« L’Islam à la Française » « Enquête » John R.Bowen – Lecture critique: première partie

« L’Islam à la Française »

« Enquête »

John R. Bowen

(Steinkiss)

Lecture critique

Première Partie

Lecture résumée

La deuxième partie sera publiée dans la semaine du 5 novembre 2012

            La matière est difficile et le livre traite une grande quantité de sujets qu’il est souvent malaisé de résumer, mais l’enjeu en vaut la chandelle, car la lecture de cette enquête permet de mieux comprendre la situation et le « fonctionnement » de l’Islam dans notre pays.

            Une lecture que ne facilite pas l’analyse très factuelle de son auteur, à l’anglo-saxonne de la méthode des cas, dans un domaine religieux et civil,  très foisonnant, trop foisonnant.

L’ouvrage comporte trois parties :

1ère partie – Itinéraires musulmans (pages 11 à 75)

2ème partie –  Espaces et lieux de l’Islam en France (pages 75 à 247)

3ème partie – Débats et controverses (pages 247 à 367)

Comme nous le verrons, les titres des chapitres en disent peut-être plus long sur le choix des sujets traités que sur les sujets eux-mêmes.

1ère partie – Itinéraires musulmans

 Chapitre 1 – « L’Islam et la République »

L’auteur a procédé à une enquête auprès de ceux qu’il dénomme les « savants », les « érudits » musulmans présents en France pour bien délimiter ses sujets et ses réflexions. Il a procédé à un inventaire des formes d’idées et d’institutions qui y sont présentes.

Une des conclusions de ce premier chapitre mérite d’être citée :

« Au fil de ces chapitres, j’aurai donc tracé des pistes réelles et potentielles pour une convergence de la réflexion normative des deux côtés à la fois, à partir des normes sociales et juridiques de la France et à partir de celles de l’Islam. Mais cette convergence dépendra de l’acceptation de part et d’autre d’une certaine dose de pragmatisme social.

L’Islam aura davantage de chances d’«être français », c’est-à-dire d’être devenu une composante pleinement acceptée du paysage socio – religieux français, lorsque les musulmans comme les non-musulmans auront développé des raisons convaincantes d’accepter des formes pragmatiques de justification, qui admettent que la protection sociale de tous constitue une bonne raison de soutenir une politique, et qui reconnaissent dans le pluralisme de valeurs un phénomène témoignant d’une juste compréhension de la laïcité française. » (page32)

Dans le chapitre 2, intitulé « Façonner le paysage de l’islam français », l’auteur propose son interprétation de l’attitude des pouvoirs publics à l’égard de l’Islam, sur le voile et l’école qui aurait encore quelque chose à voir avec « la conception coloniale de l’islam » :

« Au milieu des années 1970… il était naturel pour eux de plaquer sur la vie postcoloniale en France la conception coloniale de l’Islam comme instrument de contrôle social. » (page 61)

L’auteur note que le nombre de lieux de culte musulman est passé de 100 en 1970, à 500 en 1985, «  à 1279 en 1992 et finalement 1 600, ce qui revient à un triplement d’espaces de prière en dix- huit ans » (page 63)

2ème partie – Espaces et lieux de l’Islam en France

Chapitre 3 : « Des mosquées tournées vers le monde extérieur »

L’auteur brosse le portrait des mosquées française en notant :

« Bien que toutes ces activités (certification halal, vente de livres, prières, conférences, enseignements) soient indépendantes les unes des autres, un esprit commun les réunit, celui que porte une jeune génération de leaders islamiques. La plupart d’entre eux ne sont pas nés en France, mais ils bénéficient d’un bon niveau d’éducation en français, et s’attachent à mener leur vie islamique à travers toute une gamme d’activités d’entrepreneurs. » (page 89)

L’ensemble de ce chapitre montre que l’enseignement est d’abord tourné vers l’extérieur, le monde islamique, et que beaucoup d’imams viennent de l’étranger.

En matière de sermons, une étude réalisée au cours de la période 1999-2001, montra que « dans vingt- trois mosquées de toute la France. Presque tous étaient délivrés en arabe, parfois avec une traduction française, et une nette majorité des prédicateurs étaient originaires du Maroc… Rares étaient ceux nés en France. » (page 92)

Chapitre 4 : « Donner forme à un savoir adapté à la France »

A la lecture de ce chapitre, apparait une réalité musulmane très contrastée, fluide, en mouvement, difficile à appréhender et à comprendre, avec une interprétation de règles superposées, le Coran et ses versets, les hadiths de Mahomet, et toutes les interprétations convergentes ou divergentes des « savants » qui disent la « loi »,  c’est-à-dire et concrètement d’imams plus ou moins « savants ».

L’auteur cite les propos de quelques- uns des « sachant », dont Hichem El Arafa, responsable d’un important et influent centre d’études musulmanes, le CERSI (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Islam) situé à Saint Denis.

« Que propose Hichem comme alternative au salafisme ou aux Tablighis ?

Il plonge dans les profondeurs historiques des traditions de l’épistémologie islamique, de façon à mettre en relief les complexités du savoir, et s’appuie, par ailleurs, sur un ensemble d’objectifs ou de principes généraux du Coran pour élargir ce savoir à de nouveaux domaines. Son enseignement tend à mettre en avant la première de ces deux dimensions de travail, qui repose sur la science des hadiths, les « recueils » de ce que le Prophète a dit, fait, ou s’est abstenu de dire ou de faire. Il peut concentrer l’attention sur la science des hadiths pour souligner la nature complexe du savoir islamique, et pour affirmer que les érudits doivent soupeser ou arbitrer différentes alternatives et émettre des jugements. Il enseigne également que les hadiths que l’on peut considérer comme fiables convergent avec le sens commun, même dans la France d’aujourd‘hui, et qu’ensemble ils forment un système logique et cohérent. Nul besoin donc pour les musulmans d’abandonner leurs traditions d’érudition au profit d’une approche simplifiée de leur religion, sous la forme d’un simple « règlement ».

Mais pour Hichem, il n’y a guère plus de sens à enseigner du point de vue de l’une ou l’autre des écoles juridiques établies, dans la mesure où celles-ci se sont développées dans des sociétés fort différentes de la France d’aujourd’hui…

Le « méta- message » qui transparaissait au fil des cours d’Hichem était que le savoir islamique repose sur la science de l’étude des paroles du Prophète, et que cette science produisait des résultats complexes, qui ne se laissent pas aisément réduire à un jeu de règles. Les étudiants se montrent souvent insatisfaits d’un tel message, beaucoup  voudraient précisément trouver ces règles. » (page 142)

Chapitre 5 : «  Comment les écoles se démarquent les unes des autres »

L’auteur décrit la diversité des pédagogies utilisées par les écoles islamiques existant en France, et tout à fait curieusement introduit son propos en écrivant :

« De cette façon, nous pouvons interpréter la façon dont chacun d’eux présente son approche comme une tentative d’affirmer sa différence (et donc  de revendiquer une « niche » particulière sur le marché de l’éducation musulmane) par le biais d’une interprétation spécifique de la connaissance islamique. » (page163)

« Nous pouvons, provisoirement, distinguer trois dimensions principales en fonction desquelles s’articulent les différences d’un institut à l’autre ;
 La première dimension est celle de la professionnalisation…

La seconde est celle de langue (arabe ou non)…

Enfin, troisième et dernière dimension, les instituts mettent l’accent, dans l’apprentissage de la tradition islamique, sur différentes combinaisons de sources : certaines prennent comme point de départ l’une des quatre grandes traditions juridiques sunnites, tandis que d’autres préfèrent éviter cette médiation des écoles juridiques et travailler directement sur l’interprétation du Coran et des hadiths. » (page164)

Il n’est pas toujours facile de suivre l’analyse de l’auteur  dans ce chapitre qui compte près de quarante pages, mais on en retire deux impressions, celle d’une infinie diversité des interprétations du Coran, et parallèlement l’importance qu’ont les règles religieuses, les normes, les interdits, et l’application stricte des règles dans la vie musulmane (mariage, filiation, divorce, voile,…) et d’un rituel religieux quotidien exigeant (ablutions, cinq prières,…)

Chapitre 6 :  « Une école islamique peut –elle être républicaine ? »

Un titre incontestablement provocateur, d’autant plus qu’il s’agit d’une question ?

L’auteur écrit :

« A présent nous nous rapprochons encore du système éducatif prédominant en France, et nous posons d’emblée une question abrupte : la formule d’ « école islamique républicaine » n’est-elle pas un oxymore ? Mais dans ce cas l’on pourrait aussi s’interroger plus avant : les écoles confessionnelles ne sont-elles pas toutes en contradiction avec la mission républicaine de la France,

La pensée républicaine française fait de l’école publique l’instrument privilégié pour faire de chacun un citoyen. Dans cette perspective, tous les enfants devraient suivre les cours de l’école publique. » (page207)

L’auteur fait un très rapide résumé historique de l’enseignement en France, de la situation de l’enseignement privé, en notant qu’un cinquième des élèves du secondaire fréquente l’enseignement catholique.

« Il n’existe en revanche qu’une poignée d’écoles privées musulmanes « de jour » comme je les nommerai parfois ici pour les distinguer de celles qui se spécialisent dans les cours du soir. La toute première à avoir été créée en France métropolitaine est l’Ecole de la Réussite, à Aubervilliers. » (page 208)

Et l’auteur de poser la question :

« Comment enseigner un programme laïc dans une école islamique ? »

« … Aussi longtemps qu’ils suivent  les directives des programmes nationaux, les enseignants sont libres de concevoir leurs propres plans et de gérer leur enseignement. Les professeurs couvrent donc les mêmes disciplines  et les mêmes sujets que leurs collègues du public. Seule différence, une heure d’éducation religieuse et quatre heures d’arabe sont proposées  dans des tranches horaires optionnelles le mercredi et le samedi, suivant un modèle adopté par de nombreuses écoles privées catholiques. » (page 221)

La suite de l’analyse montre qu’il n’est pas toujours facile de concilier normes islamiques et normes républicaines, sans introduire le concept de l’évolution de l’Islam, et de son adaptation aux finalités de cette religion, et c’est peut-être là tout le problème.

3ème partie : « Débats et controverses »

Chapitre 7 : « Un « Islam d’Europe » est-il nécessaire ? »

« Prenons, un bref moment, un peu de recul, le temps de considérer quels chemins notre enquête a jusqu’ici empruntés. Nous nous sommes d’abord penchés sur les forces qui ont contribué à modeler le paysage actuel de l’Islam en France, les parcours de vie des musulmans, de leur arrivée dans le pays à leur implantation à long terme, leur identification de plus en plus marquée avec l’islam, et les réactions de l’Etat qui s’est attaché à mettre en application la vieille tradition visant à maintenir, moyennant un certain soutien officiel, le contrôle d’ l’Etat français sur les institutions religieuses. Cette perspective nous a permis de comprendre le développement des institutions islamiques (mosquées, écoles, instituts) comme une réponse, inscrite dans le champ des possibilités offertes par la France, à une demande constante de la plupart des jeunes français musulmans, garçons ou filles.

Nous nous sommes ensuite engagés dans l’analyse plus détaillée d’un ensemble de projets institutionnels musulmans portés par les courants dominants et modérés, le « mainstream » de l’Islam français, et qui ont été mis en œuvre en suivant  à la lettre les règles du jeu français, même si des contradictions avec ce « jeu », en particulier autour des questions éducatives, demeurent source de tracasseries pour certaines de ces initiatives. Il y a encore des maires pour s’opposer à la construction de mosquées, et certaines écoles religieuses continuent de se heurter à un mur au sein de la bureaucratie. Tous ces projets révèlent des acteurs publics islamiques en quête de solutions pragmatiques face à un double défi : comment survivre dans la paysage public français, et comment enseigner l’Islam (ou enseigner dans une atmosphère islamique) d’une façon qui puisse séduire une nouvelle génération de musulmans français. …

Nous avons ainsi découvert qu’une même idée se retrouvait à travers tout l’éventail, si varié qu’il fut, des réponses apportées aux problèmes quotidiens, ainsi qu’à travers les diverses manières d’enseigner l’Islam : celle des finalités, ou intentions (maqasid) de la charia, comprises comme sous-jacentes aux règles spécifiques énoncées dans les Ecritures.

Cette idée peut permettre, éventuellement, de légitimer certaines tentatives de dépasser ces règles pour explorer de nouvelles possibilités de vie dans l’Islam…

Dans le présent chapitre, nous nous pencherons sur une gamme plus large encore, et plus différenciée, de formulations et de justifications de la part des érudits et des enseignants, et nous verrons comment se développent entre eux des controverses quant à la valeur relative de ces différentes formulations. Les questions posées par les musulmans dans les débats publics soulèvent inévitablement le problème de savoir si des normes islamiques distinctes doivent s’appliquer en France (et par extension en Europe). » (page 251)

L’analyse de l’auteur nous conduit au cœur du sujet, quant à l’interprétation du Coran, des hadiths, des traditions, des jurisprudences islamiques, et il y en beaucoup, et de la compatibilité de ces normes sacrées ou non, avec le vécu concret des musulmans, le rituel des prières, le halal alimentaire ou privé, le mariage et la répudiation, la filiation, les emprunts, etc…

Comment accorder ses actes de vie privée, sociale et économique, dans le contexte républicain laïc, en demeurant musulman, c’est-à-dire fidèle aux enseignements de l’Islam ?

Est-il légitime de trouver « une fondation coranique à l’idée de de devoir agir en fonction des nécessités » ? (page 257)

Chapitre 8 : « Négocier d’un champ de légitimité à l’autre »

Autre titre, un brin provocateur, pour un lecteur nourri au lait de la République et de la laïcité !

L’auteur relève que la plupart des musulmans de France régissent leur vie sociale par les normes françaises, et de poser donc la question :

« Comment peuvent-ils combiner ces jeux de normes concurrents, comment trouver des compromis, comment négocier ? » (page289)

Et afin d’éclairer son propos, l’auteur s’attarde sur le cas du mariage et du divorce, en analysant les différents aspects de ces actes à la fois de vie privée et publique, et en montrant à la fois les limites et les champs possibles de  cohabitation des deux de normes :

Quelles sont les modalités et obligations d’un mariage halal ?

Comment rompre un mariage halal ?

L’auteur note à ce sujet que « la plus grande confusion » règne dans les réponses, notamment avec la multiplication des sites internet.

Convergence I : de l’Islam à la laïcité »

Et plus loin : « Quels objectifs pour les règles de la nourriture halal ? »

Convergence II : du droit civil français aux pratiques de l’Islam »

Dans ce passage, l’auteur analyse le dossier toujours très controversé de la polygamie, d’abord tolérée, puis interdite, et d’après lui souvent réglé de façon pragmatique, les juges s’appuyant sur deux concepts, « l’effet atténué d’ordre public » ou sur un concept d’« ordre public de proximité ».

Et pour illustrer son propos, l’auteur écrit :

« Enfin, ce genre de distinctions permet aux autorités françaises de paraître moins hypocrites sur le plan moral, dans une période de l’histoire où un nombre croissant de couples français ne se marient pas, et où un certain nombre de Français, en particulier les présidents successifs du pays pratiquent une polygamie de facto. » (page 323)

Chapitre 9 : « Sphères d’Islam au cœur de l’espace républicain » 

« Partis d’un vaste panorama historique du paysage de l’Islam en France, nous nous sommes peu à peu rapprochés pour regarder de plus près les mosquées, les instituts et les écoles qui parsèment ce paysage, avant de nous placer au plus près pour observer les formes de réflexion et de débat qui prennent place chez les musulmans au sein des espaces islamiques…

Nous avons vu, ainsi, comment les musulmans invoquaient des formes socialement pragmatiques de raisonnement islamique pour faire face à des problèmes concrets, et comment ces modes de pensée pouvaient également jeter des ponts depuis l’univers islamique vers les normes juridiques françaises. Nous avons aussi pu esquisser les voies éventuelles d’une convergence dans l’autre direction, partant cette fois du droit français pour tendre la main aux institutions islamiques du mariage et du divorce. Ces deux registres, ces deux répertoires de normes, se ressemblent bien plus qu’on ne le penserait de prime abord, tous d’eux s’appuient en effet sur des notions comparables d’objectifs sociaux et d’équivalences juridiques….

Ceci nous invite donc fortement à nous tourner à présent vers la force sociale et morale des objections françaises au genre d’idées et d’institutions islamiques que nous nous sommes attachés à observer.

Ceux en France qui s’inquiètent de l’intégration des musulmans au sein de la République font d’ordinaire mention de deux problèmes-clefs : en premier lieu, le fait que certains  musulmans sont restés nettement « communautaristes » et tendent à se regrouper autour d’associations fondées sur l’Islam, mosquées, écoles ou associations communautaires de quartier, ce qui les empêche d’entrer pleinement dans l’’espace public républicain ; et en second lieu, le fait que certains musulmans ne sont pas parvenus à faire leurs les exigences de la laïcité, parce qu’ils substituent des normes et des valeurs religieuses (ou bien des valeurs culturelles dérivées de la religion)) aux normes et valeurs laïques, ce qui les empêche d’adopter pleinement les normes d’égalité homme-femme et de liberté religieuse. » (page330)

L’auteur pose alors la question : «  Les associations religieuses, un frein à l’intégration ? »

Il tend à démontrer le contraire  en faisant une lecture de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, sur laquelle nous reviendrons dans notre analyse critique : « … et que la loi de 1905 était principalement destinée à remettre les Eglises entre les mains des citoyens. » (page 331)

M.Bowen compare la situation des écoles privées musulmanes à celle des écoles privées catholiques, et cite l’exemple de l’Ecole de la Réussite d’Aubervilliers ;

« Il y a pourtant plus d’une raison de soutenir que, sur le plan psychologique, un enfant musulman pourrait retirer davantage encore de profit d’une scolarité dans une école musulmane, qu’un enfant catholique scolarisé dans l’enseignement privé confessionnel, étant donné les nombreuses occasions, dans sa vie quotidienne, où il risque d’être critiqué pour sa foi. La plus grande part du caractère « islamique » de l’école ne vient pas des programmes, mais du fait  que se comporter en musulman(e), porter le voile, faire sa prière à l’heure prescrite ; jeûner durant le Ramadan, est normal dans cet espace. Dans une école publique, même la rupture du jeûne est regardée comme une contravention aux normes de la laïcité. » (page 336)

Les observations de M.Bowen le conduisent à penser qu’il existe beaucoup plus de convergences entre les deux registres de normes qu’on ne le pense.

L’auteur évoque alors :

« Une sphère islamique nationale au Bourget », c’est-à-dire le salon annuel de l’UOIF du Bourget :

«  Les références normatives que l’on trouve ici sont islamiques, et non françaises, ou européennes, mais les formes d’investissement personnel qui y sont encouragées, construction d’écoles et de lieux de prière, souci des personnes dans le besoin au-delà des frontières, ne semblent guère différentes de ce qui forme la base même de la vision française d’un citoyen actif. » (page 343)

Et l’auteur de relever plus loin que cette situation n’est guère différente de celle qu’ont connue ou que connaissent les catholiques et les juifs.

Et les dernières pages de ce livre abordent un certain nombre de sujets sensibles, ou très sensibles, qui font polémique au sein de la République Française et pour lesquels M.Bowen pose la question :

« La laïcité doit primer ? »  à propos de l’apostasie.

« Défauts d’assimilation » à propos du voile à l’école, du mariage halal, avant le mariage civil en mairie, de la virginité avant mariage, et du port de la burqa.

L’auteur tient un discours qui tend à légitimer ces pratiques liées au culte musulman, et il écrit :

« … ces affaires s’inscrivent dans des cadres de pensée préexistants, selon lesquels la religion en général s’oppose aux droits des femmes, et les musulmans ne peuvent devenir des Français à part entière. » (page 356)

Et plus loin :

« Nous sommes, me semble-t-il, témoins d’un véritable « serrage de vis » sur le plan des valeurs, et d’un rejet plus fort du pluralisme, tout cela au nom de l’intégration à la nation.

Mais c’est précisément le pluralisme dans la vie associative, et au sein de la famille, qui a permis à la France d’ « intégrer » les catholiques, les protestants et les juifs dans la République en leur laissant la possibilité de conserver un héritage et un  système de croyances religieuses (dont certaines ne reflètent clairement pas l’égalité homme- femme) dans la vie sociale,… «  (page 357)

M.Bowen conclut :

« Ces développements et ces convergences délimitent les contours empiriques d’une réponse affirmative à la question : l’Islam peut-il être français ? D’un côté comme de l’autre, le défi à relever implique d’embrasser plus largement le pluralisme et le pragmatisme, même si cette démarche emprunte des chemins assez différents » (page360)

Un résumé sans doute imparfait, et presque nécessairement imparfait, mais dont le contenu soulève maintes questions qui gravitent évidemment autour de la question clé : l’Islam de France est-il compatible avec les valeurs de la République Française, et notamment celle fondée, au prix de beaucoup de difficultés, par la loi de séparation des Eglises et de l’Etat ?

Nous proposerons, dans une deuxième partie, nos réflexions critiques sur le discours analytique de M.Bowen.

Jean Pierre Renaud