« Patriotisme démagogique » par Eric Le Boucher, dans les Echos du 23 décembre 2011
« …un vide conceptuel » ?
En êtes-vous bien sûr ?
Comme à son habitude, M.Le Boucher nous trousse une belle chronique dont le but avoué est de descendre en flammes les défenseurs « nouveaux », il est vrai, du slogan « Achetez français ».
Sa critique n’est-elle pas trop caricaturale ? Ne fait-elle pas la part trop belle au libéralisme, c’est-à-dire au laisser faire, qui nous gouverne en Europe et en France, depuis de très nombreuses années, beaucoup trop d’années peut-être.
Première réflexion : l’histoire économique n’a pas démontré que le libéralisme avait eu plus de vertus pour développer l’économie du monde que le protectionnisme (voir pour les siècles passés les travaux de Bairoch).
Deuxième réflexion : proposer l’idée d’un protectionnisme de réciprocité parait être une bonne réponse à une des problématiques du nouveau « mal français ».
M.Wauquiez citait à cet égard le cas de la Chine et du Japon.
Troisième réflexion : le chantier du « produit en France » est un vaste chantier, et il ne concerne, effectivement, pas uniquement l’industrie, mais comment ne pas voir qu’un important travail de recensement et d’analyse doit être effectué dans notre pays pour avoir la carte de notre potentiel « produit en France », ce qui n’est pas encore le cas.
Alors, qualifier de démagogiques les initiatives politiques qui vont dans ce sens, le bon sens et « le bon sens », n’est pas vraiment pertinent !
Quatrième réflexion, trop citoyenne, aux yeux de notre chroniqueur ? Est-ce que M.Le Boucher possède une voiture, et si oui, est-elle française ? Je voudrais lui dire, qu’en ce qui me concerne, pour être né dans un des berceaux de l’industrie automobile française, j’ai toujours acheté une voiture française.
S’agit-il d’un « patriotisme démagogique » ?
Le chroniqueur affirme : « Les slogans « Acheter français » reposent donc sur un vide conceptuel. »
Je ne suis pas sûr que cette affirmation ne caractérise pas, au contraire, un trop plein conceptuel, en même temps qu’un « vide citoyen », celui d’une élite complètement coupée du monde réel, d’une France dont les savoirs, les savoir-faire, les talents, les terroirs et leurs produits, ne demandent qu’à être mis en valeur, et pourquoi pas, avec le souci, précisément, de notre citoyenneté.
C’est dans ces gisements là que les beaux esprits devraient investir, et non point dans la défense d’un libre échange qui, à la vérité, n’en est pas un du tout !
Et pour mettre une note finale, gastronomique, au fil des jours de cette fin d’année, M.Le Boucher pourrait-il nous dire, par exemple, comment la France qu’il défend, sera en mesure de le faire efficacement, face au libre-échange, dans le cas de la gastronomie française, alors qu’on se félicite, à juste titre, de sa reconnaissance par l’UNESCO ?
Jean Pierre Renaud