Histoire et Mémoire ? Histoire coloniale et Mémoire coloniale ? Mémoire collective et Inconscient collectif ?

Histoire et Mémoire ?

Histoire coloniale et Mémoire coloniale ?

Mémoire Collective et Inconscient Collectif ?

Mémoire collective ou histoire « immédiate » ?

La France a-t-elle une « mémoire collective coloniale », de même qu’un « inconscient collectif colonial » ?

Suite

L’historien Denis Peschanski propose plusieurs contributions dans les différentes parties de l’ouvrage :

      Une première contribution dans la partie « Mémoire et oubli », chapitre 3 « Repenser les memories studies » (page 68 à 82) : « L’historien face à la plasticité de la mémoire sociale – Les conditions de la mise en récit mémoriel – Les régimes de mémorialité – Pour un changement de paradigme dans les memory studies – L’héritage – Mémoire et mémorialisation : un projet en construction –  L’analyse des textes »

    Une deuxième contribution dans la partie «  Mémoire et émotions », Chapitre 5 « Et voilà un beau sujet » (page 212 à 237)

   L’actualité d’une  transgression ? Histoire et émotion : une nouvelle mode ou un nouveau chantier ? De la Seconde Guerre mondiale au 13 Novembre : études de cas

    L’interprétation transdisciplinaire et le témoignage

     Une troisième contribution avec Francis Eustache dans la conclusion de la partie « Ma mémoire et les autres » (page 385 à 406):

   Conclusion – L’évidence des interactions entre mémoire individuelle et mémoire collective : quelles conséquences ?

   Le tournant social – Cognition sociale, mémoire individuelle et mémoire collective – Un programme de recherche transdisciplinaire consacré à la construction des mémoires individuelles et collectives – Vers une nouvelle approche clinique des troubles de la mémoire.

    Une quatrième contribution, dans la partie «  Les troubles de la mémoire : prévenir, accompagner, Chapitre 6 – Le Never Again, entre mémoire et oubli comme prophylaxie : La solution de l’oubli et de l’amnistie – La solution de l’hypermnésie obsessionnelle – La solution intermédiaire : « la justice transitionnelle » (page 491 à 507)

     Une cinquième contribution dans la partie « La mémoire du futur », Chapitre 7 (page 645 à 662) « Mémoire du futur et futur de la mémoire – le choc des temporalités : passé, présent et futur sont inextricablement liés – mémoire du futur : quelles promesses d’avenir ? La mémoire au futur : quel avenir pour notre mémoire ?

      Nous porterons spécialement notre attention sur la contribution du chapitre 3 de la première partie (page 68 à 82) « Repenser les memories studies »

     « Le temps n’est-il pas venu de dépasser les frontières de la connaissance ?…

     L’auteur donne quelques exemples de la complexité de la mémoire, tirés de la Deuxième Guerre mondiale, la mémoire des bombardements en Normandie et la mémoire des enfants cachés et écrit :

     « Voilà quelques exemples qui fondent notre conviction : il est impossible de comprendre pleinement les phénomènes mémoriels si l’on ne mobilise pas dans le même temps les disciplines les plus diverses qui toutes ont à voir avec la mémoire, mais qui, toutes, en général, le pensent de leur seul point de vue. Les memories studies seront nécessairement plurielles. 

    L’historien face à la plasticité de la mémoire sociale.

      La mémoire est dans l’histoire. Telle est la première leçon qu’il faut garder dans l’esprit. Depuis des décennies, le couple histoire/mémoire a été (et reste) perçu comme conflictuel. Les historiens arguent de leur démarche scientifique pour interroger les limites du témoignage écrit ou oral. Je n’étais pas le dernier à mettre en évidence les effets pervers du témoignage pour reprendre une terminologie (re-construction, extrapolation, re-hiérarchisation, immédiateté de l’histoire). A l’inverse, le témoin arguait de son vécu pour dénier la capacité de l’historien à connaître vraiment la réalité dont il prétendait rendre compte. Le débat ne manque pas d’intérêt, mais nous choisissons de le déplacer : la mémoire devient l’objet d’histoire… Dès lors deux questions majeures  se posent : comment un événement prend-t-il statut d’événement mémorisé, structurant de la mémoire collective/sociale ? Puisque la mémoire s’inscrit dans la diachronie, dans une évolution sans cesse renouvelée, comment scande-t-elle sa propre histoire ?

   Les conditions de la mise en récit mémoriel (page 70)

    Le point de départ, justement, fut une rencontre avec une autre discipline : la psychanalyse. Comme je parlais de « mémoire traumatique » avec une psychanalyste, Marie-Christine Laznik, celle-ci mit le doigt sur une contradiction majeure dans les termes, un oxymore en quelque sorte. Dans la mesure où le traumatisme est l’omniprésence du passé dans le présent, il n’y a a pas de réelle place pour la mémoire  de ce trauma. Pour « faire la place »  à la mémoire, la psychanalyse souligne l’importance du refoulement. Mais si refoulement il y a, si de la place est ainsi dégagée pour la mémoire, si le passé est renvoyé dans son passé, il n’y a pas trauma.

     Je ne souhaite pas ouvrir le débat, mais expliquer le déclic que provoqua cette conversation. Il me fallait m’interroger sur les conditions de la mise en récit mémoriel. Si la question se posait pour l’individu, elle devait aussi se poser pour le groupe, pour la société.

     Je prendrai deux exemples pour illustrer cette plasticité mémorielle, la mémoire des bombardements en Normandie et la mémoire des enfants cachés…(page 71)

    Les régimes de mémorialité (page 72)

   Pour parler de l’historicité de  la mémoire, nous resterons sur notre période  de prédilection, celle du moins que nous connaissons le moins mal, la Seconde Guerre mondiale…

    Pour théoriser cette histoire, nous sommes partis d’un concept de François Hartog et Gérard Lenclud, qui ont parlé de « régime d’historicité » pour caractériser des rapports différents à l’histoire et à ses méthodes d’analyse. Inutile, disent-ils à juste titre, de chercher un « père de l’histoire », alors même qu’on ne pensait pas l’histoire dans les mêmes cadres.

    Je parlerai donc de « régimes de mémorialité » » pour souligner l’historicisation des questionnements mémoriels. A toute période, on peut définir des processus de convocation et d’appropriation du passé, fondés sur le tri visant à une construction identitaire.

Commentaire :

1)  L’auteur propose un discours savant sur la mémoire collective, mais est-il différent, hormis les détours scientifiques empruntés,  de celui que le sociologue Halbwachs exposait dans son livre « La mémoire collective » ? (1950) 

            C’est-à-dire une mémoire collective qui ne peut être définie que par rapport à un espace, un groupe déterminé, un temps historique, Halbwachs précisant qu’une mémoire collective a une durée de vie limitée.

            Le concept de « régimes de mémorialité » ne s’inscrit-il pas dans la définition Halbwachs ?

2) Les exemples cités des bombardements de Normandie et des enfants cachés (juifs)  s’inscrivent encore dans un temps mémoriel et historique court – la période de prédilection »  (page 73) – de nature à faciliter une exploration statistique satisfaisante, compte tenu des progrès qui ont été  faits, en France,  dans les sondages et les enquêtes d’opinion après 1945.

    Le livre fait d’ailleurs état des sondages effectués par le collectif (page 74)

    La question posée est donc celle des méthodes scientifiques concertées entre historiens, psychologues, sociologues, sémiologues, et statisticiens fiables pour explorer la mémoire collective antérieure à 1945, et très précisément dans le domaine considéré de la mémoire collective coloniale ou de l’inconscient collectif colonial, un domaine d’actualité compte tenu des flux d’immigration qu’a connus notre pays depuis plusieurs dizaines d’années.

L’auteur écrit dans les pages suivantes :

   « Mémoire et mémorialisation : un projet en construction (page76)

   « Dans le programme de recherche Matrice que nous avons mis en œuvre avec bien d’autres, la transdisciplinarité est la règle. Travailler sur la mémoire, c’est d’abord associer scientifiques et professionnels des musées, de l’image et du son. Ainsi la mémorialisation – entendue comme toutes les formes de mise en scène publique de la mémoire – a appelé à un travail au sein du Mémorial de Caen et dans la préparation du Mémorial du 11 septembre (New York), comme elle a impliqué l’Institut national de l’audiovisuel (INA), qui dispose de richesses uniques, singulièrement depuis 1995 et l’imposition du dépôt légal (à savoir l’obligation faite aux chaines de télévision et aux radios d’accepter le stockage).

    La plateforme que nous avons mis au point comprend deux  grands axes  de recherche, qui partagent l’objectif de confronter mémoire individuelle et mémoire collective, et, donc, de repérer leurs interactions (voir schéma page suivante). (page 77)

   La première démarche consiste à mettre en parallèle ce que nous appellerons les « grands récits », tels qu’on peut les traquer dans les  journaux télévisés ou à la radio, et la parole de témoins ou de simples citoyens. Cela s’effectue par l’analyse comparée des différents corpus d’information (journaux, témoignages…). A l’arrivée, il s’agit bien de comprendre comment les uns empruntent aux autres et réciproquement… (page 78)

    Le deuxième versant de nos recherches vise l’analyse des comportements des visiteurs de mémoriaux. Le rapprochement n’est pas anodin. Il s’agit là encore de mettre encore en parallèle un grand récit, celui porté par les concepteurs du parcours historique, et les visiteurs du mémorial… ». (page 79)

L’analyse des textes

   « Des exigences s’imposent pour qui veut décrypter les textes et mieux comprendre les stratégies discursives et les fluctuations du vocabulaire.

    L’école française d’analyse des discours, développée depuis des décennies et fédérant des linguistes, des statisticiens, des probabilistes, des historiens et des sociologues, est particulièrement bien placée. Le logiciel TXM – conçu et développé par Serge Heiden, Bénédicte Pincemin et Mathieu Decorde – que Matrice aide aujourd’hui à enrichir est l’héritier de cette école. » (page 80)

   « A mon sens, ces memories studies doivent d’appuyer sur quatre principaux piliers :

. La dialectique rend bien compte de l’interaction productive entre la psyché et le social ;

. La transdisciplinarité conditionne les nouveaux protocoles en ce qu’elle induit la construction en commun de l’objet d’étude, et non la seule mobilisation de quelques disciplines pour répondre à des questions posées par une autre ;

. La modélisation mathématique et le calcul intensif conditionnent le travail sur d’importantes et complexes masses de données (des big data en ce sens) ;

. Enfin la leçon d’Edgar Morin ô combien d’actualité, lui, qui, dans le lumineux concept structurant de « complexité », explique, entre autres choses, que le tout ne se réduit pas à la somme de ses composantes. » (page 81)

Fermé le ban !

Commentaire

   La lecture de ce texte, pour autant que j’en aie parfaitement compris le sens, fait apparaître un objectif qui est assez éloigné du questionnement sur la méthodologie qu’il conviendrait d’inventer et de mettre en œuvre pour être en mesure de décrire le contenu des mémoires d’un passé antérieur à 1945, alors que les outils que l’auteur expose n’existaient pas, en tout cas, pas à ma connaissance.

    A mes yeux le mérite de ces réflexions et conclusions est ailleurs, celui de la mise en œuvre de méthodes transparentes et interdisciplinaires, technologiques aussi avec le XTM, et avec les moyens financiers que cela suppose.

    Les recherches citées semblent se situer beaucoup plus sur le versant du fonctionnement cérébral de la mémoire que sur ses effets  historiques.

    Pour revenir à nos moutons, mémoire coloniale et inconscient collectif colonial, il est au moins un domaine d’information où il n’est pas trop difficile de faire la lumière avec les outils disponibles, celui de la mémoire coloniale et de l’inconscient collectif postérieur à 1945, grâce aux enquêtes statistiques qu’on sait faire aujourd’hui.

    La véritable question porte sur les raisons qui empêchent les chercheurs  de passer au stade de la réalisation, car le sondage de Toulouse réalisé par l’Achac en 2005, de même que l’enquête d’opinion lancée en 2014 (voir blog du 29/01/2015)  par la Fondation Jean Jaurès manquaient de pertinence scientifique.

    Le sujet serait-il tabou, au cas où il apporterait la preuve que la mémoire coloniale des Français et des Françaises serait défaillante, de même que l’inconscient collectif colonial, un concept que le livre a peu évoqué ?

    A lire les importants moyens dont semble disposer le collectif de chercheurs animé par Francis Eustache, pourquoi ne pas se poser la question de ce silence dont la signification politique et universitaire pose problème ?

      Quant aux recherches portant sur la mémoire collective et l’inconscient collectif antérieures à 1945, je ne vois guère comme vecteur principal de recherche, la presse, laquelle, avec sa numérisation et la mise en œuvre des outils cités dans ce livre, donnerait la possibilité d’obtenir un reflet indirect de cette fameuse « mémoire ».

     Pour  ce qui est de l’inconscient collectif colonial, est-ce qu’on ne risque pas d’explorer le « Triangle des Bermudes » ?                                                                                                                                                                             Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

Histoire et Mémoire? Histoire coloniale et Mémoire coloniale ? Mémoire collective et Inconscient Collectif

Histoire et Mémoire ?

Histoire coloniale et Mémoire coloniale ?

Mémoire Collective et Inconscient Collectif ?

Mémoire collective ou histoire « immédiate » ?

La France a-t-elle une « mémoire collective coloniale », de même qu’un « inconscient collectif colonial » ?

            Comme je l’ai déjà écrit, un courant contemporain d’historiens et de chercheurs a mis l’éclairage sur l’importance de la mémoire « historique », au risque d’entamer la confiance que l’on peut accorder aux recherches historiques les plus sérieuses, notamment en avançant l’idée ou le principe d’une mémoire collective « coloniale », et même d’un inconscient collectif « colonial ».

            J’ai traité ce sujet sur le blog à plusieurs reprises, notamment le 15 avril 2010, en résumant la leçon que proposait Maurice Halbwachs dans son livre « La mémoire collective », en relevant la critique de fond que suscitait le discours de l’historien Stora sur l’existence ou non d’une mémoire collective coloniale, de même que le discours tenu à la Mairie de Paris dans un colloque intitulé « Décolonisons les imaginaires ».

Dans un article publié sur le blog, le  15/04/2010, je m’attachais à :à définir ce qu’est la mémoire collective selon les critères d’Halbwachs, son véritable initiateur, ci-après (contribution 1) , à proposer au lecteur trois analyses concrètes de textes ou de situations évoquées par des historiens ou d’autres intellectuels, « La guerre des mémoires » de l’historien Stora, d’une part (contribution 2), et le colloque de la Mairie de Paris du 12/03/09 sous le titre « Décolonisons les imaginaires », d’autre part (contribution 3).             

1-  Histoire ou mémoire collective ?

Contribution 1  Le débat postcolonial avec l’éclairage Hallbwachs

            A lire articles ou livres de chercheurs, sociologues ou historiens, notre mémoire collective jouerait un rôle primordial dans l’approche et la compréhension de notre histoire coloniale.

            Une mémoire collective investie d’un rôle clé, quelques exemples :

            Premier exemple, le livre « La guerre des mémoires ».

             Citons des échantillons des textes dans lesquels il est fait référence à ce concept.

            « La guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), «  la fracture coloniale, c’est une réalité » (p.33), le « refoulement de la question coloniale » (p.32), « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective jusqu’à aujourd’hui une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer (p.32), « les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            Deuxième exemple, le livre « L’Europe face à son passé colonial »

            A la page 144, un historien note « une explosion mondiale des mémoires », et un autre écrit à la page 219 : «  La mémoire coloniale constitue depuis plusieurs années un sujet primordial dans le débat public français. »

            Troisième exemple, le livre « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy ».

            Un historien illustre à plusieurs reprises le concept : « une vision largement partagée par nos concitoyens (p.113) », « ces stéréotypes », « cette façon de voir les Africains est bien présente dans la mentalité française (p.116) », « combien le discours de Dakar « colle » à une opinion majoritaire en France » (p.122), « au service de l’anéantissement de ces clichés et stéréotypes si profondément ancrés dans une certaine vision de l’Afrique. » (p.123)

            Quatrième exemple, le livre « Mémoire année zéro ».

            Brillant essai d’un auteur habile à manier les concepts de mémoire, d’histoire, et d’identité nationale, à donner le vertige intellectuel au lecteur, j’écrirais volontiers d’une excellente facture « ENA ».

            Dans cet essai riche en citations, références, jugements et perspectives,  l’auteur écrit : « A côté de l’histoire, la mémoire était un instrument commode et populaire. La mémoire est collective (1). Les souvenirs sont individuels. (p.24) » La note (1) de la page 39 renvoie au livre « La mémoire collective » de Maurice Halbwachs, sans autre plus de précision.

            A la même page 39, l’auteur écrit : « On le voit : notre mémoire collective est en crise… »

            L’auteur nous entraîne dans un exercice de haute voltige intellectuelle autour du concept de mémoire, sans attacher, semble-t-il, une grande importance à la définition stricte des concepts manipulés, notamment sans asseoir ses raisonnements sur la définition rigoureuse de la mémoire collective qu’en a proposée Halbwachs.

            A partir de quelle définition et quelle mesure, ces appréciations et assertions sont-elles formulées, donc sur quel fondement ? Telle est la question

A force de lire articles et livres portant sur l’histoire coloniale, sur le passé colonial de la France, je me suis posé la question de savoir ce qu’était cette fameuse mémoire collective, nouvelle panacée de certains intellectuels, comme nous l’avons vu.

            J’ai donc été à la rencontre de l’inventeur, sauf erreur, de la théorie de la mémoire collective, c’est-à-dire Maurice Halbwachs, et donc de son livre fondateur, comme certains disent de nos jours.

            Rien ne vaut en effet, même pour un historien amateur, d’aller à la source.

            Qu’est-ce que nous dit cet auteur ? Dans un ouvrage austère, mais très bien écrit, Halbwachs analyse tous les aspects de la mémoire collective et en décrit les conditions de base, c’est-à-dire : une mémoire collective qui ne peut être définie que par rapport à :

            un espace (lequel ?),

            un groupe déterminé (lequel ?),

            un temps historique (lequel ?).

             Le sociologue ne manque pas de préciser qu’une mémoire collective a une durée de vie limitée (laquelle ?).

            Les héritiers du grand sociologue ont été inévitablement confrontés à la mesure de cette fameuse mémoire collective, en proposant méthodes, et outils de mesure quantitative, au moyen d’enquêtes statistiques fiables.

            Le constat : dans les textes des livres cités, nous n’avons trouvé ni définition du concept, ni indication de sources d’enquêtes statistiques, qui pourraient accréditer le discours de ces chercheurs.

            Je conclurai donc en faisant appel à la sagesse du bon vieux Descartes, comment ne pas douter, en tout cas pour l’instant, du fondement de ces affirmations, tant qu’elles ne s’appuieront pas sur des démonstrations conceptuelles et statistiques ?

            Pourquoi ne pas se demander entre autres si la fameuse mémoire collective française n’est pas plutôt branchée sur l’Europe, allemande, anglaise ou italienne, plutôt que coloniale ? A démontrer !

            Quelques citations éclairantes pour finir :

            « C’est à l’intérieur de ces sociétés que se développent autant de mémoires collectives originales qui entretiennent pour quelque temps le souvenir d’évènements qui n’ont d’importance que pour elles, mais qui intéressent d’autant plus leurs membres qu’ils sont peu nombreux. »  (page 129)

            « La mémoire collective, au contraire, c’est le groupe vu du dedans, et pendant une période qui ne dépasse pas la durée moyenne de la vie humaine, qui lui est, le plus souvent, bien inférieure. » ( p,140)

            « Chaque groupe défini localement a sa mémoire propre, et une représentation du temps qui n’est qu’à lui. » (p, 163)

&

Mes recherches personnelles m’avaient conduit à m’interroger, notamment dans le  livre « Supercherie Coloniale » sur le discours mémoriel du collectif de chercheurs de l’équipe Blanchard, d’après lesquels la France de la Troisième République, puis de la Quatrième, aurait été imprégnée de culture coloniale puis impériale, plongée dans un « bain colonial », sans en avoir apporté les preuves scientifiques suffisantes, sans proposition d’une méthodologie de l’existence de la mémoire collective en question.

            Le chapitre IX de ce livre a résumé questions et critiques sous le titre «  Le ça colonial ! L’inconscient collectif ! Freud au cœur de l’histoire coloniale. Avec l’Algérie, l’alpha et l’oméga de la même histoire coloniale » (page 235 à 281)

Mes conclusions n’ont pas changé, faute pour les historiens et les mémorialistes de proposer une méthode scientifique de calcul qui permette effectivement d’y procéder :

  1. Comment parler de « mémoire collective » coloniale sous la Troisième République alors que l’instrument statistique des sondages n’a commencé à être utilisé en France, qu’après 1945 ? Et pour la période antérieure « coloniale » à partir de quels vecteurs de mémoire collective supposée ?
  2. Comment parler aussi d’un « inconscient collectif » colonial existant sous la Quatrième ou Cinquième République, sans s’être donné les moyens de le mesurer par des enquêtes d’opinion sérieuses, comme il est possible de le faire depuis de nombreuses années ?

A la condition sine qua non qu’on puisse scientifiquement l’ausculter et le mesurer ?

  1. Question : à partir des travaux de l’Observatoire B2V, et du livre « La mémoire entre sciences et société », la situation a-r-elle évolué avec les instruments statistiques nécessaires pour évaluer la mémoire collective du passé, ou encore l’inconscient collectif du même passé, grâce aux travaux de cet Observatoire ?      

Après avoir lu un article de Pascale Senk dans le Figaro du 20 mai 2019 sous le titre « Quand l’imaginaire collectif nous ébranle », et l’interview de Francis Eustache intitulée « La mémoire collective est en pleine expansion », ma curiosité a de nouveau été éveillée par ce sujet, et donc par ce livre.

Pascale Senk faisait référence à la publication d’un ouvrage collectif dirigé par Francis Eustache, intitulé « La mémoire, entre sciences et société » (Observatoire B2V des Mémoires- Le Pommier poche), avec la collaboration de six scientifiques, une psycho gérontologue, une neurologue, un spécialiste d’intelligence artificielle, un neurobiologiste, un historien, et un philosophe.

Ce livre de plus de 700 pages a évidemment un contenu austère pour un lecteur non spécialisé dans les disciplines traitées tout au long de très nombreux chapitres distribués dans cinq parties :  « Mémoire et oubli » (p,15 à 133) – « Mémoire et émotions » (p,133 à 277) – « Ma mémoire et les autres » (p,277 à 406) – « Les troubles de la mémoire : prévenir, accompagner »  (p,406 à 537) – « La mémoire du futur » (p, 537 à 671).

Le sous-titre de l’’article de Pascale Senk cadrait bien le sujet : « Catastrophes, attentats, faits divers… Face à l’actualité, notre vie psychique a aussi une dimension collective », de même que sa conclusion :

« Reste que de puissantes images nous imprègnent et constituent une autre forme d’imaginaire collectif se construisant en permanence : un héros donnant sa vie pour d’autres, des avions s’encastrant dans des buildings ou une cathédrale qui brûle. Combien de temps agiront-elles en chacun de nous, et pour les générations suivantes ? Nous l’ignorons. »

Dans l’interview de Francis Eustache, neuropsychologue de la mémoire humaine, et à la question : « Le Figaro – Pour vous qui travaillez sur la mémoire la notion d’inconscient collectif est-elle pertinente ?

Oui, car aujourd’hui les différentes disciplines étudiant la mémoire se rejoignent. Pendant longtemps, la psychologie et les neurosciences, d’une part, les sciences sociales, d’autre part, travaillaient de manière séparée. Aux premières l’étude de la mémoire individuelle, typique, ou malade ; aux secondes, la mémoire collective, avec un focus sur le fait que certains événements étaient occultés car ils n’avaient pas de signification sociale, mais finissaient par ressurgir. A Caen par exemple, les conséquences des bombardements alliés, ont longtemps été passées sous silence. Il a fallu soixante-dix-ans pour que l’on mentionne les victimes (25 000 victimes civiles). Mais les Normands qui avaient vécu cela avaient en fait deux mémoires : l’une familiale, beaucoup ayant perdu un ou plusieurs membres de leur famille sous ces bombardements ; l’autre collective, qui parlait de reconstruction et d’accueil des libérateurs. Différents types de mémoire peuvent donc cohabiter en chacun. »

  • Sont-elles transmissibles ?

« En tout cas, lorsqu’elles correspondent à des blessures indélébiles, leur récit saute souvent une génération…

Est-ce l’émotion qui « imprime » ces mémoires ?

Oui, quand l’histoire collective, rejoint un vécu personnel, cela crée une émotion surprenante qui nous dépasse. Nous cherchons à décrypter scientifiquement, par l’imagerie cérébrale, l’observation des neuro-cognitions et des enquêtes d’opinion par exemple, ces liens entre ces deux dimensions mnésiques. D’autant plus qu’avec les caisses de résonance que sont devenus les médias, les événements sont amplifiés. La mémoire collective est en pleine expansion.

Vous travaillez notamment sur la mémoire des attentats du 13 novembre 2015 … »

Pourquoi ne pas se demander si les deux concepts d’’inconscient collectif et de mémoire collective sont synonymes ?

Première partie  

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

« Guerre d’Algérie » Volet 3 « Japon-Corée », France Algérie », « Le Japon et le fait colonial »

« Guerre d’Algérie : réflexions »

Volet 3

« Le Japon et le fait colonial- II »

« Les débats du temps postcolonial, des années 1950 à nos jours »

« Japon- Corée, France-Algérie »

« Réflexions sur deux situations coloniales et postcoloniales »

Lionel Babicz (page 55 à 80)
Cipango
Cahier d’études japonaises Année 2012
Lecture critique
S’agit-il d’un « objet d’histoire » ?

            Indiquons dès le départ que l’auteur s’attaque à un sujet difficile, ambitieux, qui soulève beaucoup de questions de méthodologie concernant le concept de comparabilité historique, et nous verrons ce qu’il convient d’en penser.

            Avec une question préalable, s’agit-il d’un « objet d’histoire », alors que la Corée « coloniale » a disparu de la scène internationale après 1945, avec une partition en deux Corées, celle du nord et celle du sud ? De quelle Corée s’agit-il ?

            L’auteur écrit :

            « Histoire, paix, réconciliation. Si une quantité croissante de travaux sur ces thèmes ont été publiés en Asie orientale et en Europe, peu nombreuses sont les études comparatives. Le présent article résulte de ma participation à l’une de ces rares initiatives, un ouvrage japonais intitulé « Histoire et réconciliation publié en 2011 par les historiens Kurosawa Fumitaka …et Ian Nish. Ce livre, composé à la fois de travaux historiques et de témoignages directs, comporte également une partie comparative dédiée à des thèmes rarement abordés jusqu’à présent : mise en perspective des processus de réconciliation sino-japonais et germano-polonais, ou nippon- coréen et anglo-irlandais. Ma contribution personnelle fut une tentative de comparaison entre deux couples coloniaux n’ayant jamais encore été systématiquement confrontés, Japon-Corée et France-Algérie. Les quelques réflexions qui suivent sur divers aspects des situations coloniales et postcoloniales franco-algériennes et nippo-coréennes constituent une version remaniée et actualisée de ce texte japonais. » (p,56)

            L’auteur expédie le cas comparatif des mémoires de guerre de l’Allemagne et du Japon, effectivement très différentes de celui qu’il a l’ambition d’analyser, et écrit donc:

     «  Ces quelques pages se proposent ainsi d’examiner les parallèles et différences entre les situations coloniales franco-algériennes et nippo-coréennes, mais également de comparer la manière dont cette histoire porte une ombre encore aujourd’hui sur les relations au sein des deux « couples » .(p,57)

            Le lecteur aura bien noté que la réflexion porte sur les « situations coloniales », « parallèles » ou « différentes », les mots que j’ai soulignés.

            A la fin de notre lecture critique, nous verrons ce qu’il faut penser, de façon synthétique, d’une tentative de comparaison entre deux couples coloniaux n’ayant jamais encore été systématiquement confrontés, une comparaison qui soulève évidemment la question de sa pertinence historique.

         Je ne cacherai pas aux lecteurs que j’en doute sérieusement, et qu’à plusieurs reprises je me suis demandé quel maître à penser de l’INALCO avait pu souffler l’idée d’un tel sujet.

        « Le centenaire de l’annexion de la Corée (p, 57)

          Ces dernières années auront été emblématiques : les relations nippo-coréennes et franco-algériennes évoluent toujours à l’ombre de l’histoire et de la mémoire.

       L’année 2010 marqua le centenaire de l’annexion de la Corée par le Japon. En apparence, les choses se sont plutôt bien passées…    

       Le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie

      « Pour ce qui est de la France et de l’Algérie, l’année 2012 aura marqué le cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie et de l’indépendance algérienne. Là aussi, polémiques et divergences furent au rendez-vous…

     Au-delà des gestes politiques, il semble également que l’année 2012 aura été l’occasion pour la France intellectuelle, artistique et médiatique de se pencher sur le passé algérien comme cela n’avait jamais été fait auparavant…

     De manière apparemment paradoxale, le cinquantième anniversaire de l’indépendance algérienne sembla avoir suscité plus d’intérêt en France qu’en Algérie, et ce malgré une série de célébrations officielles  démarrant en juillet 2012…

      En fait, la manière dont le Japon et la France ont respectivement commémoré les anniversaires de 2010 et de 2012 révèle, me semble-t-il, une différence essentielle entre les mémoires coloniales des deux pays. En France, l’Algérie suscite un important débat intérieur passionnant une grande partie de la société civile… » (p61)  

      Questions : j’ai souligné les réflexions qui posent problème.

        Comment est-il possible de comparer, sauf à dire qu’il s’agit de deux événements complètement différents en chronologie et en signification, entre une annexion de la Corée  datant de 1910 et la fin d’une guerre d’indépendance pour l’Algérie datant de 1962 ?

       L’année 2012… une occasion de se pencher sur le passé algérien… ? Vraiment ?

      Une différence essentielle entre les mémoires coloniales des deux pays ?  Est-ce le cas, alors qu’aucune enquête statistique sérieuse n’a pas été faite à ma connaissance sur cette fameuse mémoire coloniale, avant tout chère à Monsieur Stora. Alors qu’il s’agit bien souvent d’une mémoire mise au service d’une cause politique ?

      « La force du lien colonial (p,62)

      « Aussi bien dans le cas de la France et de l’Algérie que dans celui du Japon et de la Corée, on ne peut véritablement saisir l’état des relations bilatérales sans se référer à la réalité de la période coloniale. Quelles sont donc les similitudes et les différences dans les situations coloniales franco-algérienne et nippo-coréenne ?

       La similarité la plus frappante est peut-être la spécificité du lien qui reliait les deux partenaires coloniaux..

       L’Algérie fut une colonie française durant plus de cent trente ans (1830-1962… une colonie de peuplement… la possession française… indispensable stratégiquement (l’Algérie était la clef de l’Afrique, du Maghreb et du Proche Orient, et aussi symbole de la grandeur de la France. » (p63)

       Questions et constats sur les mots soulignés :

       La spécificité, incontestablement !

 Une colonie française jusqu’en 1962, vraiment ?

 Une colonie de peuplement, incontestablement !

 Indispensable stratégiquement (l’Algérie était la clef de l’Afrique, du Maghreb et du Proche Orient ?

       Une affirmation historique hardie, pour ne pas dire plus.

Grandeur de la France, incontestablement ! Une des raisons qui ont trop souvent conduit les gouvernements français à vouloir s’occuper de tout sur la planète aussi bien pendant les conquêtes coloniales, avec Jules Ferry et après, et encore de nos jours avec les interventions extérieures multiples de la Cinquième République, sous les houlettes de Messieurs Sarkozy et Hollande.

       « Deux catégories de personne » (p,64)

        « Il y avait une différence, cependant. Le Japon avait développé à l’égard de la Corée une idéologie de proximité raciale. Les Coréens étaient considérés comme des frères de race égarés, destinés au bout du compte à regagner le bercail originel d’une civilisation commune. Ce sont des idées, déjà présentes au moment de l’annexion en 1910, qui furent à la base des mesures d’assimilation mises en place à partir de 1938.

         En Algérie, pas de proximité raciale qui tienne. L’Algérie était destinée à être assimilée à la France par le biais d’une colonisation française (et européenne) et par la « francisation » progressive d’une élite locale. Durant toute l’époque coloniale, il y eut  essentiellement deux catégories de personnes en Algérie : les colons – citoyens français bénéficiaient de tous les droits – (auxquels furent adjoints en 1870 les Juifs algériens), et les indigènes locaux, les « Arabes », régis par le Code de l’indigénat de 1881. Ainsi lorsqu’on parle d’assimilation, il s’agit des citoyens colons, et non de celles des Algériens musulmans. » (p,65)

      Questions relatives aux mots ou phrases soulignés :

Proximité raciale, annexion en 1910, et mise en place en 1938 seulement, juste avant le début de la guerre mondiale ?

        Est-ce tout à fait pertinent ?

 « En Algérie, pas de proximité raciale qui tienne. » « francisation » progressive d’une élite locale »… assimilation ?

      Idem, une analyse pertinente, il est possible d’en douter, mais les remarques relatives aux frères de race … au bercail originel d’une civilisation commune sont, elles, tout à fait pertinentes, car le facteur religieux, la présence de l’Islam, fut un des facteurs qui rendait difficile, sinon impossible toute idée d’assimilation.

      Je rappelle à cette occasion que dans les années 1900, les colons, terme inapproprié pour dénommer les européens d’Algérie, étaient composés pour un tiers d’espagnols, un tiers d’italiens, et un tiers de français, et qu’en 1870, il n’existait quasiment pas encore d’Etat algérien.

         L’auteur note d’ailleurs que les projets d’intégration des Coréens, même tardifs, ne réglaient pas le même type de problème :

       «  Ainsi dans les deux colonies, au nom d’une lointaine et utopique assimilation, les populations  étaient l’objet d’une ségrégation intense, et les opposants les plus farouches à l’assimilation des Coréens étaient les colons japonais, craignant de perdre leurs privilèges. » (p65)

       Mais alors, qu’en penser ?

        Qu’il s’agisse de l’avant 1939 ou de l’après, toute comparaison parait difficile à faire, compte tenu de l’irruption du facteur international, la guerre, la défaite du Japon et l’indépendance de la Corée le 15 août 1945, puis la guerre froide, la guerre de Corée (1950-1953), la division du pays en deux Corées, un élément de l’histoire coréenne qui rend difficile toute comparaison pertinente avec l’Algérie

    L’Algérie, elle-même, ne sortira pas indemne de la guerre, et sera rapidement prise dans les soubresauts de la décolonisation, les interventions des Etats Unis, de l’URSS, et du Tiers Monde, puis la guerre d’Algérie.

      Corée et Algérie avaient basculé dans un autre monde.

     « Décalage chronologique, décolonisation

       Ce décalage des chronologies constitue peut-être l’une des différences essentielles entre les deux situations coloniales. « L’Algérie est colonisée beaucoup plus tôt que la Corée (prise d’Alger en 1830, colonisation officielle à partir de 1905 pour la péninsule) et se libère plus tard (la Corée est libérée en 1945, l’Algérie se libère en 1962)…

        En France, la perte de l’Algérie française a été vécue comme « une sorte d’amputation ». la guerre d’Algérie est également à l’origine de la création de la Vème République…

Occultation

        Ainsi après l’indépendance, la guerre fut occultée en France. Benjamin Stora publie en 1991, un ouvrage intitulé « La gangrène et l’oubli » dans lequel il analysait comment cette « guerre sans nom » demeurait une page blanche de l’histoire de France, et rongeait comme une gangrène les fondements mêmes de la société »

Occultation également en Algérie…

       En Corée, le processus de décolonisation fut totalement différent… Ainsi pour le Japon, le traumatisme de la perte de la Corée se dilua dans le traumatisme général de la défaite.

       Cependant, là-aussi, l’occultation était au rendez-vous. Les deux décennies suivant la fin de la guerre (1945-1965) furent une période de désintérêt total à l’égard de la Corée. » (p,68,69)

       Questions :

        Indépendamment de la question de base, – à savoir sommes-nous vraiment dans des « situations coloniales » comparables ? -, l’auteur fait référence à un historien qui surfe depuis des années, sur la mémoire d’une guerre d’Algérie qui l’a fait rapatrier à l’âge de douze ans.

       Pour avoir participé à cette guerre au titre du contingent, et avoir été attentif à ce qu’on en racontait après, je n’ai pas le sentiment que cette guerre ait été occultée, en tout cas, pas par les groupes de pression multiples qui ont tenté de s’en approprier la mémoire, souvent avec succès, notamment, celui qu’anime l’historien-mémorialiste cité.

          Quant au constat « Occultation également en Algérie », je laisse le soin à l’auteur de nous dire sur quel fondement il formule ce constat.

       « Normalisation nippo-coréenne (p,70)

        En 1965, le Japon établissait des relations diplomatiques avec la République de Corée, au Sud. Ce traité de normalisation était le résultat à la fois de pressions des Etats-Unis qui aspiraient à renforcer la stabilité régionale, et d’une convergence d’intérêts, essentiellement économique, entre la Corée et le Japon….le Ministre des Affaires étrangères japonais, Shiina Etsusaburo exprima les regrets de son pays pour ce « passé infortuné ».

       Il est évident que dans le cas d’espèce, les Etats-Unis étaient devenus maître du jeu.

      « La France et l’Algérie après l’indépendance (p,71)

      Contrairement au cas nippo-coréen où l’indépendance amena une rupture des liens bilatéraux,  entre la France et l’Algérie, le contact ne fut jamais rompu. Il est même surprenant de voir comment malgré la violence et les atrocités de la guerre dès son lendemain, les deux parties manifestèrent leur volonté de maintenir un lien étroit…

   En 1981, le président Mitterrand se rendit même à Alger

     Dégradation franco-algérienne, amélioration nippo-coréenne (p,73)

     Mais l’année 1981 marqua également un pic

        Question : une fois de plus, compare-t-on des situations historiques comparables ? A mon avis, non, sans oublier que derrière le décor franco-algérien se profilait l’accord secret sur les essais nucléaires au Sahara.

       Point n’est besoin de noter, en ce qui concerne les relations nippo-coréennes, qu’en 1998, le Mondial fut un nouveau facteur de normalisation, mais avec quelle Corée ? Et sous le parapluie américain?.

      « Vers la fin de l’époque postcoloniale ? (p,75)

       … Les traités de sécurité liant Séoul et Tokyo à Washington ont l’allure d’une véritable alliance trilatérale, et il ne fait guère de doute que ce triangle de sécurité est à la base de la paix dont jouit l’Asie orientale depuis un demi-siècle. » (p,76)

           Question : en dépit de l’existence d’un autre morceau de la Corée, celle du Nord, encore communiste et agressive, et la montée en puissance de ce qu’on pourrait appeler la nouvelle Chine, et la forme moderne de son impérialisme séculaire ?

       « L’Algérie et la France dans la tourmente (p,76)

         L’auteur rappelle à juste titre l’existence de la guerre civile des années 1988-1990, la deuxième après celle des années 1954-1962, une guerre qu’il parait légitime de dénommer une guerre de religion, et ils ont été nombreux les Algériens qui sont venus en France pour y trouver refuge.

       Depuis, ces relations n’ont trouvé ni apaisement, ni nouvel équilibre, en raison notamment, et souvent des deux côtés de la mer de Méditerranée, de la culture de mémoires partisanes, lesquelles, ont l’ambition d’exiger de la France une repentance coloniale.

      « Une surabondance mémorielle » (p,79)

         Je ne suis pas convaincu qu’il existe de nos jours une surabondance mémorielle, alors que l’ancien passé  aurait été occulté, par qui ? A quel niveau ?

      En tout cas, pas dans les très nombreuses associations ou groupes de pression qui ont cultivé la mémoire de cette guerre, avec une immense majorité de soldats du contingent, dont je faisais partie, qui n’avaient jamais été convaincus, en débarquant en Algérie, qu’ils se trouvaient sur une terre française.

      Pourquoi ne pas noter que les groupes de pression qui font le plus de bruit en faveur d’une repentance qui ne dit pas son nom, ont partie liée avec des partis politiques ou des publics issus de l’immigration ?

         Comment adhérer, au terme de cette lecture critique à cette sorte de conclusion caricaturale qu’en tire l’auteur ?

           « Les couples franco-algériens et nippo-coréens semblent ainsi constituer deux variantes d’une même situation postcoloniale. Les deux couples entretiennent aujourd’hui des relations  dictées essentiellement par leurs situations géostratégiques et leurs choix politiques. Dans ce contexte, la mémoire du passé colonial est souvent instrumentalisée pour des besoins intérieurs et extérieurs. Mais ces débats, disputes, accrochages et affrontements sont également l’expression de plaies toujours vives et qui ne semblent pas près de se refermer. La colonisation travaille en profondeur tant les sociétés des pays colonisateurs que celle des pays coloniaux. « (p,80)

        Comment ne pas interpréter une telle opinion qui ne correspond pas aux réalités françaises, sauf pour une petite partie  de sa population, comme un appel – une fois de plus- à un « inconscient collectif » cher à beaucoup de chercheurs, lequel « travaille en profondeur », qui constituerait l’alpha et l’omega, pour ne pas dire le graal des relations entre ces pays désignés ?

        Un « inconscient collectif » cher à Monsieur Stora !

Ma critique de synthèse

– Question préliminaire : le but de cette chronique était-il de faire apparaître toutes les différences qui séparaient la Corée et l’Algérie ? Si oui, il parait atteint.

– Une chronologie pertinente ? Non ! Car comment comparer des situations coloniales, datant l’une de 1830, et l’autre de 1905, celle de la Corée ne durant que quarante ans contre cent trente-deux ans pour l’Algérie, la première à un moment de la vie internationale qui ne soutenait aucune comparaison avec le début du XX°siècle, et selon  des durées « coloniales » difficilement comparables.

 – Des situations coloniales comparables ? Bien sûr que non !

        Comment comparer l’Algérie des années 1830, dépourvue de tout Etat, sous la gouverne des tribus, avec le contrôle lointain et superficiel de l’Empire Ottoman, avec la Corée des trois royaumes peuplés d’une population partageant une civilisation commune, mixant les grandes religions d’Asie, avec une Algérie musulmane, une Corée qui existait bien avant son annexion par le Japon ?

      Une comparaison de la Corée avec l’Indochine, gouvernée par l’empereur d’Annam, fils du ciel, comme en Chine, n’aurait-elle pas été plus pertinente ?

–  Le facteur stratégique ?

       L’auteur en souligne l’’existence, mais autant un tel facteur a été déterminant dans la conquête de la Corée, comme le souligne les auteurs d’autres contributions, ce facteur était inexistant à l’origine pour Alger, puisqu’il s’agissait avant tout de mettre fin au trafic d’esclaves chrétiens par les pirates barbaresques, et alors que la distance qui séparait les deux côtes ne donnait pas à l’Algérie cette caractéristique de sécurité nationale.

         Il fallut attendre la deuxième guerre mondiale, et le débarquement de troupes alliées en Afrique du Nord pour que l’Algérie devienne momentanément un élément important d’une stratégie nationale, une situation qui dura peu de temps, car contrairement à ce qu’écrit l’auteur,  je ne sache pas que l’Algérie ait eu une importance stratégique pour la France au Moyen Orient.

–    Le volet des « situations coloniales » sur leur plan économique et financier ? Un volet qui fait complètement défaut, alors qu’une comparaison intéressante et utile aurait pu être effectuée entre les deux pays, de même et de façon plus pertinente avec l’Indochine entrée dans une ère coloniale à peu près à la même période que la Corée.

        Il aurait été intéressant, si cette hypothèse de travail est pertinente, que l’auteur montre comment les banques de Corée, entre les mains du Japon, ont été l’instrument d’un impérialisme secondaire du Japon en Chine.

        Cette lacune de données économiques est très fréquente dans beaucoup de recherches d’histoire postcoloniale, alors que de nombreux outils d’évaluation statistique sont disponibles.

        La Corée, quelle  Corée ? Celle du Nord encore communiste, ou celle du Sud,  alliée des Etats Unis et du Japon ?

        A la lecture de cette chronique, il est possible de se poser la question.

–    Le mot de la fin, avec la contribution du détective Napoléon Bonaparte, célèbre pour ses enquêtes dans le bush australien, notamment chez les Arborigènes, en partie exterminés ou discriminés par les anciens colons de ce continent, un détective dont les enquêtes ont été popularisées par Upfield.

          Aurais-je envie de dire, qu’à la grande différence des enquêtes fouillées de Napoléon Bonaparte, qu’il m’arrive de trouver que certaines recherches postcoloniales manquent peut être de la même rigueur dans leur évaluation des faits ou idées analysés.

          C’est à se demander si les romans policiers les meilleurs ne font pas preuve d’une plus grande rigueur scientifique, pour ne pas citer certains romans historiques qui pourraient sans aucun doute en remontrer à certains chercheurs !

          Nous nous proposons d’ailleurs de publier plus tard une petite chronique sur ce sujet passionnant.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Le ça colonial ! L’inconscient collectif ! Supercherie coloniale, chapitre 9

Comme annoncé dans ma chronique sur « Le fer à repasser colonial ou postcolonial », le lecteur trouvera ci-après le texte intégral du chapitre 9 que j’avais publié dans le livre « Supercherie coloniale »

Chapitre 9

Le ça colonial ! L’inconscient collectif !

Freud au cœur de l’histoire coloniale

Avec l’Algérie, l’Alpha et l’Omega de la même histoire coloniale !

            Il est tout à fait étrange de voir des historiens, normalement adeptes du doute, de la méthode scientifique de reconnaissance des faits, des dates, des preuves, s’adonner, ou s’abandonner aux délices, ou aux délires, de l’inconscient, le ça du célèbre docteur Freud.

            Car les chiens de l’inconscient ont été lâchés dans l’histoire coloniale !

            Nous sommes arrivés presque au terme de l’analyse et de la contestation du discours de ce collectif de chercheurs et nous espérons que le lecteur aura eu le courage d’en suivre les péripéties au fil des chapitres qui avaient l’ambition d’examiner, un par un, les grands supports d’une culture coloniale posée comme postulat, et d’apprécier le bien fondé de la démonstration historique qui leur était proposée. Au risque d’avoir très souvent éprouvé une grande perplexité devant le flot des mots, des approximations, et des sentences historiques

            Notre conclusion est que cette démonstration n’a pas été faite, et reste éventuellement à faire. Ce n’est pas en invoquant à tout bout de champ le refoulement, les stéréotypes, l’imaginaire et l’inconscient collectif, les imprégnations, les schèmes, les fantasmes, les traces et les réminiscences, et bien sûr l’impensé, que leur discours trouve un véritable fondement scientifique.

            L’inconscient collectif est incontestablement un concept à la mode, avec d’autant plus de succès que personne ne sait exactement ce que c’est !

            Il est vrai qu’au Colloque de janvier 1993, sur le thème Images et Colonies, l’historienne Coquery-Vidrovitch avait fait une communication intitulée Apogée et crise coloniales et fait remarquer que pour des raisons personnelles, elle n’avait pas eu envie de venir à ce colloque, indiquant : « Pour comprendre un réflexe de ce type, il faut faire la psychanalyse de l’historien » (C/30).

Confidence d’une historienne confirmée confrontée par son passé à ce type de question.

            Nous proposons donc au lecteur de faire un voyage initiatique dans le labyrinthe du nouveau Minotaure colonialen quête d’un des dieux de l’Olympe ou de Delphes, d’un papa Lemba du culte Vaudou, ou encore d’une nouvelle pierre philosophale de l’histoire, qui va transformer l’inconscient collectif en histoire. Et pour ce faire, et pour doper sa quête de l’inconscient colonial, qu’il n’hésite donc pas à faire appel aux racines hallucinatoires de l’iboga gabonaise.

            Ou encore à s’immerger dans le grand secret des familles coloniales, théorie psychologique et psychanalytique à la mode, puisqu’au même colloque, un historien distingué n’a pas hésité à appeler la génétique à l’aide de sa démonstration.

            On voit déjà que certains historiens, chevronnés et réputés, avaient ouvert une belle boite de Pandore au profit de jeunes chercheurs, sans doute émoustillés par la nouveauté, comme par du champagne, et à l’affût de trésors éditoriaux.

            Le discours du collectif de chercheurs sur le ça colonial.

            L’ensemble des livres rédigés par le collectif de chercheurs fait constamment appel à l’inconscient.

            Dans le livre Culture coloniale, et dès l’introduction, les auteurs écrivent : « comment les Français sont devenus coloniaux sans même le vouloir, sans même le savoir, sans même l’anticiper. Non pas coloniaux au sens d’acteurs de la colonisation ou de fervents soutiens du colonialisme, mais coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel. »(CC/8)

            « L’école républicaine joue ainsi un rôle majeur en ancrant profondément dans les consciences la certitude de la supériorité du système colonial français… le bain colonial… »(CC/13)

            « Une culture au sens d’une imprégnation populaire et large. …une culture invisible. » (CC/15,16)

            « La colonisation « outre-mer » n’est donc pas en rupture avec le passé, elle s’inscrit au contraire dans un continuum consubstantiel à la construction de la nation française, puis par héritage, à la république. « (CC/25,26)

            Après la fameuse et grande exposition de 1931 :

             « La France semble s’être imprégnée alors en profondeur de l’idée coloniale et de cette puissance retrouvée grâce à l’empire » (CC/36)

            Le lecteur aura pu se rendre compte, notamment dans le chapitre consacré aux expositions coloniales, de la réalité de cette imprégnation, partie rapidement en fumée.

            « Les conquêtes coloniales sont un des ciments de la société française en ce sens qu’elles renforcent, légitiment et alimentent le régime dans sa dynamique interne. »(CC/39)

            « Une culture coloniale encore rémanente plus de quarante après les indépendances dans la France du XXIème siècle. » (CC/91)

            « Le discours fut véhiculé par des médias touchant des millions d’individus, permettant de répandre et d’enraciner le mythe d’une colonisation « bienfaisante et bienfaitrice » et surtout légitime, dans l’inconscient collectif. » (CC/143)

            « Dans le cadre d’une société française totalement imbibée de schèmes coloniaux. »(CC/160)

            Le livre suivant, Culture impériale (1931-1961), développe le même type d’explication.

            « Pour la grande majorité des Français de cette fin des années 1950, imbibés consciemment ou pas de culture impériale, le domaine colonial est effectivement une utopie parfaite. » (CI/26)

            Alors que nous avons vu qu’il en était très différemment dans le résultat des sondages d’opinion publique.

            « Ces éléments marquent sans aucun doute l’importance qu’a prise peu à peu l’Empire dans les consciences tout autant que dans l’inconscient français. » (CI/54)

            Sa force réelle (la propagande) réside alors dans la constitution véritable d’une culture impériale sans que les français en soient forcément pleinement conscients. C’est tout le succès de la propagande coloniale au cours de ces années qui parvient à banaliser le thème colonial. C’est bien le concept de colonisation « modérée » qui fut ancré par ce biais dans les esprits. (CI/57)

            Et pour couronner le tout des citations, et à propos des effets du scoutisme sur l’inconscient colonial des Français :

            « L’étude de ces deux médiations  singulières (qu’ont été l’école et l’action extrascolaire) permet, d’une part, de rendre compte de la complexité et de la profondeur de l’éducation à la chose coloniale à laquelle a été soumise la jeunesse durant l’entre-deux guerres ; d’autre part, d’approfondir la compréhension du jeu subtil qui s’instaure entre l’ordre de la transmission raisonnée des connaissances (dans l’institution scolaire), et celui de l’incorporation inconsciente des valeurs –(au sein des mouvements de jeunesse issus du scoutisme). »(CI/93,94)

            Cher lecteur, pour rien au monde, je n’aurais voulu vous priver de cette belle citation ! Car elle valait le détour littéraire ! Elle mériterait de figurer dans un livre des records de bêtise intellectuelle !

            Le livre La République coloniale s’inscrit dans la même démarche de pensée :

« Il existerait un impensé dans la République (RC/III). Notre rapport à l’Autre serait travaillé par le colonial (RC/21)

            « Nous avons donc choisi de revenir à l’héritage, de comprendre comment se construit la généalogie moderne de la république, et comment cette généalogie lie en profondeur lie l’héritage républicain à la dimension coloniale. » (RC/40)

            « Ces éléments nous conduisent à établir une généalogie républicaine de l’intrication national/colonial. »(RC/103)

            « La France s’est imprégnée en profondeur de l’idée coloniale (RC/108)…Lorsque l’on veut comprendre la profondeur de l’imprégnation sociale du colonial en France. » (RC/117)

            « Long serait le florilège de ce qui, dans les discours, poursuit de façon souterraine des régimes d’énonciation structurés durant la période coloniale. »(RC/144)

            « Car la France continue de se voir à travers l’impensé colonial. » (RC/150)

            « L’omniprésence souterraine de ce passé. »(RC/160)

            Alors un bon conseil : chers historiens ! Il vous faut aller consulter les psy !

            Le livre suivant, La Fracture coloniale, ne fait pas non plus dans le détail à ce sujet.

            Dans l’introduction, signée Bancel, Blanchard, Lemaire, les trois animateurs du collectif de chercheurs que nous incriminons, ils écrivent :

            « Une littérature récente a d’ailleurs montré que la colonisation a imprégné en profondeur les sociétés des métropoles colonisatrices, à la fois dans la culture populaire et savant (ce que l’on nommera ici une culture coloniale), dans les discours et la culture politique, le droit ou les formes de gouvernance. Il est par ailleurs légitime d’excéder les chronologies politiques qui rythment notre appréhension de la période coloniale : il serait trop simple de croire que les effets de la colonisation ont pu être abolis en 1962, après la fin de la guerre d’Algérie marquant celle de l’Empire français. Dans tous les domaines que l’on vient d’évoquer – représentations de l’Autre, culture politique, relations intercommunautaires, relations internationales, politique d’immigration, imaginaire …- ces effets se font toujours sentir aujourd’hui. » (FC/13,14)

            Le problème est que les trois auteurs renvoient dans la note 15, évidemment à leurs livres, c’est-à-dire ceux qui ont fait l’objet de notre analyse critique.

            Comment appeler en bonne logique ce type de raisonnement, sinon un cercle vicieux. ?

            Plus loin, les historiens Bancel et Blanchard écrivent :

            « Incontestablement, la République a contribué à forger politiquement les archétypes relatifs aux populations coloniales, en légitimant sur la longue durée leur subordination – le Code de l’indigénat étant la plus évidente expression de cette domination légalisée sous cette forme à partir de 1881 –selon un principe originellement racial, jusqu’à inventer culturellement l’ « homme/non homme » et le « citoyen/non citoyen » qu’est l’indigène. (FC/41)

            Est-ce que ces deux historiens croient et peuvent apporter la preuve historique que les Français, mis à part quelques spécialistes et une minorité de Français expatriés, aient jamais connu l’existence  du fameux code ?

            Mais le pire est encore à venir, lorsqu’on lit que « la mesure des discriminations et des vexations qu’ils subissent se trouve dans leur corps, que les réminiscences restent palpables, et que le déni du droit et les discriminations qu’ils subissent comme la persistance d’une figure de l’indigène logée dans leur corps. » (FC/200)

            Une histoire donc en mal d’exorcisme ou de recette fétichiste capable de faire sortir du corps le mauvais esprit !

            Le même auteur, sociologue, n’hésite pas à écrire que les femmes indigènes ont eu à subir une double oppression qui ne fut jamais dénoncée, et que l’érotisation et la prédation sexuelle accompagnèrent toute l’histoire coloniale, en ce qui concerne les deux sexes pour faire bonne mesure. (FC/202) Est-ce que cet auteur a jamais fréquenté des récits d’explorateurs, pas uniquement colonialistes, ou des analyses des sociétés et des cultures africaines rencontrées ?

            Je renverrais volontiers l’auteur à la réflexion du début, celle de l’historienne Coquery-Vidrovitch quant à l’opportunité, dans le cas présent, d’une psychanalyse, et à une invitation à mieux connaître la condition de la femme dans certaines cultures maghrébines ou africaines.

            Mais le pire est encore à venir dans un propos d’un jeune de banlieue, rapporté par un autre sociologue :

« Quand j’étais dans les couilles de mon père, j’entendais déjà ces mots. « (FC/215) C’est-à-dire les mots de République, citoyen ou intégration.

            Comme quoi, la généalogie coloniale fonctionne effectivement !

Les sources historiques du ça colonial

            Et pour cela, il nous faut revenir au fameux Colloque de janvier 1993 dont le thème était Images et ColoniesCe colloque savant a ouvert la boite de Pandore du ça colonial, ainsi que celle des envolées éditoriales que nous connaissons.

            Le ton est donné dès l’introduction aux Actes de ce colloque (Blanchard et Chatelier) :

            « Ce qui frappe, après un période de refoulement du passé colonial, c’est le retour ces dernières années à l’exotisme. » (C/11)

            « Mais surtout, il faut maintenant exploiter les images, non comme simple illustration de la période coloniale, mais bien comme une représentation. Car l’image est, comme il a été montré au cours du colloque, un élément important de la diffusion de l’idéologie coloniale en France au XXème siècle. Elle fut l’allié puissant du colonialisme…Aujourd’hui encore elle est présente, comme par exemple dans le numéro spécial de mars 1993 « Faut-il avoir peur des Noirs ? » de la revue Max…

            Ces représentations, véhiculées par une multitude de supports, se sont immiscées tant dans la vie quotidienne que dans la vie publique. Leurs influences nous semblent prépondérantes, puisque la grande majorité des Français n’a connu le fait colonial et le colonisé que par le prisme déformant de ces images. » (C/12)

            « Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports, évoquent un véritable bain colonial. » (C/14)

            « Il semble que ces images soient devenues des « réalités » pour une majorité de Français, qui ne se doutent pas de leur véracité. » (C/15)

            La synthèse de la partie Mythes, Réalités et Discours, reprend brièvement les évocations et invocations d’un inconscient auxquelles se sont livrés quelques uns des hommes et femmes de science participant à ce colloque.

            Tout d’abord celle déjà citée de l’historienne Coquery-Vidrovitch. Dans sa communication Apogée et crise coloniale, elle déclare :

            « C’est d’ailleurs pourquoi je ne présenterai pas d’images. Comment s’est constituée cette collection d’images, souvent très belles, qui n’en sont pas moins des stéréotypes qui ont marqué de leurs préjugés l’imaginaire français ? » (C/27)

            A propos de l’exposition de 1931 :

            « Il s’agit de la naissance volontaire et inconsciente mais définitive de stéréotypes coloniaux qui sont construits et systématisés. » (C/29)

            Et d’évoquer le rôle du Petit Lavisse et d’écrire : « Cette iconographie a eu la vie longue, et combien d’adultes d’aujourd’hui la portent-ils encore en eux. » (C/30)

            Est-ce qu’à part son cas personnel, l’historienne a apporté la moindre preuve de ce propos ? Non ! Alors que cette historienne s’est illustrée, tout au long de sa carrière, par des travaux historiques très sérieux, en apportant une contribution importante à l’historiographie coloniale française.

            « Auraient-elles disparu d’ailleurs, les images n’en demeurent pas moins dans les esprits qu’elles ont contribué à façonner. » (C/31)

            « Les images vont nous apprendre énormément sur l’idéologie coloniale française, mais peut être plus encore sur l’image que nous portons, consciemment ou inconsciemment, en nous. »

            L’historienne Rey-Goldzeiger, (Aux origines de la guerre d’Algérie-2002 – Le Royaume Arabe- Politique algérienne de Napoléon III-1977) écrivait :

            « A partir de 1918 l’image du Maghrébin et du pays se modifie et va définitivement amener les stéréotypes maghrébins dans le conscient et plus grave, dans l’inconscient collectif. Pourquoi et comment ? » (C/37)

            Et dans le passage l’Impact de l’image, l’historienne de noter que :

             « L’étude en est beaucoup plus difficile et demande une recherche méthodologique nouvelle. Car la perception ne suffit pas pour faire entrer l’image dans le champ du conscient et de l’inconscient de ceux à qui elle est destinée. »

            Et de philosopher sur le déroulement du temps à propos de l’intrusion de plus en plus prégnante de l’image dans le domaine idéologique :

            « Les événements vont vite dans le temps court cher à Braudel, la conscience est plus lente et se situe dans le temps moyen ; quant à l’inconscient, il suit le temps long. Entre ces trois temps, il y a décalages. »(C/38)

            Les temps longs de l’histoire relèvent-ils du domaine de l’inconscient ? Est-ce qu’il ne faut pas manifester une certaine inconscience pour énoncer ce type de propositions ? S’agit-il d’histoire, de littérature, de psychologie, de psychanalyse, ou encore de philosophie ?

            Et de rattacher ses réflexions à la guerre d’Algérie, et à la difficulté que la France a rencontrée pour aboutir à une paix négociée en raison d’un décalage : « Question de décalage de temps ! »(C/38)

            Ou tout simplement en raison du décalage qui a toujours existé entre les ambitions de la France officielle, celle des pouvoirs établis, obnubilés de grandeur, toujours la grandeur, et toujours l’aveuglement, et celles du peuple français.

            Et plus loin : « Aussi l’image se fait vie et va alimenter jusqu’à l’inconscient qui s’appuie sur une symbolique de virilité, de chasse, et d’érotisme. »(C/39)

            « En quelques années, la conscience française, ainsi préparée est capable de percevoir l’image de la colonisation française, miracle qui a créé le Maghreb et le Maghrébin, d’intégrer à sa conscience la notion de supériorité de la civilisation française qui fait le bonheur des autres, de faire passer dans l’inconscient toute la puissance des mythes, qui bloque les actions rationnelles pour donner l’avantage à la passion. » (C/40)

            J’avoue que je n’avais jamais trouvé, jusque là, une explication du drame algérien par le rôle de l’inconscient colonial. Et d’expérience concrète de la guerre d’Algérie, j’ai souvent rencontré des soldats du contingent qui répugnaient, en toute conscience, à faire la guerre que la France officielle, celle des pouvoirs constitués légitimes, leur faisait faire, et qui n’était ni la leur, ni en définitive celle du peuple français. A l’expérience de leur épreuve, l’Algérie française n’était qu’un mythe, le contraire de celui que diffusait la propagande, mais malheureusement, il y vivait plus d’un million de Français.

            Continuons l’inventaire avec la communication de l’historien Meynier.

            Le titre de sa contribution a le mérite de la clarté en affichant : Volonté de propagande ou inconscient affiché ? Images et imaginaires coloniaux français dans l’entre-deux-guerres

            L’historien établit un constat qui ne va pas dans le sens des analyses de notre collectif, comme nous l’avons déjà noté, mais il pose la question :

            « Compte tenu de ce constat et des images officielles propagées, comment réagissent les Français ? Quels sont les référents inconscients qui se trouvent à l’arrière-plan lorsque l’on évoque les colonies

            Imaginaire colonial et inconscient colonial

            Inconscient français et mythes coloniaux : salvation et sécurisation. » (C/45)

            L’auteur n’hésite pas à rapprocher le mythe de Jeanne d’Arc à celui de Lyautey, ce qui est plutôt très hardi.

            Et dans sa conclusion :

            « Le Centenaire de l’Algérie française et l’Exposition coloniale de Vincennes confortent les stéréotypes que le discours savant lui-même avalise et pérennise. Le drame est que ces images des colonies, répondant prioritairement à un inconscient français prioritairement hexagonal, sont émises au moment même des prodromes de la « décolonisation ».

            Quoiqu’il en soit, l’imaginaire même de la France coloniale et impériale ramène d’abord au pré carré français et doit très peu au grand large. » (C/48)

            Alors cher lecteur, si on y trouve les concepts de stéréotypes, d’inconscient français et d’imaginaire, incursion scientifique plutôt surprenante de la part de l’historien, elle concerne beaucoup plus l’inconscient français, prioritairement hexagonal,  que l’inconscient colonial.

            Les conclusions de ce colloque étaient ambiguës, et ne pouvaient éviter de l’être, compte tenu de l’impasse faite sur les questions préalables de méthode, sur lesquelles nous reviendrons dans les conclusions.

            Il faut avancer dans la maîtrise de la méthodologie de lecture de l’image, qui est à la fois représentation figurative et forme de discours. D’une manière générale, peu d’historiens ont écrit sur les méthodes d’analyse et d’interprétation de l’image. Comme l’a montré Jean Devisse, il reste énormément à faire : ouvrir le chantier de la méthode mais également celui de la constitution d’un corpus. » (C/148)

            On peut effectivement se poser la question de la validité scientifique du corpus, car nous avons vu que son élaboration souffrait d’une grave carence d’évaluation quantitative  et qualitative, mais aussi de la capacité de la discipline historique à interpréter une image historique, sans faire appel au sémiologue.

            Ce qui n’empêcha pas les auteurs de la conclusion d’écrire :

            « La réflexion entamée  par ce colloque a soulevé davantage de questions qu’elle n’a apporté de réponses. Elle doit donc se poursuivre par un débat international dont l’objectif n’est rien moins que, aussi bien dans l’Europe colonisatrice que dans ses anciennes colonies, la déconstruction d’un imaginaire que ces images, pendant des décennies, ont contribué à édifier. « (C/148)

            Il faut donc tout à la fois, ouvrir le chantier de la méthode, mais aussi chercher à déconstruire l’imaginaire édifié pendant des décennies !

            Tout cela est-il bien sérieux ?

            Le collectif de chercheurs dont nous avons dénoncé le discours s’est engouffré dans les voies obscures de l’inconscient collectif encensé par des historiens confirmés et aussi dans celles d’une célébrité médiatique provisoire.

            Il est tout de même difficile de fonder une interprétation de notre histoire coloniale, pour le passé et pour le présent de la France, sur le fameux ça, avec en arrière-plan l’obsession permanente de l’Algérie.

            Comment laisser croire aux Français qu’ils sont imbibés de culture coloniale, alors qu’elle leur a été étrangère, même au temps béni des colonies ?

                        L’analyse critique

            Je me demande s’il ne faut pas parler de constat plutôt que d’analyse, à partir du moment où l’objet de la connaissance historique se dérobe, pour se réfugier dans un inconscient jamais défini, et sans doute indéfinissable.

            Des historiens s’intéressent donc à l’imaginaire, pourquoi pas ?

            L’inconscient collectif du docteur Jung ? Pourquoi pas ? Alors que le docteur Jung avait déjà bien du mal à définir ce nouveau concept, structures héritées du cerveau, mais plus en termes de capacité à penser, à réagir, qu’en termes de transmission elle-même d’images, de stéréotypes, mais je ne veux pas m’avancer plus loin sur ce terrain des spécialistes qui ne sont d’ailleurs pas d’accord entre eux.

            Lorsque les historiens invoquent l’inconscient collectif, les stéréotypes, les archétypes, il conviendrait qu’ils définissent ces termes, leur contenu, leur champ d’application, et qu’ils nous expliquent par quel processus de pensée et de raisonnement ils sont arrivés à cette conclusion, ce qui n’est pas le cas.

             Il conviendrait de l’explorer et le définir avec un minimum de prudence scientifique, et avec une méthode éprouvée, qui ne parait pas avoir été trouvée.

.

            Les travaux effectués par l’historien Ageron sur les sondages de l’opinion publique montrent incontestablement la voie à ce sujet, et il ne suffit pas, pour énoncer un discours convaincant sur l’imaginaire colonial des Français d’adosser une réflexion historique sur une psyché personnelle, ou un inconscient individuel.

            Il est possible de nos jours, les outils de la connaissance existent, d’identifier et de dépeindre l’imaginaire moderne des Français. Encore faut-il s’en donner les moyens, et dépasser le stade artisanal de l’étude de Toulouse ! On serait peut-être surpris par les résultats d’une étude scientifique sérieuse.

            Quant à l’imaginaire du passé, celui postérieur à la première guerre mondiale de 1914-1918, ou à la deuxième guerre mondiale, qui peut avancer des hypothèses sérieuses ?

            Je fais partie d’une génération qui aurait été marquée par le Petit Lavisse, par la propagande coloniale de Vichy, puis par celle que le collectif de ces chercheurs qualifie d’impériale. J’ai eu beau creuser dans ma mémoire, je n’y rien trouvé de tout cela, mais j’avoue que je n’ai jamais été confessé sur un divan.

             Ma mémoire a été marquée par l’exode sur les routes, puis l’occupation allemande, et toute ma famille originaire de l’est a entretenu un imaginaire anti-allemand, avec la succession des guerres,  celle de 1870, la première guerre mondiale de 1914-1918, avec nos blessés et nos morts, puis la deuxième guerre mondiale, et dans la foulée, la guerre froide entre l’Est et l’Ouest, la menace de l’empire soviétique, à quelques marches de notre province. L’insurrection malgache de 1947 et la guerre d’Indochine appartenaient à une autre planète.

            Un imaginaire colonial réduit donc à sa plus simple expression, qui aurait explosé avec la guerre d’Algérie ? Mais est-ce qu’il est possible de réduire l’imaginaire colonial à l’Algérie ?

            Comment l’historien va-t-il procéder pour démêler tous ces imaginaires dans une chronologie déterminée, soupeser l’un et l’autre, souvent confondus, ou oubliés, tout en se gardant de tout regard anachronique, le plus grand danger de ce type d’exercice ?

            L’historien fera mieux que le psychanalyste de l’inconscient collectif ?

            Et pour que le lecteur comprenne bien notre propos, parce que ces chercheurs abritent leurs concepts sous l’ombrelle de la psychanalyse, il n’est pas superflu de rappeler quelques notions de la théorie freudienne sur le rêve et le fonctionnement de l’inconscient.

            L’inconscient, cette zone du cerveau toujours obscure- mais gît-elle vraiment dans le cerveau ?- serait à la racine de tous les phénomènes psychiques, l’inconscient des profondeurs psychiques, insondables, c’est-à-dire le ça, puis le moi avec son monde extérieur, et enfin le surmoi social. Le ça n’est jamais très loin de la libido, de la sexualité, une des clés centrales de la théorie de Freud, avec son refoulement, cause de toutes sortes de traumatisme psychique.

            Comme nous avons eu l’occasion de le constater, à la lecture de certains travaux, sur les cartes postales ou les affiches,  on n’est jamais loin de cette fameuse libido.

            Le ça est inaccessible à la conscience, et il n’est possible de le voir qu’à travers le rêve ou de symptômes, le rêve étant la voie royale d’accès à l’inconscient.

            On peut donc imaginer la difficulté que peut rencontrer un historien pour explorer l’inconscient collectif du peuple français, alors que le psychanalyste est déjà obligé de ruser avec la psyché individuelle pour apercevoir des lueurs du ça individuel, à travers les rêves.   Existerait-il des rêves coloniaux, des actes manqués, susceptibles d’être auscultés et interprétés ? Que le collectif de nos chercheurs aurait omis de nous décrire ?

            Le ça est le plus souvent une zone obscure et on ne risque pas grand-chose à mettre les historiens au défi de nous décrypter nos rêves coloniaux, s’il en existe ? A quelle catégorie de rêves faudra-t-il les rattacher ? Celles du chapeau, symbole de l’homme, ou de la castration ? Celles de l’escalier, ou de Bismarck ? Ou enfin celle du rêve absurde ?

            Ou de celles, toutes nouvelles, issues de leur créativité fantasmatique, de la fatma mauresque dévoilée ou du cannibale blanc enfin démasqué ?

            Alors, et compte tenu de tous les aléas rencontrés par l’interprétation psychanalytique, déjà considérables pour l’analyse individuelle, comment est-il possible d’avancer des explications historiques relevant de l’impensé, de l’inconscient, du refoulement ?

            Non, ce n’est tout simplement pas sérieux !

            Nous avons choisi pour titre La supercherie coloniale, mais Le rêve colonial aurait été aussi un bon titre. Il aurait fait l’affaire. Pourquoi ne pas proposer à ce collectif de chercheurs de se livrer à des exercices individuels et collectifs d’interprétation psychanalytique de leurs rêves coloniaux ?

            En ce qui nous concerne, nous renonçons à cette ambition impossible, puisqu’il  conviendrait aussi d’explorer l’inconscient de nos parents et de nos grands parents, morts.

            S’agit-il du racisme actuel des Français, réel ou supposé, de la domination coloniale française passée, ou tout simplement de la fameuse libido ? L’importance accordée aux cartes postales des mauresques nues, au thème de l’érotisme colonial, pourrait le laisser croire.

             Il n’est qu’à consulter les quelques pages que l’Illusion Coloniale consacre aux femmes pour s’en convaincre (IL/128 et suivantes), en concentrant l’attention sur la nudité, les Mauresques, mais en ignorant tout de la nudité noire, fréquente dans beaucoup de sociétés africaines des 19ème et 20ème siècles, en même temps que de sa condition habillée, et beaucoup plus mélangée entre le nu et l’habillé à Madagascar et en Indochine. Dans ces deux pays, les situations  étaient géographiquement inversées, nudité sur le côtes et vêtement sur les plateaux dans la grande île, et nudité dans les hautes terres et vêtement dans les plaines en Indochine.

            Pour illustrer le propos, on n’hésite d’ailleurs pas à joindre, de façon tout à fait anachronique, une affiche d’un film américain daté de 1953 !

            Inconscient collectif des Français aux différentes époques coloniales ou inconscient collectif des Français des années 2000 ? Inconscient des peuples anciennement colonisés ou inconscient des descendants des mêmes peuples dans leur pays ou en métropole ?

            Ou plus simplement inconscient caché de ces chercheurs ?

            Tout cela est on ne peut plus embrouillé, et à cet égard la fameuse enquête de Toulouse entretient la plus grande confusion, car ses auteurs ont déclaré eux-mêmes que l’Algérie en était ressortie comme un de ses thèmes obsessionnels. Alors que la guerre d’Algérie se situe dans la période de décolonisation.

            Depuis le Colloque de janvier 1993, au cours duquel le ça colonial a fait une très étrange apparition, les chercheurs n’ont pas beaucoup progressé, sinon pas du tout, dans l’élucidation du ça colonial, ou du ça de l’Algérie, ou du ça de la France.

            Alors faudra-t-il recourir au ministère du prêtre exorciste pour faire sortir le diable colonial de notre corps, ou aux services de sorciers fétichistes pour extraire les mauvais esprits du colonialisme de notre corps et de notre tête ?

            Le ça comme fétiche ?

            Je conclurais volontiers ce chapitre en rappelant que l’historien Ki-Zerbo reprochait au grand historien colonial que fut Henri Brunschwig d’être un fétichiste de l’écriture, par opposition à la tradition orale. Cette nouvelle école de chercheurs a abandonné les rives de l’écriture ou de la tradition orale, pour nous proposer celles du fétichisme de l’inconscient, le ça colonial.

            Avec l’excuse de s’être fait ouvrir la porte de l’inconscient collectif colonial au Colloque de 1993 par l’entremise d’historiens reconnus pour le sérieux de leurs travaux.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Chapitre tiré de mon livre « Supercherie coloniale » (2008)

« Le fer à repasser » postcolonial ? Pourquoi pas?

Les mystères de l’histoire postcoloniale : « Le fer à repasser ou « l’inconscient collectif » colonial, dans le journal la Croix du 22 décembre 2015

            Au cours des années passées, j’avais constaté, avec une certaine curiosité et surprise, que des historiennes, tout à la fois coloniales et postcoloniales, plutôt connues dans leur monde savant, proposaient à leurs lecteurs de découvrir qu’une des clés de la compréhension d’une histoire coloniale, qui intéressait peu de monde, était l’existence d’un « inconscient collectif », colonial, qui logeait clandestinement dans les profondeurs de la conscience des Français et des Françaises.

           Dans  les livres qu’ils ont publiés, les chercheurs du collectif Blanchard ont, également, et à maintes occasions, fait appel à cet « outil » historique de nature magique pour convaincre le lecteur que la France, tout au long de la période coloniale, a été imprégnée, sans en avoir conscience, de l’idéologie coloniale, une véritable immersion dans le fameux « bain colonial ».

            Pourquoi ne pas rapprocher ce « bain colonial » du bain des reines de Madagascar, le fandroana, à l’issue duquel le bon peuple de la Grande Ile, était aspergé par l’eau lustrale de ce bain royal ?

            Il est superflu de rappeler aussi que l’historien Stora s’inscrit dans ce courant de pensée de la psy-histoire.

        Je désespérais d’avoir un jour la divine surprise, pour ne pas dire magique,  c’est-à-dire la preuve que cet inconscient collectif existait bien. 

        Eureka ! La lecture d’un des billets d’Alain Rémond, publié dans le journal la Croix, du 22 décembre dernier, intitulé « Le fer à repasser » m’a évidemment rassuré, sauf à indiquer que son auteur ne m’a pas encore communiqué les références de sa source, si ce sondage a été effectivement effectué.

         Il conviendrait de citer en entier le contenu de ce billet spirituel, mais je me contenterai de quelques citations :

         « C’est un chiffre qui donne le vertige. 23,8% des Français redoutent d’avoir un fer à repasser à Noël, selon un sondage tout ce qu’il y a de plus sérieux…. D’où vient cette peur irrationnelle du fer à repasser à Noël, qui depuis des siècles et des siècles, traumatise l’inconscient collectif des Français ? La peur du fer à repasser à Noël durera-t-elle jusqu’à la fin des temps, comme quoi le ciel et la terre  passeront, le fer à repasser ne passera pas ? Je pose juste la question. »

         Grâce au fer à repasser, faux plis et mauvais plis coloniaux ou postcoloniaux, ont donc du souci à se faire !!!

         L’occasion m’est donc donnée de publier le chapitre 9 du livre « Supercherie coloniale », intitulé « Le ça colonial ! L’inconscient collectif !… », afin d’apporter ma modeste contribution à ce débat digne des théosophies les plus  obscures.

        Il s’agit du livre que j’ai pris la peine de publier moi-même en 2008, compte tenu, entre autres, du refus très poli d’un grand éditeur de la place, féru d’histoire, lequel, en toute conscience, s’interdisait de mêler sa voix à l’agitation historique ou mémorielle, au choix, qui agitait la petite planète des chercheurs postcoloniaux.

        Compte tenu du nombre des visites qui ont fréquenté mon blog en 2015, plus de 3.400, pourquoi ne pas ouvrir la nouvelle année par cette première publication, la deuxième (une réédition), étant consacrée à la « mémoire collective » tout aussi introuvable dans les sondages de toute nature et de tout acabit qui tombent chaque jour sur nos tables, comme les balles à Gravelotte.

        En ce qui concerne « la guerre des mémoires » qui ravagerait notre pays, et qui concerne avant tout l’Algérie, l’IFOP a effectué une enquête sur la mémoire de la guerre d’Algérie, commanditée à la fois par la Fondation Jean Jaurès et par le journal Le Monde.

              Comme je m’en suis expliqué sur ce blog, le 17 novembre 2014, il s’agit d’une enquête méritoire, une première sur le sujet peut-être, mais dont une partie de la méthodologie statistique prête sérieusement à discussion.

            Les résultats de cette enquête ont été publiés dans Le Monde du 31 octobre 2014, sous le titre

               « Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie 

Soixante ans après le début du conflit, l’IFOP a sondé les Français pour « Le Monde » et la Fondation Jean Jaurès »

          Comment ne pas rappeler à tous ces chercheurs qui mettent en avant le concept de mémoire dans le domaine de l’histoire coloniale et postcoloniale, en tout cas, qu’ils seraient bien inspirés de faire des enquêtes de mémoire statistiquement sérieuses, plutôt que d’avancer des théories sans preuves ?

           C’est une demande que j’ai souvent formulée, mais sans succès, et lorsqu’une enquête mémorielle a enfin été effectuée, comme celle relatée plus haut, son ambition portait sur la mémoire algérienne chère à Monsieur Stora et non à la mémoire coloniale dans son ensemble.

         La deuxième publication aura donc pour titre « La guerre des mémoires », un article que j’ai publié le 11 novembre 2007 sur le blog « Etudes coloniales »

       L’ancien directeur des journaux Le Monde et La Croix, Monsieur Frappat, vient de publier un article intitulé « Souvenirs longue portée » à la gloire de la thèse idéologico-mémo-historique que défend Monsieur Stora sur la ou les mémoires coloniales.

           Seul problème, mais de taille, il s’agit d’une thèse idéologique sans évaluation statistique, sans enquête mémorielle sérieuse, une thèse qui fait appel à toute une panoplie d’outils qui manquent incontestablement de pertinence scientifique.

         Je l’ai fait savoir par courrier au très honorable Monsieur Frappat.

         Au cours des prochaines semaines, je me propose donc de publier aussi  une lettre adressée aux Psy, docteurs en histoire coloniale ou post coloniale, une interprétation libre de la BD Bidu-Cauvin publiée dans Spirou et intitulée :

« Dites- moi tout »

Jean Pierre Renaud

« Algérie 1954-2014 L’anniversaire amer » Le Monde du 31 octobre 2014

« Algérie 1954-2014

L’anniversaire amer »

Le Monde du 31 octobre 2014

&

Petit exercice de critique historique des pages du journal sur la guerre d’Algérie avec une invitation à passer à la phase 2, c’est à dire :

Mesurer les mémoires dans « la guerre des mémoires- la France face à son passé colonial » de Benjamin Stora,  et son nouveau concept de « transfert de mémoire » (voir l’éditorial).

&

Avant-propos

            Pour avoir servi la France, et peut-être l’Algérie, pendant la guerre d’Algérie, au cours des années 1959 et 1960, dans la vallée de la Soummam, et continué à y lire ce journal, quand il m’était possible de me le procurer, j’aimerais donner mon opinion sur une partie des textes qui ont eu l’ambition de donner une image fidèle de cette guerre, pendant et après l’indépendance de l’Algérie.

            Je me propose donc de passer au crible trois des documents publiés par Le Monde, en premier, la sorte d’éditorial du supplément, signé Christophe Ayad, intitulé «  Sortir du déni et du mensonge », qu’il convient de lire ainsi, sauf erreur, « déni » de la France, et « mensonge » de l’Algérie.

            En deuxième, l’éditorial lui-même du journal, intitulé « De la mémoire à l’histoire ».

            En troisième, l’analyse de l’enquête IFOP, intitulée « Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie » par Thomas Wieder.

&

           En premier : « Sortir du déni (France) et du mensonge (Algérie) »

 Cette analyse n’est pas très convaincante.

            Les premiers paragraphes décrivant les débuts de cette guerre sont à la fois réducteurs, et inexacts : « Pour venir à bout de cette tactique mise en place par le FLN, l’armée française a mis au point et expérimenté la guerre contre-insurrectionnelle… L’armée américaine n’a rien inventé en Afghanistan ou en Irak. »

            Comme si Mao Tsé Toung n’avait pas mis en œuvre ce type de guerre en Chine, et comme si les guerres contre-insurrectionnelles, anglaise de Malaisie, puis française d’Indochine n’avaient pas non plus existé !

            Et rien sur la guerre fratricide entre le MNA et le FLN, avec ses plus de 20 000 victimes, pour ne pas citer l’autre guerre civile entre algériens pro et antifrançais, et pas plus sur la présence en Algérie de plus d’un million de pieds noirs.

        « Poids de l’histoire », l’auteur écrit :

            « La constante des guerres contre-insurrectionnelles, c’est qu’en cas de succès militaire, elles débouchent sur des désastres politiques. … «  Voire ! Lesquels ?

            L’auteur poursuit : « L’autre malédiction des guerres contre-insurrectionnelles est qu’elles inoculent leur venin à ceux qu’elles sont censées combattre. » et le tour est joué !

            L’armée française a inoculé son venin à l’armée du FLN, celle qui est « restée stationnée en Tunisie et au Maroc sans combattre » (et les batailles des frontières ?), celle qui a pris le pouvoir, et est donc responsable de ce qui s’est passé en Algérie jusqu’à nos jours.

          L’auteur ajoute : « De son homologue française sous la colonisation, l’armée algérienne a hérité du même mépris pour les civils, d’un goût prononcé pour les affaires politiques et d’un penchant certain pour la manipulation. Elle se conduit, à bien des égards, en force d’occupation de sa propre société. ».

            « Même mépris pour les civils » n’est-ce pas par trop caricatural, et même faux ? Et évidemment, par la voie de son armée, la France est à nouveau responsable ! C’est toujours la faute des Français ! Plus de cinquante ans après !

:           L’auteur évoque alors l’opération Serval au Mali et une nouvelle coopération militaire franco-algérienne « en catimini » :

            « Le poids de l’Histoire est sans doute trop fort. En France, l’oubli et l’ignorance ne sont qu’une autre forme du déni passé ; et en Algérie, la mémoire de la guerre est instrumentalisée et usée jusqu’à la corde… Ce n’est qu’en sortant du déni français et du mensonge algérien que l’on pourra justifier, auprès des opinions publiques des deux pays, une lutte contre le terrorisme pour une fois justifié et susceptible de remporter l’adhésion. »

            Un discours qui se situe hors de l’histoire réelle de notre pays, car les citoyens français ont eu beaucoup plus d’occasions d’être informés sur la guerre d’Algérie, que n’a l’air de le croire l’auteur de ce papier, y compris sur les aspects les plus noirs de la pacification, en particulier, par les soins du journal Le Monde.

         Comme de nombreux lecteurs de ce journal pendant la guerre d’Algérie, soldats appelés ou non, il m’est arrivé souvent de penser que le journal proposait trop souvent une information partisane, avec toujours la France en négatif.

        A la limite, il n’était pas interdit de penser que le « terroriste «  avait toujours raison, alors qu’il s’agissait au moins autant d’une guerre civile que d’une guerre franco-algérienne.

        En deuxième, le contenu de l’éditorial du 31 octobre 2014,

         Un contenu que je relierais volontiers à celui du sondage IFOP analysé plus loin sur la mémoire et l’histoire de cette guerre, et sur la grande ambiguïté que certains historiens entretiennent entre mémoire et histoire.

        Je cite :

     « Aujourd’hui encore, comment ne pas voir dans le refoulement de ce drame l’origine de ce que l’historien Benjamin Stora a appelé « le transfert de mémoire » : l’importation, en « métropole » d’une mémoire coloniale où se mêlent la peur du « petit blanc », son angoisse identitaire face à l’Islam, son racisme antimaghrébin et les  crispations identitaires antagonistes qui en résultent » :

     Rien de moins !

        Une nouvelle école mémorielle ou historique ? Après la guerre des mémoires, entre qui et qui, et avec quelle démonstration statistique ? Une nouvelle extension de la psychanalyse coloniale et postcoloniale grâce à un « transfert » jamais mesuré, et sans doute mesurable !

      Des historiennes et historiens se sont fait une spécialité d’une lecture de notre histoire coloniale à partir de concepts aussi étranges qu’une « mémoire collective », ici coloniale ou postcoloniale (voir Stora), jamais mesurée par voie d’enquêtes et de sondages, ou mieux encore d’un « inconscient collectif » toujours colonial ou post colonial ( voir Coquery-Vidrovitch et ), jamais non plus mesuré.

      J’ai déjà eu maintes occasions de dénoncer le discours idéologique et non « scientifique » de ces chercheurs, sans preuves.

        L’éditorial fait donc appel à un nouveau concept adopté par M.Stora « le transfert de mémoire ».

      Comme je l’ai demandé à maintes reprises sur ce blog, que ces grands lettrés aient le courage en effet de démontrer, statistiquement parlant, que les concepts d’explication avancés pour mieux connaitre la mémoire des citoyens, ont effectivement une réalité mesurée.

     Le 12 mars 2009, le journal Le Monde s’était prêté à ce même type d’explication, une affirmation sans fondement statistique, en s’associant à la Ville de Paris pour célébrer le slogan « Décolonisons les imaginaires », la vraie « propagande », celle-là !

    En troisième lieu, et enfin, Eurêka ! L’heureuse surprise d’une première mesure statistique de quelques-uns des aspects de la mémoire algérienne des Français, le journal propose à la page 9 les résultats d’une enquête d’opinion, intitulée :

« Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie

Soixante ans après le début du conflit, l’IFOP a sondé les Français pour « Le Monde » et la Fondation Jean Jaurès »

Avec dans la marge :

« Rares sont ceux qui reprennent un vocabulaire de l’époque ou des qualificatifs symptomatiques d’une mémoire blessée »

      Cette enquête répond enfin, et  en partie, à cette demande de démonstration statistique.

            Sous le titre ambigu « Le poids de la mémoire pied-noire », le journal publie un graphique récapitulant le pourcentage de réponses à la question pour l’ensemble des français, et pour les sympathisants PS, UMP, FN :

        « Pour vous, personnellement, la guerre d’Algérie, c’est :

       L’arrivée des pieds noirs en France  (59% pour l’ensemble des Français), une guerre de libération pour un peuple colonisé (54% pour l’ensemble des Français),  le retour du général de Gaulle au pouvoir (41% pour l’ensemble des Français), une défaite pour la France (38% pour l’ensemble des Français), l’abandon des harkis (38% pour l’ensemble des Français).

        L’auteur de l’article fait état d’autres données statistiques qui ne figurent pas dans ces graphiques :

       « Acceptation globale. Autre preuve de ce regard distancé que portent aujourd’hui les Français sur ce conflit : l’acceptation de son dénouement par une assez forte majorité d’entre eux. Soixante-huit pour cent des personnes interrogées estiment ainsi que l’indépendance «  a été plutôt une bonne choses pour l’Algérie », tandis que 65% estiment qu’elle a été « plutôt une bonne chose pour la France ».

        L’auteur poursuit :

      « Frustration

       Restent un malaise et une frustration. Le malaise porte sur l’attitude de la France depuis la fin de la guerre d’Algérie…

     Et l’auteur note à cet égard une différence d’appréciation selon la couleur politique de gauche ou de droite,

     « Seule la question des harkis fait consensus, c’est-à-dire des Algériens favorables à l’Algérie française, fait consensus : à droite comme à gauche, plus de deux personnes interrogées sur trois estiment que « la France s’est plutôt mal comportée » à leur égard. 

            Quant à la frustration, elle porte sur la place accordée à la guerre d’Algérie dans l’espace public. De ce point de vue, les Français font une distinction  entre les médias et l’école. Dans les médias, cette place est jugée suffisante par 43% des personnes interrogées, mais insuffisante par 37% d’entre elles. A l’école, en revanche, 54% des personnes interrogées estiment qu’on n’en parle pas assez. Cette curiosité doit être vue comme une opportunité : combler cet appétit pour l’histoire est sans doute le meilleur remède aux plaies de la mémoire »

            Enfin une initiative positive ! Mais avec le souhait que Le Monde s’associe à nouveau à la Fondation Jean Jaurès pour passer à une autre étape de vérité, la mesure des mémoires dans la guerre des mémoires de M.Stora, du nouveau concept de « transfert de mémoire », et pourquoi pas ?

         Celle d’une soi-disant mémoire coloniale, algérienne et non algérienne, qui imprégnerait, encore, et au choix, la « mémoire collective » ou « l’inconscient collectif » des Français.

Jean Pierre Renaud

Un « inconscient collectif colonial » encore en cachette?

Un « inconscient collectif colonial » des Français encore en cachette ?

Les poncifs des études postcoloniales : l’inconscient collectif, la mémoire collective, l’opinion publique, les ethnies, …

&

Exercice de méthode historique sur « L’inconscient collectif » entre réforme fiscale et réforme de mémoire coloniale

A partir de l’éditorial de La Croix du 21 décembre 2012, par Guillaume Goubert intitulé « Pour la réforme fiscale »

            L’éditorial est ainsi introduit :

            « Pour la réforme fiscale

« Dans l’inconscient collectif,tout contribuable est un révolté potentiel,  convaincu qu’il paie trop d’impôts et que l’Etat fait un mauvais usage de cet argent. Le sondage exclusif réalisé par OpinionWay pour La Croix, fait quelque peu mentir ce cliché. Environ la moitié des personnes interrogées approuvent les récentes hausses d’imposition décidées par le gouvernement… » 

            Et le même journal de proposer en page 8 les résultats du sondage effectué sur un échantillon représentatif de 1054 personnes.

            Une conclusion possible : l’inconscient collectif n’était donc pas au rendez-vous, ou n’était pas celui qu’on pensait !

            Un groupe de pression formé d’historiens et de chercheurs a construit une de ses thèses, sinon la principale, en écrivant et en répétant qu’un inconscient collectif de type colonial façonnerait encore de nos jours la mémoire collective des Français. Cette thèse a eu un certain succès médiatique.

            Je ne voudrais pas encombrer le texte des nombreuses citations que j’ai relevées sur le sujet, mais n’en citer que deux :

            La première, de l’historienne coloniale et postcoloniale  bien connue, Mme Coquery-Vidrovitch dans son livre « Enjeux politiques de l’histoire coloniale » :

« Plus largement, le récit de « l’histoire de France » reste pensé dans l’inconscient collectif comme l’histoire d’une nation territorialisée dans l’ancienne « gaule », selon la construction du passé par les élites (masculines) du XIXème siècle, façonnées par la culture classique et la supériorité blanche. » (page 168)

Dans les pages qu’elle a couvertes de ses analyses et réflexions sur la matière, il serait possible de citer de très nombreux autres exemples, notamment dans l’accréditation historique qu’elle a donnée à ce groupe de chercheurs qui se sont illustrés par leurs ouvrages sur une soi-disant culture coloniale ou impériale animée parce ce nouveau ça colonial, l’inconscient collectif.

La deuxième, d’une autre historienne, Mme Rey-Goldzeiger, laquelle écrivait dans « Images et Colonies Colloque 1993 » :

« A partir de 1918 l’image du Maghrébin et du pays se modifie et va définitivement amener les stéréotypes maghrébins dans le conscient et plus grave, dans l’inconscient collectif. Pourquoi et comment ? » (page 37)

A lire l’ouvrage, on n’est pas mieux éclairé sur le pourquoi et sur le comment, c’est-à-dire par quelle voie la bête chemine, et surtout avec quel type de démonstration statistique susceptible d’emporter la conviction.

            Et pour les lecteurs intéressés, il leur faudra prendre la peine de lire l’ouvrage collectif publié à la suite d’un Colloque de l’année 1993 dont le thème était « Images et Colonies », au cours duquel le même type de concept fut déjà évoqué.

            Ou encore de lire le chapitre 9 du livre « Supercherie Coloniale » (editionsjpr.com) intitulé « Le ça colonial L’inconscient collectif », qui démontre que la thèse d’une culture coloniale et impériale qui aurait imprégné la société française, l’aurait immergée dans un « bain colonial » (Culture Coloniale, page 13) a encore besoin d’être démontrée.

            Ainsi que le rapporte l’exemple proposé sur la réforme fiscale, et avant de proposer le concept d’inconscient collectif comme la clé d’une explication historique, alors même que ce concept attrape-tout résiste à toute définition, rien ne vaudrait donc une bonne enquête statistique pour en démontrer la réalité !

            Ainsi que je l’ai déjà suggéré à de multiples reprises, pourquoi telle ou telle université, ou tels établissements, l’EHESS, ou encore l’INALCO, qui abritent sous leur toit de nombreux chercheurs concernés par le sujet, n’auraient pas l’idée, sinon les moyens, ou peut-être le courage, de lancer une telle enquête statistique d’opinion?

            Car des enquêtes ou des sondages, il en pleut chaque jour sur le marché !

Jean Pierre Renaud

Le livre « Enjeux politiques de l’histoire coloniale » Catherine Coquery-Vidrovitch Notes de lecture critique

« Il n’ y a pas de petite querelle » – Amadou Hampâté Bâ

ou la querelle des deux lézards

            Un sujet difficile, bien difficile, qu’annonce tout naturellement l’introduction.

            L’auteur y déclare tout de go que l’histoire de la colonisation et de l’esclavage colonial français doit être incluse dans notre patrimoine historique et culturel commun, et je ne vois pas en quoi la contredire sur ce point, sauf à se poser une première question sur le tabou qui existerait à ce sujet, et d’autres questions sur la série de concepts qu’elle enchaîne, plus complexes les uns que les autres, la repentancel’identité nationale, les lois mémoriellesle télescopage du savoir et des mémoiresles controverses supposées scientifiques,… on mélange histoire et mémoire :         

            « Finalement, il s’agit de comprendre à quel point « l’identité nationale » plurielle, inclut aussi le colonial. »

             Dès l’introduction, l’auteur assigne donc une vaste ambition à sa réflexion qui parait dépasser assez largement le champ scientifique de l’histoire coloniale proprement dite.

            En ce qui concerne le chapitre 1, rien à dire de particulier, sur la richesse de l’historiographie coloniale, d’abord européenne, et aujourd’hui africaine, sauf à se poser deux questions, la première relative au véritable sens d’une histoire dite « d’en bas », la deuxième du pourquoi de notre ignorance supposée de cette histoire.

            L’auteur écrit : « Or cette histoire coloniale, héritée, fut oubliée, comme effacée par la décolonisation. Ce fut un déni. Pourquoi ? (p.20)

            Arrêtons nous un instant sur cette appréciation, car elle court, sous des vocables différents tout au long de l’ouvrage, amnésie – faut-il plutôt parler de refoulé, (p.53), silence, tabou,  une histoire de la colonisation française.. à peine connue de la très grande majorité des jeunes français… et de la plupart de leurs aînés (p.63)… la colonisation a été oubliée (p.110).

            J’ajouterais volontiers, ignorance sans doute au moins égale de la part des jeunes africains.

            Dans un numéro n°165 (2007) de la revue Cultures Sud, l’auteur avait déjà esquissé un certain nombre de réflexions sous le titre « L’historien, la mémoire et le politique. Autour de la résurgence de la « question coloniale », certaines d’entre elles soulevant ma perplexité

            Je ne suis pas sûr qu’une enquête sérieuse confirme un des propos de l’historienne :

            « Pour les jeunes descendant des colonisés et des colonisateurs – qui n’ont pas vécu cette histoire mais qui l’ont entendu raconter par leurs grands-parents et aujourd’hui par des hommes politiques de tout bord – le vécu a disparu ; la mémoire en est doublement reconstruite : par la transmission des récits et par la façon dont ces récits sont compris. » (p,53)

            Une remarque à ce sujet : est-ce que, vraiment, beaucoup de petits enfants ont eu cette « chance » ?

            Et plus loin, le même auteur écrit :

            « Rajoutez à cela la mémoire coloniale officielle, structurante de la mentalité de plusieurs générations de Français durant la période coloniale, comme en témoigne le fameux petit Lavisse, manuel d’histoire élémentaire plus que centenaire participant de la construction volontaire de la nation… » (p,53)

            Une mémoire coloniale officielle tellement structurante que la même historienne se complait à regretter, à longueur de pages, le déni dont souffrirait notre histoire coloniale.

            Pourquoi avancer le Petit Lavisse à tout bout de champ, alors que ce livre ne consacrait que quelques pages aux fameuses colonies, en fin d’ouvrage, donc en fin de cycle scolaire ? Et pourquoi ne pas accréditer la thèse en question,  en faisant état, un état « scientifique » d’une enquête sérieuse sur cette fameuse mémoire ?

            Alors pourquoi ce constat ? Il est possible, comme le fait volontiers l’auteur, de proposer une explication qui viendrait de l’inconscient collectif de la France.

            Le texte abonde de termes qui en relèvent : l’impensé hérité (p.134), les stéréotypes raciaux (149) cet impensé français (154), le passé refoulé du métissage (146), l’état d’esprit de beaucoup de nos concitoyens, pour lesquels le fait colonial apparaît si incroyable qu’il en est indicible (156), la société française en reste aujourd’hui imprégnée (165)

            Dans mon livre « Supercherie coloniale », j’avais d’ailleurs consacré un chapitre à cette clé supposée de l’histoire de la France actuelle, le chapitre IX, page 229,  intitulé « Le ça colonial ! ».(1)

            Le lecteur a donc le choix entre des explications de type rationnel ou irrationnel, mais je dois signaler que déjà en 1993, à un colloque intitulé « Images et colonies », l’auteur avait déjà avancé une argumentation fondée sur l’inconscient collectif, laquelle ne semble pas mieux établie seize ans plus tard.

            Et pourquoi ne pas s’interroger à ce sujet : sommes-nous encore dans le champ de l’histoire ?

            D’autres explications viennent naturellement à l’esprit : tout d’abord, le peu d’intérêt que les Français, et même leurs gouvernements, ont porté aux colonies et donc à leur histoire. Brunschwig, Marseille, et Ageron, parmi beaucoup d’autres, l’ont relevé dans leurs écrits.

            Comment ne pas citer les exemples cités par Marseille dans son livre « Empire colonial et capitalisme français » : en 1936, l’ignorance de Blum sur l’Afrique du Nord,  les témoignages du démocrate chrétien Buron et du socialiste Verdier sur l’indifférence des gouvernements à l’égard des dossiers coloniaux, après 1945 ? (p.300, 302)

            Comment en effet ne pas être surpris par les analyses et conclusions de Marseille, selon lequel les colonies (pour beaucoup l’Algérie, qui n’était d’ailleurs pas une colonie) ont eu une certaine importance économique et financière pour la France, mais pendant une courte période, alors que l’Empire laissait largement les Français indifférents ?

            Le port du Havre avait par exemple un important trafic colonial, mais il était orienté en grande partie vers l’Europe du Nord.

            L’ouvrage collectif, intitulé « L’esprit économique impérial », a montré récemment que ce dernier n’était pas très « ardent ». (voir mon analyse dans le blog Etudes Coloniales – année 2008)

            Est-il nécessaire d’invoquer un impensé, un refoulé, un inconscient collectif pour expliquer que l’histoire coloniale n’a jamais eu les faveurs de l’Université, qu’elle n’a été qu’un appendice non constitutif de l’histoire française (p.103) ?

            L’Université se serait tenue à l’écart d’un sujet national majeur ?

            Bien sûr que non !

            Les économistes sont depuis longtemps familiarisés avec le concept de marginal, et le constat d’après lequel notre histoire coloniale n’a toujours été que marginale ne doit rien au hasard, à je ne sais quel déni (rationnel) ou tabou (irrationnel) !

            Le postcolonial à la française (chapitre 3) Après l’impensé français, le post colonial à la française, pourquoi pas ? Mais l’histoire coloniale serait alors hors jeu ? Les historiens ont-ils eu besoin jusqu’à présent de changer les noms de baptême de la période étudiée, Antiquité, Moyen Age, ou Révolution, en fonction de l’évolution de leurs travaux de recherche ? Avec pour certains d’entre eux, tel Goubert, le refus de travailler sur une histoire moderne, dont il était partie prenante.

            Est-ce que cette appellation d’origine anglo-saxonne ne serait pas motivée par un choix de cible historique beaucoup plus culturelle qu’économique, plus idéologique qu’historique, et en définitive beaucoup plus anachronique qu’on voudrait le faire croire ? L’auteur note à ce propos « le rôle joué par l’histoire coloniale dans la construction de la notion d’«identité nationale » (p.86) : rôle de l’histoire coloniale ou des études postcoloniales ?

            Comment faire parler les documents (p.97) ? Si l’on s’abstrait d’une analyse chronologique rigoureuse et de leur évaluation dans un contexte historique déterminé ? L’auteur suggère également une pratique du double regard (p.85), mais faudrait-il encore qu’elle ait été toujours possible, compte tenu de la difficulté qui a longtemps existé pour recueillir les récits de la tradition africaine, et qui demeure encore.

            Dans ce chapitre consacré au postcolonial, l’auteur évoque, à titre de démonstration, un des livres que j’ai analysé page par page, ligne par ligne, intitulé « Culture coloniale » (1871-1931), ouvrage dans lequel l’auteur a publié une contribution dont le titre était « Vendre : le mythe économique impérial » (p.163). Cette contribution s’inscrivait dans la partie intitulée « Fixation d’une appartenance ».

            L’auteur semble prendre une certaine distance avec cet ouvrage en écrivant ici : «  une histoire « postcoloniale en train de s’écrire. Cette histoire consiste à analyser les traces laissées par le fait colonial dans la société et l’imaginaire français. Les premiers à aborder ce sujet, à partir de 2003, ont donné au fruit de leur travail le titre un peu trompeur de « culture coloniale », qui laisserait croire que « tout est colonial » dans la culture française, ce qui n’est évidemment pas le cas… » (p.96)

             Dont acte, mais presque tout dans cet ouvrage au titre « trompeur » soulève questions et objections, quant à la méthode de travail, au choix des indicateurs, à leur évaluation, et à leurs effets. N’encombrons pas le lecteur de citations et d’affirmations non vérifiées, non mesurées, mais un des auteurs évoque le « bain colonial » : comment est-il possible d’utiliser un tel terme, alors que les recherches faites sur les vecteurs d’une culture coloniale supposée, ont été à la fois partielles, différentes selon les contextes historiques, et jamais évaluées dans leur contenu et leurs effets ? L’auteur en question s’est d’ailleurs attaché dans ses recherches à un champ historique limité à la fois sur le plan chronologique (post 1945), géographique et thématique.

            Est-ce que le postcolonial ne souffrirait pas par hasard et précisément de l’usage de la nouvelle méthode, la démarche de « va–et–vient » (p.87), préconisée par l’auteur, et qui dans les références choisies projette une vision moderne, d’ailleurs souvent littéraire, sur notre passé national et colonial ?

            Des traces ? Pourquoi pas ? Mais il conviendrait tout d’abord de les identifier au prix d’enquêtes d’opinions et de mémoires sérieuses qui n’ont pas été faites jusqu’à présent.

            Mais venons-en à la contribution de l’auteur (dans le livre « Culture coloniale ») : le texte en tant que tel est intéressant, mais en tant que juriste et économiste, il m’a laissé sur ma faim et voici pourquoi :

            Sur le titre rien à dire, et sur l’adhésion qu’elle semble donner aux analyses Marseille, mais certaines expressions et appréciations, pour ne pas dire jugements, font problème, car l’auteur n’a pas apporté la démonstration de ses propos : le mythe enraciné (p.168), la société française consommait donc colonial dans tous les domaines que celui-ci relève de la banque ou de la vie quotidienne. (p.174),  cette belle harmonie entre milieux d’affaires et expansionnistes coloniaux n’allait pas résister à la seconde guerre mondiale. Elle oeuvra néanmoins suffisamment auparavant pour construire dans la mémoire française une culture coloniale aussi tenace que mythifiée où la place du mythe économique était dominant. (p.175)

            Histoire économique ou littérature historique ? Plutôt une préférence pour la deuxième expression. Il ne suffit pas de noter que les Français buvaient du thé (d’Indochine avant 1931 ?), et du vin (d’Algérie),  mangeaient du riz (d’Indochine ?) pour conclure au rôle de causalité coloniale de ces faits, qu’il se soit agi de la mémoire des Français de l’époque, ou qu’il s’agisse de la mémoire française d’aujourd’hui.

            Je n’y ai donc pas relevé une trace identifiée et évaluée des traces évoquées par l’auteur, d’autant moins que le texte en question s’inscrivait dans la période 1871-1931.

            Question ? Ne s’agirait-il pas en proposant un concept nouveau de faire de l’anachronisme sans le dire, par une voie détournée, étant donné qu’une grande partie de la réflexion tente d’expliquer pourquoi l’actualité française est troublée par des querelles de mémoire, plutôt que d’histoire ?

            Quelques mots enfin sur ce même postcolonial à la française : l’auteur récuse l’existence des ethnies, mais doit-on accuser Amadou Hampâté Bâ d’avoir été un « collabo », pour faire référence à un rapprochement soi-disant historique qui a la faveur de certains historiens africains ( voir Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy, p,199), une occupation française à la mode nazie, lorsqu’il évoque les douze ethnies qui étaient présentes à Djenné :

            « Douze ethnies vivaient alors à Djenné…(Amkoullel-p.369) »,

            Ou encore dans un autre domaine cité par l’auteur :

            « Face nocturne et face diurne,… il faut accepter de reconnaître que l’époque coloniale a pu aussi laisser des apports positifs, ne serait-ce entre autres, que l’héritage d’une langue de communication universelle grâce à laquelle nous pouvons échanger avec des ethnies voisines comme avec les nations du monde… (Oui, mon Commandant, p. 334).

            Pourquoi en effet le jugement péremptoire de l’auteur de ce livre à ce sujet ? :

            «  peser le pour et le contre, en distinguant les aspects estimés positifs de ceux estimés négatifs de la colonisation est inepte en histoire (p.136) »

            Alors double regard ? Regard d’en bas ? Qui a raison d’Amadou Hampâté Bâ ou de l’auteur ?

            Un mot enfin sur le rôle que l’auteur prête aux anciens cadres coloniaux, dont je fis très brièvement partie, dans la vie nationale postcoloniale : je ne voudrais pas être trop négatif à ce sujet, mais il ne pouvait être, et ne fut que marginal, encore plus que l’histoire coloniale elle-même. (p,99)

            Comment penser sérieusement qu’ils aient pu avoir une grande influence sur l’histoire de la France postcoloniale?

            J’ajouterai, de façon toute accessoire, et pour avoir été à un moment donné, au cœur de ce processus administratif, que, contrairement à ce qu’écrit l’auteur, en choisissant la carrière préfectorale, où ils ont bénéficié d’un accès prioritaire, (p.100) ce ne fut pas le cas, mais l’évocation de ces faits est bien dérisoire en regard des enjeux ici traités. Et dans quel champ historique, l’auteur inscrit-il ce type de réflexion ?

                        Pour utiliser une expression qu’aime bien un de mes enfants, je serais tenté de dire : quelle embrouille historique !

            Personnellement, je paraphraserais volontiers le slogan « liberté pour l’histoire » en écrivant « liberté pour le bon sens », et pour « le doute scientifique » prôné par l’auteur, car on voit bien que ce discours s’inscrit à l’ombre des problèmes de l’immigration.

            Alors pourquoi ne pas reconnaître une bonne fois pour toutes que l’histoire coloniale a toujours été marginale dans nos écoles et nos universités, et qu’elle ne redevient d’actualité, sans intervention d’un inconscient collectif que personne n’a réussi jusqu’à présent à identifier et à évaluer sur le plan scientifique ?

            Ce n’est pas l’imaginaire colonial de la France qui est à l’œuvre, sauf à le prouver autrement que par des discours, mais l’imaginaire d’un courant de chercheurs qui peine à prouver quoique ce soit sur ce plan historique, sauf à proposer aujourd’hui le nouveau concept de fracture coloniale qui a beaucoup plus à voir avec une fracture sociale née de l’immigration postérieure aux années 1970.

            Alors dans cette confusion mémorielle, historique, et conceptuelle, je ne suis pas sûr du tout que ce livre aide  beaucoup les Français à y voir plus clair dans notre histoire coloniale, et à vider une querelle, petite ou grande.

            Et encore moins les enfants ou petits enfants de parents immigrés, pour ceux d’entre eux qui sont quelquefois déchirés entre deux cultures ou deux pays d’origine, à mieux gérer leur vécu quotidien. En bref, un discours idéologique plus qu’historique, sans fondement intellectuel, et sans démonstration concrète et actuelle au moyen d’enquêtes statistiques sérieuses sur notre mémoire coloniale.

(1) Supercherie Coloniale – Mémoires d’Hommes- 2008)

Jean Pierre Renaud, le 13 janvier 2010