La Grande Peur des Enseignants

  Les médias paraissent découvrir la situation de nos écoles depuis l’assassinat de Serge Paty le 16 octobre 2020, et depuis, les enquêtes se succèdent pour identifier les problèmes, et éventuellement les solutions.

Les problèmes sont très nombreux, mais les actualités nous ont fait mettre le doigt sur les enjeux de laïcité, de neutralité de l’enseignement, à partir du moment où une partie de la population conteste, enfants et parents y compris, les missions de l’école publique républicaine.

Menaces, pressions, messages sur les réseaux sociaux, refus d’engagement des syndicats, frilosité de notre administration, pour ne pas dire abandon ou refus de mission, aveuglement des pouvoirs publics, trop de facteurs ébranlent les fondations de cet édifice républicain de formation aux libertés.

On peut comprendre la peur de beaucoup d’enseignants d’assumer les risques et de faire face, mais ne faut-il pas attirer l’attention sur une face trop méconnue du problème, celle d’une intoxication intellectuelle, historique, idéologique dont souffre une partie du corps enseignant, notamment d’histoire géographie, une adhésion souvent militante aux courants du décolonial, du postcolonial, à la victimisation des peuples colonisés et à leurs descendants…

Dans les années 1880-1890, l’esclavage existait encore en Afrique noire et à Madagascar, et des roitelets esclavagistes approvisionnaient encore l’esclavage du Moyen Orient.

Au Dahomey, aujourd’hui Bénin, le roi Béhanzin que Monsieur TIn, professeur et chef des Indigènes de la République, a comparé à nos rois de France, la cité royale d’Abomey valant celle de Saint Denis, était non seulement un esclavagiste patenté mais un roi sacrificateur d’esclaves.

Les roitelets du voisinage furent bien contents qu’on les en débarrasse.

Afin d’éclairer les débats actuels de « la faute à qui », à propos du malaise et du métier difficile de nos professeurs, le témoignage d’un géo politologue connu pour ses positions tiers-mondistes, Yves Lacoste.

Dans un gros livre intitulé « La Question post-coloniale » ( 2010) il déroule une longue analyse critique de notre passé colonial, tout en épinglant quelques-uns des excès d’une partie des intellectuels post-coloniaux à la mode :

Dans le chapitre deuxième, l’auteur souligne « L’importance des représentations géopolitiques dans la question post-coloniale » (p,63 à 123)

A la page, revenant  aux « jeunes » des « grands ensembles », un sujet dont il fut un des spécialistes, il évoque à nouveau une lutte de pouvoirs avec la police, en distinguant le positif et le négatif… :

« Mais ils expriment leurs insatisfactions et leurs inquiétudes par une hostilité croissante à l’encontre du pays et de la société où l’immigration de leurs grands-parents, il y a plusieurs décennies, les a fait naître. La justification de cette hostilité se fonde sur des représentations historiques qui, dans les milieux intellectuels, font de nos jours consensus dans la mesure où celles-ci réprouvent la colonisation depuis que les empires coloniaux ont disparu. Or, pour bien marquer leur différence, les jeunes intellectuels « issus de l’immigration » proclament que le colonialisme continue d’exister en France. » (page 65)

L’auteur analyse alors :

            « La diffusion de représentations accusatrices du colonialisme (page 66)

            « … Pour schématiser, on peut dire que, malgré les effets de « l’absentéisme scolaire », un certain nombre de ces jeunes vont au collège et qu’ils s’intéressent particulièrement, même de façon brouillonne et agressive, à ce que disent les professeurs d’histoire-géographie sur la colonisation et la traite des esclaves en effet, depuis une dizaine d’années, les programmes scolaires prescrivent qu’un certain nombre d’heures d’enseignement soient consacrées à ces problèmes qui sont aussi de plus en plus présents dans les manuels. Les enseignants en font d’autant plus état que cela les intéresse personnellement et passionne les élèves il n’en reste pas moins que, dans ces quartiers ou à proximité, la tâche des professeurs – qui sont de plus en plus des femmes – est encore plus difficile qu’ailleurs. » (page 66)

            Commentaire : cette analyse concerne les « grands ensembles », mais elle montre le rôle important des professeurs d’histoire géographie très souvent séduits par une culture multiculturelle de gauche très influente dans l’ensemble de notre système scolaire. Il fut un temps où il s’agissait de la culture marxiste, mais faute de marxisme, on s’est rabattu sur une autre thématique à la mode, d’autant plus facilement que l’ouverture des frontières a fait sauter beaucoup de frontières culturelles, et misé sur la générosité et l’idéalisme de la jeunesse, comme de tout temps.

Il serait sans doute possible de mettre au défi scientifique les animateurs et propagandistes de cette lecture de notre histoire de mesurer le même type de « représentations » dans les livres des 3ème et 4ème Républiques, images, nombre de pages, et lignes de texte, en tenant compte évidemment des contextes historiques correspondants, en l’absence notamment des images télévisées et de celles des réseaux sociaux.

            «  Un consensus de rejet de la colonisation depuis qu’elle a disparu.

            « Tout cela est la conséquence du développement relativement récent du vaste courant d’idées qui stigmatise la colonisation. Les quelques tentatives maladroites pour faire admettre qu’il n’y eut pas que des atrocités dans les colonies et que tout n’y fut pas constamment aussi épouvantable, suscitent de la part de certains (nouveaux venus en la matière) un surcroit d’accusations indignées et de publications vengeresses. » (page 67)

Questions : sur un sujet aussi sensible et polémique, le lecteur aurait aimé avoir plus de précisions sur les constats soulignés.

            « Consensus » : quelle évaluation ? « Vaste courant d’idées » : quelle évaluation ? « Publications vengeresses » ? Lesquelles ? Fusse en renvoi !

            Quel intellectuel aura le courage de contester les témoignages d’Hampâté Bâ dans ses nombreux livres, dont l’un de grande sagesse –« Kaidara », avec sa vision capitale des deux versants de la colonisation, la diurne et la nocturne ?

Comme le contenu du gros livre d’histoire VII de l’UNESCO sur « L’Afrique sous domination coloniale » ?

            L’histoire de l’impérialisme n’a jamais eu, ni frontière, ni époque : il s’est inscrit dans ce que la philosophie chinoise, a dénommé « le cours des choses ».

De nos jours, comme par le passé, les « spécialistes », dénomment un certain de type de domination par l’expression gentillette de « soft power », mais le « hard power » n’est jamais loin, le totalitarisme, comme c’est le cas en Chine, en Corée du Nord, en Turquie, en Algérie …

            Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

Laïcité et Laïcisme: les contextes historiques ont changé mais les principes de la loi de 1905 sont les mêmes !

Laïcité et Laïcisme ?

Le contexte historique des années 2020 n’a plus rien à voir avec celui de la loi de 1905 sur la laïcité!

Mais les principes restent les mêmes !

     Dans le Figaro du 9 décembre 2020 (page 18), Jean-Marie Rouart a proposé une analyse fort intéressante de la situation de la France face à l’islamisme, sous le titre :

« Le laïcisme est un rempart illusoire face à la volonté de conquête de l’islamisme »

            Je me suis exprimé à plusieurs reprises sur ce blog en faveur de la séparation des Eglises et de l’Etat et de la loi de 1905 sur la laïcité A mes yeux, et depuis longtemps, j’estime que cette loi est un gage de paix civile et de liberté de conscience dans un pays meurtri par des guerres de religion entre catholiques et protestants.

            Ma position est fondée à la fois sur ma connaissance de l’histoire de France, sur le passé de ma famille en Petite Vendée, dans le Haut Doubs, sur les connaissances acquises au cours de ma jeunesse dans un Pays de Montbéliard encore marqué par des fractures anciennes entre les deux mondes religieux protestants et catholiques – les mariages mixtes n’étaient pas toujours admis des deux bords – , et enfin par mon expérience préfectorale.

            J’ai toujours la même conviction, mais il est clair que le contexte historique a complètement changé à nouveau avec l’expansion démographique arabo-musulmane des vingt et  trente dernières années, amorcée, très tôt dans le Pays de Montbéliard avec le recrutement des usines Peugeot de Sochaux, puis la politique de regroupement familial initiée en 1976.

            Aujourd’hui, l’islam est installé dans le Pays de Montbéliard – il y a même une mosquée –  et les pouvoirs publics rencontrent le même type de problème que dans les autres régions françaises marquées par une forte implantation de l’islam. La communauté chrétienne fait face à une rude concurrence, compte tenu du prosélytisme de multiples réseaux d’influence et de pénétration officielle ou clandestine dans la population : cette nouvelle religion était encore inconnue dans le Pays de Montbéliard jusque dans les années 1970-1980.

            L’Eglise catholique s’y trouve aujourd’hui en position paradoxale d’évangélisation et de conversion missionnaire.

            Laïcité ne veut pas dire « laïcisme » le mot utilisé par Jean Marie Rouart dans sa tribune, mais mise en pratique du verbe évangélique «  ce qui est à César est à César, et ce qui est à Dieu à Dieu», séparation entre un gouvernement religieux et un gouvernement civil, liberté de conscience, c’est-à-dire tout le contraire de la loi de la charia musulmane qui entend tout gouverner, les âmes, les esprits et les corps.

            La France n’a sans doute pas conservé le souvenir des batailles homériques qui ont déchiré le pays à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, entre les bleus et les rouges, les instituteurs, « hussards de la République » étant à la pointe de ce combat, avec en arrière-plan un facteur trop oublié, l’influence d’une franc-maçonnerie très influente encore dans le halo théorique des Lumières.

Tout au long de la Troisième République, la plupart des ministres partageaient des fraternités franc-maçonnes. Les mêmes encourageaient les conquêtes coloniales sous la bannière « officielle » des « Lumières », de l’universalisme,  de la civilisation occidentale.

Sur mon blog, j’ai cité, entre autres, le cas de Lyautey qui, lors de son commandement à Fianarantsoa (1900-1902), avait dû affronter des pressions maçonnes pour ne pas licencier un commis indélicat : des maçons s’étaient déplacés de Tananarive pour effectuer une démarche…

La franc-maçonnerie était puissante dans l’administration coloniale.

Dans les pays musulmans, la charia est la règle du jeu à la fois religieuse et civile. Les autres religions y sont interdites, les chrétiens y sont persécutés… Le Pakistan en a encore donné un exemple récent en condamnant à la peine de mort une jeune femme qui s’était convertie au christianisme. Crime suprême !

Pourquoi pas une petite question aux musulmans de notre pays ?

 Y-sont-ils persécutés ?

Au début du 20ème siècle, Ata Türk avait introduit la laïcité dans la constitution turque, mais ce régime de séparation des pouvoirs révolutionnaire a fait long feu. Ne renaîtra-t-il pas un jour prochain des cendres du régime dictatorial d’Erdogan ? C’est assez probable.

Face à cette évolution, pour ne pas dire révolution, fort bien analysée dans le livre de Jérôme Fourquet « L’archipel », que faire ?

Premiere préoccupation : l’ordre public – Faire respecter la laïcité en France, c’est soumettre à l’ordre public républicain l’ensemble des religions, islam y compris, une prescription d’autant plus difficile à appliquer, compte tenu de ce qu’il faut bien appeler le désordre qui règne dans cette religion, avec la dispersion des écoles de pensée religieuse, des institutions, des organisations, qui se font concurrence et très souvent la guerre. Il y a quelques années j’avais proposé une lecture critique du livre d’enquête de John R. Bowen sur l’islam de France qui en faisait  état. (blog des 19/10/12 et 7/11/12)

Nous refusons donc de nous voir imposer des interdits religieux qui ont conduit et conduisent encore les peuples du Moyen Orient à s’entretuer depuis des dizaines d’années, des mots d’ordre, quand il ne s’agit pas d’appels au meurtre terroriste.

Faire respecter l’ordre public républicain exige aujourd’hui une grande vigilance et beaucoup de prudence, compte tenu de la variété des canaux d’influence directe ou indirecte empruntés par toutes les formes d’un islam radical très souvent et trop souvent financé par l’argent du Golfe.

Certains pays de cette région ne dédaignent pas d’utiliser l’arme de la religion pour élargir ou consolider leur influence, quitte à nous faire partager leurs conflits avec d’autres puissances musulmanes concurrentes et  souvent ennemies.

Nous avons mis des siècles à construire un modèle de civilisation aujourd’hui décrié par des ignorants, des agitateurs de tout poil, dont les mots d’ordre simplistes  s’appuient sur de fausses logiques, une inversion des règles de notre vivre ensemble : la victime devient le coupable, et le blanc par définition dans certaines écoles de propagande « décoloniale ». Dans le cas présent, est islamophobe le citoyen attaché à la préservation de notre état de droit républicain et laïc…

Pierre- André Taguieff a décrit dans un livre très universitaire toutes les caractéristiques de cette désinformation qui tente de mettre en pièces  détachées nos systèmes de pensée dans nos universités et dans une pseudo-culture populaire, la trop fameuse « cancel culture » venue des Etats Unis. Le titre de ce livre est « L’imposture décoloniale »   « Science imaginaire et pseudo-antiracisme ». »

Est-ce que le Président de la  République Française n’a pas donné du grain à moudre aux partisans de ces mauvaises et nouvelles causes du « décolonial », en parlant du « privilège blanc », et auparavant à l’occasion de la présentation des propositions Borloo pour les quartiers sensibles, en les  mettant en doute, puisque venant  de « deux hommes blancs » ?

L’Eglise de France

Le grand mérite de l’article de Jean-Marie Rouart est d’avoir mis le doigt sur un problème très sensible dans un pays marqué par une importante déchristianisation, face à un islam conquérant, mais au moins autant marqué par un scepticisme généralisé mâtiné de consommation immédiate.

Les mouvements laïcs de leur côté n’ont pas été à la pointe du combat pour la laïcité, ne serait-ce que dans nos écoles !

Car il ne suffit effectivement pas de  croire qu’il est suffisant de brandir le drapeau de la laïcité pour régler le problème.

Jean-Marie Rouart note :

« Car aucune société, si avancée soit elle, ne peut se passer longtemps du sacré. Seules les religions sont capables de donner une réponse à la question de la finalité de la vie…

Or, il faut l’avouer, le christianisme aujourd’hui, et le catholicisme en particulier, est atteint non seulement dans sa pratique religieuse mais dans son être même….

« Le christianisme va-t-il mourir ? »…

Ce n’est donc pas sans une grande pitié que l’on assiste en France, à cette lente désaffection vis-à-vis d’une Eglise qui a été la colonne vertébrale de notre société, plus encore de notre civilisation, depuis vingt siècles, l’inspiratrice de notre sensibilité, et qui règne encore dans tant de cœurs désolés et inquiets de son déclin… »

Dans un registre différent, Jérôme Fourquet, armé de toute une batterie d’indicateurs statistiques propose le même type de constat dans son livre « L’Archipel » : l’Eglise catholique aurait rejoint le chapelet d’îles que décrit le livre, une île de plus en plus déserte.

Dans la première partie « le grand basculement » l’auteur décrit la « dislocation de la matrice catholique, « le déclin de la pratique religieuse, « les maries s’en sont allées. »

Né dans une famille très impliquée dans la vie de la paroisse de Montbéliard, et impliqué moi-même dans les mouvements de jeunesse, profondément marqué par le souvenir d’une paroisse dynamique qui fut à la pointe des combats de la Résistance contre les Allemands, je ne retrouvais plus au fil des années la paroisse active telle que je l’avais connue dans ma jeunesse, lorsqu’il m’arrivait de rendre visite à ma famille.

Le mouvement de déchristianisation qui anémiait progressivement mon ancienne paroisse était frappant, en tout cas dans les signes officiels de la chrétienté. J’avais donc sollicité mon beau-frère afin qu’il puisse recueillir les statistiques des sacrements délivrés au fur et à mesure des années, entre 1970 et 2015.

Les courbes des quatre sacrements étaient éloquentes car elles démontraient la chute vertigineuse du catholicisme à Montbéliard.

            Pour l’illustrer ces quelques chiffres :

En 1970 : Mariages : 115 – Baptêmes : 365 – Communions : 106 – Professions de foi : 203

En 2015 : Mariages : 8 – Baptêmes : 35 – Communions : 24 – Professions de foi : 34

Jusque dans les années 1980, le nombre des mariages se situait entre 100 et 200 chaque année, mais entre 2000 et 2015, la chute est vertigineuse.

De 1970 à 1975, le nombre des baptêmes dépassait le chiffre de 300 par année, se situa entre 200 et 100 entre 1989 et 2001, puis chuta de 1992 à 2015.

Les communions enregistrèrent une chute identique, passant de plus de 199 en 1975, à moins 100 à partir de 2002.

Comment interpréter une telle évolution ? Dans une France encore couverte par son « blanc manteau d’églises », comme au Moyen Âge, ses cathédrales, ses monastères, les multiples signes du christianisme sur ses chemins et places ?

            « La fin de la matrice catholique » ?

            Question pertinente qui appelle sans doute des réponses documentées en observant les pratiques religieuses qui vivent encore dans beaucoup de nos provinces, mais il est exact que le champ des catholiques s’est rétréci, en ne conservant aujourd’hui que les chrétiens les plus convaincus : ne s’agirait-il pas encore du sel de la terre ?

 L’Eglise a manqué le virage missionnaire et évangélique qu’imposait l’évolution d’une société de plus en plus consumériste, habitée par l’éphémère et le goût du collectif festif comme savent le faire les églises évangéliques.

Le christianisme aurait tort de ne pas exalter la beauté de ses églises et de ses monastères, de ses chants et de ses cantiques, le grégorien par exemple, en renouant avec sa riche pompe liturgique d’images et de sons.

Afin de faire face à la poussée de l’islam, à ses initiatives débordantes, à ses collèges de missionnaires, il n’est pas certain que le resserrement de l’église catholique ne permette pas d’affirmer avec plus de clarté encore son message évangélique d’amour, de fraternité sous la bannière de croyants qui n’assassinent pas leur prochain « mécréant » ou non, et qui ne persécutent pas les musulmans comme le font les musulmans pour les chrétiens dans leur pays.

Le Pays de Montbéliard était sans doute un terrain culturel favorable à la déchristianisation,  compte tenu des luttes religieuses qui y avaient longtemps divisé les chrétiens.

Dans notre histoire récente, deux assassinats ont marqué la conscience nationale, l’assassinat des sept moines de Tibéhirine en Algérie en 1996, et l’assassinat du Père Hamel en France, en 2016

En 1994, une des années noires de l’Algérie, – l’armée française et la France n’y furent pour rien –  quatre sœurs et quatre prêtres ont été assassinés en Algérie.

Les chrétiens d’Orient qui vivent encore dans les pays musulmans n’y sont pas les bienvenus : très récemment, la Turquie a soutenu l’Azerbaïdjan pour chasser les chrétiens arméniens des terres de leurs ancêtres dans le Haut Karabach.

Dans notre pays, des groupes de pression religieux, idéologiques ou politiques nous rabattent les oreilles d’une islamophobie qui imprégnerait nos institutions… Une simple question : est-ce que les musulmans de France sont persécutés ? Non ! Et ils le savent bien, alors pourquoi ces manifestations ?

            L’Islam en France ?

            Compatible ou non avec la République Française ? « That is the question”? Pour transposer la question posée dans le Hamlet de Shakespeare : être ou ne pas être un musulman français républicain ?

            D’ores et déjà, la France compte de nombreux musulmans qui ont adopté notre modèle républicain, avec la séparation entre le religieux et le civil et la liberté de conscience.

Lors des conquêtes coloniales, notamment en Afrique du nord et en Afrique de l’Ouest, la France a combattu des chefs musulmans, notamment les Almamy Hadj Omar, Ahmadou, ou Samory, sauf que ce dernier était un Dioula converti, et que la France, en vue d’imposer son pouvoir, s’était intercalée dans les combats entre royaumes musulmans et royaumes animistes ou fétichistes : elle n’y combattait pas l’Islam.

La France coloniale laissait vivre côte à côte des populations de croyances différentes, sans imposer telle ou telle religion, et dans l’Afrique de l’Ouest, elle s’était accommodée avec les grandes confréries qui, prônaient un consensus de paix civile.

            Dirais-je qu’elle aurait d’ailleurs eu beaucoup de mal à imposer une loi  religieuse dans un immense continent, avec une myriade de peuples, de croyances et de cultures différentes ? A titre d’exemple, une soixantaine de peuples dans la nouvelle Côte d’Ivoire de la fin du XIXème siècle !

La véritable question posée est celle de savoir si l’Islam de France, au moins dans sa majorité, dans telle ou telle de ses nombreuses écoles de pensée est disposé à s’engager sur notre chemin de séparation des pouvoirs, un chemin que la France a mis beaucoup de temps à emprunter, faut-il le rappeler ?

L’Islam de France aura-t-il le courage d’ouvrir cette voie nouvelle ?

Nous le souhaitons et nous ne sommes pas les seuls.

Les négociations récentes sur une charte républicaine des imams, si elles aboutissent dans l’intérêt de toutes les parties prenantes est un signe encourageant.

En tout état de cause, la France n’acceptera pas de se voir imposer, et quoiqu’il en coûte, une charia, quelle qu’elle soit, venue de Turquie, du Maghreb ou du Moyen Orient !

Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

Laïcité, séparatisme, que de temps perdu !

La nouvelle loi de Macron sur la laïcité ou le séparatisme ?

Que de temps perdu !

Une France de l’ « inversion » sous la figure du délinquant en lieu et place de la victime !

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Un moratoire et une espérance !

Que d’occasions manquées !

Les citoyens les plus curieux ou les plus soucieux de l’avenir de notre pays connaissent depuis longtemps les risques que la passivité des gouvernements de gauche comme de droite a fait prendre à notre nation.

            Dernière occasion manquée, soi-disant, d’après le Président, parce qu’elles étaient présentées par deux « hommes blancs », les propositions Borloo (début 2018) qui donnaient un cadre et un contenu à l’action globale et systématique du retour de la République dans les quartiers sensibles, terreau depuis longtemps identifié comme celui d’un islamisme de combat rampant : ces propositions tentaient de combler le gouffre existant entre la rénovation béton de l’ancien plan Borloo et la quasi-absence d’un plan de reconquête républicaine de ces territoires.

            Plus de trois années perdues, d’autant plus que la dernière a été bousculée par la pandémie !

            Le Président a décidé de lancer sa nouvelle guerre avec une nouvelle loi qui va soulever maints combats sous la bannière de tous les droits possibles et imaginables brandis par la kyrielle de groupes de pression et d’associations crées précisément pour contrecarrer la mise en application des lois existantes, précisément celle de 1905, et celle de décembre 2020 annoncée.

            Le livre récent de Bernard Rougier « Les Territoires conquis de l’Islamisme » a mis en lumière la liste des centres actuels du développement d’un islam qui n’est pas compatible avec notre manière de vivre, notre devise républicaine, et  une séparation  des pouvoirs entre le religieux et le civil à laquelle nous sommes attachés.

            Ce n’est sans doute pas par hasard que le Président a lancé sa campagne en choisissant Les Mureaux, un lieu tout à fait symbolique d’un des  territoires sensibles de l’Islam en France.

Une loi à l’avant-goût électoral

Le projet présidentiel a une résonnance tout à fait électorale en jouant une partition pour la galerie républicaine dont il aura besoin s’il veut être réélu.

            Vous ne trouvez pas que cela ressemble fort au Grand Débat, au « One Man Show » d’un Président, dont il n’est quasiment rien ressorti, sauf un gain de temps pour la majorité politique actuelle ?

Les engrenages mortels

Lorsqu’on a servi la République pendant de longues années, l’on sait que l’État disposait et dispose de nombreux moyens pour faire régner l’ordre public républicain et pour casser les engrenages multiples qui ont semé le trouble et la division dans notre pays : les accords diplomatiques généreux qui ont bénéficié aux pays du Maghreb, notamment à l’Algérie, le regroupement familial décidé par VGE  en 1976, mais jamais révisé, les flux démographiques de clandestins en partie régularisés,  une présence toujours renouvelée de clandestins faute de pouvoir les reconduire dans leur pays d’origine, très et trop souvent les mariages de complaisance, depuis 2015, la confusion entretenue entre un réfugié et un migrant, l’acceptation que des imams étrangers viennent prêcher chez nous en langue étrangère et sans contrôle, le laxisme qui règne dans le monde des associations de la loi 1901, lesquelles bénéficient du droit de tout faire, sans obligations républicaines et quasiment dispensées de tout contrôle, dont le rôle a encore été accru avec l’explosion du rôle des réseaux sociaux pas plus contrôlés, nouveau pouvoir médiatique dans notre République…

            Cette énumération est évidemment incomplète car la propagande « séparatiste » sait s’insinuer partout, d’autant plus facilement dans les régions françaises les plus réceptives à l’accueil des étrangers au sein desquelles s’est développée une contre société.

Un moratoire nécessaire d’une année de fermeture des frontières pour inventaire et bilan pays par pays

La pandémie actuelle peut illustrer le proverbe « A quelque chose malheur est bon », ou elle peut l’être, en suspendant pendant une période temporaire toute délivrance d’autorisation de séjour en France, ce qui veut dire « fermer le robinet » : en 2019, la France a délivré 276 576  titres de séjour, de même que toute décision de regroupement familial.

Il conviendrait d’ajouter à cette liste incomplète de facteurs le développement de la multi-nationalité qui accroit les difficultés des contrôles et autorisations nécessaires.

Il parait difficile de continuer à accepter les effets de la multi-nationalité quand elle concerne un pays avec lequel la France n’obtient pas, par exemple, le retour de ressortissants venus sans autorisation, d’autant moins quand il s’agit de grands élus (députés ou sénateurs) ou de hauts fonctionnaires : une sénatrice dispose de trois nationalités différentes.

Les gouvernements ont toujours eu les moyens de lutter contre toutes ces dérives suicidaires, mais la volonté leur a souvent manqué.

Nommer un Ministre Délégué à l’Union Républicaine

Il sera chargé uniquement et à plein temps de lutter contre le séparatisme, tous azimuts, en lui donnant tout pouvoir pour animer ce combat et le contrôler, au sein du Ministère de l’Intérieur, lequel a déjà en mains beaucoup des outils nécessaires pour mener à bien et réussir dans cette reconquête républicaine de certains territoires, en n’hésitant pas, si nécessaire, à en placer certains sous mandat de l’Exécutif ?

Quitte à proposer, si nécessité publique s’impose, un référendum pour approuver certaines mesures de sûreté républicaine, notamment en direction des anciens djihadistes et (complices.)

Une espérance pour l’Islam de France

Comme je l’ai déjà relevé, notamment dans la chronique que j’ai publiée le 30 avril 2018 sur ce blog, la laïcité lance un défi redoutable à la communauté musulmane, en tout cas à l’islam de France, c’est à dire déroger au principe musulman du non distinguo entre la vie civile et la vie religieuse, un principe que défendent les islamistes purs et durs.

Chez nous, il a fallu longtemps pour que la séparation des pouvoirs entre le civil et le religieux soit réalisée, mais la doctrine chrétienne, l’Evangile (Mathieu, Marc, Luc) ne constituaient pas un obstacle pour une religion de la liberté de conscience sous la bannière du principe « Ce qui est à Dieu est à Dieu, et ce qui est à César est à César ».

Tel n’est pas le cas de l’islam avec la confusion entre le religieux et le civil, mais pourquoi ne pas espérer qu’un jour une branche de l’Islam ou une école, car elles sont nombreuses et se combattent encore de nos jours les armes à la main, accomplisse la révolution attendue pour la paix civile ?

En 1985, la Revue Hérodote publiait un  excellent numéro sur les Centres de l’Islam, avec une préface de son fondateur, Yves Lacoste, intitulée « Les embrouillements géopolitiques de l’Islam », des « embrouillements » de nature à faciliter une telle évolution.

Pourquoi ne pas espérer  qu’un jour l’une ou l’autre de ces branches ou écoles fasse enfin sa révolution religieuse fondée avant tout sur l’amour de l’autre ?

Pourquoi ne pas avoir l’espoir de voir un jour chez nous des citoyens de religion musulmane condamner ces guerres de religion que nous avons connues il y a plus de cinq siècles, la distinction discriminatoire que l’Islam fait entre le musulman et le mécréant, les persécutions des chrétiens, les attentats islamistes qui se répètent …

Est-ce que la France persécute les musulmans ? Non !

Il ne faut jamais oublier que dans les années 1960-1970, les Français n’avaient pas encore fait connaissance avec la religion musulmane et un prosélytisme de plus en plus visible.

L’objectif, tout simplement la République Française et notre civilisation d’origine à laquelle nous sommes spirituellement et charnellement attachés !

En 1919, après le bain de sang de la Première Guerre Mondiale, Paul Valéry écrivait dans « la Crise de l’esprit » :

« Nous autres civilisations, nous savons que nous sommes mortels »

Plus d’un siècle après, notre civilisation court un risque encore plus mortel !

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Islam, Christianisme, migrants ou réfugiés sans papiers ?

Dans la Franche Comté de mon enfance

Sous notre ancienne devise :

« COMTOIS RENDS TOI »

« NENNI MA FOI »

Un cas concret à Besançon, la capitale :

Le 17 août 2020, la famille musulmane d’une jeune fille d’origine bosniaque installée à Besançon l’a tondue et frappée pour avoir fréquenté un chrétien : « Nous sommes musulmans, tu ne te marieras pas avec un chrétien »

Ce cas est symbolique des mouvements religieux et culturels auxquels notre pays doit faire face depuis plusieurs dizaines d’années avec le refus que manifestent en permanence certaines communautés musulmanes de respecter  notre mode de vie et notre loi sur la laïcité, dont le fondement est la séparation entre le civil et le religieux.

ll est tout autant symbolique de l’anarchie démographique qui règne de plus en plus dans notre pays : la guerre du Kosovo s’est déroulée il y a plus de vingt ans, alors que la famille en question est arrivée en France en 2017

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

« Collectif républicain » ou « collectif communautaire » … Faute de collectif républicain !

« Collectif » républicain ou « collectif » communautaire ?

Islam de France, laïcité, voile, quartiers sensibles…

Ou

Faute de collectif républicain, le champ libre est laissé aux communautarismes !

            Sommes-nous encore à l’âge des « nuances de la laïcité », selon un propos récent de Monsieur Guérini, Délégué général  des Marcheurs ?

            Je ne le pense pas du tout.

L’absence d’un « collectif républicain »

         Une grande partie des problèmes que la France rencontre dans certains quartiers sensibles est liée à la carence d’un « collectif républicain » qu’elle n’a pas su mettre en œuvre depuis plusieurs dizaines d’années, laissant dans la pratique les mains libres à toutes sortes d’initiatives communautaires des groupes de pression.

         Une polémique est à nouveau déclenchée sur le port du voile, signe religieux, culturel, social, ou politique, selon les opinions des uns et des autres, mais il est évident que ce problème, s’il y a un problème, est lié à un mal-être de certaines de nos banlieues, sorte de terreau religieux, culturel, social, et politique de l’expansion de ce signe vestimentaire, et ne constitue donc qu’un des symptômes d’un problème de fond qui n’a jamais été correctement traité.

          Depuis de trop longues années, les gouvernements ne prennent pas toutes les décisions qui sont nécessaires à la défense de la laïcité, de même d’ailleurs que, de leur côté,  les institutions civiles laïques – elles se réveillent peut-être – qui n’ont plus la fougue de leurs ancêtres, tout autant que les institutions chrétiennes qui ne défendent pas toujours et avec assez de conviction le message fort de « ce qui est à César est à César, et ce qui est à Dieu est à Dieu », avec le corollaire de la liberté de conscience des chrétiens.

         Les lecteurs de mon blog savent que ces thèmes de réflexion ont fait l’objet de nombreuses chroniques depuis 2010, le premier, le 1/05/2010 à propos du livre « La loi du ghetto » de Luc Bronner, actuel directeur de la rédaction du Monde, et la dernière, le 9/04/2018, à propos des propositions de Jean Louis Borloo.

         J’avais fait des propositions concrètes de réforme pour associer les habitants de ces quartiers à la gestion municipale, les faire bénéficier d’un tissu d’initiatives sécuritaires, culturelles, économiques et sociales pour faciliter une meilleure intégration dans la République.

            J’ai été sensibilisé très tôt par la problématique des quartiers sensibles, à la suite d’une campagne électorale dans le Pays de Montbéliard à l’époque de Monsieur Boulloche, un vieux Pays encore marqué par une cohabitation difficile entre catholiques (« les immigrés »)  et protestants.

            L’existence de quartiers sensibles en gestation dans les banlieues de ma ville natale m’avait beaucoup frappé, et j’avais, quelques années plus tard, dans les années 1980, pris l’initiative d’aller à l’Assemblée nationale pour en alerter le député socialiste de Montbéliard, ancien suppléant de M. Boulloche.

            A Paris, et dans l’exercice des fonctions assumées à la Préfecture de Paris, j’avais à plusieurs reprises alerté une des Adjointes influentes de Chirac, chargée de l’emploi et de la formation sur le même sujet.

            Je prêchais incontestablement dans le désert, alors qu’à partir des années 1990,  de plus en plus de quartiers sensibles mitaient nos banlieues.

            A l’origine de cette évolution, il est évident qu’un des premiers facteurs a été l’absence de contrôle des flux migratoires officiels ou clandestins, sans que la France se donne les moyens d’intégrer ces nouvelles populations, et le mouvement continue, avec un nombre de plus important de musulmans, compte tenu des origines géographiques de ces flux.

            Les guerres de religion qui embrasent le Moyen Orient depuis des dizaines d’années ont trouvé un écho en France, récemment avec Daech,  et  commencé à  influencer un prosélytisme de l’islam qui n’est pas toujours pacifique, comme  il l’était il y a trente ans, c’est-à-dire un prosélytisme de conquête avec l’objectif d’imposer la charia, c’est-à-dire la fusion entre le religieux et le civil.

            Politiques et médias parlent d’Islam de France, mais il n’existe pas, ou pas encore, s’il doit exister un jour, compte- tenu du désordre doctrinaire et organisationnel dans lequel baigne aujourd’hui le monde musulman français, entre courants religieux, nombreux, entre Coran, hadiths, ou imams liés souvent aux racines géographiques d’une partie de la population immigrée, et pourquoi ne pas le dire, aux sources de financement étrangères, officielles ou clandestines, appartenant au sunnisme ou au chiisme, avec leurs variantes.

            Le Maroc a eu longtemps de l’influence dans ce domaine.

            Sur le blog du 7 novembre 2012,  j’ai proposé un compte-rendu de l’enquête de John.R. Bowen « L’Islam à la Française », qui avait le mérite de décrire le monde musulman tel qu’il existait dans notre pays, dans ses composantes : il était difficile d’en conclure qu’il existait effectivement un Islam de France, au-delà d’une sorte de fiction irénique.

            Selon une des formules de Robert Desnos : L’islam de France : « ça n’existe pas, ça n’existe pas ! », en tout cas pas encore !

            Nombreux sont les  quartiers sensibles qui échappent aujourd’hui à la République, et qui échappent  de moins en moins à la volonté de certains courants islamistes de les soumettre à la charia, d’autant plus facilement qu’ils tissent une toile d’araignée d’aide sociale, de soutien collectif que la République n’a pas su leur apporter, le collectif sécuritaire, culturel, social, scolaire, économique dont ils avaient besoin.

            Jean Louis Borloo avait réussi à faire injecter des milliards dans la rénovation nécessaire du bâtiment dans ces quartiers, mais sans traiter le volet du « collectif républicain », ce qu’il a ensuite proposé de faire après l’élection du nouveau Président, mais avec le refus « idéologique » de ce dernier, sous le prétexte des « deux hommes blancs », alors que Borloo avait à la fois fait à nouveau le bon diagnostic et les bonnes propositions de solutions après la consultation des acteurs de ce terrain sensible.

            Quelques-unes des mesures Blanquer en faveur des écoles primaires de ces quartiers vont dans le bon sens.

            Nous en sommes là, et voile ou pas voile, laïcité « en nuances » ou pas, le respect de la laïcité passe par la reconquête républicaine des quartiers sensibles, c’est-à-dire par l’injection massive de culture républicaine et d’esprit collectif républicain.

            Comment une femme habitant ces quartiers peut-elle, sans risque, s’afficher publiquement sans voile, alors que des musulmans extrémistes tentent de contrôler la vie sociale, comme ils le font par exemple en Iran ?

            Comment faire revenir certains quartiers dans la République, sans reprendre le contrôle « collectif » de leur vie culturelle et sociale ? Alors que les « collectifs » d’origine, religieux, culturels, et sociaux, sont encore très prégnants ?

       Jean Pierre Renaud

Laïcité et République Française, la laïcité est le gage de la paix civile !

En écho aux déclarations du Président devant les évêques de France, le 8 avril 2018…

Laïcité et République Française, la laïcité est le gage de la paix civile !

            Il s’agit d’un sujet auquel je suis particulièrement sensible et attaché pour de multiples raisons que je vais rapidement évoquer.

            Des raisons familiales tout d’abord : petit enfant d’une famille grand-paternelle issue du Plateau de Maîche, dans le massif du Jura, dans ce que certains commentateurs baptisèrent alors du nom de « Petite Vendée », ma famille s’illustra dans la bataille de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, en luttant contre les inventaires des églises.

            Arrêté comme meneur de la révolte du Russey, mon grand-père paternel, éleveur sur ce plateau, fut arrêté par la gendarmerie et fit un séjour de quinze jours de prison à Montbéliard.

            Ses convictions religieuses ne l’ont évidemment  pas empêché, comme citoyen, de trouver naturel que ses quatre fils fassent leur devoir de citoyen pendant la guerre de 1914-1918 : le plus jeune, gravement blessé,  mourut la veille de ses vingt ans, et parmi les trois autres, l’un fut gazé, le deuxième mutilé, et le troisième plusieurs fois blessé.

            Je n’ai généralement pas l’habitude d’exposer ma vie privée, mais les circonstances actuelles m’appellent à le faire, compte tenu de l’irresponsabilité généralisée qui semble dominer le débat sur la laïcité.

            Tout en comprenant plus tard les raisons de l’opposition de ma famille paternelle à cette époque, je n’ai jamais partagé leur opinion, car tout au long de ma jeunesse, de mes études, de mes expériences professionnelles à l’étranger ou en métropole, j’ai eu maintes occasions de me féliciter de l’existence de cette loi.

            Dans le Pays de Montbéliard, terrain tardif de lutte entre les catholiques et les protestants, j’avais vécu au quotidien, plus de cinquante ans après la loi, les difficultés et les fragilités de leur cohabitation religieuse, d’autant plus que la présence de deux temples protestants, témoins du lointain passé allemand du pays, attestait de la force des liens protestants luthériens et calvinistes.

            Ajouterais-je qu’au cours de la première moitié du vingtième siècle, la communauté protestante avait sans doute  ressenti, dans une partie de ses éléments, la nouvelle présence catholique venue d’une immigration de proximité comme une sorte d’invasion.

          Vous n’y verriez pas un rapprochement avec la perception qu’une partie de la population de ce Pays ressent de nos jours à l’endroit d’une immigration musulmane relativement importante, souvent venue de loin ?

         Dans les années 60, qui dans ce Pays avait fait connaissance avec l’Islam ? Alors qu’au cours des dernières années, cette dernière religion a introduit dans notre pays une source incontestable de contestation, de division, de fragilité, à partir du moment où la religion islamique n’a pas encore reconnu, si cela arrive un jour, le précepte d’après lequel ce qui est à César est à César, et ce qui est à Dieu est à Dieu, c’est-à-dire la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.

      Rappelons que pour une majorité de musulmans, il n’existe pas de séparation entre les domaines religieux et civil, comme ce fut longtemps le cas chez nous.

         Il y a quelques années encore, à l’occasion d’un mariage, j’avais recueilli le témoignage d’un couple mixte, mari catholique et épouse protestante, dont le mari avait fait l’objet d’une exclusion de l’Eglise catholique à la suite de leur mariage dans les années 1960.

        Je n’ignorais pas non plus le lourd passé de nos guerres religieuses qui ont ensanglanté la France pendant des siècles, et l’Eglise catholique, apostolique, et romaine serait bien inspirée de ne pas l’oublier. J’en donnerai un exemple historique en annexe de ce texte.

 Des raisons culturelles et professionnelles :

          Au cours de mes études, j’avais été sensibilisé aux problèmes de l’athéisme et des religions du monde, aux conceptions de l’islam, de l’hindouisme, du bouddhisme, du confucianisme, du shintoïsme, ou de l’animisme, mais c’est au cours de mes séjours en Afrique noire et en Algérie, que j’ai eu véritablement l’occasion de faire connaissance avec l’emprise de l’islam, de moins en moins rigoriste en Afrique noire, en descendant du Sahel vers la côte, cette dernière étant encore le terrain d’une profusion de croyances animistes aux prises avec l’islam et le christianisme.

        Cet islamisme mâtiné de l’influence de nombreuses confréries, telle celle, puissante, des Mourides au Sénégal, était très différent de celui de l’Algérie, plus structuré. Pourquoi ne pas noter que dans les pays d’influence musulmane, leurs lettrés considéraient que les blancs étaient des « nazaréens », c’est-à-dire des infidèles, pour ne pas dire des mécréants ?

      Dans son livre, «  La France en terre d’islam », Pierre Vermeren  a fort bien analysé les relations que le pouvoir colonial entretenait avec le monde musulman.

      Dans la plupart des cas, il s’instaurait une sorte de tolérance respective et bienveillante entre les deux pouvoirs, les religions étant considérées comme faisant partie des coutumes qu’il convenait de respecter, car il n’était évidemment pas question d’instaurer la laïcité.

      Il en fut à peu près de même en  Algérie, sauf que dans ce pays, et cela changeait déjà tout, les Européens y constituaient une très forte minorité dominante.

     Sur le long terme, chacun vivait ses convictions religieuses de son côté, pour autant qu’elles existaient. Pierre Vermeren  décrivait dans son livre « Une contre-société coupée de l’Algérie française » (p,218)

      La guerre d’Algérie a plutôt renforcé cette « contre-société ».

     Récemment, plus d’une centaine d’intellectuels de France ont dénoncé le « séparatisme » musulman, comme s’ils découvraient un problème qui a toujours existé et dont les conséquences ont été régulièrement renforcées avec l’immigration : l’islam de France n’a jamais accepté la séparation des Eglises et de l’Etat, ne serait que parce que l’expression « Islam de France » n’a pas de traduction doctrinale et institutionnelle, ou ce qui est plus grave, ne peut pas en avoir, dans un contexte théocratique.

      Dans notre pays, le citoyen a quotidiennement la preuve que les responsables politiques découvrent toujours, après coup, la nature des problèmes  à résoudre.

       En 2012, j’ai publié sur ce blog une petite analyse du livre de John R Bowen, intitulé «  L’Islam à la Française », résultat d’une enquête qu’il avait effectuée dans tous les compartiments de cette religion. Ses diagnostics étaient concluants : à cette lecture, il était clair que le plus grand désordre régnait dans les institutions supposées de la nouvelle religion « française », sa doctrine ou ses doctrines, une organisation faite d’improvisation et  d’amateurisme religieux et prosélyte nourri d’internet. (blog des 19/10/12, 7/11/12, et 15/07/17)

      L’auteur notait, de façon peut-être optimiste, qu’il semblait exister des chemins de rencontre entre l’Islam à la Française et les institutions de la République.

      Il est évident que l’éphémère Califat de Raqqa, les nouvelles guerres du Moyen Orient, les attentats commis en France (Assassinat du père Hamel et du colonel Beltrame, et de beaucoup d’autres victimes) et en Europe, ont changé la donne, et fait craindre les initiatives répétées et mortelles d’un Islam radical.

        Le récent appel de plusieurs centaines d’intellectuels condamnant le nouvel antisémitisme qui sévit en France sonne le tocsin, et ces violences légitimement dénoncées trouvent évidement des aliments dans la démographie actuelle de la France et dans la paralysie persistante qui empêche la naissance d’un État Palestinien.

La problématique actuelle :

       De nos jours encore, le sujet est à nouveau inflammable, à voir les réactions qu’a suscitées le discours d’un Président de la République à la dernière Conférence des Évêques de France, en affirmant  vouloir restaurer « le lien abîmé entre l’Église et l’État » une expression ambiguë qui a donné l’occasion à certains groupes de pression influents de condamner le propos.

      Il est évident que l’arrivée d’une nouvelle religion chez nous, l’Islam, et d’autres mouvements culturels divers d’origine étrangère, prônant souvent un multiculturalisme niveleur et relativiste à la mode, ont agité la société française tout au long des dernières années, comme ils ont interpellé à maintes reprises notre système républicain de séparation des pouvoirs entre les Églises et l’État.

       Il est non moins évident que l’Islam de France n’a pas encore réussi, pour autant qu’il le puisse, à accepter une séparation des pouvoirs méconnue par la religion professée.

       De son côté, l’Église catholique a quelquefois adopté des positions qui remettaient en cause une conception trop rigide, à ses yeux, de la laïcité.

     Les rapports historiques qui ont été ceux de l’Église catholique avec le pouvoir politique devraient l’inciter à faire preuve de réserve, sinon de prudence, car, à dire la vérité, la fameuse loi de séparation de l’Église et de l’État constitue pour elle un rempart auquel il ne faut pas toucher.

       Que les institutions ecclésiastiques laissent le soin à l’État de faire son métier, c’est-à-dire appliquer cette loi, et de faire en sorte que de nouvelles formes de théocraties avouées ou masquées ne viennent pas empiéter sur le domaine public !

         De leur côté, les défenseurs de la laïcité n’ont pas toujours fait preuve du même élan que leurs ancêtres pour défendre la laïcité, en menant le combat contre les prières dans les rues, le port du  voile dans les établissements scolaires publics, la défense de l’égalité entre les femmes et les hommes, le refus de serrer la main des femmes, la venue d’imams étrangers dans les nouvelles mosquées, leur financement par des puissances étrangères, etc…

       Les silences d’une franc-maçonnerie jadis puissante dans l’Afrique coloniale et en métropole ont été assourdissants : elle se réveillerait enfin ? De même que certains partis politiques plus soucieux d’engranger des suffrages que de défendre le bien commun ?

       « Grand-Orient : « L’esprit de la loi a été mis à mal » (Le Figaro du 11/04/18,  page 3)

       Est-ce que la société maçonne a toujours été aussi réactive face aux nombreuses dérives de la religion musulmane sur le terrain public ?

     Je n’ai pas l’impression non plus que tous les mouvements d’action féministe aient toujours mené un combat permanent et efficace contre la condition inégalitaire faite trop souvent à des femmes d’origine musulmane.

       A plusieurs reprises sur ce blog, et à titre d’exemple, j’ai rappelé le combat nécessaire contre l’excision de jeunes filles d’origine africaine, dont le nombre représenterait encore dans notre pays de plus de 60 000 femmes,  plus de soixante ans après les indépendances coloniales (voir article Ondine Debré, Le Monde du 22/12/2016).

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En petite annexe pour la France de la mémoire courte, un petit rappel :

Les guerres de religion en France

« Le vrai, le faux et la fin de l’histoire », par Jean d’Aillon dans son livre « « Béziers, 1209 » page 591

            Dans plusieurs de ses livres, l’auteur a décrit les guerres intestines de cette France du XIIIème siècle, et notamment les guerres religieuses qui ont été menées contre les Cathares, considérés par l’Église romaine comme des hérétiques. A ce titre, ils étaient persécutés, et sauf abjuration de leurs croyances, assassinés et brûlés.

            Le livre « Béziers, 1209 » décrit toutes les horreurs de ces guerres, résumées dans la prise de Béziers qui connut alors toutes les violences imaginables, qu’il s’agisse d’enfants, de femmes ou d’hommes, combattants ou non, commises à l’instigation des institutions religieuses, d’alliés laïcs, et d’une foule de ceux qu’on appelait les ribauds ou les ribaudes, c’est-à-dire des hordes de manants prêts à tout.

        Afin d’illustrer ces tragédies, je me contenterai de reproduire le texte de la relation (page 591) qu’en fit le pape Innocent III, lequel « approuva sans réserve le sac de Béziers » :

      « Bien que les citoyens de Béziers eussent été scrupuleusement avertis par nous et par leur évêque et que nous leur eussions ordonné, sous peine d’excommunication, soit de livrer aux croisés les hérétiques avec leurs biens, soit, s’ils ne pouvaient pas, de sortir eux-mêmes de la ville, sans quoi ils partageraient le sort des hérétiques, ceux-ci pourtant n’obéirent pas à nos sommations et à nos demandes ; bien plus, ils convinrent par serment avec les hérétiques de défendre la ville contre les croisés.

       Le jour de la Sainte-Madeleine, la ville fut assiégée un matin. Par la nature du lieu, par ses forces et ses provisions, elle semblait suffisamment munie pour pouvoir résister longtemps à n’importe quelle armée. Mais, comme aucune force ni aucun dessein ne peut s’opposer à Dieu, tandis que l’on parlementait avec les barons pour libérer ceux de la cité qui semblaient catholiques, les ribauds et d’autres personnes viles et sans armes, sans attendre l’ordre des chefs, lancèrent l’attaque et, à l’étonnement des nôtres aux cris de « Aux armes, aux armes : », en l’espace de deux ou trois heures, les fossés et la muraille franchis, la ville de Béziers fut prise.

        Les nôtres, sans regarder l’état, l’âge ni le sexe, passèrent au fil de l’épée presque vingt milles hommes. Après cet énorme carnage des ennemis, toute la ville fut pillée et incendiée, la vengeance divine se déchaînant miraculeusement contre elle. »

      « D’autres contemporains parlèrent de soixante mille morts. »

      Jean d’Aillon, « Béziers 1209 » (pages 591,592) 

        Heureusement, et depuis, les Églises chrétiennes ont retrouvé leur vrai visage d’amour et de paix, mais il n’est jamais bon d’oublier son histoire, fut-elle déplaisante, encore moins de nos jours, alors que sont semées dans notre pays les premières graines de nouvelles guerres de religion.

         Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

Chronique de la France d’en bas, ou plutôt de l’Eglise d’en bas Entre Dieu et César !

Chronique n° 6 de la France d’en bas, ou plutôt de l’Eglise d’en bas

Une Eglise de France en pleine confusion des ordres !  « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » Luc

            Entre laïcité et culte catholique dans la République « laïque », en pleine crise de « pédophilie », il est tout à fait étrange de voir les évêques de l’Eglise de France désigner un préfet pour présider la Commission nationale d’expertise indépendante chargée de conseiller les évêques dans l’évaluation des situations de prêtres ayant commis des abus sexuels.

           D’autant plus étrange que le nouveau Président exerçait ou exerce encore, les fonctions de directeur général de la Fédération française de football : quel saut olympique entre le foot et les sacristies !

            A lire son curriculum vitae publié par le journal La Croix du 22 avril dernier, (page 14), sa fréquentation du bon establishment de France, institution de l’Eglise « comprise », le méli-mélo multiculturel qui y règne, et sans contester les qualités de ce haut fonctionnaire, il est possible de se poser la question de savoir si cette nomination ne révèle pas une trop grande proximité entre  préfets de France et évêques de France, entre l’establishment qui nous gouverne encore et un establishment épiscopal qui ne dit pas son  nom.

          Décidément, l’Eglise de France est peut-être beaucoup plus malade qu’on ne pouvait le penser ! Et la France avec elle !

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique au fil des jours, esclavage, laïcité, Grande Bretagne

Humeur Tique au fil des jours

Mémoires et histoires de l’esclavage ? En récompense de sa tournée « triomphale » dans les Caraïbes, un « Noël en mai » pour le journal Le Monde, notre Président mérite incontestablement la Palme d’Or de toute l’histoire de l’esclavage, en concurrence avec celle de Cannes, pour avoir fait assumer par la France tout le poids de l’histoire et des mémoires de l’esclavage des Amériques, d’Afrique, ou d’Asie.

Les Antilles françaises auraient mérité mieux : pourquoi ne pas avoir décidé de les doter d’un commissariat au plan et au développement afin de les aider à s’assumer dans le contexte économique de l’Amérique centrale ?

Laïcité et islamophobie ? Pourquoi s’étonner de constater qu’une laïcité de plus en plus militante se met à défendre une laïcité des institutions publiques chèrement acquise au début du 20ème siècle, gage de notre paix civile ?

Pourquoi ce nouveau militantisme se verrait accusé à tort, et à tout bout de champ, d’islamophobie, alors que depuis une dizaine d’années une fraction de musulmans, citoyens français ou non, encourage, comme cela n’a jamais été le cas auparavant, au choix , le respect du Ramadan, la viande hallal, ou le port de tenues ou de voiles qui tendent à afficher et à affirmer la position religieuse des jeunes filles et des femmes musulmanes.

Tout cela après une lutte séculaire en faveur de l’égalité des deux sexes féminin et masculin ?

La Grande Bretagne de Cameron ? En Europe ou en dehors ?

Pourquoi s’accrocher aux basques de la Grande Bretagne qui continument, avant son entrée dans l’Union européenne et après, milite pour que cette union ne forme qu’un marché libéral de plus en plus vaste ?

La véritable question posée est celle de savoir s’il existe dans l’Union européenne des pays qui entendent donner un destin à notre vieille Europe et qui auront le courage d’aller de l’avant vers une véritable union politique, avec un Président élu par les citoyens, une politique économique et étrangère commune, et naturellement une défense commune.

Si avec ce qui s’est passé en Ukraine, et qui continue de se passer, les Européens n’ont pas encore compris quel sort leur était promis, alors oui, il faudra bien parler d’une décadence de l’Europe !

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: Le Mariage pour tous, la démocratie, et la laïcité! Qui joue avec le feu?

  Le sujet est difficile, et peu de Français ont sans doute eu la possibilité  d’en percevoir tous les enjeux, mais il y a au moins trois points tout à fait clairs :

            1 : La mesure a l’ambition de mettre les couples à égalité de droits, quelles que soient leurs affinités « électives ».

            2 : Il parait difficile de contester sur le même sujet, et quelles que soient les opinions des citoyens et des citoyennes de France, la compétence du Parlement : ne serions- nous plus dans une démocratie républicaine ?

           3 : A voir le déroulement des nombreuses manifestations des adversaires de la nouvelle loi, Il est possible de se poser la question du comportement de l’Eglise catholique, apostolique, et romaine, dans ce domaine ultra-sensible, puisqu’il met en cause la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905, c’est à dire la laïcité.

         L’Eglise  a parfaitement le droit et le devoir de rappeler sa doctrine, et les valeurs qui sont les siennes, mais la présence officielle de ses représentants aux manifestations met en cause le principe de laïcité qui depuis plus d’un siècle assure la paix religieuse et civile dans notre pays.

        L’Eglise a pris le risque de jouer avec le feu, car demain ne verrons-nous pas des représentants d’autres confessions religieuses entrer dans la danse de la contestation civile et politique ?

         Pour ne pas évoquer le rôle subversif de certaines formations politiques !

« L’Islam à la Française » « Enquête » John R.Bowen – Lecture critique: 2ème Partie

« L’Islam à la Française »

« Enquête »

John R.Bowen

2ème partie

Réflexions, objections, et questions

            Il s’agit d’un livre savant, difficile à lire, même lorsque l’on a un petit vernis de culture islamique, et le lecteur serait sans doute heureux d’avoir à sa disposition un petit glossaire des mots et concepts de la religion musulmane qui sont utilisés par l’auteur.

            Ma lecture critique repose sur deux postulats :

1 – que ma lecture ait bien résumé l’image représentative que le livre propose de l’Islam à la Française, et donc que j’ai bien interprété le texte.

2 – que l’enquête de M.Bowen soit représentative des réalités musulmanes françaises, et donc, que la façon dont il en rend compte soit la plus objective possible.

Cette enquête est basée avant tout sur les interviews de ceux que l’auteur appelle les « savants », dont la définition est le plus souvent imprécise.

            A la lecture, il est quelquefois possible d’avoir l’impression que le discours Bowen est un plaidoyer en faveur  de tous les chemins possibles d’une « convergence » entre l’Islam et la République Française.

Un face à face entre Islam et République, sur un pied d’égalité ?

            Une des formules utilisées par l’auteur est assez significative à cet égard :

            «  Négocier d’un champ de légitimité à l’autre » (page 289)

            L’auteur analyse la situation de l’Islam en France en le mettant sur un pied d’égalité avec la République Française, une sorte de face à face, alors que pour revenir à la lettre et à l’esprit d’une des « Pensées » de Pascal, le débat se situe entre deux « ordres » différents, le religieux, et le républicain.

                        A la fin de son livre, l’auteur écrit :

            « Ces développements et ces convergences délimitent les contours empiriques d’une réponse affirmative à la question : l’Islam peut-il être français ? D’un côté comme de l’autre, le défi à relever implique d’embrasser plus largement le pluralisme et le pragmatisme, même si cette démarche emprunte des chemins assez différents. » (page 360)

            En notant que « de nouvelles institutions islamiques innovantes » existeraient bien, l’auteur écrit :

            « A l’inverse, le défi pour la France est de trouver comment théoriser, dans le droit, la politique et la vie sociale réelle qui est celle d’un pluralisme des valeurs. » (page 360)

            Il parait tout de même difficile de parer cette démonstration du concept de pluralisme, alors que c’est précisément la loi de 1905 qui organise et sécurise le pluralisme religieux, à la condition sine qua non que chacun des partenaires reste dans son « ordre », et qu’aucune des religions, les anciennes en France, et la nouvelle, ne veuille s’ériger en contre-pouvoir.

            Il s’agirait donc de « théoriser », dans le cas présent, une relation de normes qui ne sont pas celles  de la République ?

            Une analyse non pertinente

            Une autre critique de base porte sur la description des relations entre l’Islam et les institutions de la République, une description qui semble tout à fait inappropriée.

            La laïcité est au cœur du débat, de même que la chronologie de « l’irruption de l’Islam dans l’espace public français ». (page 37)

            L’auteur fait une curieuse lecture de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, à propos des « Associations religieuses, un frein à l’intégration ? » :

            « Tout au long du XIXème siècle, l’Etat a ainsi progressivement permis à certains types d’entités collectives d’agir selon leurs intérêts : en effet, l’Etat avait fini par admettre qu‘il valait mieux déléguer aux guildes la supervision de la production de pain, que d’avoir à affronter le mécontentement populaire devant des miches rongées aux vers, ou qu’il était préférable d’autoriser quelques syndicats de travailleurs plutôt que de subir des grèves sauvages, de sorte qu’à partir de 1901, on accorda aux citoyens un droit général à faire enregistrer des associations, et que la loi de 1905 était principalement destinée à remettre les Eglises entre les mains des citoyens. » (Page 331)

            N’importe que citoyen français doté d’une petite culture historique ne pourra s’empêcher d’interpréter cette lecture de notre histoire, comme réductrice et fausse, comme si la France n’avait pas connu, sous la monarchie, la confusion entre le pouvoir religieux et le pouvoir civil, le roi fils de Dieu, et comme si la loi de 1905, n’était pas venue sanctionner un long combat pour qu’enfin, l’adage évangélique célèbre « Remets à César ce qui est à César, et ce qui est à Dieu à Dieu », soit enfin une réalité dans la République.

            Un parallélisme historique contestable entre les religions existant aujourd’hui en France.

            Le débat dont fait état l’auteur sur les priorités et les valeurs, et sur la place de la laïcité dans les pages 344, 356, et 359, laisse à penser que ce débat est ouvert, et donc que la France peut trouver des « convergences », c’est-à-dire des accommodements avec certaines exigences de l’Islam, certains de ses rituels.

            L’auteur pose la question « La laïcité doit primer ? » (page 344)

            L’auteur  évoque successivement plusieurs dossiers sensibles tels que l’apostasie (quitter l’Islam), le voile, le mariage, la burqa, et met en cause l’attitude des pouvoirs publics à l’égard de signes ou de rituels religieux compatibles, d’après lui, avec le pluralisme français, en prônant une fois de plus les « convergences » possibles.

Il est tout aussi difficile de suivre le raisonnement de l’auteur lorsqu’il met sur le même plan une « église » musulmane qui n’existe pas, en tant qu’institution comparable à celle des autres religions, et les autres, de même qu’il fait l’impasse sur la chronologie française de ces religions.

La religion musulmane est un fait historique récent, et elle a pris de l’importance au cours des vingt dernières années, notamment avec les flux migratoires venus d’Afrique, et nombreux ont été les Français, non issus de cette immigration, qui ont fait la découverte des pratiques de cette religion nouvelle.

Et à cet égard, les chiffres des espaces de prière que l’auteur cite, en apportent la démonstration, alors que leur ouverture, comme indiqué, n’a pas été toujours aisée : 500, en 1985, 1 279 en 1992, 1 600, en 2010. (page 62)

Une fois esquissées les critiques qui nous paraissent les plus centrales, examinons les éléments de la démonstration que propose M.Bowen, en suivant le cours de son discours.

Itinéraires musulmans

L’auteur décrit toute une série d’itinéraires de musulmans « dont les questions portent avant sur la façon de vivre dans une société laïque, comment pratiquer sa foi, travailler ou se marier en l’absence d’institutions islamiques. » (page 20)

 Des questions qui portent donc sur la compatibilité concrète, sociale, civile, juridique d’une religion pratiquée avec les  institutions républicaines, une compatibilité souvent malaisée que tentent de faciliter ceux que l’auteur appelle « les innovateurs religieux musulmans » qui essaient de « façonner le paysage de l’Islam Français ».

« Le défi pour les uns et les autres allait donc être de construire un savoir islamique qui soit à la fois légitime en termes transnationaux et pertinent en France. » (page 52)

Mais avec quelles « Autorités » ?

« Qui donc sont ces gens qui se sont donné le rôle d’autorités religieuses  pour les musulmans de France ? »  (page 52)

Et c’est effectivement une des difficultés du problème, de même que des pratiques religieuses de type collectif et des interdits inconnus jusque-là, qui paraissent avoir la primauté dans ce type de vécu religieux.

Les observations de l’auteur quant à la particularité d’après laquelle l’héritage colonial, avant tout celui de l’Algérie, lequel mériterait à lui seul, d’être explicité, éclairerait la façon dont les pouvoirs publics abordent le sujet, paraissent  d’autant moins pertinentes que dans les pays musulmans les autres religions ne bénéficient pas du « pluralisme » d’expression  que recommande l’auteur pour la France.

Des convergences d’autant plus difficiles à trouver et à définir que la description des « Espaces et lieux de l’Islam  en France » donne une impression de grand désordre religieux, à la fois dans leur organisation et leur animation, l’ensemble de ces lieux de prière gravitant toutefois dans l’orbite mondiale de « l’umma », la communauté musulmane du monde, plus que dans celle des différents pays concernés par la nouvelle religion.

En ce qui concerne les mosquées, le titre même du chapitre 3 « Des mosquées tournées vers le monde extérieur » soulève des interrogations, le caractère récent de l’enracinement de l’Islam en France expliquant évidemment la prédominance de cette relation étrangère, avec une majorité de « leaders islamiques » jeunes, qui ne sont pas nés en France. (page 88)

L’auteur note : « Par nature, l’enseignement et le culte islamiques en France continuent donc de fonctionner à une échelle mondiale. » (page 92)

Par nature ? S’agit-il d’un des principes fondateurs de l’Islam à la Française ?

Une impression de désordre aussi, dans l’analyse de l’effort, tout à fait méritoire que relate le chapitre « Donner forme à un savoir adapté à la France ».

A lire les pages d’enquête du sujet, le lecteur en retire l’impression que tout est possible, selon les interprétations qui sont données du Coran, de ses versets, des hadiths, – les paroles et actes du Prophète- , des grandes traditions sunnite ou chiite, des avis des imams, et aujourd’hui de l’Islam des sites internet, à la condition toutefois qu’une partie des « savants » trouve un chemin de convergence entre prescription religieuse et conduite de la vie quotidienne.

Car le quotidien est un problème en soi, la prière, les ablutions, la nourriture, et tout ce qui touche au statut des personnes, compatible ou non avec nos lois républicaines.

Dans la troisième partie, l’auteur traite longuement de ces sujets de « friction ».

Les « innovateurs » recherchent les voies d’une convergence entre deux ordres de normes qui ne sont pas toujours compatibles, en s’inspirant des « finalités » de l’Islam, mais à lire les pages qui leur sont consacrées, leur tâche ne parait ni facile, ni concluante.

L’auteur ne masque d’ailleurs pas les difficultés rencontrées pour avancer des solutions.

« Les jeunes générations, ceux qui sont nés ici, ils ne connaissent pas leur propre langue, ni leur propre culture, et ils ne pourraient en aucun cas retourner vivre dans leur pays d’origine. » (page 131)

Et plus loin :

« Ici se révèle une ligne de fracture majeure, entre, d’un côté, la poursuite d’une voie islamique sur le sol français, et de l’autre la volonté de devenir partie intégrante de la France. ! » (page 141)

Les écoles ? Mêmes interrogations ! Et autre challenge !

Le titre de ce chapitre 5 est tout à fait curieux : « Comment les écoles se démarquent les unes des autres » et la lecture des premières lignes donne un cours étrange à cette enquête.

L’auteur évoque à ce sujet, de la part de leurs créateurs ou animateurs, « un créneau à occuper », « une niche particulière sur la marché de l’éducation musulmane par le biais d’une interprétation spécifique de la connaissance islamique ». (page 163).

Heureusement, le corps du sujet ne se résume pas à cela, mais on voit bien qu’il n’est pas facile dans notre pays de vouloir ériger un réseau d’écoles musulmanes, en respectant à la fois les normes de l’école républicaine et celles des finalités premières de l’Islam :

« Les six « finalités » (magasid)  qui sous-tendent et éclairent les interdictions, la préservation de la religion, de l’âme, de la raison, de la procréation, des biens et de l’honneur, c’est-à-dire les cinq principes proposés par al-Shatibi, plus l’honneur, un ajout d’al-Qaradawi.. » (page 173)

A lire cette analyse, le développement récent, il est nécessaire de le souligner, d’un réseau d’écoles musulmanes, rencontre de grandes difficultés, pour plusieurs raisons, dont celle de pas avoir encore réussi à résoudre certaines contradictions dans l’enseignement lui-même.

L’auteur note en effet : « Des écoles musulmanes, des instituts, des centres de formation, et même des camps d’été, tentent de résoudre la quadrature du cercle en conciliant l’intégration sociale et l’intégrité religieuse. » (page 198)

Et le même auteur de poser dans le chapitre 6 la question clé : « Une école islamique peut-elle être républicaine ? » 

La réponse de M. Bowen est affirmative, au moins dans l’exemple qu’il cite.

Son analyse du cas de l’Ecole de la Réussite à Aubervilliers montre qu’une école musulmane peut, à l’exemple d’une école catholique, entrer dans le cadre républicain en mettant en œuvre le programme national de l’enseignement, mais avec toutes les difficultés qu’il y a à enseigner un programme laïc dans une école islamique, notamment quand il s’agit de traiter de l’homosexualité, de l’égalité des sexes, de la théorie de l’évolution, des rituels quotidiens, etc….

Et l’auteur de conclure son chapitre avec une conclusion tout à fait révélatrice de toutes ces difficultés et ambigüités, avec l’observation « en le contestant » que j’ai soulignée:

«  Jusqu’à présent, nous nous sommes attachés à explorer les divers moyens employés par les acteurs publics musulmans pour créer des institutions islamiques qui utilisent (tout en le contestant) l’environnement culturel et politique français, et les chemins parcourus par les enseignants pour façonner le raisonnement islamique en fonction de ces conditions. » (page 244)

Dans la troisième partie « Débats et Controverses », l’auteur revient sur un certain nombre de sujets qui font débat au sein de la société française, musulmane ou non, avant tout des sujets de statut personnel compatible ou non avec la loi française.

Il pose la question : « Un Islam d’Europe est-il nécessaire ? » et l’intitulé même de cette question pose une autre question : un christianisme d’Afrique ou d’Asie est-il nécessaire ?

On voit immédiatement la difficulté du sujet, entre le transnational musulman, souvent venu d’ailleurs, c’est-à-dire celui de l’«umma », une communauté musulmane mondiale polarisée sur l’Arabie Saoudite, l’Iran ou le Qatar, avec son ambition d’universalité, et le national.

L’auteur examine les difficultés d’adaptation de la norme musulmane à la norme française quand il s’agit de la « Riba », – de l’emprunt d’argent – , et d’une façon générale, du « fiqh », de la ou des jurisprudences musulmanes, car leurs sources sont nombreuses.

L’auteur évoque le « mainstream » de l’Islam français, mais à le lire, il n’apparait pas clairement, même pas du tout.

Alors la façon d’exprimer les termes du débat par le titre « Négocier d’un champ de légitimité à l’autre », est de nature à surprendre même le Français le mieux intentionné.

En 2012, la République va négocier avec l’Islam dans son propre champ de légitimité ? En trouvant des « accommodements raisonnables » ? (page 356)

 En ce qui concerne le mariage, le divorce, la nourriture halal, en considérant qu’il existe une « Convergence I de l’Islam à la laïcité », les musulmans trouvant des accommodements avec les normes républicaines ?

En considérant qu’il existe une « Convergence II du droit civil aux pratiques de l’islam », c’est-à-dire en opérant un retour en arrière de la loi et de la jurisprudence française  dans le domaine de la polygamie, en arguant d’arguments de jurisprudence civile tels qu’ « un effet atténué d’ordre public » ou d’ « ordre public de proximité », en proposant une analyse du concept d’ordre public français bien réductrice.

Un plaidoyer donc pour le retour d’un certain pragmatisme dans ce domaine, et en excipant tout à fait curieusement des exemples venus d’en haut de la République française qui rapetissent très sensiblement le champ de son analyse intellectuelle.

L’auteur écrit en effet, au titre des arguments favorables, et à propos de ces efforts d’atténuation de la loi française :

« Enfin, ce genre de distinctions permet aux autorités françaises de paraître moins hypocrites sur le plan moral, dans une période où un nombre croissant de couples français ne se marient pas, et où un certain nombre des Français, en particulier les présidents successifs du pays, pratiquent une polygamie de facto. » (page 323)

Conclusion générale

 Il est difficile de proposer une conclusion générale au sujet traité, un sujet d’une grande complexité théorique et pratique, alors que la France a longtemps ignoré, dans sa vie nationale, concrète, et quotidienne,  l’existence même de l’Islam, sauf pour une minorité de Français, et pour les autres, une teinture scolaire qui mériterait d’être identifiée.

A lire l’auteur, et compte tenu de toutes les limitations que la nature même de cette enquête suppose, il existerait de nombreuses raisons d’être optimiste, quant à la capacité des musulmans de France d’entrer dans le cadre des normes républicaines,

–       en faisant confiance aux « innovateurs » d’un Islam moderne,  encore bien peu nombreux, semble-t-il, et contestés, au sein même de leur communauté religieuse.

–       en recherchant des « convergences » de finalités entre les deux registres de normes islamiques et françaises, mais nous avons relevé à ce sujet que le postulat d’un débat à égalité entre normes soulevait dès le départ un vrai problème.

A la lecture de cette enquête, supposée représentative de l’Islam à la Française,  il existerait d’autres nombreuses raisons de ne pas partager cet optimisme.

La confusion et le flottement qui entourent l’interprétation des normes musulmanes, la multiplicité des sources religieuses, souvent antagonistes entre elles.

La prédominance d’une religion concrète très rituelle, de type collectif, qui a besoin de s’exprimer, de s’extérioriser dans le domaine social, avec quelquefois un esprit conquérant, prosélyte, en ce qui concerne le voile, la nourriture, ou  le jeûne du Ramadan.

Les observateurs de la vie islamique à la française savent qu’une pression de plus en plus importante et constante s’exerce sur tous les membres de la communauté musulmane pour que le Ramadan soit respecté, ou pour que les femmes portent un voile, une pression qui n’existait pas il y a quinze ou vingt ans.

D’autres observateurs font le constat que les musulmans éprouvent une très grande difficulté à séparer le civil du religieux, comme ce fut longtemps le cas en France, quand l’église catholique exerçait son magistère sur la vie nationale.

Pessimiste, donc si l’Islam de France ne réussit pas à faire sa révolution copernicienne, c’est-à-dire à ne plus dépendre des vrais centres de décision de cette religion qui sont situés à l’étranger, ou au minimum à accepter les dispositions de la loi de 1905, sur la séparation des Eglises et de l’Etat.

Sauf à penser que l’Islam de France puisse engager sa révolution religieuse, il est à prévoir que les convergences à trouver ne soient pas aisées à trouver et à mettre en œuvre, une révolution copernicienne, très difficile à réaliser, compte tenu du mur qui sépare encore le dar el salam du dar el harb.

Pourquoi cacher que pour tout un ensemble de raisons de politique intérieure ou extérieure, les relations entre la communauté islamique et les autres communautés continueront à être délicates, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté que l’Islam de France rencontrera pour ne pas être identifié avec un Islam extrémiste, fanatique, prêt à porter la guerre en Occident.

Toute la question est de savoir :

– si le jugement que Pascal portait, au XVème siècle,  sur cette grande religion a encore une actualité ou non. (Pensées de Pascal Article IX – La perpétuité –  articles 595 et suivants)

– ou encore, si l’Islam à la Française est  « mektoub », ce qui est écrit dans le Coran.

Jean Pierre Renaud

« L’Islam à la Française » « Enquête » John R.Bowen – Lecture critique: première partie

« L’Islam à la Française »

« Enquête »

John R. Bowen

(Steinkiss)

Lecture critique

Première Partie

Lecture résumée

La deuxième partie sera publiée dans la semaine du 5 novembre 2012

            La matière est difficile et le livre traite une grande quantité de sujets qu’il est souvent malaisé de résumer, mais l’enjeu en vaut la chandelle, car la lecture de cette enquête permet de mieux comprendre la situation et le « fonctionnement » de l’Islam dans notre pays.

            Une lecture que ne facilite pas l’analyse très factuelle de son auteur, à l’anglo-saxonne de la méthode des cas, dans un domaine religieux et civil,  très foisonnant, trop foisonnant.

L’ouvrage comporte trois parties :

1ère partie – Itinéraires musulmans (pages 11 à 75)

2ème partie –  Espaces et lieux de l’Islam en France (pages 75 à 247)

3ème partie – Débats et controverses (pages 247 à 367)

Comme nous le verrons, les titres des chapitres en disent peut-être plus long sur le choix des sujets traités que sur les sujets eux-mêmes.

1ère partie – Itinéraires musulmans

 Chapitre 1 – « L’Islam et la République »

L’auteur a procédé à une enquête auprès de ceux qu’il dénomme les « savants », les « érudits » musulmans présents en France pour bien délimiter ses sujets et ses réflexions. Il a procédé à un inventaire des formes d’idées et d’institutions qui y sont présentes.

Une des conclusions de ce premier chapitre mérite d’être citée :

« Au fil de ces chapitres, j’aurai donc tracé des pistes réelles et potentielles pour une convergence de la réflexion normative des deux côtés à la fois, à partir des normes sociales et juridiques de la France et à partir de celles de l’Islam. Mais cette convergence dépendra de l’acceptation de part et d’autre d’une certaine dose de pragmatisme social.

L’Islam aura davantage de chances d’«être français », c’est-à-dire d’être devenu une composante pleinement acceptée du paysage socio – religieux français, lorsque les musulmans comme les non-musulmans auront développé des raisons convaincantes d’accepter des formes pragmatiques de justification, qui admettent que la protection sociale de tous constitue une bonne raison de soutenir une politique, et qui reconnaissent dans le pluralisme de valeurs un phénomène témoignant d’une juste compréhension de la laïcité française. » (page32)

Dans le chapitre 2, intitulé « Façonner le paysage de l’islam français », l’auteur propose son interprétation de l’attitude des pouvoirs publics à l’égard de l’Islam, sur le voile et l’école qui aurait encore quelque chose à voir avec « la conception coloniale de l’islam » :

« Au milieu des années 1970… il était naturel pour eux de plaquer sur la vie postcoloniale en France la conception coloniale de l’Islam comme instrument de contrôle social. » (page 61)

L’auteur note que le nombre de lieux de culte musulman est passé de 100 en 1970, à 500 en 1985, «  à 1279 en 1992 et finalement 1 600, ce qui revient à un triplement d’espaces de prière en dix- huit ans » (page 63)

2ème partie – Espaces et lieux de l’Islam en France

Chapitre 3 : « Des mosquées tournées vers le monde extérieur »

L’auteur brosse le portrait des mosquées française en notant :

« Bien que toutes ces activités (certification halal, vente de livres, prières, conférences, enseignements) soient indépendantes les unes des autres, un esprit commun les réunit, celui que porte une jeune génération de leaders islamiques. La plupart d’entre eux ne sont pas nés en France, mais ils bénéficient d’un bon niveau d’éducation en français, et s’attachent à mener leur vie islamique à travers toute une gamme d’activités d’entrepreneurs. » (page 89)

L’ensemble de ce chapitre montre que l’enseignement est d’abord tourné vers l’extérieur, le monde islamique, et que beaucoup d’imams viennent de l’étranger.

En matière de sermons, une étude réalisée au cours de la période 1999-2001, montra que « dans vingt- trois mosquées de toute la France. Presque tous étaient délivrés en arabe, parfois avec une traduction française, et une nette majorité des prédicateurs étaient originaires du Maroc… Rares étaient ceux nés en France. » (page 92)

Chapitre 4 : « Donner forme à un savoir adapté à la France »

A la lecture de ce chapitre, apparait une réalité musulmane très contrastée, fluide, en mouvement, difficile à appréhender et à comprendre, avec une interprétation de règles superposées, le Coran et ses versets, les hadiths de Mahomet, et toutes les interprétations convergentes ou divergentes des « savants » qui disent la « loi »,  c’est-à-dire et concrètement d’imams plus ou moins « savants ».

L’auteur cite les propos de quelques- uns des « sachant », dont Hichem El Arafa, responsable d’un important et influent centre d’études musulmanes, le CERSI (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Islam) situé à Saint Denis.

« Que propose Hichem comme alternative au salafisme ou aux Tablighis ?

Il plonge dans les profondeurs historiques des traditions de l’épistémologie islamique, de façon à mettre en relief les complexités du savoir, et s’appuie, par ailleurs, sur un ensemble d’objectifs ou de principes généraux du Coran pour élargir ce savoir à de nouveaux domaines. Son enseignement tend à mettre en avant la première de ces deux dimensions de travail, qui repose sur la science des hadiths, les « recueils » de ce que le Prophète a dit, fait, ou s’est abstenu de dire ou de faire. Il peut concentrer l’attention sur la science des hadiths pour souligner la nature complexe du savoir islamique, et pour affirmer que les érudits doivent soupeser ou arbitrer différentes alternatives et émettre des jugements. Il enseigne également que les hadiths que l’on peut considérer comme fiables convergent avec le sens commun, même dans la France d’aujourd‘hui, et qu’ensemble ils forment un système logique et cohérent. Nul besoin donc pour les musulmans d’abandonner leurs traditions d’érudition au profit d’une approche simplifiée de leur religion, sous la forme d’un simple « règlement ».

Mais pour Hichem, il n’y a guère plus de sens à enseigner du point de vue de l’une ou l’autre des écoles juridiques établies, dans la mesure où celles-ci se sont développées dans des sociétés fort différentes de la France d’aujourd’hui…

Le « méta- message » qui transparaissait au fil des cours d’Hichem était que le savoir islamique repose sur la science de l’étude des paroles du Prophète, et que cette science produisait des résultats complexes, qui ne se laissent pas aisément réduire à un jeu de règles. Les étudiants se montrent souvent insatisfaits d’un tel message, beaucoup  voudraient précisément trouver ces règles. » (page 142)

Chapitre 5 : «  Comment les écoles se démarquent les unes des autres »

L’auteur décrit la diversité des pédagogies utilisées par les écoles islamiques existant en France, et tout à fait curieusement introduit son propos en écrivant :

« De cette façon, nous pouvons interpréter la façon dont chacun d’eux présente son approche comme une tentative d’affirmer sa différence (et donc  de revendiquer une « niche » particulière sur le marché de l’éducation musulmane) par le biais d’une interprétation spécifique de la connaissance islamique. » (page163)

« Nous pouvons, provisoirement, distinguer trois dimensions principales en fonction desquelles s’articulent les différences d’un institut à l’autre ;
 La première dimension est celle de la professionnalisation…

La seconde est celle de langue (arabe ou non)…

Enfin, troisième et dernière dimension, les instituts mettent l’accent, dans l’apprentissage de la tradition islamique, sur différentes combinaisons de sources : certaines prennent comme point de départ l’une des quatre grandes traditions juridiques sunnites, tandis que d’autres préfèrent éviter cette médiation des écoles juridiques et travailler directement sur l’interprétation du Coran et des hadiths. » (page164)

Il n’est pas toujours facile de suivre l’analyse de l’auteur  dans ce chapitre qui compte près de quarante pages, mais on en retire deux impressions, celle d’une infinie diversité des interprétations du Coran, et parallèlement l’importance qu’ont les règles religieuses, les normes, les interdits, et l’application stricte des règles dans la vie musulmane (mariage, filiation, divorce, voile,…) et d’un rituel religieux quotidien exigeant (ablutions, cinq prières,…)

Chapitre 6 :  « Une école islamique peut –elle être républicaine ? »

Un titre incontestablement provocateur, d’autant plus qu’il s’agit d’une question ?

L’auteur écrit :

« A présent nous nous rapprochons encore du système éducatif prédominant en France, et nous posons d’emblée une question abrupte : la formule d’ « école islamique républicaine » n’est-elle pas un oxymore ? Mais dans ce cas l’on pourrait aussi s’interroger plus avant : les écoles confessionnelles ne sont-elles pas toutes en contradiction avec la mission républicaine de la France,

La pensée républicaine française fait de l’école publique l’instrument privilégié pour faire de chacun un citoyen. Dans cette perspective, tous les enfants devraient suivre les cours de l’école publique. » (page207)

L’auteur fait un très rapide résumé historique de l’enseignement en France, de la situation de l’enseignement privé, en notant qu’un cinquième des élèves du secondaire fréquente l’enseignement catholique.

« Il n’existe en revanche qu’une poignée d’écoles privées musulmanes « de jour » comme je les nommerai parfois ici pour les distinguer de celles qui se spécialisent dans les cours du soir. La toute première à avoir été créée en France métropolitaine est l’Ecole de la Réussite, à Aubervilliers. » (page 208)

Et l’auteur de poser la question :

« Comment enseigner un programme laïc dans une école islamique ? »

« … Aussi longtemps qu’ils suivent  les directives des programmes nationaux, les enseignants sont libres de concevoir leurs propres plans et de gérer leur enseignement. Les professeurs couvrent donc les mêmes disciplines  et les mêmes sujets que leurs collègues du public. Seule différence, une heure d’éducation religieuse et quatre heures d’arabe sont proposées  dans des tranches horaires optionnelles le mercredi et le samedi, suivant un modèle adopté par de nombreuses écoles privées catholiques. » (page 221)

La suite de l’analyse montre qu’il n’est pas toujours facile de concilier normes islamiques et normes républicaines, sans introduire le concept de l’évolution de l’Islam, et de son adaptation aux finalités de cette religion, et c’est peut-être là tout le problème.

3ème partie : « Débats et controverses »

Chapitre 7 : « Un « Islam d’Europe » est-il nécessaire ? »

« Prenons, un bref moment, un peu de recul, le temps de considérer quels chemins notre enquête a jusqu’ici empruntés. Nous nous sommes d’abord penchés sur les forces qui ont contribué à modeler le paysage actuel de l’Islam en France, les parcours de vie des musulmans, de leur arrivée dans le pays à leur implantation à long terme, leur identification de plus en plus marquée avec l’islam, et les réactions de l’Etat qui s’est attaché à mettre en application la vieille tradition visant à maintenir, moyennant un certain soutien officiel, le contrôle d’ l’Etat français sur les institutions religieuses. Cette perspective nous a permis de comprendre le développement des institutions islamiques (mosquées, écoles, instituts) comme une réponse, inscrite dans le champ des possibilités offertes par la France, à une demande constante de la plupart des jeunes français musulmans, garçons ou filles.

Nous nous sommes ensuite engagés dans l’analyse plus détaillée d’un ensemble de projets institutionnels musulmans portés par les courants dominants et modérés, le « mainstream » de l’Islam français, et qui ont été mis en œuvre en suivant  à la lettre les règles du jeu français, même si des contradictions avec ce « jeu », en particulier autour des questions éducatives, demeurent source de tracasseries pour certaines de ces initiatives. Il y a encore des maires pour s’opposer à la construction de mosquées, et certaines écoles religieuses continuent de se heurter à un mur au sein de la bureaucratie. Tous ces projets révèlent des acteurs publics islamiques en quête de solutions pragmatiques face à un double défi : comment survivre dans la paysage public français, et comment enseigner l’Islam (ou enseigner dans une atmosphère islamique) d’une façon qui puisse séduire une nouvelle génération de musulmans français. …

Nous avons ainsi découvert qu’une même idée se retrouvait à travers tout l’éventail, si varié qu’il fut, des réponses apportées aux problèmes quotidiens, ainsi qu’à travers les diverses manières d’enseigner l’Islam : celle des finalités, ou intentions (maqasid) de la charia, comprises comme sous-jacentes aux règles spécifiques énoncées dans les Ecritures.

Cette idée peut permettre, éventuellement, de légitimer certaines tentatives de dépasser ces règles pour explorer de nouvelles possibilités de vie dans l’Islam…

Dans le présent chapitre, nous nous pencherons sur une gamme plus large encore, et plus différenciée, de formulations et de justifications de la part des érudits et des enseignants, et nous verrons comment se développent entre eux des controverses quant à la valeur relative de ces différentes formulations. Les questions posées par les musulmans dans les débats publics soulèvent inévitablement le problème de savoir si des normes islamiques distinctes doivent s’appliquer en France (et par extension en Europe). » (page 251)

L’analyse de l’auteur nous conduit au cœur du sujet, quant à l’interprétation du Coran, des hadiths, des traditions, des jurisprudences islamiques, et il y en beaucoup, et de la compatibilité de ces normes sacrées ou non, avec le vécu concret des musulmans, le rituel des prières, le halal alimentaire ou privé, le mariage et la répudiation, la filiation, les emprunts, etc…

Comment accorder ses actes de vie privée, sociale et économique, dans le contexte républicain laïc, en demeurant musulman, c’est-à-dire fidèle aux enseignements de l’Islam ?

Est-il légitime de trouver « une fondation coranique à l’idée de de devoir agir en fonction des nécessités » ? (page 257)

Chapitre 8 : « Négocier d’un champ de légitimité à l’autre »

Autre titre, un brin provocateur, pour un lecteur nourri au lait de la République et de la laïcité !

L’auteur relève que la plupart des musulmans de France régissent leur vie sociale par les normes françaises, et de poser donc la question :

« Comment peuvent-ils combiner ces jeux de normes concurrents, comment trouver des compromis, comment négocier ? » (page289)

Et afin d’éclairer son propos, l’auteur s’attarde sur le cas du mariage et du divorce, en analysant les différents aspects de ces actes à la fois de vie privée et publique, et en montrant à la fois les limites et les champs possibles de  cohabitation des deux de normes :

Quelles sont les modalités et obligations d’un mariage halal ?

Comment rompre un mariage halal ?

L’auteur note à ce sujet que « la plus grande confusion » règne dans les réponses, notamment avec la multiplication des sites internet.

Convergence I : de l’Islam à la laïcité »

Et plus loin : « Quels objectifs pour les règles de la nourriture halal ? »

Convergence II : du droit civil français aux pratiques de l’Islam »

Dans ce passage, l’auteur analyse le dossier toujours très controversé de la polygamie, d’abord tolérée, puis interdite, et d’après lui souvent réglé de façon pragmatique, les juges s’appuyant sur deux concepts, « l’effet atténué d’ordre public » ou sur un concept d’« ordre public de proximité ».

Et pour illustrer son propos, l’auteur écrit :

« Enfin, ce genre de distinctions permet aux autorités françaises de paraître moins hypocrites sur le plan moral, dans une période de l’histoire où un nombre croissant de couples français ne se marient pas, et où un certain nombre de Français, en particulier les présidents successifs du pays pratiquent une polygamie de facto. » (page 323)

Chapitre 9 : « Sphères d’Islam au cœur de l’espace républicain » 

« Partis d’un vaste panorama historique du paysage de l’Islam en France, nous nous sommes peu à peu rapprochés pour regarder de plus près les mosquées, les instituts et les écoles qui parsèment ce paysage, avant de nous placer au plus près pour observer les formes de réflexion et de débat qui prennent place chez les musulmans au sein des espaces islamiques…

Nous avons vu, ainsi, comment les musulmans invoquaient des formes socialement pragmatiques de raisonnement islamique pour faire face à des problèmes concrets, et comment ces modes de pensée pouvaient également jeter des ponts depuis l’univers islamique vers les normes juridiques françaises. Nous avons aussi pu esquisser les voies éventuelles d’une convergence dans l’autre direction, partant cette fois du droit français pour tendre la main aux institutions islamiques du mariage et du divorce. Ces deux registres, ces deux répertoires de normes, se ressemblent bien plus qu’on ne le penserait de prime abord, tous d’eux s’appuient en effet sur des notions comparables d’objectifs sociaux et d’équivalences juridiques….

Ceci nous invite donc fortement à nous tourner à présent vers la force sociale et morale des objections françaises au genre d’idées et d’institutions islamiques que nous nous sommes attachés à observer.

Ceux en France qui s’inquiètent de l’intégration des musulmans au sein de la République font d’ordinaire mention de deux problèmes-clefs : en premier lieu, le fait que certains  musulmans sont restés nettement « communautaristes » et tendent à se regrouper autour d’associations fondées sur l’Islam, mosquées, écoles ou associations communautaires de quartier, ce qui les empêche d’entrer pleinement dans l’’espace public républicain ; et en second lieu, le fait que certains musulmans ne sont pas parvenus à faire leurs les exigences de la laïcité, parce qu’ils substituent des normes et des valeurs religieuses (ou bien des valeurs culturelles dérivées de la religion)) aux normes et valeurs laïques, ce qui les empêche d’adopter pleinement les normes d’égalité homme-femme et de liberté religieuse. » (page330)

L’auteur pose alors la question : «  Les associations religieuses, un frein à l’intégration ? »

Il tend à démontrer le contraire  en faisant une lecture de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, sur laquelle nous reviendrons dans notre analyse critique : « … et que la loi de 1905 était principalement destinée à remettre les Eglises entre les mains des citoyens. » (page 331)

M.Bowen compare la situation des écoles privées musulmanes à celle des écoles privées catholiques, et cite l’exemple de l’Ecole de la Réussite d’Aubervilliers ;

« Il y a pourtant plus d’une raison de soutenir que, sur le plan psychologique, un enfant musulman pourrait retirer davantage encore de profit d’une scolarité dans une école musulmane, qu’un enfant catholique scolarisé dans l’enseignement privé confessionnel, étant donné les nombreuses occasions, dans sa vie quotidienne, où il risque d’être critiqué pour sa foi. La plus grande part du caractère « islamique » de l’école ne vient pas des programmes, mais du fait  que se comporter en musulman(e), porter le voile, faire sa prière à l’heure prescrite ; jeûner durant le Ramadan, est normal dans cet espace. Dans une école publique, même la rupture du jeûne est regardée comme une contravention aux normes de la laïcité. » (page 336)

Les observations de M.Bowen le conduisent à penser qu’il existe beaucoup plus de convergences entre les deux registres de normes qu’on ne le pense.

L’auteur évoque alors :

« Une sphère islamique nationale au Bourget », c’est-à-dire le salon annuel de l’UOIF du Bourget :

«  Les références normatives que l’on trouve ici sont islamiques, et non françaises, ou européennes, mais les formes d’investissement personnel qui y sont encouragées, construction d’écoles et de lieux de prière, souci des personnes dans le besoin au-delà des frontières, ne semblent guère différentes de ce qui forme la base même de la vision française d’un citoyen actif. » (page 343)

Et l’auteur de relever plus loin que cette situation n’est guère différente de celle qu’ont connue ou que connaissent les catholiques et les juifs.

Et les dernières pages de ce livre abordent un certain nombre de sujets sensibles, ou très sensibles, qui font polémique au sein de la République Française et pour lesquels M.Bowen pose la question :

« La laïcité doit primer ? »  à propos de l’apostasie.

« Défauts d’assimilation » à propos du voile à l’école, du mariage halal, avant le mariage civil en mairie, de la virginité avant mariage, et du port de la burqa.

L’auteur tient un discours qui tend à légitimer ces pratiques liées au culte musulman, et il écrit :

« … ces affaires s’inscrivent dans des cadres de pensée préexistants, selon lesquels la religion en général s’oppose aux droits des femmes, et les musulmans ne peuvent devenir des Français à part entière. » (page 356)

Et plus loin :

« Nous sommes, me semble-t-il, témoins d’un véritable « serrage de vis » sur le plan des valeurs, et d’un rejet plus fort du pluralisme, tout cela au nom de l’intégration à la nation.

Mais c’est précisément le pluralisme dans la vie associative, et au sein de la famille, qui a permis à la France d’ « intégrer » les catholiques, les protestants et les juifs dans la République en leur laissant la possibilité de conserver un héritage et un  système de croyances religieuses (dont certaines ne reflètent clairement pas l’égalité homme- femme) dans la vie sociale,… «  (page 357)

M.Bowen conclut :

« Ces développements et ces convergences délimitent les contours empiriques d’une réponse affirmative à la question : l’Islam peut-il être français ? D’un côté comme de l’autre, le défi à relever implique d’embrasser plus largement le pluralisme et le pragmatisme, même si cette démarche emprunte des chemins assez différents » (page360)

Un résumé sans doute imparfait, et presque nécessairement imparfait, mais dont le contenu soulève maintes questions qui gravitent évidemment autour de la question clé : l’Islam de France est-il compatible avec les valeurs de la République Française, et notamment celle fondée, au prix de beaucoup de difficultés, par la loi de séparation des Eglises et de l’Etat ?

Nous proposerons, dans une deuxième partie, nos réflexions critiques sur le discours analytique de M.Bowen.

Jean Pierre Renaud