Le Petit Journal Militaire, Maritime et Colonial
Le supplément du Petit Journal
Année 1906 numéro 138
Extraits de contenus
(Première chronique sur le blog du 25 octobre 2010)
Rappelons tout d’abord que, dans les années 1900-1910, le Petit Journal était un quotidien qui tirait à plus de 800.000 exemplaires, 835.000 en 1910, mais que le nombre des lecteurs ou abonnés du supplément était évidemment bien inférieur à ce chiffre.
Rappelons que chaque supplément comprenait quinze pages, dont deux consacrées aux mouvements d’officiers.
Rappelons également que les thèmes coloniaux représentent moins de 13% des colonnes d’information du total des suppléments de l’année 1906.
Le numéro 138 fait exception puisqu’il consacre près de 30% de son contenu à l’information coloniale.
Trois sujets ont retenu notre attention :
1 – « En Algérie »
Une étude de M.Ismaël Hamet, interprète principal de notre armée, dont le titre est « Nos sujets musulmans sont-ils assimilables »
L’auteur constate :
« Il est presque de dogme aujourd’hui, parmi les personnes qui n’ont pas vécu en Algérie, et même parmi celles qui ont vécu dans notre colonie… que l’indigène algérien n’est pas perfectible, que tel il était au temps de Mahomet, tel il est resté aujourd’hui, à l’aube du vingtième siècle. En un mot qu’il n’est pas assimilable, civilisable, au sens que nous attribuons à ces qualificatifs… »
L’auteur entend démontrer dans cet article que ce n’est pas le cas, et il en appelle donc de ce jugement décourageant. (3 colonnes et demie)
Est donc évoqué, dans cette étude, le dossier de la compatibilité entre la religion musulmane, son statut religieux et familial, et la loi républicaine, dossier très sensible, et toujours d’actualité comme la société française le découvre aujourd’hui chez elle, entre autres, avec le voile, la burqua, ou la polygamie.
2 – « Au Congo français »
Le supplément évoque l’enquête qu’a effectuée Brazza sur les abus coloniaux dénoncés et constatés au Congo et informe ses lecteurs des instructions données par le ministre des colonies Clementel en vue de mettre fin à ces abus et à la collusion d’intérêts, au mélange des genres constaté entre l’administration coloniale et les sociétés privées, les fameuses compagnies concessionnaires, sources de beaucoup des abus dénoncés. (2 colonnes)
En 1905, Brazza avait été chargé par le gouvernement d’enquêter sur des exactions commises en Oubangui. Son rapport dénonçait tout un ensemble d’abus et de violences. En dépit du refus par la Chambre de publier ce rapport, Félicien Challaye publia le dossier avec le soutien du grand et célèbre écrivain Péguy.
3 – En Cochinchine
« Ce qu’il faut faire en Cochinchine, le programme du gouverneur »
« On a enlevé aux notables de villages leurs pouvoirs de police ; on n’a rien mis à la place… Il faudrait pouvoir revenir en arrière. » (3 colonnes)
C’est en Cochinchine que la France prit d’abord pied, au milieu du dix-neuvième siècle, dans la péninsule indochinoise, précisément en Cochinchine, à l’instigation des amiraux, qui mirent le gouvernement de l’époque devant le fait accompli. Le territoire fut alors érigé en colonie.
La France n’avait défini aucune politique indigène, et de fil en aiguille, ses officiers et administrateurs pratiquèrent de plus en plus l’administration directe, au lieu de s’appuyer sur les élites locales qui existaient alors localement, le réseau des mandarins et des lettrés.
Le problème a été récurrent en Indochine où deux écoles de pensée s’affrontèrent en permanence, entre ceux qui proposaient des solutions apparentées au protectorat, dans le respect des pouvoirs traditionnels, l’empereur d’Annam au sommet, et ses lettrés, et celles de l’administration directe, qui fut la solution dominante.
JPR