – L’argent roi »

Télévision LCP-AN du 5/08/2011

Un documentaire de Patrick Banquet

Françafrique ou Africafrance ?

            Incontestablement, un documentaire très intéressant et bien documenté sur la Françafrique.

            L’analyse montre bien que la scène a beaucoup changé entre la Françafrique des De Gaulle et Pompidou, qui n’a pas duré très longtemps, années 60-74, et celle qui lui a succédé, rongée de plus en plus par le «  fric »  du pétrole.

            Après la chute du mur de Berlin et la disparition de l’URSS, en 1989, l’évolution du commerce mondial, la montée en puissance de la Chine, très curieusement, un petit groupe de pression politico-économique a continué son petit jeu d’un soi-disant du « pré carré » français, complètement en dehors du grand jeu mondial.

            Quel contraste entre le poids économique plutôt faible des échanges entre l’ancienne Afrique française et la France, et le poids politique des restes du lobby de la Françafrique !

Les personnages du documentaire sont décrits de façon très vivante, et certains témoignages sont étonnants de sincérité, sinon de vérité.

Deux personnages dominent cette scène, le « papa » Bongo, un politicien très madré qui n’a rien à envier aux plus madrés de nos politiciens, et l’entremetteur secret Bourgi, l’éminence grise souvent dénoncée.

En ce qui concerne Bongo, il est possible de se demander si les témoignages ne lui font pas la réputation exagérée de « faiseur de roi » de notre belle République. Influence sûrement, mais toute puissance, telle que racontée, il y a là de quoi s’interroger.

En ce qui concerne Bourgi, le personnage est incontestablement intéressant, visage intelligent, propos carrés et clairs. Ne connaissant de l’avocat d’affaires que sa réputation sulfureuse, j’ai personnellement apprécié de le voir en chair et en os, car l’homme ne laisse pas indifférent.

« Fils spirituel » de Foccart, dont il réclame l’héritage, je ne suis pas sûr qu’il puisse le mériter, compte tenu de la façon dont il sait mélanger les genres, entre  les affaires de gros sous et la politique africaine de la France. On peut légitimement douter que son rôle soit de nature à rendre service à la clarté et à la grandeur de notre politique étrangère en Afrique : beaucoup trop d’ombre chez ce brillant entremetteur entre les mondes de l’argent et de la politique, comme il en a existé sous la plupart des régimes !

Je serais tenté de dire, qu’à plusieurs siècles de distance, il y a loin entre ce nouveau Père Joseph, et le Père Joseph, éminence grise de Richelieu, car le petit groupe de ses comparses oublie souvent que la France n’a plus la puissance «  relative » qu’elle avait au XVIIème siècle.

            A lire ou à écouter les témoignages des journalistes ou des spécialistes, est-on sûr qu’on n’en prête pas trop au personnage, car on voit sans doute à tort la main de Bourgi dans toutes les affaires qui font l’actualité africaine, qu’il s’agisse du Gabon, de la Côte d’Ivoire, ou de Madagascar.

            Le documentaire conclut sans doute justement sur une Françafrique moribonde, et sur le rôle tout à fait secondaire du Président de la République Française, devenu « le représentant attentionné des groupes industriels », mais il aurait été intéressant d’évoquer également l’autre facette de la Françafrique, quasiment son « inversion », bien réelle, dans sa dimension internationale (ONU), culturelle, intellectuelle, linguistique, humanitaire avec l’explosion des ONG, et la naissance de ce qui ressemble bien à une Africafrance, avec les flux migratoires importants qui sont venus d’Afrique à partir des années 90.

            Le documentaire met bien en lumière à cet égard le rôle parallèle de la franc-maçonnerie dans les relations franco-africaines, notamment celui de la Grande Loge Nationale. Le documentaire aurait pu aller plus loin encore dans son éclairage.

 Cette évocation rappelle les origines de la conquête coloniale qui a été très souvent le fruit d’une alliance sacrée entre le sabre, l’armée, et le goupillon, la franc-maçonnerie. Tout au long de la période coloniale, les franc-maçons ont été très actifs, souvent beaucoup plus que les chefs d’entreprise français.

            Telle que décrite, une Françafrique de la nostalgie d’une puissance passée pour un groupe de pression politico-économique restreint, alors que la plupart des Français ont toujours été beaucoup plus attirés par l’exotisme de l’Afrique que par les gros sous, auquel s’est ajouté de nos jours un humanitarisme vibrionnant.

            Je serais tenté de dire qu’aujourd’hui, l’Afrique noire a moins besoin d’assistance, d’aide au développement, de programmes alimentaires toujours renouvelés, donc de dépendance sollicitée et consentie, nourrie et entretenue par la corruption, que de courage pour affronter les réalités de ce continent, avec la mise en place d’institutions solides, issues d’une élection, d’Etats capables de faire prévaloir l’intérêt général de leurs pays.

Les propos de Cheick Modibo Diarra, Président de Microsoft Africa dans une interview du journal Les Echos (8,9/07/11) donnent clairement la voie qu’il faut suivre :

« L’Afrique souffre d’une absence totale de l’Etat …

La croissance doit être propre et transparente, avoir un vrai contenu social : aujourd’hui, 25% des ressources de l’Afrique sont détournés par la corruption…

Je pense que la communauté internationale, plutôt que de dépenser de l’argent pour la reconstruction de pays dévastés par des conflits électoraux, comme la Côte d’Ivoire, devrait financer en amont l’organisation d’élections transparentes. Elle a un droit d’ingérence pour que la Constitution et les règles du jeu soient appliquées. C’est à ce prix qu’on verra l’émergence d’une nouvelle génération de leaders en Afrique… »

Un message qui s’inscrit dans la suite de la déclaration  du Président Obama, qui, s’adressant à l’Afrique, avait souligné combien il était capital pour les pays de ce continent de se doter de véritables institutions d’état.

Et en ce qui concerne l’humanitarisme à la mode, et la place des ONG, je conseille aux lecteurs de lire dans le Monde du 12 août 2011, la dernière « Lettre d’Afrique, intitulée « Au bon cœur des peuples », de Jean-Philippe Rémy.

Sa lettre fait très justement le point sur la famine dans la corne de l’Afrique et sur la réaction du peuple du Kénya qui n’a pas attendu  le concours des institutions internationales pour pratiquer la solidarité:

« Kénians4Kénians n’a pas non plus la prétention de vouloir tout faire. Mais il faut avoir vu un pays comme celui-ci où les organismes humanitaires semblent parfois planter leurs drapeaux comme autant de conquêtes, pour comprendre la joie des Kényans à assurer eux-mêmes leur propre solidarité. »

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique : déontologie des journalistes, des députés, et des juges – désinformation ou incompétence sur la saison touristique

La déontologie des journalistes et des députés

Il est tout de même surprenant pour un citoyen qui se tient informé de l’état du monde, français, entre autres, de voir la signature d’un député sur un projet de loi dédié à la déontologie des journalistes, un député condamné en 2005 à 18 mois de prison et 30 000 euros d’amende pour prise illégale d’intérêt.

            Il n’y aurait donc pas de déontologie politique  au sein du grand parti qui gouverne actuellement la France ?

            Toute honte bue !

            La déontologie des juges et le football

         Les citoyens français qui s’intéressent au football, et ils sont nombreux, n’ont pas prêté d’attention particulière au déroulement des dernières affaires qui ont défrayé la chronique, il y a quelques semaines à propos de la binationalité.

            La commission de déontologie de la fédération du football français bénéficiait d’une coprésidence, et l’un des deux coprésidents, un magistrat qui s’était illustré dans le passé, dans les années Chirac, en 1996, par le déplacement d’un hélicoptère dans l’Himalaya.

Sur ordre de Toubon, Garde des Sceaux, et pour calmer le jeu judiciaire dans une affaire Tibéri, il était nécessaire d’aller  y repêcher un procureur mieux disposé que son remplaçant.

Toute honte bue !

            Désinformation, négligence, ou incompétence de certains journalistes sur l’évolution de la saison touristique en France ?

         Combien de fois avons-nous entendu des journalistes des chaines publiques de télévision se faire l’écho, ces dernières semaines, de la triste évolution de la saison touristique ? « 3 millions de nuitées perdues » par rapport  à l’année 2010, sans jamais mettre ce chiffre en rapport avec le potentiel de lits de l’hébergement marchand offert, c’est-à-dire un total de l’ordre de 5 millions 800, soit  beaucoup plus en unités de mesure de la nuitée, laquelle correspond à une nuit par client, soit 5,8 millions multiplié par x clients et y jours de l’année. !

Plus sérieusement, le 6 août 2011,  le Monde titrait un article :

 «  En France, le bilan touristique estival à la mi-saison est au beau fixe malgré une météo très médiocre.

La fréquentation des hôtels croît de 2% par rapport à 2010… »