La primaire socialiste et les questions posées: propositions Terra Nova et « caucus » Ferrand à Marseille

La primaire socialiste et les questions posées ?

La principale : ne s’agit-il pas d’une forme moderne de « détournement » de la loi républicaine, en pleine « tendance/com » ?

Un « caucus » à Marseille, à la mode « Iowa » pour choisir le candidat PS Ferrand pour les législatives 2012 ? C’était l’occasion rêvée de tester une aussi belle idée de la part du principal animateur de Terra Nova!

Le Monde et la Croix ont rendu compte des conclusions du rapport de Terra Nova sur cette primaire :

Le Monde, dans le numéro du 22/11/11, intitule ainsi son compte-rendu :

« Les promoteurs de la primaire socialiste ont quelque regret sur son déroulement »

« La fondation Terra Nova estime que le débat a commencé trop tard et que de nombreux sympathisants n‘ont pas voté par crainte d’être fichés. »

La Croix, dans son numéro de la même date, intitule ainsi son compte-rendu :

« La Fondation Terra Nova propose de généraliser les primaires

–      A l’origine de la primaire du parti socialiste, Terra Nova juge son bilan très positif

–      Le laboratoire d’idées a élaboré une proposition de loi visant à encadrer et à généraliser la procédure de la primaire en France. »

Le contenu de ce rapport rapporté de façon très différente par ces deux quotidiens soulève de nombreuses questions.

Un contenu résumé de l’article du Monde :

La fondation tire un enseignement positif de cette première expérience, tout en regrettant un certain nombre de points, et formule des propositions :

Première proposition sur la durée de la campagne : M.Ferrand fait référence au modèle américain en indiquant « Trois semaines de campagne, c’est beaucoup trop court », aux Etats Unis, rappelle-t-il la compétition s’étale sur six mois, « ce qui laisse le temps à des candidats inconnus au départ – comme Clinton ou Obama – de s’imposer… Les candidats et les journaux ont peiné jusqu’à la mi-septembre, à mobiliser la masse des électeurs faute de couverture télévisuelle suffisante. »

Deuxième proposition : mieux déployer la campagne à l’échelle locale :

Pourquoi ne pas importer en France le principe anglo-saxon des « caucus », où les militants se mettent dans la peau des candidats.

Citant en modèle « l’extraordinaire déploiement de la campagne d’Obama sur le terrain qui a permis de ramener aux urnes  15 million d’électeurs. »

Troisième proposition  relative au scrutin lui-même : suppression du versement d’un euro et « mise à la disposition de tous les bureaux habituellement ouverts lors des scrutins républicains. »

La Fondation Terra Nova a l’ambition d’aider le parti socialiste à mieux réussir sa prochaine primaire, mais aussi de faire adopter par les autres partis le même type de scrutin pour la désignation des têtes de listes dans les communes de plus de 50 000 habitants, ainsi qu’aux chefs de file des élections régionales et européennes.

Un contenu résumé de l’article de la Croix :

La  fondation Terra Nova a tiré un « bilan objectivement très bon » et qualifié ce premier essai de « l’innovation démocratique la plus importante depuis l’élection  du président au suffrage universel, en 1962 »

La fondation a démontré par ailleurs la bonne opinion qu’ont retenue les Français… « ils sont 74% à estimer que ce mode désignation du candidat est positif pour la démocratie »

« Fort de cette première expérience, la fondation Terra Nova a donc élaboré une proposition de loi pour généraliser cette procédure. »

« Qu’il s’agisse de l’investiture pour un mandat exécutif national (élection présidentielle) ou local (municipal) tous les partis pourraient ainsi solliciter une sorte de « label » officiel de primaire. Cette certification permettrait à la formation politique d’accéder à la version numérisée des listes électorales ou de bénéficier de la mise à disposition gratuite des bureaux de vote.

La fondation souhaite enfin que les partis soient autorisés à conserver les fichiers de sympathisants : « Le PS se prive d’un vivier de 600 000 personnes ».

« Or l’intérêt de la primaire est précisément selon lui de renouveler la démocratie participative. »

&

Beaucoup de questions !

Les enseignements que tire la fondation ainsi que ses propositions soulèvent naturellement une foule de questions.

 Une transposition électorale anglo-saxonne ?

En premier lieu, est-ce qu’une fondation politique française a vraiment besoin de faire appel au système électoral et politique américain pour justifier l’expérience électorale que le PS vient de proposer aux Français ?

Il parait tout de même difficile de s’appuyer sur une telle référence, pour tout un ensemble de raisons, dont la principale est incontestablement le système électoral américain lui-même du choix d’un candidat et d’un président.

Et la fondation de proposer de retenir « le principe anglo-saxon des « caucus » où les militants se mettent dans la peau des débatteurs ».

Regretter les délais de campagne, l’insuffisance de la couverture télévisuelle, mettre à la disposition des électeurs la disposition de tous les bureaux habituellement ouverts lors des scrutins républicains », ne sont-ce pas là de belles propositions qui faussent très précisément les conditions d’un scrutin vraiment républicain ?

Une couverture télévisuelle insuffisante alors que beaucoup de français ont souffert d’une overdose de télévision, comme ils en souffrent à nouveau avec le tout plein com des médias sur la prochaine élection présidentielle.

Un mélange des genres politiques institutionnalisé ? C’est-à-dire une forme nouvelle et moderne de détournement du scrutin fixé par la Constitution et nos lois électorales.

Dans son article 4, la Constitution dispose en effet « il est toujours universel, égal et secret ».

La fondation propose donc de doubler ce type de scrutin par un  autre, ou d’autres organisés par les partis politiques, avec les mêmes conditions d’universalité, d’égalité et de secret ? Non !

Des élections à tout bout de champ ?  Nos écoles neutralisées en permanence par ces consultations répétées, avec tout ce que cela représenterait en mobilisation de moyens dans nos mairies et nos préfectures ? Un coût supplémentaire des processus électoraux, non chiffré ?     Et une France en élection ou réélection perpétuelle, avec ses surdoses de com. et le coût également non chiffré et supplémentaire non chiffré de cette surdose ?

Non ces propositions ne sont pas sérieuses. Elles émanent d’un think tank à l’américaine de facture technocratique et ne méritent pas d’être autorisées par le Parlement.

Outre les nombreuses objections ci-dessus, et avant tout, cette nouvelle forme de détournement de la loi républicaine de nos scrutins électoraux qu’elle sanctionnerait, elle souffre de deux autres handicaps, le premier lié aux responsabilités des partis qui se défaussent sur les électeurs de leur mission d’information et de politisation, quels qu’ils soient, fuyant donc leurs propres responsabilités (définies d’ailleurs dans notre Constitution), et le deuxième attaché à l’explosion des réseaux internet qui donne une couleur obsolète à de telles propositions.

Que chaque parti organise ses primaires comme il l’entend, tout à fait d’accord, mais de grâce qu’on ne mélange pas les genres d’élections, alors que le pauvre électeur a déjà beaucoup de peine à s’y reconnaitre dans nos processus électoraux!

Alors mille fois non à ces propositions !

Jean Pierre Renaud