Le film « Le labyrinthe du silence » de Guilio Ricciarelli
Durée 2 heures 03, une durée de nature à inquiéter un spectateur, compte tenu du sujet, et bien non, le film déroule son sujet, difficile, comme un polar.
Pourquoi ce film a un grand intérêt ? Tout autant sur le plan historique que sur le plan de la morale publique et privée des citoyens et autorités qui exercent un pouvoir ?
Dans l’Allemagne de l’Ouest de l’après- guerre, en 1958, et donc avant la chute du mur de Berlin, un jeune procureur a l’ambition de traduire en justice des officiers nazis qui ont commis des crimes de guerre dans le camp de concentration d’Auschwitz.
Le jeune procureur y réussit en dépit de toutes les oppositions rencontrées.
Sur le plan historique : il est encore très difficile de comprendre comment la nation allemande, ou pour le moins une grande partie de son élite, a pu cautionner un régime dictatorial qui a légitimé l’extermination de populations au moyen des camps de concentration et des fours crématoires.
Car peu nombreux ont été les exemples de désobéissance et de révolte !
Le film montre bien que longtemps après, l’Allemagne a refusé la vérité, et qu’il a fallu beaucoup de persévérance pour que la justice accepte de poursuivre et de condamner les quelques bourreaux survivants.
Les explications qui sont proposées après coup sont nombreuses, mais en dehors de toute intoxication idéologique ou politique, et compte tenu du rouleau compresseur de la propagande hitlérienne et de ses très nombreux instruments de contrôle, reconnaissons qu’il fallait du courage, beaucoup de courage pour oser défier les organes de la dictature hitlérienne, au risque d’être fusillé ou d’aller soi-même dans un camp d’extermination.
Dans tous les régimes totalitaires, qu’il s’agisse de l’URSS ou de la Chine, toute révolte ou refus d’obéissance se fit au risque de sa vie et de celle de ses proches.
La France de l’Occupation connut le même type de problématique, surtout après 1942, lorsqu’il fut de plus en plus clair que le régime de Pétain s’était rallié au régime hitlérien.
Cette année, de nombreux documentaires ont été diffusés sur ces sujets et montré les risques que les plus courageux des Français et des Françaises ont pris pour lutter contre l’occupant.
Sur le plan de la morale publique et privée :
Deux exemples de nature tout à fait différente pour bien comprendre les enjeux de l’obéissance aux ordres ou à la loi, pour ne pas parler de la servilité, car il est évidemment impossible de mettre sur le même plan un « non » en état de guerre et un « non » en état de paix.
La guerre d’Algérie ou l’obéissance aux armées : les limites d’une obéissance imposée aux soldats, sous-officiers et officiers, sous le précepte bien connu de « La discipline fait la force des armées », la discipline jusqu’à quel point ? Fusse en commettant un crime de guerre ? Comme il en fut commis ?
Il est évident que dans toute guerre, comme ce fut le cas en Algérie, mais pas dans tous les secteurs, ni tout au long de la période, les affrontements furent souvent d’une telle violence dans les deux camps, qu’il pouvait être difficile d’empêcher ce qu’on dénommait gentiment de « bavure ».
Au cours de cette guerre civile et fratricide, beaucoup plus d’officiers ou de sous-officiers qu’on ne dit ou écrit, ont refusé toute « bavure ».
L’amnistie des crimes de guerre dans les deux camps fut un erreur que nous payons encore de nos jours en donnant du grain à moudre à une histoire postcoloniale de type idéologique.
Au service de l’Etat : le service de l’Etat créée des situations où l’on peut se trouver confronté au problème de l’obéissance aux ordres, conformes ou non à la loi, mais dans des conditions de tension et de gravité qui n’ont pas grand-chose à voir avec celles d’une guerre.
Je me souviens d’une déclaration de M.Jospin faite dans les années 2000 qui invitait les fonctionnaires à dénoncer auprès des juges les cas de violation de la loi par telle ou telle autorité publique, en vertu d’un article 40 qui était alors une nouveauté.
Pourquoi ne pas dire tout simplement, que cela revenait sans doute, et tout d’abord, à dire non à son ou ses supérieurs, en prenant le risque de voir sa carrière brisée ?
Dans les années 1980-1990, y-a-t-il eu des élus de droite ou de gauche, ou des hauts fonctionnaires témoins de la corruption engendrée par le système chiraquien, un mélange des genres entre le RPR et la Ville de Paris (emplois fictifs très nombreux et marchés truqués), qui l’ont dénoncée ?
Il faut donc avoir un certain courage, pour ne pas dire du courage, pour dire non, sauf à le faire, comme certains élus ou fonctionnaires, de façon anonyme.
On voit bien que dans ce type de situation au fond confortable, où on ne risque pas sa vie ou celle de ses proches, le saut n’est pas toujours facile.
Jean Pierre Renaud