Histoire et Mémoire? Histoire coloniale et Mémoire coloniale ? Mémoire collective et Inconscient Collectif

Histoire et Mémoire ?

Histoire coloniale et Mémoire coloniale ?

Mémoire Collective et Inconscient Collectif ?

Mémoire collective ou histoire « immédiate » ?

La France a-t-elle une « mémoire collective coloniale », de même qu’un « inconscient collectif colonial » ?

            Comme je l’ai déjà écrit, un courant contemporain d’historiens et de chercheurs a mis l’éclairage sur l’importance de la mémoire « historique », au risque d’entamer la confiance que l’on peut accorder aux recherches historiques les plus sérieuses, notamment en avançant l’idée ou le principe d’une mémoire collective « coloniale », et même d’un inconscient collectif « colonial ».

            J’ai traité ce sujet sur le blog à plusieurs reprises, notamment le 15 avril 2010, en résumant la leçon que proposait Maurice Halbwachs dans son livre « La mémoire collective », en relevant la critique de fond que suscitait le discours de l’historien Stora sur l’existence ou non d’une mémoire collective coloniale, de même que le discours tenu à la Mairie de Paris dans un colloque intitulé « Décolonisons les imaginaires ».

Dans un article publié sur le blog, le  15/04/2010, je m’attachais à :à définir ce qu’est la mémoire collective selon les critères d’Halbwachs, son véritable initiateur, ci-après (contribution 1) , à proposer au lecteur trois analyses concrètes de textes ou de situations évoquées par des historiens ou d’autres intellectuels, « La guerre des mémoires » de l’historien Stora, d’une part (contribution 2), et le colloque de la Mairie de Paris du 12/03/09 sous le titre « Décolonisons les imaginaires », d’autre part (contribution 3).             

1-  Histoire ou mémoire collective ?

Contribution 1  Le débat postcolonial avec l’éclairage Hallbwachs

            A lire articles ou livres de chercheurs, sociologues ou historiens, notre mémoire collective jouerait un rôle primordial dans l’approche et la compréhension de notre histoire coloniale.

            Une mémoire collective investie d’un rôle clé, quelques exemples :

            Premier exemple, le livre « La guerre des mémoires ».

             Citons des échantillons des textes dans lesquels il est fait référence à ce concept.

            « La guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), «  la fracture coloniale, c’est une réalité » (p.33), le « refoulement de la question coloniale » (p.32), « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective jusqu’à aujourd’hui une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer (p.32), « les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            Deuxième exemple, le livre « L’Europe face à son passé colonial »

            A la page 144, un historien note « une explosion mondiale des mémoires », et un autre écrit à la page 219 : «  La mémoire coloniale constitue depuis plusieurs années un sujet primordial dans le débat public français. »

            Troisième exemple, le livre « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy ».

            Un historien illustre à plusieurs reprises le concept : « une vision largement partagée par nos concitoyens (p.113) », « ces stéréotypes », « cette façon de voir les Africains est bien présente dans la mentalité française (p.116) », « combien le discours de Dakar « colle » à une opinion majoritaire en France » (p.122), « au service de l’anéantissement de ces clichés et stéréotypes si profondément ancrés dans une certaine vision de l’Afrique. » (p.123)

            Quatrième exemple, le livre « Mémoire année zéro ».

            Brillant essai d’un auteur habile à manier les concepts de mémoire, d’histoire, et d’identité nationale, à donner le vertige intellectuel au lecteur, j’écrirais volontiers d’une excellente facture « ENA ».

            Dans cet essai riche en citations, références, jugements et perspectives,  l’auteur écrit : « A côté de l’histoire, la mémoire était un instrument commode et populaire. La mémoire est collective (1). Les souvenirs sont individuels. (p.24) » La note (1) de la page 39 renvoie au livre « La mémoire collective » de Maurice Halbwachs, sans autre plus de précision.

            A la même page 39, l’auteur écrit : « On le voit : notre mémoire collective est en crise… »

            L’auteur nous entraîne dans un exercice de haute voltige intellectuelle autour du concept de mémoire, sans attacher, semble-t-il, une grande importance à la définition stricte des concepts manipulés, notamment sans asseoir ses raisonnements sur la définition rigoureuse de la mémoire collective qu’en a proposée Halbwachs.

            A partir de quelle définition et quelle mesure, ces appréciations et assertions sont-elles formulées, donc sur quel fondement ? Telle est la question

A force de lire articles et livres portant sur l’histoire coloniale, sur le passé colonial de la France, je me suis posé la question de savoir ce qu’était cette fameuse mémoire collective, nouvelle panacée de certains intellectuels, comme nous l’avons vu.

            J’ai donc été à la rencontre de l’inventeur, sauf erreur, de la théorie de la mémoire collective, c’est-à-dire Maurice Halbwachs, et donc de son livre fondateur, comme certains disent de nos jours.

            Rien ne vaut en effet, même pour un historien amateur, d’aller à la source.

            Qu’est-ce que nous dit cet auteur ? Dans un ouvrage austère, mais très bien écrit, Halbwachs analyse tous les aspects de la mémoire collective et en décrit les conditions de base, c’est-à-dire : une mémoire collective qui ne peut être définie que par rapport à :

            un espace (lequel ?),

            un groupe déterminé (lequel ?),

            un temps historique (lequel ?).

             Le sociologue ne manque pas de préciser qu’une mémoire collective a une durée de vie limitée (laquelle ?).

            Les héritiers du grand sociologue ont été inévitablement confrontés à la mesure de cette fameuse mémoire collective, en proposant méthodes, et outils de mesure quantitative, au moyen d’enquêtes statistiques fiables.

            Le constat : dans les textes des livres cités, nous n’avons trouvé ni définition du concept, ni indication de sources d’enquêtes statistiques, qui pourraient accréditer le discours de ces chercheurs.

            Je conclurai donc en faisant appel à la sagesse du bon vieux Descartes, comment ne pas douter, en tout cas pour l’instant, du fondement de ces affirmations, tant qu’elles ne s’appuieront pas sur des démonstrations conceptuelles et statistiques ?

            Pourquoi ne pas se demander entre autres si la fameuse mémoire collective française n’est pas plutôt branchée sur l’Europe, allemande, anglaise ou italienne, plutôt que coloniale ? A démontrer !

            Quelques citations éclairantes pour finir :

            « C’est à l’intérieur de ces sociétés que se développent autant de mémoires collectives originales qui entretiennent pour quelque temps le souvenir d’évènements qui n’ont d’importance que pour elles, mais qui intéressent d’autant plus leurs membres qu’ils sont peu nombreux. »  (page 129)

            « La mémoire collective, au contraire, c’est le groupe vu du dedans, et pendant une période qui ne dépasse pas la durée moyenne de la vie humaine, qui lui est, le plus souvent, bien inférieure. » ( p,140)

            « Chaque groupe défini localement a sa mémoire propre, et une représentation du temps qui n’est qu’à lui. » (p, 163)

&

Mes recherches personnelles m’avaient conduit à m’interroger, notamment dans le  livre « Supercherie Coloniale » sur le discours mémoriel du collectif de chercheurs de l’équipe Blanchard, d’après lesquels la France de la Troisième République, puis de la Quatrième, aurait été imprégnée de culture coloniale puis impériale, plongée dans un « bain colonial », sans en avoir apporté les preuves scientifiques suffisantes, sans proposition d’une méthodologie de l’existence de la mémoire collective en question.

            Le chapitre IX de ce livre a résumé questions et critiques sous le titre «  Le ça colonial ! L’inconscient collectif ! Freud au cœur de l’histoire coloniale. Avec l’Algérie, l’alpha et l’oméga de la même histoire coloniale » (page 235 à 281)

Mes conclusions n’ont pas changé, faute pour les historiens et les mémorialistes de proposer une méthode scientifique de calcul qui permette effectivement d’y procéder :

  1. Comment parler de « mémoire collective » coloniale sous la Troisième République alors que l’instrument statistique des sondages n’a commencé à être utilisé en France, qu’après 1945 ? Et pour la période antérieure « coloniale » à partir de quels vecteurs de mémoire collective supposée ?
  2. Comment parler aussi d’un « inconscient collectif » colonial existant sous la Quatrième ou Cinquième République, sans s’être donné les moyens de le mesurer par des enquêtes d’opinion sérieuses, comme il est possible de le faire depuis de nombreuses années ?

A la condition sine qua non qu’on puisse scientifiquement l’ausculter et le mesurer ?

  1. Question : à partir des travaux de l’Observatoire B2V, et du livre « La mémoire entre sciences et société », la situation a-r-elle évolué avec les instruments statistiques nécessaires pour évaluer la mémoire collective du passé, ou encore l’inconscient collectif du même passé, grâce aux travaux de cet Observatoire ?      

Après avoir lu un article de Pascale Senk dans le Figaro du 20 mai 2019 sous le titre « Quand l’imaginaire collectif nous ébranle », et l’interview de Francis Eustache intitulée « La mémoire collective est en pleine expansion », ma curiosité a de nouveau été éveillée par ce sujet, et donc par ce livre.

Pascale Senk faisait référence à la publication d’un ouvrage collectif dirigé par Francis Eustache, intitulé « La mémoire, entre sciences et société » (Observatoire B2V des Mémoires- Le Pommier poche), avec la collaboration de six scientifiques, une psycho gérontologue, une neurologue, un spécialiste d’intelligence artificielle, un neurobiologiste, un historien, et un philosophe.

Ce livre de plus de 700 pages a évidemment un contenu austère pour un lecteur non spécialisé dans les disciplines traitées tout au long de très nombreux chapitres distribués dans cinq parties :  « Mémoire et oubli » (p,15 à 133) – « Mémoire et émotions » (p,133 à 277) – « Ma mémoire et les autres » (p,277 à 406) – « Les troubles de la mémoire : prévenir, accompagner »  (p,406 à 537) – « La mémoire du futur » (p, 537 à 671).

Le sous-titre de l’’article de Pascale Senk cadrait bien le sujet : « Catastrophes, attentats, faits divers… Face à l’actualité, notre vie psychique a aussi une dimension collective », de même que sa conclusion :

« Reste que de puissantes images nous imprègnent et constituent une autre forme d’imaginaire collectif se construisant en permanence : un héros donnant sa vie pour d’autres, des avions s’encastrant dans des buildings ou une cathédrale qui brûle. Combien de temps agiront-elles en chacun de nous, et pour les générations suivantes ? Nous l’ignorons. »

Dans l’interview de Francis Eustache, neuropsychologue de la mémoire humaine, et à la question : « Le Figaro – Pour vous qui travaillez sur la mémoire la notion d’inconscient collectif est-elle pertinente ?

Oui, car aujourd’hui les différentes disciplines étudiant la mémoire se rejoignent. Pendant longtemps, la psychologie et les neurosciences, d’une part, les sciences sociales, d’autre part, travaillaient de manière séparée. Aux premières l’étude de la mémoire individuelle, typique, ou malade ; aux secondes, la mémoire collective, avec un focus sur le fait que certains événements étaient occultés car ils n’avaient pas de signification sociale, mais finissaient par ressurgir. A Caen par exemple, les conséquences des bombardements alliés, ont longtemps été passées sous silence. Il a fallu soixante-dix-ans pour que l’on mentionne les victimes (25 000 victimes civiles). Mais les Normands qui avaient vécu cela avaient en fait deux mémoires : l’une familiale, beaucoup ayant perdu un ou plusieurs membres de leur famille sous ces bombardements ; l’autre collective, qui parlait de reconstruction et d’accueil des libérateurs. Différents types de mémoire peuvent donc cohabiter en chacun. »

  • Sont-elles transmissibles ?

« En tout cas, lorsqu’elles correspondent à des blessures indélébiles, leur récit saute souvent une génération…

Est-ce l’émotion qui « imprime » ces mémoires ?

Oui, quand l’histoire collective, rejoint un vécu personnel, cela crée une émotion surprenante qui nous dépasse. Nous cherchons à décrypter scientifiquement, par l’imagerie cérébrale, l’observation des neuro-cognitions et des enquêtes d’opinion par exemple, ces liens entre ces deux dimensions mnésiques. D’autant plus qu’avec les caisses de résonance que sont devenus les médias, les événements sont amplifiés. La mémoire collective est en pleine expansion.

Vous travaillez notamment sur la mémoire des attentats du 13 novembre 2015 … »

Pourquoi ne pas se demander si les deux concepts d’’inconscient collectif et de mémoire collective sont synonymes ?

Première partie  

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Histoire ou mémoires ou subversion? Benjamin Stora

Histoire, mémoire, roman, propagande, subversion ?

Plus d’un demi-siècle plus tard !

Avec les « raisins verts » ?

         Quatre chroniques sur la guerre d’Algérie et les accords d’Evian

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Troisième épisode

Histoire ou mémoires ?

Benjamin Stora

Qu’est-ce qui fait courir Monsieur Stora ?

Ses talents d’historien engagé ? Ses positions d’intellectuel à la mode, ou sa condition d’enfant d’Algérie rapatrié en 1962 ?

Ou tout simplement son goût des médias, une sorte d’omniprésence dans beaucoup de médias ?

Les « raisins verts » des intellectuels issus de la matrice algérienne ? En concurrence avec les fils Joxe et Jeanneney ?

&

Entre guerre et paix ?

« Benjamin Stora, la paix des mémoires »

Un gros titre noir dans  La Croix des 12 et 13 novembre 2016, avec deux pages de portrait et d’interview (pages 10 et 11) et une grande photo de l’historien engagé.

      A la page 10, une grande photo de l’historien engagé qui occupe presque la moitié de la page, – figure de prêtre, d’apôtre, pour quelle religion dans un journal chrétien ? – une grande photo d’un Stora ouvrant tout grand les bras, avec en sous-titre :

     « L’historien Benjamin  Stora a toujours cherché à briser les enfermements, à connaître  les autres »

« La paix des mémoires » au lieu de « la guerre des mémoires » ? Monsieur Stora s’inscrirait donc aujourd’hui dans un autre registre de la mémoire, la paix des mémoires au lieu de la guerre des mémoires du petit livre qu’il publia en 2007. (voir ma critique sur ce blog)

            L’historien raconte dans cette chronique : « J’avais 42 ans quand je suis passé pour la première fois sur un plateau de télévision » (page 11, La Croix)

            Reconnaissons que depuis cette date, l’intéressé s’est bien rattrapé dans de très nombreux studios, colloques, ou tribunes, au point que de mauvais esprits pourraient se demander quand ce « bosseur » trouve le temps de « bosser ».

            Le journal note d’ailleurs : « De nombreux téléspectateurs identifient Benjamin Stora à ses épais sourcils et à sa mine austère qui confortent le sérieux d’émissions comme « La grande librairie » ou « Bibliothèque Médicis ».

            J’ai souligné le sérieux de ce commentaire louangeur.

            Les deux pages fournissent maintes informations sur le curriculum vitae de l’intéressé, mais sans rien dire de son passé trotskiste – le vrai « fil rouge ? » –  et de ses autres engagements politiques, qui éclaireraient sans doute son parcours, alors qu’il parle paradoxalement de sa « solitude politique » (p,11)

            Le plus surprenant à mes yeux, et pour moi qui fut un grand lecteur  et admirateur de Camus au cours de mes études, et encore après, fut d’apprendre que l’intéressé n’avait vraiment découvert Camus qu’en 1994, alors qu’il avait déjà 44 ans.

            Etait-ce un titre suffisant pour justifier une coprésidence, avec Monsieur Onfray, d’une exposition consacrée à Camus, à Aix en Provence, dont le projet fut d’ailleurs abandonné ?

         Benjamin Stora en captage d’héritage intellectuel, philosophique, et moral de Camus ?

         Illustration de cette découverte-conversion :

      Dans le journal Le Monde du 20 août 2014 « L’Eté en séries » (page18)

        16 avril 1994Benjamin Stora quitte Sartre pour Camus

      « LE MONDE » ET MOI

       L’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie coloniale et ancien militant trotskiste, s’est longtemps senti plus d’affinités avec la pensée de Jean-Paul Sartre qu’avec celle de Camus. Jusqu’à ce qu’il tombe, le 16 avril 1994, sur un article du « Monde » (1) saluant le roman inédit de Camus, « Le Premier Homme » :

… Cette lecture a totalement bouleversé l’image que j’avais de Camus et de la littérature… Et soudain, c’est de Camus dont je me sentais proche… Camus répétait-on était un auteur colonial. Le Premier Homme que je n’aurais pas découvert si vite sans cet article, a confirmé mes intuitions : travailler sur la mémoire, celle des personnes, des individus, est une tâche essentielle. Y compris pour les historiens. » Propos recueillis par Catherine Simon (1)

    (1) Article de Florence Noiville  intitulé « L’enfance inguérissable  d’Albert Camus »

            Depuis de très nombreuses années, Monsieur Stora inscrit son travail historique dans le champ médiatique, et je ne suis pas sûr que ce type de registre, tel qu’il en use, soit de nature à donner une autorité suffisante à un discours mémoriel ou historique, au choix, pour plusieurs raisons :

  Guerre des mémoires ou paix des mémoires ?

       L’historien a semé le trouble en lançant dans les médias et dans l’opinion publique l’expression « guerre des mémoires », une expression mémorielle qu’il n’a jamais eu le courage de faire mesurer.

     Tout un courant intellectuel et médiatique se gorge de discours pseudo-historiques ou pseudo-mémoriels sur la guerre d’Algérie, sur l’histoire coloniale, le « déni » des Français à leur endroit, en tentant de nous persuader que l’histoire coloniale a constitué une pièce importante de notre histoire, alors que cela n’a pas été le cas, hors l’Algérie : beaucoup de Français n’en ont appris, ou connu l’existence, en plus de l’expérience, qu’à l’occasion de l’envoi des soldats  du contingent.

        Un discours mémoriel qui, non seulement laisse accroire que la mémoire de la guerre d’Algérie se confond avec celle de la décolonisation en général, mais aussi, que l’histoire de l’Algérie coïnciderait avec celle de la colonisation française dans son ensemble, alors que c’est le seul territoire qui a fait l’objet d’une longue tentative de colonisation humaine, en définitive modeste par rapport à certaines expériences et réussites anglaises.

        Je suis loin d’être convaincu que les Français originaires d’Algérie, pas plus que les intellectuels issus de la « matrice « algérienne, soient les mieux placés pour nous raconter notre histoire, et nous convaincre que l’Algérie constitue l’alpha et l’oméga de notre « histoire du Sud ».

      Mesure des mémoires ? Je ne suis pas sûr que les Français issus de la deuxième ou troisième génération d’immigrés venus d’Algérie connaissent mieux leur histoire, et ce n’est sans doute pas avec le discours idéologique du FLN, toujours au pouvoir, qu’ils y réussiront.

     Hors Algérie, le peuple français n’a jamais été un peuple colonial, et ce sont les nouveaux flux d’immigration algérienne qui lui ont fait prendre conscience de ce pan de notre histoire, avec une autre sorte de colonisation, notamment l’algérienne en France.

     Le chroniqueur de La Croix écrivait : « Face au grand public rassemblé au  théâtre de La Criée dans le cadre des Rencontres d’Averroès – un rendez- vous annuel de débats et d’échanges qui se déroule depuis 1994 dans la Cité phocéenne -, il cherchera une nouvelle fois à jeter des ponts entre des histoires qui furent conflictuelles. A rapprocher les mémoires… » (p,11)

&

Humeur Tique « L’archaïsme de la politique française »

Journal Les Echos du 12 mars, une interview de Cohen-Bendit (page 2) (sans publicité), intitulée :

            «… je suis estomaqué » par l’archaïsme de la vie politique française »

            Et nous donc, et depuis longtemps !

            Aucun renouvellement des idées et des hommes, comme à la télévision ou dans les journaux d’ailleurs !

            Et de plus en plus la loi du fric, toujours le fric, encore plus dans notre élite !

            La plupart de nos dirigeants sont obnubilés par le grand passé de la France, … de moins en moins « grand » depuis la deuxième guerre mondiale !

            Obsédés par la grandeur de la France, son prestige international, mais sans aucune imagination, ni volonté pour les faire à nouveau prospérer, dans un cadre européen.

            Ces dernières années, avez-vous eu connaissance d’un projet d’union politique de la zone euro, avec une politique et une défense communes ?

         Pourquoi ne pas évoquer aussi ceux que les spécialistes dénomment les « corps intermédiaires », les syndicats de toute nature : ils ressemblent chez nous à des corps inanimés, et quand ils sont animés, ils le sont seulement par des combats d’arrière-garde, pour ne pas dire d’arrière-cour !

      La France souffre d’avoir une élite politique qui vit dans un monde qui n’existe plus !

Le musée de l’histoire de l’immigration : après l’UMP Toubon, le PS Stora!

« Le Musée de l’histoire de l’immigration » : Hollande a inauguré ce nouveau musée.

Après Toubon, le camarade UMP, Stora, le camarade PS !

Un musée politique !

Suite de mes précédentes réflexions publiées sur ce blog sur le même sujet.

            A l’occasion de cette inauguration, le journal La Croix a interviewé, le15 décembre 2014, le nouveau président du conseil d’orientation du Musée de l’histoire de l’immigration, Monsieur Stora, historien.

            Le quotidien reprend pour titre, un des propos de M.Stora :

            « L’immigration a engendré un capital dont la valeur est inestimable », sûrement, car il est effectivement difficile de l’estimer !

          Le lecteur connait les raisons pour lesquelles cette initiative de musée, dans la forme politique où elle a été lancée, c’est-à-dire celle d’un message aux électeurs français issus de l’immigration, fait légitimement douter de son succès, à voir sa faible fréquentation, laquelle serait encore plus faible sans celle des scolaires.

       Après le guidage UMP de  M.Toubon, le nouveau guidage PS de M.Stora !

         Il est évident que ce type de pilotage, s’il existe, n’est pas de nature à donner confiance aux Français sur les orientations de ce musée.

      Pour la deuxième fois donc, ce musée est frappé d’une marque politique partisane, encore plus qu’auparavant, car la marque socialiste s’ajoute à celle d’un historien spécialiste de la guerre d’Algérie, que beaucoup considèrent comme le partisan d’une repentance qui ne dit pas son nom.

      Cette désignation marque donc cette institution, qui fut une création inutile, du sceau indélébile d’un passé lié  avant tout à l’Algérie.

        Très curieusement, à la fin de l’interview, un petit encart de pub intitulé « La Guerre d’Algérie expliquée en images » Editions du Seuil 29 euros, septembre 2014 !

Comme quoi, même dans ce type d’exercice, le diable revient par la fenêtre !

        Au lieu de ce musée « politique », pourquoi ne pas donner ces moyens pour financer des actions sociales, économiques et culturelles dans nos quartiers dits « sensibles » ?

Jean Pierre Renaud

L’histoire de la Françafrique racontée aux enfants et aux petits-enfants-Au Burkina-Faso avec Hollande, Diouf et Compaoré!

L’histoire de la Françafrique racontée aux enfants et aux petits-enfants !

Le coup d’Etat du Burkina Faso

Avec Hollande, Abou Diouf et Blaise Compaoré

Avec le journal Le Monde (page 6) du 20 novembre 2014

       M. Abou Diouf, ancien Président du Sénégal de 1981 à 2000, termine son troisième mandat de Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, et il est interviewé dans le journal Le Monde.

         Le titre de cette interview :

           « Les peuples africains ne supportent plus que les mêmes restent au pouvoir trop longtemps »

       « Abou Diouf, le secrétaire général de l’OIF, souligne les avancées de la démocratie »

          Abou Diouf nous dit des choses fort intéressantes sur l’interprétation africaine qu’il convient de donner au coup d’Etat du Burkina Faso qui a chassé du pouvoir son ami Blaise Compaoré :

       Question du journaliste :

            « Pourquoi ne pas avoir suspendu le Burkina Faso, comme cela avait été le cas avec Madagascar ?

          « Au Burkina, ce n’est pas un coup d’Etat. Nous avions un Président qui, face à une contestation de la rue assez violente, a préféré démissionner. L’armée a comblé le vide, rétabli l’ordre et la sécurité. Elle a accepté de quitter le pouvoir dès que la charte constitutionnelle aura été adoptée et qu’aura été désigné le nouveau chef de la transition civile. »

        Curieuse lecture de l’histoire n’est-ce pas ? Avancée de la démocratie africaine, vraiment ?

       La Croix du 21 novembre propose une interprétation différente de cette crise, sous le titre :

       « Au Burkina Faso, l’armée garde la main sur la transition.

      & Le lieutenant- colonel Zida qui a pris le pouvoir après le départ de Blaise Compaoré le 30 octobre, a été nommé premier ministre par le président de la transition.


        & L’armée n’a pas renoncé à jouer un rôle central au Burkina Faso

         … Et dans le corps de l’article :

            « Aujourd’hui, cette charte apparait comme un habillage juridique – « un tour de passe-passe », selon un observateur à Ouagadougou – pour permettre à l’armée de garder la main sur le pays »

            Il n’est pas besoin  d’être à Ouagadougou pour porter ce jugement !

            Et la Francophonie dans tout cela, et la Françafrique dont on nous dit qu’elle est bel et bien morte ?

            Alors que dans la même interview, M.Diouf nous fait la confidence ci-après : 

            « … Ce n’est plus un secret que la préférence du Président Hollande était que Blaise Compaoré acceptât de venir me remplacer (à la tête de la francophonie). C’eût été magnifique : un homme habitué à gérer les crises aux côtés d’un administrateur chevronné et compétent, Clément Duhaime, qui continuait à gérer le quotidien de l’OIF et la coopération. »

            A lire cette dernière confidence, la Françafrique de Mitterrand, de Chirac, de Sarkozy, et de Hollande, est encore bien là.

            Est-ce que l’Organisation Internationale de la Francophonie ne mérite pas mieux que d’être présidée par un ancien officier, venu au pouvoir en 1987, à la suite d’un coup d’Etat ?

Jean Pierre Renaud

Annonce de publication: le livre « Supercherie Coloniale » extraits – Questions sur la thèse Huillery

Annonce de publication

Extraits du livre publié en 2008, sous le titre :

Supercherie Coloniale

Jean Pierre Renaud

            En 2008, j’ai publié un livre de critique historique sur les thèses que défendait un groupe de chercheurs dans plusieurs ouvrages sur les thèmes de la Culture coloniale ou impériale de la France au temps des colonies, des thèses très largement fondées sur des fondements statistiques pour le moins fragiles, incomplets ou discutables, et sur le détournement de l’interprétation de belles images coloniales.

            Je me propose de publier quelques- uns des textes que contient ce livre, notamment le prologue, l’introduction, le chapitre consacré à la propagande coloniale et la conclusion.

            Comme je l’ai déjà indiqué sur ce blog, la Mairie de Paris, alors dirigée par M.Delanoë, a censuré ce livre que j’avais déposé à la direction des Bibliothèques, afin qu’il puisse figurer dans les bibliothèques de la ville.

            Les exemplaires de ce livre ont été cédés à des solderies.

Questions posées sur la thèse de Mme Huillery, intitulée «  Histoire coloniale, développement et inégalités dans l’ancienne Afrique Occidentale Française »

Un titre d’interview qui claque au vent comme un slogan :

« La France a été le fardeau de l’homme noir, et non l’inverse »

Le Monde du 27 mai 2014, page 27

SUPERCHERIE COLONIALE

Jean Pierre Renaud

De l’histoire

            » L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vielles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au théâtre des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. L’histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout…

             Dans l’état actuel du monde, le danger est de se laisser séduire à l’Histoire est plus grand que jamais il ne fut. »

Regards sur le monde actuel

Paul Valéry- 1945

« L’esprit critique c’est la propreté de l’intelligence. Le premier devoir, c’est de se laver »

Marc Bloch- 1914

EN PROLOGUE

            Depuis dix à quinze ans, des chercheurs, historiens, politologues ou sociologues ont commencé à s’intéresser aux images des anciennes colonies françaises, et tenté de les interpréter avec plus ou moins de succès, c’est selon, et pas toujours dans la chronologie de leur contexte historique, qu’il s’agisse de cartes postales, de gravures, de photos, d’affiches, ou de films.

            Tant et si bien que depuis quelques années, une triade de jeunes historiens, animateurs d’ « un mouvement, une école de recherche » (La République Coloniale-p.11),  un collectif de chercheurs, ainsi qu’ils se nomment, déploie une grande énergie de plume pour exposer la thèse, précisément à partir d’images coloniales, mais aussi de textes, d’après laquelle la France aurait  baigné dans une culture coloniale, tout au long des années 1870-1962, avec une acmé (sic) à l’occasion de l’Exposition Coloniale de 1931. Les  archétypes (sic)  de cette culture coloniale et de sa mémoire conduiraient les Français à reproduire, aujourd’hui et sans le savoir, des comportements coloniaux dans leur vie civile et publique. Autre affirmation de la triade : notre passé colonial expliquerait donc la crise des banlieues et la présence de nouveaux indigènes de la République Française.

            La cause est donc sérieuse, et il s’agit de l’instruire sérieusement, puisqu’elle prétend donner une lecture authentique, sinon scientifique de notre histoire coloniale et nationale, et y trouver les raisons des rapports difficiles pouvant exister entre Français de souche et Français immigrés.

            D’autant plus sérieuse qu’elle nourrit un débat et des controverses dans une partie de l’opinion publique.

 Avant donc d’aller au cœur du sujet et d’analyser le contenu de cette thèse, et par un détour de pensée utile, il nous faut mettre en garde le lecteur sur la grande difficulté qu’il y a à interpréter une image, quelle qu’elle soit. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, sur le plan technique, mais donnons ici quatre exemples.

        Le premier est celui des images montrées à l’occasion de l’émission d’Arrêt sur Images du 19 novembre 2006. Celles superbes, d’énormes icebergs en goguette au large des côtes de la Nouvelle Zélande. Selon les uns, leur présence illustrerait le phénomène de réchauffement climatique, et selon les autres, elle ne constituerait pour le moment qu’une hypothèse de travail. Alors que ces images récentes se situaient dans un contexte précis, avec date et lieux, et qu’elles faisaient l’objet d’un examen pluraliste et critique.

     Deuxième exemple, celui d’un film d’amateurs tourné avant la deuxième guerre mondiale en Afrique Occidentale, par des représentants d’une grande marque d’apéritif. Projection faite à l’occasion d’un festival sur des images des colonies organisé en 2005 au Forum des Images à Paris. On les voyait en train de faire leur pub à proximité d’un village, distribuant des objets publicitaires, et faisant signe à des africaines de venir à leur rencontre. Un présentateur « savant » commentait la scène en disant « ils convoquent les femmes »  – nous sommes donc bien dans une situation coloniale de domination -, alors que la chose n’était pas très différente de ce que l’on voit de nos jours tout au long du Tour de France, et de ce que je connaissais aussi de l’Afrique.

       Troisième exemple, et ce dernier beaucoup plus élaboré, parce qu’il a l’avantage de poser le problème de la lecture et de l’interprétation techniques d’une image, avec la mise en jeu de codes qu’il faut connaître avant de se prononcer. L’anthropologue anglais, Nigel Barley, notait au cours de sa mission du Nord Cameroun des années 1980 (1), que la population Dowayo qu’il étudiait, n’arrivait pas à identifier et à comprendre une photographie :  « On oublie trop souvent que les gens qui n’ont jamais vu de photos doivent commencer par apprendre à les déchiffrer. »

        Martine Joly, sémiologue distinguée, ne dit pas autre chose, quand elle écrit (2) « qu’il y a un âge au-delà duquel, si on n’a pas été initié à lire et à comprendre des images, cela devient impossible.

          Notre triade de jeunes historiens a naturellement dépassé le stade des Dowayo, en tout cas je l’espère, mais elle est confrontée au même type de difficulté que connaissent parfaitement les sémiologues, dont c’est précisément le métier. Et se pose donc la question de savoir comment ils ont réussi à lever la difficulté.

         Surtout ne faisons pas revivre la fameuse Querelle des Images (du IV° au VII° siècle), comme certains tentent de le faire, laquelle opposait les iconophiles et les iconoclastes qui se disputaient sur la nature divine ou non de l’image.

     Quatrième exemple, celui d’une photographie (page 55) illustrant un article signé Jean-Pierre Chrétien,  paru dans le numéro spécial N° 302 d’octobre 2005 de la revue L’Histoire (Conseiller de la Direction Jean-Noël Jeanneney). La légende du cliché était la suivante : « Un colon entouré de sa garde personnelle dans le comptoir de Grabo (Côte d’Ivoire), au début du XX°  siècle. L’image parait aujourd’hui caricaturale du maître blanc et de ses serviteurs noirs. »

      Nous avons interrogé la rédaction de la revue pour nous confirmer l’exactitude de la légende, étant donné que notre interprétation était plutôt celle d’une photo de chef de poste colonial officiel, compte tenu de son uniforme et de ses galons, entouré de ses gardes -cercle. Après beaucoup de difficultés, nous avons enfin obtenu la réponse suivante :      

   « Nous nous basons pour rédiger les légendes des images que nous publions sur les indications que nous fournissent les agences, qui font le plus souvent très bien leur travail. Si celles-ci cependant sont fautives, nous n’avons malheureusement, le plus souvent, aucun moyen, de l’anticiper. »

    Dont acte, mais c’est peut être un bon exemple de la difficulté qu’il peut y avoir à donner son sens à une photographie.

     Alors me direz-vous, vous vous êtes bien éloigné de votre sujet, et je vous répondrai que non dans l’exposé qui suit, étant donné que la thèse historique, sinon idéologique, qu’ils ont développée dans une série de livres qu’ils ont publiés s’appuie constamment sur l’interprétation qu’ils font des images coloniales, et quelquefois des discours qui les accompagnent, et rarement de leur contexte historique.

     Bonne ou mauvaise interprétation des images coloniales qui constituent les sources de leur discours, ce qui veut dire respect de la source ou captage de la même source ? Bonne ou mauvaise interprétation des sources écrites, lorsqu’elles ont été utilisées dans la démonstration historique ?

(1) Un anthropologue en déroute-  Nigel Barley 1992

(2) Introduction à l’analyse de l’image- Martine Joly – 2005

 En avant-scène post-coloniale

Et sur les pas du célèbre Montesquieu

Comment peut-on être Malgache à Paris au XXI° siècle ?

       De Jérôme Harivel, Cité Universitaire Internationale, à Paris, à sa chère et tendre Vola, restée à Faravohitra, à Antatananarivo

      Octobre 2001– Comme tu le sais, à l’occasion du match Algérie France, dans ce magnifique stade de France, (quand en aurons-nous un aussi beau dans notre belle capitale ?) une partie du public a sifflé l’hymne national des Français. Tu vois le scandale ! Je n’y étais pas, car tu connais l’amour très modéré que je porte au sport. Cela m’a beaucoup étonné, moi qui croyais que l’Algérie était indépendante depuis 1962. La France était-elle devenue, à son tour, la colonie de l’Algérie ?

    Septembre 2003– Des amis français m’avaient convié à une soirée à la campagne, une campagne toute verte comme tu l’aimerais, près du Mans. A un moment donné, un des convives se mit à évoquer des livres récents qui traitaient de l’histoire coloniale de la France. Tu sais que les Français ne s’y intéressent pas beaucoup,  mis à part la guerre d’Algérie, qui a laissé des traces profondes dans beaucoup de familles françaises.

            Je ne m’estimais pas vraiment concerné, lorsque j’entendis ce convive parler de « bain colonial », et aussitôt je fis une association d’idées avec notre grande fête du bain de la Reine, notre « fandroana », mais il ne s’agissait pas de cela. C’était bien dommage, car la cérémonie du bain revêtait une grande importance  dans notre monarchie. Beaucoup de faste, une grande foule, le bain de Ranavalona III derrière le rideau rouge, la couleur sacrée, avec ce petit grain de folie religieuse qui mettait du sel dans le rituel sacré du bain, l’aspersion de la foule venue entendre le « kabary » de la reine et assister à son bain caché, avec l’eau qui avait servie au bain de la reine, une eau naturellement sacrée. Une lointaine parenté sans doute avec l’eau bénite, sans vouloir blasphémer le rite catholique !

     Février 2005- Un de mes bons amis malgaches m’a entraîné au Forum des Images de la Ville de Paris pour assister à une des séances du festival des films coloniaux qui y avait lieu.

 Deux personnes commentaient ces documents, un belge, je crois, et un universitaire africain dont j’ignorais le nom. Pour nous mettre sans doute dans l’ambiance idéologique de cette séance, le présentateur belge avait distribué une note de présentation dans laquelle il énonçait quelques fortes vérités, je cite :

    «  C’est au nom de la légitimité coloniale que l’on filme les femmes au torse nu…c’est la relation d’assujettissement du colonisé au colon. C’est la violence légale,  naturelle de l’ordre colonial qui apparaît lorsque l’on regarde ces images… on perçoit régulièrement les signes d’un déni d’humanité accordé à l’indigène dont le filmeur (sic) d’alors n’avait pas conscience. »

         On nous a projeté plusieurs films d’amateurs de qualité tout à fait inégale. L’un d’entre eux a attiré mon attention, parce qu’il avait été tourné chez nous, par un vazaha (un blanc) sans doute riche, car il le fallait pour disposer d’une caméra. A un moment donné, on voyait une femme blanche assise dans un filanzana, notre fameuse chaise à porteurs, portée donc par quatre bourjanes, et le commentateur de souligner doctement, et une fois de plus, que cette image était un autre symbole du colonialisme en action.

      A la fin de la projection, un vazaha s’est levé et a pris la parole pour expliquer à la salle que tous les gens riches de Madagascar, nobles, hauts fonctionnaires militaires ou civils, marchands fortunés recouraient habituellement à ce mode de transport à une époque où il n’y avait aucune route dans l’île, et donc aucun véhicule à roues. Je me suis bien gardé d’intervenir, mais l’échange m’a bien amusé.

        Que dire encore à ce sujet sur les pousse-pousse qui existent encore en Asie et sur notre belle île!

    Mai 2005-  Un grand débat agite les médias et le microcosme politique, sur l’esclavage et  le rôle positif de la colonisation française. Des députés, toutes tendances confondues, de droite et de gauche, ont eu la foutue bonne idée de faire reconnaître par la loi le rôle positif de la colonisation. Grand chahut chez les historiens et au sein des associations qui ont l’ambition de défendre la cause des populations immigrées, notamment de celles qui ont publié un appel d’après lequel, leurs ressortissants seraient les  indigènes de la république.

            Prudence de notre côté étant donné le passé de notre grande île et de l’abolition relativement récente de notre esclavage. Certains de nos lettrés ne disent-ils pas que les descendants des andevos, nos anciens esclaves, portent encore dans leur tête leur passé d’esclave, avec la complicité des descendants de leurs anciens propriétaires d’esclaves. Nous sommes d’ailleurs bien placés à Madagascar pour savoir que la traite des esclaves s’est prolongée longtemps en Afrique de l’Est, dans l’Océan Indien, et dans le Golfe Persique, avec les traditionnels trafics arabes d’esclaves.

            Je te signale d’ailleurs qu’une historienne de La Réunion prend des positions hardies dans ce difficile débat.

            Je recommanderais volontiers la même prudence aux descendants des grands royaumes négriers de l’Afrique du Centre et de l’Ouest.

        Novembre 2005- En France, la mode est aujourd’hui à la repentance. Les Français adorent ça et se complaisent dans leurs défaites militaires qu’ils célèbrent avec une joie masochiste. Le président Bouteflika somme la France de se repentir, alors que la guerre d’Algérie a été un affrontement de violences des deux côtés, et que l’Algérie indépendante sort à peine d’une guerre civile cruelle.

            Dans toute cette affaire, plus personne ne comprend plus rien à rien, entre ce qui relève de la mémoire et ce qui relève de l’histoire ! Je me demande si certains historiens ne s’intéressent pas plus à la mémoire qu’à l’histoire.

      Octobre 2006– Tu vois, l’Algérie est toujours au cœur du problème français, et certains historiens ont du mal à travailler sur l’histoire coloniale sans être obsédés par l’Algérie, toujours l’Algérie, qui parait d’ailleurs de plus en plus présente en France, plus de quarante ans après son indépendance. Un politologue, d’une espèce difficile à définir, a commis un livre, ou plutôt un crime contre la raison, en énonçant le postulat qui voudrait que Coloniser,  c’est exterminer, et bien sûr en raisonnant sur l’Algérie. Ce politologue s’est fait ramasser dans les grandes largeurs par deux éminents historiens de l’Algérie.

      Ce mois-ci, Blois a accueilli les 9ème Rendez Vous de l’Histoire. A l’occasion d’un Café Littéraire, tu te souviens du rôle des cafés dans l’histoire littéraire parisienne, un dialogue musclé s’est engagé entre le principal prosélyte d’une nouvelle histoire coloniale et l’auteur d’un livre intitulé Pour en finir avec la repentance coloniale, précisément dans le cas de l’Algérie. Le prosélyte de lui lancer : « Vous êtes un historien révisionniste, ça vous fait triper (sic). » Je me serais bien gardé d’intervenir dans ce débat : il n’y a pas si longtemps, notre grand Amiral marxiste, dictateur et chef de l’Etat, aurait brandi aussi facilement ce type d’accusation.

Le legs colonial britannique avec un regard allemand! Was bleibt? Der Spiegel Geschichte 5ème partie

Cinquième partie

&

Cinquième et dernière partie, la quatrième ayant été publiée sur ce blog le   24 mars 2014

Mes conclusions seront publiées d’ici deux ou trois semaines

&

Le legs colonial de l’empire britannique avec un regard allemand !

Was bleibt ?

Der Spiegel Geschichte NR.1/ 2013

Das Britische Empire

Traduction libre avec citations dans le texte

Tous mes remerciements à mon vieil et fidèle ami Michel Auchère qui m’a apporté une aide très précieuse pour décortiquer le plus intelligemment possible ces textes. L’analyse consacrée à la contribution de M. Osterhammel est très largement de sa main.

        Der Spiegel a publié un numéro spécial d’histoire consacré à l’Empire Britannique, un numéro tout à fait intéressant et qui a l’avantage de proposer un regard allemand sur l’histoire de cet empire, un éclairage qui a donc le mérite d’introduire une autre analyse comparative que celle que nous avons proposée dans les pages qui précèdent.

       Rappelons que l’Allemagne, après s’être engagée tardivement dans la course au clocher qui scella le sort de l’Afrique coloniale à la fin du 19ème siècle, perdit ses colonies après la première guerre mondiale des années 1914-1918.

       En page de couverture, la photographie de la reine Victoria avec un sous-titre :

« 1600-1947 : Als England die Welte regierte »

« Quand l’Angleterre gouvernait le monde »

      A  la page 5, le magazine donne l’explication de la maquette de la première page : avec des images de James Cook, le vaisseau Vanguard lors de l’attaque de l’Armada Espagnole en 1588, une filature dans le Derbyshire, des soldats britanniques dans la première guerre de l’opium en 1841.

     En bas de page, trois sous-titres : «  INDIEN – Das Juwel of Krone » (L’inde, joyau de la Coronne)  «  SEEMACHT – Herrscherin über die Ozeane »  (Puissance maritime ou domination des océans)  «  COMMONWEALTH : Was vom Weltreich übrig blieb » (Commonwealth : que reste-t-il de l’empire mondial ?)

    Une page de couverture qui résume assez bien la réalité de l’Empire britannique qui a d’abord été celui de l’Empire des Indes, « le joyau de la Couronne ». La date choisie de l’année 1947 est celle de l’indépendance des Indes, avec la partition entre l’Inde hindouiste et l’Inde musulmane.

    Le choix de cette date est d’autant plus curieux que l’année 1947 n’a pas scellé la fin de l’empire britannique, comme nous le verrons dans le corps même des analyses de ce numéro spécial qui contient beaucoup d’images et de photographies, sauf à considérer que l’empire britannique se résumait à celui des Indes..

   .Le chapitre 1 (page 6 à 58) intitulé « AUFSTIEG Die amérikanischen Kolonien » décrit « la montée en puissance des colonies américaines » de l’empire britannique concentré sur l’Amérique du 18ème siècle, les colonies de peuplement, avec la rivalité franco-anglaise.

    Le chapitre 2 (page 58 à 110) intitulé « Blüte Das Weltreich », c’est-à-dire « l’apogée de l’empire », date le début de cette apogée à la victoire de Trafalgar qui donna à l’Angleterre la maîtrise des mers du globe.

    Il s’agissait du deuxième empire anglais.

   Ces pages décrivent bien l’importance et le rôle des Indes, sans négliger quelques autres territoires colonisés par l’Angleterre, tels que l’Australie ou le Canada, et montrent bien le rôle un peu secondaire que jouèrent les colonies de l’Afrique tropicale, à la différence de celles de l’Afrique du sud ou de l’est où émigrèrent de nombreux anglais.

     Le point est important étant donné que l’empire français était très largement cantonné dans l’Afrique tropicale, mise à part la situation très spéciale de l’Afrique du nord, où le cas de l’Algérie est évidemment susceptible de justifier une comparaison franco-anglaise.

    Les analyses décrivent sans concession la colonisation anglaise, qu’il s’agisse du pillage des Indes par l’East India Company (« Lizenz zum plündern » (page 68), des horreurs de la révolte des Cipayes en 1857, la « barbarie des deux côtés », de la violence des deux guerres de l’opium contre la Chine, de l’expulsion de leurs terres des aborigènes d’Australie ou des noirs d’Afrique du Sud ou d’Afrique orientale (Rhodésie ou Kenya)

     Le chapitre 3 (page 110 à 142) intitulé « Abstieg Vom Empire zum Commonwealth » (« descente de l’empire vers le Commonwealth »), avec en première analyse « Kampf für Freiheit » (« Combat pour la liberté ») (page 110 à 113), en précisant qu’il s’agit de l’Inde.

    La revue contient également quelques portraits des personnages qui ont compté dans l’Empire britannique, tout d’abord et évidemment la reine Victoria, mais aussi Drake, Nelson, Thomas Cook, celui de l’Agence bien connue, Cecil Rhodes, et le célèbre Kipling.

    L’analyse comparative des deux empires que nous avons tenté de faire ne couvrait pas le même champ historique, puisqu’elle concernait les années 1880-1960, mais cette dernière a l’avantage de faire ressortir les racines du deuxième empire britannique, celui qui est au cœur de la rétrospective « Der Spiegel », une approche institutionnelle pragmatique, la pose de jalons territoriaux et maritimes solides sur la route des Indes, la maitrise des océans.

    Notre propos se limitera donc au contenu de ce document qui concerne la période du deuxième empire britannique, celle des mêmes années 1880-1960.

   L’interview d’un historien spécialisé, le professeur Peter Wende introduit ce document, et un essai du professeur Jürgen Osterhammel propose une conclusion.

    Le professeur Wende a publié en 2008 « Der Bristische Empire. Geschichte eines Weltreichs »

    Le professeur Osterhammel a publié en 2009 « Die Verwandlung der Welt. Eine Geschichte des 19.Jahrshunderts »

     Au cours de l’analyse des propos du professeur Wende, nous citerons le nom de l’auteur de la contribution de M, Von Olaf Ilhau, intitulée « Das Juwel der Krone », journaliste à « Der Spiegel », qui a publié « Weltmacht Indien. Die neue Heraus-forderung des Westens »

L’interview du professeur Wende :

      Le professeur Wende défend la thèse la plus courante d’après laquelle l’empire britannique n’aurait pas été le résultat d’une volonté systématique de conquête, d’aucun plan qui aurait abouti à la distribution d’une multitude de petites ou grandes taches roses ou bleues sur le globe terrestre.

    Spiegel Herr Professeur Wende, der britiche Historiker John Robert Seeley hat im spâten 19. Jahrhundert gesagt, Groszbritannien habe sein Empire “in einem Anfall von Geistesabwesenheit” erworben. Weltmacht aus Versehen?

    –       Monsieur le Professeur Wende, l’historien britannique John Robert Seeley a dit à la fin du dix-neuvième siècle, la Grande Bretagne a acquis son Empire « en l’absence de réflexion ». Puissance mondiale par étourderie ?

     Wende« Er meinte, dass es nie einen Masterplan zur Schaffung eines Empire gab – und in diesem Sinn hat er volkommen recht. »

–       Cela signifie, qu’il estimait qu’il n’y avait pas de plan global pour la création d’un Empire, et dans ce sens, il a parfaitement raison.

      Nous avons vu que l’analyse qu’avait faite Kwasi Kwarteng du rôle des acteurs de l’empire britannique, dans « Ghosts of Empire », de même que l’histoire du même empire faite par l’historien Grimal pouvait laisser croire que l’empire colonial de la Grande Bretagne fut largement le fruit du hasard.

    Ce ne fut pas tout à fait le cas, car dans les colonies de peuplement ( Etats Unis, Canada, Australie, Nouvelle Zélande, Afrique du Sud), la métropole n’avait guère d’autre chose à faire qu’à canaliser les mouvements d’émigration et à réguler les nouveaux rapports qui s’établissaient  entre ces colonies, pièces du futur Commonwealth, et dans les autres colonies, à donner à chacune des conquêtes coloniales qui furent l’œuvre des ressortissants britanniques bâtis ou recrutés sur le même modèle social, c’est-à-dire la classe aristocratique, une solution institutionnelle qui devait lui conserver les mains libres.

     Le professeur Wende fait référence à Palmerston pour comparer l’empire britannique à l’empire romain, des Anglais inspirés et animés du même esprit de supériorité que les citoyens romains !

   L’interview note que la Grande Bretagne créa un ministère des colonies en 1854, une initiative qui avait évidemment une signification politique, au moins dans les intentions. En France, il fallut attendre la fin du 19ème siècle pour voir la création d’une institution politique du même genre.

    Comment ne pas observer enfin que l’Empire des Indes joua un rôle clé dans la constitution du nouvel empire, un rôle d’empire secondaire, ainsi que la construction persévérante d’un réseau mondial de communications articulé sur une chaine de points de communication stratégiques disposés sur tous les continents, et allant pour l’Asie, de Londres au Golfe Persique, à Singapour, et à Hong Kong ?

    Dans les années 1880, le commandement militaire français du Tonkin fut longtemps dans l’obligation de faire transiter ses communications par des câbles anglais, et dans la première phase de l’expédition de Madagascar, le commandement français souffrit du même type de servitude.

   Le professeur explique clairement qu’après la « perte » relative du premier empire, celui d’Amérique, la Grande Bretagne posa les fondements d’un deuxième empire dans le subcontinent indien, et ses propos illustrent parfaitement l’importance et le rôle des Indes dans la construction du deuxième empire.

    Les Anglais avaient tout d’abord laissé faire la Compagnie des Indes Orientales, mais après la révolte des Cipayes de 1857 avec la « barbarie des deux côtés » que note le professeur, Londres reprit en mains la conduite des affaires de l’Inde, mais toujours avec le même souci de ne pas s’impliquer dans l’administration directe du territoire et parallèlement de laisser la plus large initiative à ses représentants.

     Le professeur évoque l’intervention des Anglais en Abyssinie en 1867, un conflit souvent ignoré, alors qu’il montre bien la puissance de l’impérialisme secondaire des Indes.

     Le Négus d’Abyssinie avait écrit à la reine d’Angleterre, impératrice des Indes, un courrier auquel la reine Victoria ne prit même pas la peine de répondre. Vexé, le Négus mit en prison quelques- uns des Anglais présents dans son pays. Cette, action  fut le motif de l’intervention militaire anglaise en 1867, ou plutôt celle de l’empire des Indes.

     Il ne s’agissait pas de n’importe quelle expédition punitive anglaise venue des Indes, étant donné qu’elle était conduite par le gouverneur général des Indes, sir Napier, qu’elle était relativement importante avec 13 000 soldats, dont 4 000 britanniques. L’armée des Indes intervint avec l’appui de 54 éléphants de combat, sorte  de chars de combat avant la lettre.       L’armée du Négus fut défaite en 1868.

    A la même époque, l’expédition de Napoléon III au Mexique pourrait soutenir en partie la comparaison avec la grosse logistique de l’expédition « indienne » d’Abyssinie, mais il faudra attendre les années 1880, avec le Tonkin, puis 1895, avec Madagascar, pour voir la France et non l’une de ses colonies, engager un effort militaire comparable.

    L’armée des Indes était puissante, et elle fut mise à contribution pour intervenir et prendre possession des territoires qui constituaient le glacis de l’Inde, la Birmanie ou la Malaisie par exemple.

    Le professeur Wende souligne qu’un des grands principes de gestion impériale était celui du zéro coût pour la métropole : «  Das Empire sollte môglichst nichts Kosten », en relevant qu’à Londres, l’empire britannique ne disposait pas d’une administration centrale importante, comme ce fut le cas après la deuxième guerre mondiale.

    Un élément historique qui viendrait à l’appui de la thèse d’absence de plan dans les conquêtes anglaises.

      Nous avons déjà noté que la France s’était fixé la même ligne de conduite en 1900.

     Le même professeur propose une analyse du système colonial britannique qui ressemble à celle du professeur Grimal, avec un objectif principal, celui du business, des affaires et le souci permanent de se mêler le moins possible des affaires indigènes, donc de laisser autant que possible en place les autorités locales existantes.

     En ce qui concerne le Joyau de la Couronne, von Olaf Ihlau relevait d’une part :

« Nie versuchten die Briten, die sozialen Structuren des Landes zu  andern. (page 79)

   –       Aucun Britannique n’eut jamais l’intention de vouloir changer les structures sociales.

    –      Et d’autre part que :

 «  Gerade mal 1000 britische Beamte genügten, um ganz Indien zu regieren » (page 75)

–      1 000 britanniques  suffisaient pour gouverner toute l’Inde.

Il convient de noter toutefois à cet égard qu’il s’agissait de l’administration coloniale supérieure, celle du gouvernement de cet empire secondaire qui comptait plusieurs centaines de millions  d’habitants, pour ne pas dire de sujets, et qui couvrait l’espace géographique du sous-continent indien.

     En ce qui concerne les deux guerres des Boers de la fin du siècle, le journaliste pose la question sur la stratégie de terre brûlée des Anglais et sur l’existence de camps de concentration… « De nombreux critiques parlèrent de génocide »

Le professeur Wende :

     « Génocide est ici une notion trop forte. L’Empire a commis un génocide en Australie. On y a littéralement extirpé les habitants primitifs de l’île de Tasmanie jusqu’en 1876 non sans avoir photographié les derniers primitifs. Mais la guerre des Boers n’était pas une guerre d’anéantissement de politique raciste. Les camps de concentration résultaient d’une mesure contre la guerre de guérilla, mesure dont on a perdu le contrôle. On n’a plus été en mesure de nourrir les prisonniers, on ne les a pas tués intentionnellement. »

     Le professeur atténue donc le sens de la question que le journaliste lui a posée, en parlant de génocide. 

     En ce qui concerne l’Inde, le même professeur décrit de la façon suivante la situation des Indes à l’époque de la conquête :

      « Die Inder etwa waren es gewohnt, vom Eindringglingen beherrscht zu werden” (page 19)

      –       En quelque sorte, ils étaient habitués à être gouvernés par des envahisseurs !

      Il convient en effet de rappeler que l’Empire britannique des Indes s’est en quelque sorte substitué à l’Empire Moghol dans une grande partie de l’Inde, mais le même auteur fait par ailleurs remarquer que le mouvement de résistance du XXème siècle fut le fruit du colonialisme..

    Le troisième chapitre a l’ambition d’éclairer le lecteur sur le déclin et la disparition de l’Empire, causé en grande partie par les bouleversements de la deuxième guerre mondiale, avec la consolidation parallèle plus ou moins artificielle du Commonwealth, en mentionnant à peine quelques-unes des guerres coloniales que le Royaume Uni mena par exemple en Malaisie ou au Kenya, sans s’attarder trop sur des dossiers de décolonisation, tels ceux de Rhodésie ou d’Afrique du Sud, qui ne trouvèrent de solution qu’à la fin du vingtième siècle.

    La revue évoque aux pages 118 et 119 la question irlandaise, un dossier le plus souvent ignoré d’une des colonies les plus proches et les plus anciennes de Londres.

     Dans un tout autre domaine, celui de la Palestine rarement évoqué par les médias, et traité dans la contribution intitulée « Stützpunkt im Westpennest » par Mme Von Annette Grossbongart (p,120), le titre lui-même suffit à caractériser le rôle joué par la Grande Bretagne dans cette région sensible du globe :

    « Gut 30 jahre  lang herrschten die Briten im Nahen Osten, dann flohen sie vor Terror des judisch-arabischen Konflikts. Dabei hatten sie mit ihrer Schaukepolitik  selbst zur Eskalation beigetragen.”

      Comment les Britanniques ont avec les oscillations dans leur politique contribué à l’escalade au Proche Orient.

        L’interview se conclut sur la question :  «  Was bleibt vom Empire ?   Que reste- t-il de l’empire ?

    –    A cet égard, il me vient une expérience personnelle. Je passais des vacances avec mon épouse en France, et là-bas il y avait une innombrable colonie d’Anglais, comme par exemple dans le Périgord, qui depuis longtemps au Moyen Age appartenait à la couronne anglaise. J’étais alors frappé du fait que les Anglais restaient volontiers entre eux, par commodité, pour éviter de parler la langue du pays et organiser leur propre marché. Plus tard, j’ai lu un article dans le Sunday Times qui donnait la réponse sur l’endroit où les Anglais préféraient s’installer. Les principales critiques étaient : Où trouve-t-on des journaux anglais ; où –y-t-il des « Baked Beans, ou une « marmite » à point. C’est une tradition connue des Britanniques de préférer la tartine avec le goût des cubes Maggi. » (page 21)

       Une conclusion sous la forme d’une pirouette qui tendrait à caractériser un Empire rétréci à ce point ?

       Was Bleibt vom Empire ? (page 138)

     La réponse est peut-être à trouver dans le texte que propose un autre historien, Jürgen Osterhammel, que la revue a questionné précisément sur ce sujet.

    L’historien fait des gammes sur la notion d’ « héritage historique ». Pour l’Empire britannique ce serait « ce qui manquerait, si l’empire n’avait jamais existé ». Il déclare que « ce pourraient être tout d’abord le Commonwealth et la langue anglaise ».

      Puis, il s’attache à montrer que, de fait, Commonwealth et langue anglaise ont coupé les liens avec l’Empire britannique : «  C’est un club qui a sa vie propre (« ein Eigenleben »), la langue anglaise se développe pour des raisons qui n’ont plus rien à voir avec l’empire ». (aus Gründen, die mit dem Empire nichst mehr zut tun haben »)

     Pour Osterhammel, l’empire n’est plus visible que dans les vestiges architecturaux en Angleterre et dans le système judiciaire (« common law ») des anciennes colonies et autres possessions. ( Le droit anglais continuerait à influencer Israël dans certains domaines).

     Au crédit de l’« héritage » il pointe le fait que parmi les « failed states » et les dictateurs il n’y en a pas « pas trop » (nichst überdurchscnittloch viele) avec un passé colonial anglais, ainsi que le statut de Hong Kong au sein de la Chine.

   Mais la note générale reste critique. Il éprouve le besoins de dire qu’il ne reste pas grand-chose du « rôle particulier des Britanniques dans l’économie mondiale », « tout en reconnaissant parallèlement que Londres, comme place financière, a toujours eu un rôle impérial. « 

   Il termine son essai (Schlierzlich : en philosophe : « Après le déclin de tout empire ne subsistent que les souvenirs (Errinerungen). Et ces souvenirs restent « vivants » ou entrent au musée. En Afrique, où la période coloniale est encore contestée, ils restent vivants. »

   Par ailleurs, et en ce qui concerne la notion de probabilité historique d’une conséquence liée à une situation impériale telle que celle par exemple de l’empire britannique, avec la langue anglaise : que ce serait-il passé si l’empire n’avait pas existé en Birmanie ou en Malaisie (deux exceptions dans le règne de la langue anglaise), ou en Nouvelle Zélande : «  l’hypothèse selon laquelle l’indigène Maori n’aurait jamais pu trouver son chemin vers la démocratie… »

    Ou en Afrique où ce continent aurait pu se développer « naturellement » de façon harmonieuse et prospère.

     Toutes questions auxquelles il est difficile de répondre, mais l’historien déclare :

     « Avec toutes ces difficultés, la critique en un mot  est : que reste-t-il de l’Empire britannique ? Deux réponses peuvent à peine être contestées : le Commonwealth et la langue anglaise. »…

      « Le Commonwealth subsiste seulement aujourd’hui aussi, car les politiques britanniques ont été assez avisés pour ne pas chercher à sauver de la décolonisation un empire fantoche et de faire du Commonwealth un instrument de la politique étrangère britannique

      Aujourd’hui, 54 états sont dans le Commonwealth, avec depuis 1995, deux autres états, le Cameroun et le Mozambique qui n’étaient pas des colonies britanniques (à l’exception du Cameroun occidental qui comme mandat de la société des nations fut annexé en 1922 au Nigéria…

     Une distinction fondamentale avec l’Empire – peut-être la plus importante- réside dans le fait que le Commonwealth n’est pas une puissance militaire. » (page139)

    Pour les petits Etats comme pour les micro-états des Caraïbes et du Pacifique, le Commonwealth constitue un « forum de contacts et d’entraide »

      « Un demi- siècle après la fin de l’Empire britannique, le Commonwealth n’est pas un tas de ruines de la grandeur impériale, ni le prolongement du ministère des Affaires Etrangères britannique, mais un rassemblement volontaire d’états souverains dans l’esprit britannique inspiré de la transnationalité….

      Le Commonwealth est inoffensif (ce que l’on peut rarement dire des Empires) mais aussi sans aucune influence notable sur la politique mondiale.

     La langue anglaise est sans doute un héritage plus large de l’Empire… 

     M.Osterhammel rappelle qu’une discussion avait été engagée dans l’Empire des Indes,  dans les années 1930, pour savoir si les fils de l’élite indienne devaient être socialisés à l’image européenne ou asiatique. L’anglais s’est en définitive imposé de façon déterminante, mais aussi à cause de l’intérêt que les Indiens portaient à une langue de communication mondiale.

   « Aujourd’hui, l’anglais se propage en tant que seconde  langue enseignée aux autochtones pour des raisons qui n’ont plus rien à faire avec l’Empire

     Si l’anglais est sans concurrence la plus importante langue étrangère, il n’est plus possible de voir dans ce fait une suite lointaine du siècle impérial…

    Aussi, aujourd’hui, aucune autre langue ne peut surpasser la richesse du langage spécialisé des anglais : boursiers, guides touristiques, physiciens et économistes, communiquent ensemble pour l’essentiel, chaque fois dans la langue anglaise internationale. Presque personne ne se souvient à ce sujet de l’Empire britannique »

    L’auteur rappelle alors que la plupart des anciennes colonies ont conservé l’ordre juridique et le système judiciaire hérité de la période coloniale, tout en soulignant :

    « On doit de toute façon convenir que parmi les états défaillants (« failed states ») et les dictatures actuelles il n’y en a pas trop avec un passé colonial britannique. »

      L’historien cite les deux cas du Soudan et du Zimbawe.

      Il évoque enfin l’évolution très particulière de Hong Kong rattachée à nouveau à la Chine, en 1997.

     Au bilan mondial de l’année 2011, et sur l’échelle de l’index de développement humain des   Nations Unies, en cherchant à quantifier la qualité de vie, on en trouve sept parmi les Etats de tête, qui ont un passé colonial anglais.

     M. Osterhamel souligne enfin que l’Empire britannique était encastré dans « le système britannique impérial. Là-dedans on entendait toutes les structures économiques mondiales qui ont été créées et aussi en partie dirigées et manipulées par la Grande Bretagne…

      De ce rôle particulier, dans le monde économique, il n’est pas resté grand-chose »

      La conclusion de son analyse est intéressante, en tout cas pour l’Afrique puisqu’il y souligne que « l’image historique de la période coloniale, pour les historiens, les médias et les politiques qui, dans leur majorité, ont collaboré, est jusqu’à maintenant contestée. Aussi longtemps que l’Empire agitera les esprits, son souvenir ne deviendra pas entièrement un musée. » (page 141) 

      Michel Auchère, dans sa traduction et son commentaire précisait :

« S’il y a eu « collaboration », c’est collaboration entre les trois catégories pour la confection de l’image. »

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Humeur Tique : De hautes destinées pour M.Delanoë ?

      Mme Hidalgo, candidate à la succession du maire actuel de Paris a multiplié les appels du pied pour qu’un destin ministériel soit enfin offert à M.Delanoë : elle est vraiment gentille pour son ancien patron !

         Dans une interview au journal Le Monde des 9 et 10 mars 2014, sous le titre

«  M.Delanoë : NKM fait preuve de désinvolture

L’actuel maire de Paris critique la campagne de la candidate UMP. Il affirme ne pas souhaiter devenir ministre ».

        En fin d’interview, il déclare dans une formulation d’écriture, et donc de pensée un peu différente : « Il y a heureusement tellement d’autres façons de s’engager qu’en étant ministre »

          Tout à fait ! Alors pourquoi M.Hollande ne lui proposerait-il pas un poste d’ambassadeur extraordinaire auprès de la République Tunisienne, un poste où il ferait merveille pour aider le nouveau pouvoir à assurer dans de bonnes conditions la transition démocratique avec l’ancien régime de Ben Ali ?

            A moins que le Président ne lui propose un poste d’ambassadeur extraordinaire auprès de l’Emirat du Qatar, pays avec lequel il a su nouer d’excellentes relations de confiance, notamment grâce au club « Qatar Saint Germain » ?

Humeur Tique: Information ou désinformation de France 2 sur Hollande et le boycott de Sotchi

Journal de 20 heures, le 15 décembre 2013

            La rédaction du journal du soir avait un magnifique sujet à traiter, la décision de Hollande, c’est-à-dire de la France, de ne pas participer à l’inauguration officielle des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi, à la gloire d’un Poutine qui n’ a pas démontré, hier en Syrie, et aujourd’hui en Ukraine, que la Russie avait définitivement quitté les rives de l’ex-URSS.

            La nouvelle avait été annoncée sur Europe 1, le matin du 15 décembre 2013.

Comment ne pas interpréter un tel silence comme de la désinformation ? délibérée de la part de la chaine publique ?

        Au lieu de cela, un journal qui a trainé, avec une longue interview de l’acteur américain Di Caprio par le présentateur, excellent dans le genre, mais qui a oublié peut-être, qu’il s’agissait d’un journal d’information.

           La nouvelle valait au moins autant son pesant de temps d’antenne, que la pub que France 2, made in Delahousse, faisait au film de M. Di Caprio, avec en prime, et pourquoi pas ? le soutien d’une des chroniqueuses spécialisée du cinéma, pour la promesse d’un prix !

Humeur Tique : les comptes 2012 du Crédit Agricole font les bons amis bernés des Caisses Régionales !

  Le 20 février, sur Radio Classique, l’interview du Directeur Général du Crédit Agricole, M. Chifflet : la banque « mutualiste » vient d’annoncer pour l’exercice 2012 une perte de plus de 6 milliards d’euros, solde des initiatives spéculatives de ses managers, notamment en Grèce.

            Le Directeur Général est plutôt satisfait du «  bilan » des activités de la banque au cours de l’exercice passé, et d’expliquer qu’une grande partie des pertes est à mettre au compte d’une dépréciation d’actifs, c’est-à-dire au «  bilan. ».

Ce n’est donc pas si grave, puisqu’il s’agit d’un simple problème d’écriture comptable dans le bilan d’une banque!

La comptabilité des actifs de la banque n’a donc pas d’importance ? C’est vraiment prendre les auditeurs pour des imbéciles !