Humeur Tique: La laïcité relativiste de l’archevêque de Paris?

L’interview  du journal Le Monde des 8 et 9 avril 2012, sous le titre :

« La République veut-elle intégrer des croyants ? »

            Curieuse interrogation, très curieuse interrogation !

La question appropriée à notre République ne devrait-elle pas plutôt être la suivante :

« La République veut-elle intégrer des citoyens ? »

Et une autre interrogation quant à cette forme d’ingérence, nouvelle, dans la vie politique du pays, peu conforme à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905.

Sur le constat d’une campagne franco-française et clientéliste, tout à fait d’accord, mais les propos tenus sur la laïcité et la place des religions recèlent à la fois une bonne dose d’angélisme et une grande ambigüité.

On ne va tout de même pas introduire, ou réintroduire, l’instruction religieuse dans nos écoles publiques, et donc rallumer des guerres de religion qui ont fait tant de mal à la France.

Les romans historiques et populaires de Jean D’Aillon donnent un aperçu tout à fait « concret » des guerres de religion, entre catholiques et protestants, qui ont ravagé la France, notamment au seizième et dix-septième siècles, une utile piqure de rappel national !

Et cela dans un monde où chaque jour, ou presque, des chrétiens sont martyrisés ? Pour ne pas évoquer les autres guerres de religion de la planète !

Nombreux sont encore, et à juste titre, les citoyens de notre pays qui voient dans la laïcité de la République un véritable rempart contre toutes les manipulations religieuses, idéologiques, ou politiques, et ils ont raison !

« La société piégée par la guerre des identités. Echec du multiculturalisme »- Amselle – Le Monde du 16/10/11

« La société française piégée par la guerre des identités

Echec du multiculturalisme »

Jean Louis Amselle

Le Monde du 16 septembre 2011, page 21

&

Réflexions sur cet article

            Un article très difficile à résumer, dont le contenu fait référence à des concepts  qui soulèvent  de grandes difficultés de définition, et autant de controverses.

            Quel est le sujet traité ? A-t-il été défini ? Quel est le discours Amselle sur le sujet ainsi défini ? Et enfin, quelle est la démonstration scientifique de ce discours ?

            Des mots qui claquent au vent, comme des drapeaux !

            Des grands mots qui dérangent, tout d’abord ! Un langage politique ou un langage scientifique ? Un mélange des genres donc ?

            Pourquoi, en effet, et  aussitôt, ces grands mots de « piège », de « guerre des identités », après la guerre des mémoires « coloniales » dont aucune institution n’a eu le courage, jusqu’à présent, de mesurer dans l’opinion publique française, si elle existait vraiment ?

Alors que l’historien qui a lancé, semble-t-il, cette expression dans les médias, et compte tenu des relations étroites qu’il entretient avec certains d’entre eux, aurait pu obtenir de leur part une véritable enquête statistique, sérieuse, qui nous aurait donné la possibilité de mesurer enfin cette fameuse mémoire coloniale (avec ou sans l’Algérie) qui expliquerait tellement de dysfonctionnements dans la société française.

Qui a véritablement intérêt à entretenir cette conspiration du silence ?

Des sondages d’opinion, il en pleut chaque jour, et il est bien dommage que ce type de sujet n’intéresse personne ! Serait-ce parce qu’il donne la possibilité de discourir sans démontrer ?

Il en est par ailleurs de même de l’interdit quasi religieux qui pèse sur les statistiques dites ethniques. Comment est-il possible de faire le procès de la discrimination en refusant de mesurer ce qu’il en est exactement par rapport à telle ou telle catégorie sociale, si l’on n’en a pas la mesure démographique ?

Dans leur préface au petit livre intitulé « Au cœur de l’ethnie » que Messieurs Anselme et M’bokolo ont cosigné, en se déclarant opposés à l’introduction de critères ethniques dans les recensements, ils écrivaient :

« Par un étrange retournement de situation, l’expansion coloniale qui s’est faite au nom de la « mission civilisatrice » de la France, mais qui a en fait largement reposé sur la gestion de la différence culturelle, ferait actuellement retour sur sa terre d’origine pour mettre en place un mode d’administration des « populations » fort éloignées du modèle théorique dressant le citoyen face à l’Etat. »

L’historien Pap Ndiaye a préconisé d’instaurer une visibilité qui serait en même temps invisible, et il conviendrait donc de nous expliquer comment un tel mystère est susceptible d’être résolu (voir blog du 16/5/11).

            Revenons donc au sujet de l’article :

            L’auteur ouvre son texte en écrivant :

« Le multiculturalisme, en tant qu’il est fondé sur la reconnaissance des identités singulières de race et de culture, a échoué en France et en Europe. Non pas, comme le prétendent Angela Merkel, David Cameron et Nicolas Sarkozy, parce qu’il n’est pas parvenu à  intégrer les « immigrés » Mais en raison de la fragmentation du corps social opérée partout où ce principe est appliqué ou promu par des organisations  politiques. »

Une des raisons principales de cet échec, sinon la seule, serait à rechercher chez les porte-parole des communautés intéressées :

«  De sorte qu’il n’est pas illégitime de mettre en doute l’existence, en France, des communautés « noires », « juive », « musulmane », ou « maghrébine », autrement que dans les discours de porte-parole parfois nommés ou encore autoproclamés qui s’expriment « au nom » de ces communautés en prenant en quelque sorte leurs « membres » en otages. »

Il aurait été évidemment intéressant que l’auteur propose sa définition du multiculturalisme en France, dont le contenu a peu de points communs avec celui auquel il est fait référence en permanence, l’anglais ou l’américain, dont les origines historiques n’ont rien à voir avec un soi-disant multiculturalisme français qui pourrait leur ressembler, mais en quoi ? Juridiquement, historiquement, socialement, culturellement ?

L’auteur met en cause dans cet échec, – mais y-a-t-il eu échec ? – , le rôle des porte- parole de certaines des communautés qui vivraient dans notre pays.

Pourquoi pas ? Mais jouent-ils le rôle important que leur prête l’auteur, je n’en suis pas sûr, et j’écrirais volontiers qu’il s’agit beaucoup plus d’une conviction, d’un discours que d’une démonstration, car en beaucoup de lieux, les rapports entre membres des communautés d’origine étrangère ne fonctionnent pas de la façon implicite, supposée.

Ce que l’auteur dénomme l’échec du multiculturalisme, indéfini, ressort plutôt sur certains territoires de la métropole d’un déséquilibre culturel et social entre populations d’origines différentes : comment ne pas penser, par exemple, que dans les communes où les citoyens français d’origine étrangère sont majoritaires, les ajustements ne soient pas toujours faciles ? L’immigration a été trop rapide !

L’auteur met également en cause la responsabilité des organisations  politiques qui se sont attachées à prôner la diversité plus que l’égalité, et il est exact que la gauche y a trouvé un champ politique plus ouvert, car il est plus facile de prôner la diversité que l’égalité.

Comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, le professeur Walter Benn Michaels a dit d’excellentes choses sur le sujet, dans son petit livre « La diversité contre l’égalité ».

Trois réflexions  encore à propos de ce constat :

La première converge avec le constat, à savoir le fait que les porte- parole annexent pour eux-mêmes et leurs affidés des revendications ou des interventions qui ne sont pas partagées ou même comprises des membres des communautés qu’ils disent représenter, mais il ne s’agit là que d’une opinion, d’un « discours »..

La deuxième sent évidemment le souffre, étant donné qu’il s’agirait de reconnaître une disposition naturelle des membres de certaines de ces communautés à la « palabre », à la parole, au verbe, que beaucoup de français de « souche », encore une incongruité, n’ont jamais connu sur leur terre natale. L’auteur sait mieux que quiconque que la « parole » façonnait la plupart des sociétés africaines : elles furent, en effet, et très longtemps, tout autant des sociétés de la solidarité que du verbe, même celles touchées par une première imprégnation de l’«écrit », c’est-à-dire du Coran.

Et la troisième relative à ce qui ressemble fort à une sorte de propagande, insidieuse, beaucoup plus efficace que n’a jamais été la propagande coloniale, faite de dénonciation de crimes coloniaux, de repentance, de mauvaise conscience, d’histoires reconstruites, idéologiques, nourries d’un humanitarisme qui est venu, fort opportunément,  succéder au marxisme, de l’assimilation revendiquée de l’esclavage à la « Shoa », et donc de droits imprescriptibles à réparation.

Les porte-parole en question n’ont donc fait qu’exploiter le discours de ces « récadères » (1) modernes d’une nouvelle parole officielle de certains chercheurs, dont l’ambition est de reconstruire l’histoire des pays anciennement colonisés, d’« d’ouvrir de nouvelles voies » à l’histoire des anciennes colonies françaises, en surfant sur les nouveaux courants de l’immigration.

Comment ne pas reconnaître que ce processus politique et idéologique est enclenché sur le terrain de la réparation ?  Il vise à faire reconnaitre la légitimité d’une assistance généralisée, en même temps qu’une dépendance, aujourd’hui et souvent assumée, par des pays qui ont obtenu leur indépendance, depuis plus de cinquante ans ?

M.Anselme propose son diagnostic, mais il est légitime de se demander (discours contre discours) si dans un domaine comme celui-là, la théorie n’est pas trop éloignée du terrain social. Le multiculturalisme n’a pas attendu l’empire colonial et les indépendances pour nourrir la culture française, et de nos jours, de nouvelles formes de multiculturalisme  rythment la vie de tous les jours de nombreuses communes, à la condition qu’il ne soit pas complètement déséquilibré, mis en cause par une immigration par trop « invasive ». Les Français, d’origine africaine, et de bonne  foi, sont les premiers à reconnaître qu’un très fort esprit de solidarité de famille ou de clan caractérise encore les flux d’immigration africaine.

Il conviendrait donc, avant toute chose, de poser la bonne définition, scientifique autant que possible,  du sujet dont on débat. Le multiculturalisme a toujours existé en France, et il n’est pas mort, mais encore faut-il qu’on ne cherche pas à intoxiquer les Français par une nouvelle propagande « coloniale » !

Est-ce que la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la laïcité n’a pas posé la base d’un multiculturalisme religieux solide dans un pays qui avait connu dans son histoire de multiples conflits religieux ?

Un multiculturalisme institutionnel, à la fois religieux et culturel ?

Est-ce qu’on a fait mieux, depuis, pour la paix civile et le bien commun de la France ?

Enfin, le propos de l’anthropologue s’articule sur un constat implicite, celui des dangers de la reproduction coloniale, en France, de la discrimination qui existait dans les colonies, sauf à faire observer que, compte tenu des moyens que la France consacrait à son outre-mer, et du chantier gigantesque que représentait la mise en œuvre de l’universalisme prôné par l’auteur, et tout autant par ses lointains prédécesseurs coloniaux de la société des Lumières,  il n’était guère d’autre solution que de ne pas toucher aux croyances locales, aux coutumes, et au statut des personnes. 

Par ailleurs, n’était-ce pas pure folie, ou rêve, que de vouloir mettre dans le même moule républicain et assimilationniste toutes sortes de peuples et de cultures d’Afrique ou d’Asie ?

Comment ne pas rappeler que la Côte d’Ivoire, bien connue de l’anthropologue, créée ex nihilo par la France, à la fin du 19ème siècle, comptait de l’ordre de cinquante peuples ou ethnies, et autant de langues et coutumes ?

Historiquement, la France coloniale n’avait guère d’autre choix que de faire de « la gestion de la différence culturelle ».

Si je partage tout à fait la conclusion de l’auteur, mon cheminement intellectuel et historique n’est donc pas tout à fait le même !

En bref, discours ou démonstration ?

Jean Pierre Renaud

(1)    Dans le royaume d’Abomey, le récadère était le porte- parole du roi, et le bâton qu’il portait était le signe qu’il avait bien été investi par ce chef..

France et bien commun, séparation de l’église et de l’Etat, Barbarin et Bernheim

France et bien commun, séparation de l’église et de l’Etat et laïcité

Les interviews du cardinal Barbarin et  du grand rabbin Bernheim

Le Monde (le 5 mars 2011, page 11 ; les 20 et 21 mars 2011, page 14)

       J’avouerai, dès le départ, que la lecture de ces textes m’a beaucoup troublé, et voici pourquoi.

            Une première raison est relative à la problématique de la séparation de l’église et de l’Etat Elle dépasse largement celle de la laïcité qui a pris son essor dans les écoles primaires publiques dans les années 1880, bien avant la loi de séparation de l’église et de l’Etat, en 1905. Cette dernière a véritablement donné son assise républicaine à notre laïcité.

            La deuxième raison est liée au concept de bien commun, un concept habituellement familier à l’Eglise catholique.

            Il est tout de même curieux que la cardinal Barbarin n’ait fait aucune allusion au concept de bien commun, à sa valeur sociale, dans le sillage religieux de la cité augustinienne des hommes en regard de la cité de Dieu.

L’Eglise a toujours, sauf erreur, reconnu le principe du bien commun : « Tout comme le tout est plus important que la partie et lui est antérieur, la cité est antérieure à l’individu… et son bien est d’une dignité plus élevée que celui de chaque individu pris en lui-même. »

Le bien commun a donc toujours été un arbitrage entre des intérêts divergents qu’ils appartiennent à des individus, à des groupes, ou qu’ils soient ceux d’une collectivité, un arbitrage nécessaire pour qu’il y ait un vivre ensemble, et il est clair que les dossiers difficiles de l’immigration, de la laïcité, ou de l’islam en France, peuvent faire l’objet d’une analyse sous l’angle du bien commun de la société française.

A cette lumière, les Français sont en droit de considérer que séparation de l’église et de l’Etat et laïcité constituent leur bien commun, et ils ont beaucoup de raisons de le penser, étant donné qu’elle a été le résultat d’un combat difficile à la fin du dix-neuvième siècle, entre le cléricalisme et la société civile, l’expression politique de la maxime de l’Evangile :

 «  Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu » (Mathieu XXII)

Je suis d’autant mieux placé pour le reconnaître, qu’un de mes grands-pères, meneur d’une révolte de toute sa commune, a fait quinze jours de prison pour s’être opposé aux inventaires qui avaient pour but de mettre en application la loi de séparation de l’église et de l’Etat.

Historiquement, il avait tort,  étant donné que ce nouveau principe du vouloir vivre ensemble dans la République a été le gage d’une paix religieuse et sociale durable.

Et pour ceux qu’effraient les débats actuels sur la laïcité, je serais tenté de leur dire, compte tenu de la violence des luttes qui ont entouré le vote de la loi de 1905, que le débat actuel, même s’il est « instrumentalisé », a plutôt les allures d’une lutte aseptisée.

J’adhère donc à la phrase du cardinal qui sert de titre à l’interview: «  L’islam est compatible avec la République, à condition que les musulmans le veuillent… mais des progrès restent à faire », et le cardinal a raison de noter les problèmes de réciprocité que l’islam pose dans le monde, et de conclure son propos ainsi, car le point est sensible : 

 «  Cela dit, il est vrai que dans l’islam, le rapport entre le religieux et le social ou le politique est différent du nôtre. C’est une question de fond que posent les musulmans en France, et nous pouvons en parler avec eux. En outre, il est clair que des questions spirituelles ne vont pas trouver leur réponse dans la seule sphère du politique. »

Je suis beaucoup plus hésitant sur l’interprétation des propos du grand rabbin Bernheim, notamment lorsqu’il déclare, et c’est la phrase qui sert de titre à l’interview, à tort ou à raison : « Il est souvent difficile d’être musulman en France dans ce climat malsain. » qui risque d’être mise en relation, sinon en corrélation, avec sa phrase sur la « concurrence des victimes », le même auteur concluant du reste à ce sujet, « La comparaison à laquelle vous faites allusion est un outrage à la mémoire des victimes de la Shoah. »

Tout autant hésitant lorsqu’il déclare : « Mais le véritable enjeu est ailleurs, plus pervers et plus grave : c’est hélas la place des juifs et des musulmans dans la société française. »

Le véritable sujet de ces interviews porte sur la situation de la religion musulmane en France et de la capacité de ses fidèles à jouer le jeu de nos institutions républicaines, et à voir le débat actuel, il n’est pas encore démontré que ce soit le cas, pour une partie d’entre eux.

Pourquoi ne pas adhérer à l’analyse du cardinal qui range les catholiques dans trois catégories, ceux qui font silence sur les problèmes, ceux qui ont peur pour leur christianisme, et ceux qui ne se rangent dans aucun de ces deux camps, c’est à dire les troisièmes ? :

 « Enfin, d’autres refusent l’opposition violente comme la candeur, et savent vivre un chemin de respect, voire d’amitié. C’est l’exemple laissé par les moines de Tibihérine. »

Jean Pierre Renaud 

Humeur Tique: Méhaignerie et les chiffres de l’immigration-Pakistan: la cruauté de deux photos et la croix de la Reine-Blanche

Humeur Tique : Méhaignerie et ses chiffres de l’immigration « implicite » – Pakistan : la cruauté des photos et la croix de la Reine-Blanche

Méhaignerie et sa connaissance des chiffres de l’immigration « implicite » :

Les Echos des 11 et 12 mars 2011, (page 2) sous le titre « Méhaignerie : « Supprimer l’ISF pour réduire les inégalités », pourquoi pas ?  Mais il n’est pas sûr que ses électeurs de Vitré ou de Bretagne comprennent bien cet enjeu qui reste tout de même très technocratique, très, très loin des enjeux du terrain des citoyens.

Arrêtons-nous un instant, sur un tout autre sujet, auquel les mêmes habitants sont sans doute plus sensibles, la laïcité.

Question : « Faut-il arrêter le débat sur la laïcité ?

Réponse du Président de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale :

Je n’ai jamais été très favorable à ce type de débats. S’il n’est pas bien cadré, il peut être mal perçu par la population. Attention à ce que les 5 à 6 millions de Français d’origine étrangère ne se sentent pas stigmatisés… »

Les Français ne seraient-ils pas en droit d’attendre de la part du président d’une commission des affaires sociales de l’assemblée nationale, concernée au premier chef par ce dossier, un peu plus de rigueur, et de la part de l’ancien ingénieur du génie rural, un peu plus de précision ?

5 à 6 millions, le chiffre est déjà approximatif, mais comment citer un tel chiffre, alors qu’en 1999, près de 14 millions de personnes étaient déjà d’origine étrangère, soit 24% de la population (1) ?

Il y aurait donc une population d’origine « implicite » dans le chiffre avancé par Méhaignerie, c’est-à-dire un non-dit politique, et une fois de plus ?

(1)  Voir livre Tribalat « Les yeux grands fermés » pages 155 et suivantes

Pakistan, la cruauté morale et religieuse de deux photos !

La croix de la Reine-Blanche !

La première photo parue dans « Valeurs actuelles » du 10 mars 2011, celle du ministre fédéral chargé des Minorités religieuses, Shahbaz Bhatti assassiné par des islamistes, photo dont le sous-titre est : 

« Il montre ici une croix sortie des décombres d’une église brûlée. Les islamistes l’ont tué le 2 mars. »

Deuxième cliché, paru dans « Capital » de mars 2011, page78 :

« Asif Ali Zardari, président du Pakistan : Après s’être rendu à l’Elysée en août, Zardari, souvent mis en cause pour corruption, a rejoint son manoir de la Reine-Blanche, en Normandie, dans un hélicoptère prêté par l’armée française ; (avec en médaillon sa photo, et en arrière- plan, vue de la propriété survolée par un hélicoptère)

Immigration, Identité, Laïcité: Histoire ou Politique? Le discours Ndiaye, Monde Magazine du 5/02/11

Le Monde Magazine du 5 février 2011

En page de couverture :

« En finir avec la peur de l’autre

La leçon de l’historien PAP NDIAYE »

L’interview des pages 23 à 29

« L’identité se décline au pluriel »

Propos recueillis par Frédérick Joignot

Le discours national-populiste qui fait de l’étranger une menace trouve un nouvel écho en France et en Europe. Face à la remise en cause du multiculturalisme, l’historien Pap Ndiaye rappelle qu’il existe une manière de vivre ensemble sans verser dans le communautarisme : la république »

Question prélable :  histoire ou politique ?

S’agit-il dans le cas d’espèce de la leçon d’un historien formé à cette discipline par l’université et l’école normale supérieure de Saint Cloud?

Et dans un tel cas, des règles de rigueur que s’imposent nos universitaires pour écrire l’histoire ? Car l’interview donne l’occasion de poser, semble-t-il des questions qui ne s’inscrivent pas, précisément, dans notre histoire.

Car comme l’indique le titre, l’interview est effectuée dans la cible du « discours national-populiste », alors que le « nouvel écho » qu’il trouve en France, en tout cas, s’explique par un certain nombre de facteurs, évoqués par le texte, mais qui méritent quelquefois d’être éclairés ou commentés, parce qu’ils feignent d’ignorer précisément ces facteurs, qui pourraient être qualifiés de « faits » par un historien, et les réactions du peuple français, face à ces « faits ».

M.Joignot cadre l’interview (page 24) : « ambiance délétère de défiance envers les étrangers », « une extrême droite islamophobe progresse dans toute l’Europe » et l’historien de souligner, de son côté, « l’essor de formations national-populistes qui ne se réclament pas idéologiquement du racisme, mais font de la dénonciation véhémente de l’Autre, souvent musulman et non-blanc, leur ligne de politique principale. »

            Et de remarquer que ce courant de pensée a annexé une partie des valeurs républicaines rattachées à la laïcité ou aux droits des femmes.

Il convient donc de s’attacher aux points clés de la réflexion que propose M.Ndiaye, l’immigration, l’identité française, la laïcité, en tentant de savoir si ces réflexions font effectivement partie de la leçon d’un historien.

            Premier sujet, l’immigration – M.Ndiaye évoque rapidement les problèmes nés de l’immigration, et répond à la question-constat de M.Joignot :

« Le vieux thème de l’invasion revient aussi. On parle de réfugiés climatiques et politiques se pressant bientôt à nos frontières…(le journaliste aurait pu ajouter l’adjectif familiaux dans le cas de la France)

            M.Diaye y répond en citant des études de l’ONU d’après lesquelles les mouvements migratoires seraient beaucoup moins importants qu’on ne croit (page 25)

Il précise que d’après l’ONU : « L’Europe n’est pas menacée d’invasion » (page 25) et note que « Cette rhétorique de l’invasion, une constante de l’extrême droite, trouve un nouvel élan. »

Il parait tout de même difficile de citer les études de l’ONU pour accréditer ce type de discours, car les statistiques démographiques françaises montrent clairement que la population étrangère et d’origine étrangère a progressé dans notre pays au cours des vingt dernières années.

Le Monde du 5 mai 2010 faisait état d’une population étrangère de 6,5 millions d’habitants, mais tous les spécialistes savent que plusieurs facteurs ont modifié en profondeur la structure démographique de la France, avec notamment le mouvement des naissances, des mariages, et des naturalisations.

Qui plus est, ces études montrant que « De 1968 à 2005, la proportion de jeunes d’origine étrangère (au moins un parent immigré) est passée de 11,5% à18,1% en 2005 », mais ce que relève de plus significatif la démographe Tribalat, dans le livre « Les Yeux grands fermés », chapitre 5 : « immigration, territoires et voisinages : mesure et résultats », c’est la concentration de ce type de population dans certains départements ou villes.

L’historien lui-même le note d’ailleurs :

«  Sans nier les problèmes de coexistence dans certains quartiers, ce discours répète à l’envi qu’une partie de la population relèverait de cultures en opposition radicale, ou en tension forte avec la culture nationale, elle-même fragilisée par la mondialisation et incapable d’absorber des flux hétérogènes. » (page 26)

Un phénomène ou « fait » que M.Bronner a fort bien décrit dans son livre sur les ghettos.

            Alors vraie ou fausse « invasion » ? Journalistes, élus et chercheurs auraient tort de ne pas voir le problème en face, et peut-être encore moins un historien habitué à la dialectique de l’interprétation des faits, et tout autant des chiffres que des lettres.

Pourquoi ne pas le dire, ce sentiment d’invasion existe chez un certain nombre de nos concitoyens, car ils le ressentent ainsi dans leur quartier ou dans leur ville. Il suffit d’interroger des habitants de ces quartiers ou villes qui ont été le plus bouleversés par ces mouvements de la population, pour s’en convaincre. Et les journalistes ainsi que les Français d’origine immigrée, de bonne foi, sont les premiers à faire ce constat.

Alors, serait Front National le citoyen capable d’ouvrir encore yeux et oreilles, pour estimer, qu’à ce rythme-là, la République ne sera effectivement plus chez elle, pour autant qu’elle le soit encore dans certains de nos quartiers les plus sensibles !

Il est évident que ces mouvements démographiques ont affecté la France, modifié en profondeur sa structure culturelle, en tout cas dans certains quartiers et  villes, et  conduit un certain nombre de citoyens, beaucoup plus important qu’on ne dit ou qu’on ne croit, à éprouver un sentiment réel d’«invasion. »

Deuxième sujet, l’identité française :

            M.Ndiaye répond à la question-constat de M.Joignot ?

            « Une des constantes des discours de la droite classique comme de la nouvelle droite consiste à présenter l’Autre comme menaçant l’identité française. »

Réponse : «  Sans nier les problèmes de coexistence dans certains quartiers, ce discours répète à l’envi qu’une partie de la population relèverait de cultures en opposition radicale, ou en tension forte avec la culture nationale, elle-même fragilisée par la mondialisation et incapable d’absorber des flux hétérogènes. » (page 26)

Une telle vision suppose un bloc français homogène, un « nous » bien circonscrit. Or depuis longtemps, les historiens et les anthropologues ont montré à quel point l’identité française s’est déclinée au pluriel. Elle ne se pense pas en termes d’essence, mais de relation intersubjective. Surtout, elle a servi de point de d’appui idéologique à une politique bien réelle de stigmatisation des immigrés et de leurs descendants: rafles de sans- papiers, contrôles au faciès, etc »

Identité au pluriel, pourquoi pas ? Mais si vous interrogez les Français, vous constaterez que l’immense majorité d’entre eux se reconnaissent dans leurs villages ou leurs villes, leurs mairies, leurs écoles publiques, leurs églises et leurs temples, et avant tout, dans un milieu de vie, fait de libertés individuelles et collectives, de démocratie, d’école publique (il y a un peu plus d’un siècle), et conquête récente (1945), d’égalité entre les sexes.

Il est donc difficile d’ignorer que notre identité plurielle baigne dans ce tissu national interstitiel, civil, politique, et culturel, plus résistant qu’il ne semble, et qui peut surprendre ceux que l’historien dénomme « les Français dubitables ».

Mais avant d’en terminer sur ce deuxième sujet, ne conviendrait-il pas d’être tout de même surpris de voir certains intellectuels et chercheurs plaider, à toute occasion, la reconnaissance d’identités perdues ou en péril sur notre planète, et en même temps faire facilement litière de l’identité de la France ou d’autres peuples !

Troisième sujet : la laïcité

Et ce dernier sujet est ultra-sensible pour un Français qui connait l’histoire de son pays, les guerres de religion qui ont ensanglanté, pendant des siècles, beaucoup de ses provinces, et les dernières querelles qui ont entouré le vote de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905.

Nombreuses sont sans doute les familles françaises du sud, de l’est, et de l’ouest, dont l’histoire a renfermé, au pire le souvenir des guerres de religion, et au mieux, des souvenirs de querelles religieuses violentes et tenaces à la fin du dix-neuvième siècle, dont certaines durent peut-être encore.

Alors de grâce, que de bonnes âmes ne nous disent pas aujourd’hui, tel M.Ndiaye  que « le principe de laïcité est dévoyé en politique d’intolérance religieuse. Or la laïcité n’est pas l’intolérance…. Il existe celle militante, agressive, qui s’est manifestée en 1905…L’autre laïcité, plus ouverte, et tolérante, accepte l’existence de lieux de culte pour toutes les religions, admet que certains espaces publics puissent être temporairement occupés par des pratiques religieuses.

C’est cette attitude que l’on observe majoritairement vis-à-vis du catholicisme pour les processions, les Journées mondiales de la jeunesse chrétienne, la venue du pape, etc. La laïcité tolérante n’exige pas la disparition radicale du fait religieux dans l’espace public ; elle commande la neutralité de l’Etat à l’égard des religions et la laïcité de l’école républicaine. » (page 27)

Un simple mot : voire !

Il est possible de dire et d’écrire n’importe quoi, mais comment prendre comme élément de raisonnement, dans le cas particulier, des pratiques religieuses enracinées dans nos provinces, et encadrées par la loi de 1905, un argument en faveur de la promotion du « fait religieux dans l’espace public », alors que l’historien ne précise pas la nature du « fait religieux » en question ?

Pour résumer mon opinion personnelle, je dirais volontiers : « Ne touche pas à la laïcité française ! », parce qu’elle a été, et continue à l’être, le gage d’une paix civile et religieuse durement gagnée au cours des siècles !

Et gare aux nouvelles guerres de religion !

Jean Pierre Renaud

Les caractères gras sont de ma responsabilité

Post-Scriptum : et après la lecture éventuelle du pensum ci-dessus, proposons au Monde Magazine de publier un numéro spécial, allégé, distribué gratuitement au Mali et au Niger, et comportant une interview d’un historien de l’un ou l’autre de ces beaux pays sur le thème qu’a choisi M.Joignot pour sa  chronique du 26 février 2011 dans le même magazine, page 65, intitulée :

« Je ne pense qu’à ça  Frédéric Joignot

Le plaisir féminin et la « mâle peur »

Il s’agirait dans le cas d’espèce de lancer une interview sur le point G (grain de café ou orchidée… ?) qui a fait l’objet des plus sérieuses recherches scientifiques.

Humeur Tique: les retraites du PS – Les Emplois fictifs de Delanoë? Les pudeurs du Monde avec Delarue – Les Roms et les 3 A du Monde – Un nouveau cléricalisme d’insinuation –

Humeur Tique : les retraites du PS – Les Emplois fictifs de Delanoë ? Les pudeurs du Monde avec Delarue – Les Roms et les 3 A du Monde (des agences de notation) – Un nouveau cléricalisme d’insinuation – La mémoire courte des socialistes

            Les retraites du Parti Socialiste : dans ce débat, on ne peut plus confus, mais dont il ressort que la jeune génération est, une fois de plus sacrifiée, pourquoi le Parti Socialiste n’a pas déposé, purement et simplement, une proposition de loi portant Sa réforme des retraites, et bien sûr son financement ? Si le Parti Socialiste en a une en portefeuille !

            Emplois fictifs à la Ville de Paris ?  Il est possible de se poser sérieusement la question étant donné le contenu du rapport de la Chambre régionale des comptes et le flou qui parait régner sur le nombre exact et les fonctions des cadres supérieurs de la ville et du département. Les mandatures du maire compteraient à son cabinet et secrétariat général plus de cadres supérieurs qu’au temps de Tibéri, ou même de Chirac ? Dans un souci de totale transparence, le Maire de Paris va très certainement communiquer à la presse la liste de ses cadres supérieurs affectés au cabinet et au secrétariat général et leur affectation précise.

            Les pudeurs du Monde et les grammes de coke de M.Delarue (« France Télévisions prive d’antenne Jean-Luc Delarue », page 10 des 19 et 20/09/10) :

            Pudeur de journaliste ou de moraliste ? En panne de source journalistique ? Dans un cabinet ministériel ou à la police ?  Alors que d’autres journaux donnaient le chiffre des grammes saisis au domicile de l’intéressé, 14, 15, ou 16 grammes, je ne me souviens pas, l’auteur de l’article écrit « après la saisie de plusieurs grammes à son domicile ». Vous avez bien lu ? «  plusieurs », donc plus d’un !

            Les Roms du Monde : je vous avouerai qu’en dépit de mon extrême bonne volonté pour un sujet qui n’a rien de drôle, je ne comprends toujours pas les enjeux de ce dossier, tant les appellations et les chiffres donnés par la presse, et notamment par notre journal bien-aimé, le Monde, sont changeantes.

            Dans le numéro du 21 septembre, le journal titre « La France mérite un triple A au carré », (Décryptage Analyse) et aborde à nouveau, et à titre de A,  le sujet Rom, mais dans le même numéro, et à la page 18 « Décryptage Enquête » le journal publie un texte intéressant intitulé « Déjeuner de fiel à Bruxelles ».

L’article fait une citation d’un des propos de Sarkozy : « On a démantelé 600 camps suite à une décision judicaire. 80% ne sont pas des Roms. »

            Alors citation fausse ? Roms ou pas Roms ? Combien de camps ? Combien de camps illicites, et combien d’aires de passage ? Combien de gens du voyage ? Combien de citoyens français chez les gens du voyage ? etc…

Un dossier aux données aussi nomades que son sujet !

            Il parait difficile de donner à ce sujet un triple A au Monde, peut-être un A, deux à la rigueur !

Un nouveau cléricalisme d’insinuation, religion et laïcité : ceux des Français qui ont encore une petite culture historique connaissent les passions qui ont agité l’opinion française à la fin du 19ème et du début du 20ème, en ce qui concerne la défense de la laïcité contre le cléricalisme, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la violence des débats et des affrontements. Ces souvenirs sont encore très présents dans certaines familles.

La situation actuelle de la France laisse beaucoup à désirer quant à ses positions édulcorées, peut-être lâches, sur le sujet, et une défense de plus en plus élastique, pour ne pas dire dégonflée de la laïcité.

Mémoire courte des socialistes et mélange des genres : fort opportunément, notre journal bien aimé, le Monde, vient de publier une double page sur les affinités « électives » qui existaient entre M.Mitterrand et la famille Bettencourt, et plus généralement entre les socialistes et le grand, très grand capital.

Alors, mélange des genres, oui  ou non ?

Et la bigamie cachée de notre ancien président aux frais des contribuables ? Combien cela leur a effectivement coûté?