En 1997, j’ai publié le livre « La méthode Chirac » « De la Mairie de Paris à l’Elysée » qui décrivait la méthode de conquête du pouvoir de l’ancien Président.
L’appellation de « méthode » a été souvent utilisée par les médias pour qualifier et comparer la gouvernance politique des Présidents qui se sont succédé à l’Elysée.
Dans son numéro des 7 et 8 septembre 2019, Le Figaro titrait en première page :
« Proximité, dialogue : la nouvelle méthode Macron »
Sans avoir besoin de procéder à une analyse approfondie de la « méthode Macron », un gouffre sépare la manière de gouverner des deux Présidents : Chirac avait un passé politique connu et était le chef d’un parti politique que les Français identifiaient.
Ce qui n’est évidemment pas le cas de Macron, venu du « nulle part » d’une intelligentsia non encore identifiée par la grâce de l’affaire Fillon lancée par le Parquet Financier de Paris, intervention du pouvoir judiciaire qui a ébranlé les colonnes du temple républicain, sous les auspices de la République exemplaire que nous avons appris à connaître.
Après un long passé politique, ses premières classes en Corrèze, sa conquête du parti gaulliste et de la Ville de Paris, en 1979, Chirac n’avait nul besoin de jouer la « proximité » ou d’afficher une volonté de « dialogue », car son ancrage dans le paysage politique, aujourd’hui les « territoires », était solide.
Comme je l’ai indiqué dans ce livre et dans la synthèse de ma conclusion, la capitale a été au cœur d’un système de pouvoir démocratique « apparent » mais en réalité, de pouvoir absolu sur les institutions récentes de la démocratie locale parisienne.
Paris devint la plateforme politique d’un candidat permanent à la magistrature suprême, qu’il mit dix-huit années à conquérir, après maintes trahisons.
Il a su utiliser tous les atouts qu’une capitale comme Paris mettait à la disposition d’un chef de parti politique, le Maire de Paris disposant de tous les leviers que lui donnait des institutions, dont beaucoup d’entre elles étaient et sont encore celles d’un État dans l’État. (1)
Chirac a su magnifiquement en user en mettant en place un système de communication efficace et continu qui le faisait apparaître comme le grand maire qu’attendait Paris, le modèle proposé à la France pour devenir son Président.
Il est évident que comparé à Chirac, Macron « rame » et ne peut que « ramer » comme chef d’un parti qui n’a pas de doctrine, des « Marcheurs sans boussole » selon le titre d’un éditorial pertinent de Vincent Trémolet de Villers dans le Figaro du 9 septembre 2019.
Chirac avait installé son personnage dans le halo d’un gaullisme encore vivant, fusse avec les ambiguïtés inévitables liées à sa durée. Je vous avouerai que j’ai toujours eu beaucoup de peine à entendre son propos « Chers compagnons », comme à la belle période du Général de Gaulle.
Non seulement le Président actuel est venu d’un « nulle part » politique, mais a tout fait, depuis son élection pour court-circuiter les partis politiques en donnant la préférence à la méthode du débauchage, plutôt que de dialogue et de recherche d’un consensus minimum sur un programme de gouvernement républicain.
De leur côté, les corps intermédiaires ont été ignorés, le Président actuel donnant la préférence à une gouvernance technocratique, et à l’occasion de la crise des gilets jaunes, au Grand Débat, confiant dans l’efficacité de la parole politique d’un « Premier de la Classe ».
Faute d’ancrage sur le terrain, la vraie boussole de notre Président et de ses Marcheurs est sans doute constituée par la consultation d’une batterie d’algorithmes dont les résultats inspirent ses prises de décision.
A la différence du Président actuel, Chirac avait le style et l’image d’un acteur de cinéma, et connaissant à fond les faiblesses humaines, il ne s’était jamais mis en tête de vouloir ériger une République exemplaire, mais sans aucun doute le Président actuel le surpasse en volubilité et en dialectique de la parole.
N’a-t-on pas un peu, et en effet, l’impression que le Président actuel est toujours en train de passer un Grand Oral de concours ?
Jean Pierre Renaud
- « Paris un Etat dans l’Etat »