« Les empires coloniaux » Lecture 5 « Cultures coloniales et impériales- Emmanuelle Sibeud

Le livre « Les empires coloniaux »

Sous la direction de Pierre Singaravélou

Lecture critique 5

Chapitre 8 « Cultures coloniales et impériales » Emmanuelle Sibeud

         Il s’agit d’un autre chapitre dont la matière est riche, mais dont la lecture soulève beaucoup de questions, je dirais presque une série infinie de questions, compte tenu de son ambition.

            Ce chapitre comprend trois parties intitulées :

           1-    De la propagande coloniale aux transactions culturelles du quotidien

           2-    Politiques culturelles et usages politiques de la culture

           3     – Voix et voies de l’acculturation

          Il n’est pas toujours facile de savoir ce qui ressort du domaine de l’analyse dans les métropoles ou du domaine des territoires coloniaux, même si un effort méritoire de clarification de l’objet d’étude est fait, compte tenu de sa complexité, du champ chronologique et géographique immense  que l’auteure a l’ambition de couvrir : la synthèse des analyses qui concernent autant de « situations coloniales » et de « moments coloniaux » est un véritable défi.

            Dans les pages que j’ai consacrées aux sociétés coloniales sur ce blog, je me suis déjà longuement expliqué sur le sujet.

           Il s’agit donc du pari qui est fait dans le plan choisi, un plan qui soulève beaucoup de questions, sinon d’objections :

           En ce qui concerne la première partie, il parait tout de même hardi de rapprocher les concepts et les réalités « relatives » des propagandes coloniales organisées dans les métropoles des effets concrets tout aussi « relatifs » de ces propagandes dans les colonies, sous les vocables « Appropriations et transactions culturelles au quotidien ».

      Le même type de question de base se pose en ce qui concerne l’intitulé et l’objet des    deux autres parties : des politiques culturelles ont- elles véritablement existé ?    

       Les métropoles s’en seraient donné les moyens ? Alors qu’elles avaient décidé, dès le départ, de laisser le soin aux colonies de financer leur propre vie nouvelle ?

      La troisième partie  semble beaucoup mieux restituer la problématique clé de l’acculturation, sans laquelle les empires n’auraient pu vivre, avec l’avantage de mieux cibler l’objet, précisément dans les empires eux-mêmes.

       Avant d’aller plus loin dans le détail du texte, et outre le problème déjà évoqué que soulève cet exercice de synthèse d’une ambition à la fois multiséculaire et planétaire, ces réflexions soulèvent deux questions de principe :

      1 – Quel est le « sens » de l’expression « Cultures coloniales et impériales » ?

         S’il s’agit de la culture définie par Herriot « ce qui reste quand on a tout oublié », comment définir le reste, et comment le mesurer ?

          S’il s’agit des cultures des mondes métropolitains et coloniaux, comment les définir, tant ils étaient à la fois innombrables et variés ?

        Quelle définition ou quelles définitions, l’auteure propose-t-elle ?

       2 –  Comment par ailleurs proposer une synthèse sans proposer de « mesure » des faits ou évolutions constatées ?

       Un seul exemple au sujet de la  « culture coloniale ou impériale », et de la propagande qui lui est associée, comment prétendre démontrer qu’il existait en France une propagande coloniale qui formatait la culture des Français sans procéder à une exploitation statistique sérieuse de la presse parisienne et provinciale de l’époque coloniale, exercice auquel, à ma connaissance, aucune école historique n’a procédé jusqu’à présent.

        Les travaux de l’équipe Blanchard sont loin d’être pertinents à ce sujet, faute de mesure sérieuse à la fois des outils et des effets de cette propagande supposée.

       J’ajouterai que la propagande anticoloniale actuelle, souvent initiée par les mêmes écoles de  chercheurs, est incontestablement plus efficace que celle qui fut difficilement à l’œuvre sous la Troisième République.

        Je renvoie le lecteur à ce sujet sur le travail de recherche et d’analyse que j’ai effectué et publié dans le livre « Supercherie coloniale »

      Sens des mots, situations coloniales et moments coloniaux, mesure des phénomènes coloniaux en métropole ou dans les territoires coloniaux, tels sont les concepts d’analyse auxquels il parait difficile d’échapper.

        Dans son introduction, l’auteur fait appel au porte-drapeau que fut, et qu’est encore, Edward Said,  dans ses analyses sur la culture et l’impérialisme, et je renvoie le lecteur vers mes propres analyses que j’ai publiées sur ce blog.

       Pour résumer ma pensée, je dirais que son interprétation brillante des évolutions historiques qu’il analyse à la lumière du couple conceptuel de la culture et de l’impérialisme parait souffrir de trois sortes de faiblesse : un champ géographique limité, une carence de la mesure des effets qu’il analyse, et enfin une sorte d’ethnocentrisme inversé qui ne dit pas son nom.

         En ce qui concerne la première partie, l’article cite au sujet du paragraphe « De la culture impériale aux « cultures d’empire » » les analyses de plusieurs auteurs, M.John M.MacKenzie, Mme Catherine Hall, M.Bernard Porter, qui mettent en doute l’existence même du sujet, mais sans rien dire sur la pertinence statistique de leurs constats.

         Dans le livre que j’ai publié sur le même sujet, il me semble avoir démontré que les thèses défendues par certains chercheurs sur l’existence d’une culture coloniale ou impériale française ne reposaient pas sur une analyse statistique sérieuse, ce que j’ai tenté de faire dans les différents domaines analysés par ces chercheurs,  la presse, les affiches, la propagande, ou le cinéma.

.        L’auteure évoque de façon un peu anecdotique les efforts qu’ont fait les « colonialistes » pour mettre en valeur les cultures locales, et créer des outils susceptibles de les sortir de l’oubli ou de les mettre en valeur, des efforts sans doute insuffisants compte tenu des moyens accordés.

       Sans vouloir alourdir le propos, comment ne pas citer à ce sujet le rôle de l’Ecole Française d’Extrême Orient fondée en 1898, de l’Académie.de Madagascar fondée en 1902, et  de l’Institut Fondamental d’Afrique noire en 1936 ?

        L’auteure conclut cette partie de l’analyse en écrivant :

     « L’hypothèse d’une colonisation des consciences donnant imparablement naissance à une culture du colonialisme doit donc être révisée : il faut non seulement employer le pluriel, mais aussi se demander comment et jusqu’à quel point les cultures nouvelles qui se formaient dans le cadre des empires étaient des cultures d’empire. Ce qui invite à examiner de plus près les politiques culturelles déployées par les pouvoirs coloniaux et leurs résultats. » (page 350)

       J’ai envie de dire à ce sujet qu’une telle hypothèse souffrait d’au moins trois défauts : idéologique en premier lieu, coupée des réalités coloniales en deuxième lieu, et ethnocentrique en troisième lieu… comme si les puissances coloniales avaient disposé de ministères de la culture, ou même de la propagande !

       Des appareils de propagande comparables à ceux des régimes soviétique, nazi, ou fasciste, à des époques comparables ?

       Comme je l’ai montré dans mes analyses, la propagande coloniale de la Troisième République avait à la fois un caractère artisanal et épisodique.

     « Des politiques de la différence » (p,351) sûrement, mais elles s’inscrivaient dans des dimensions qui n’étaient pas obligatoirement culturelles,  sauf à dire que le formatage était avant tout celui du droit, ou de l’urbanisation.

         Quant au « Culturalisme et invention coloniale des traditions » (p,354), il s’agit d’un raccourci qui ne me parait pas traduire les réalités coloniales et les chercheurs actuels devraient se féliciter d’avoir à leur disposition, comme je l’ai déjà noté précédemment, dans toute l’Afrique de tradition orale, les traditions qui ont pu être transcrites par écrit, recueillies souvent par des ethnologues « amateurs » ou rares, et que les mêmes chercheurs peuvent aujourd’hui confronter à celles transmises par les griots, si elles existent encore.

       L’auteure reconnait toutefois que : «  Instrument cardinal de ce culturalisme (colonial) », « L’invention de la tradition » s’avérait un exercice particulièrement délicat en situation coloniale. »,  en raisonnant sur un autre type de tradition que l’histoire culturelle.

       Plus haut, l’auteure écrit : « L’ethnologie culturelle était en somme, la science organique du colonialisme, même si en pratique, les ethnologues s’avéraient des adjoints contestataires et souvent écartés sans ménagement. » (p,355)

         Je souhaite que dans un prochain livre l’auteure nous fasse un petit résumé de l’histoire de l’ethnologie coloniale dans ses différentes phases, avant 1914, avant 1939, et à l’époque dite moderne, et qu’elle nous dise les noms et dates de ces « adjoints contestataires ».

      La troisième partie « Voix et voies de l’acculturation » est sans doute la plus intéressante, même s’il est possible de s’interroger sur les critères qui sont proposés pour caractériser les « situations coloniales » de l’acculturation au quotidien.

        Quelques exemples : « Les clubs ou les cercles racialement et socialement exclusifs devenaient les hauts lieux d’une sociabilité ostensiblement ségrégative dans les sociétés coloniales, puis à la faveur de la Première guerre mondiale, dans les métropoles. » (p,363)

       « Ostensiblement ségrégative » pour quel public, les populations de la brousse ou les « évolués » ou « acculturés » des centres urbains ? Avec un bémol entre le ségrégatif anglais et  le ségrégatif français?

       Comment expliquer que jusqu’au retour de la colonie de Hong Kong à la Chine, à la fin du vingtième siècle, une ségrégation stricte régnait encore dans les clubs anglais ?

      L’auteure note que « Senghor et Césaire incarnaient l’acculturation telle que la concevaient les autorités coloniales françaises » (p, 365), mais il est évident que ce type d’acculturation ne touchait qu’un petite partie de la population, et l’observation qui est faite sur la faible scolarisation réalisée, renvoie aux limites financières qui, dès le départ, avaient été fixées par les métropoles : financez-vous vous-mêmes !

       Plus de cinquante ans après la décolonisation, le même type de critique pourrait sans doute être faite aux autorités politiques de la plupart des anciennes colonies sur les taux de scolarisation réalisés dans leur pays.

         Quant au travail des missions « chrétiennes », il faut le souligner, dont l’objectif était de « coloniser les consciences », reconnaissons qu’elles avaient fort à faire, en tout cas en Afrique, face aux deux défis de l’Islam conquérant et de croyances animistes et fétichistes puissantes.

         Pourquoi ne pas écrire aussi que dans les « connexions » qui ont la faveur de Frédérick Cooper, il aurait été intéressant qu’il développe le sujet, car les connexions religieuses jouèrent un rôle important dans les sociétés coloniales, de même que dans les administrations coloniales, la franc-maçonnerie.

       Certains observateurs relèveraient sans doute qu’au-delà de l’héritage de la langue et de la structure étatique, le troisième héritage concernerait en effet la religion.

Il est tout de même difficile de mettre sur le même plan des observations faites dans des pays différents et à des dates aussi très différentes, telles que celles citées dans les pages 372, 373, et 374 : la Gold-Coast en 1912 (p,372), l’Inde en 1927 (p,373), et l’Indonésie en 1953 (p,374).

       Le texte de « Conclusion : des empires invisibles » (p,374) signe à mes yeux une sorte d’échec relatif d’une analyse et d’une synthèse dont les objectifs étaient très ambitieux.

         Invisibilité de l’empire anglais ?

       « L’hypothèse d’une invisibilité relative des empires sur le plan culturel a néanmoins la grande vertu de rompre avec la fausse symétrie suggérée par le titre de  ce chapitre. »…

      « Raisonner en termes de cultures impériales relève, avant tout, de l’illusion rétrospective ? »

      Ce qui veut dire, si je comprends bien le français une histoire anachronique, pour ne pas dire quelquefois idéologique, ou historiographique, ou sophiste, ou pour ne pas dire subtilement ethnocentrique, contrairement aux discours affichés par certains chercheurs.

Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

Culture Coloniale ou Supercherie Coloniale? (5)

Bain colonial, accès de fièvre coloniale, ou accès d’exotisme ?

Les colonies de la République française ou celles du peuple français ?

            Et si la France coloniale n’avait pas été plutôt la France officielle au lieu de celle du peuple français, la France des pouvoirs, des institutions officielles, de leurs corps constitués, publics et privés, rassemblés, gouvernement, administration, armée, églises, et grand capital ? Comme hier et aujourd’hui, la Françafrique ? Pour le fric ou le prestige ?

 Avec des réseaux d’influence parallèles, hier comme aujourd’hui ? Comment ne pas être surpris, en particulier, par la résistance et la puissance encore des relations maçonnes, et tout autant religieuses !

            Et si l’imaginaire des Français avait été plus attiré par un ailleurs étranger, et par toute autre chose que la colonie ou l’empire, dont on nous dit qu’ils étaient symboles de racisme et de mépris de l’autre ?

            Au terme de notre analyse, le lecteur éprouvera des doutes sur le sérieux du discours mémoriel et médiatique de ces chercheurs qui n’ont pas apporté, jusqu’à présent, de preuves à l’appui de leur discours.

            Nous sommes donc encore loin de pouvoir recenser et définir notre culture coloniale, selon la définition Herriot, pour autant qu’elle existe, par ce qui reste quand on a tout oublié.

 Puisqu ‘on ne connaît pas encore ce reste ! 

            Ce reste largement hypothéqué, et par les suites de la guerre d’Algérie et par la forte proportion de populations européennes ou maghrébines issues du Maghreb, et surtout d’Algérie, actuellement en France. Mais de là à tendre le voile de cette mémoire sur toute notre histoire coloniale, une telle option n’est pas fondée.

            Si la démonstration historique avait été faite par les auteurs du livre en question, l’expression République coloniale (aux mains de qui ?) répondrait mieux à l’analyse qui reste encore à faire sur la réalité de cette République coloniale. Mais comme nous l’avons écrit, ce livre développe un discours idéologique, le plus souvent outrancier, et ne se penche absolument pas sur les formes qu’ont pu revêtir, ses groupes de pression, politiques, religieux, économiques, maçons, et surtout sur les effets réels de cette superstructure « coloniale » sur l’opinion des Français.

            Car, s’il a bien existé un groupe parlementaire colonial, un groupe de pression économique et financier colonial, plus proche des industries traditionnelles que modernes, une toile d’araignée maçonne qui, à travers les différentes institutions françaises, a poursuivi avec la plus grande constance ses objectifs de plus grande France, au nom d’impératifs de plus en plus désuets, tels que la civilisation, le bien des peuples colonisés, le peuple français n’a jamais eu la fibre coloniale, pas plus qu’il n’a eu la fibre maritime ou commerçante.

            Et aussi en parallèle, les églises, mais qui n’ont pas toujours, et loin s’en faut, porté ce discours d’une plus grande France.

            La France coloniale a été la France officielle, et c’est la thèse historique que nous proposons, jusqu’à preuve du contraire. Celle des pouvoirs, des institutions, et rarement celle du peuple. Car il est difficile de ranger dans la catégorie d’une culture coloniale ou impériale, l’écho populaire que pouvaient recevoir les récits des conquêtes militaires, la chute de Behanzin au Dahomey avec ses ingrédients médiatiques incomparables, les sacrifices humains et les Amazones, la prise de Tananarive après la calvaire de l’armée française, ou l’épopée de Fachoda, à travers les marais

            Ou encore la conquête du Sahara avec les chevauchées fantastiques des spahis, en plein désert, au pays de la soif et de la chaleur, contre les rezzous des Touaregs.

            Il ne faut jamais oublier que dans notre histoire nationale, notre roman national,  l’esprit de gloire montré du doigt par Montesquieu, n’a jamais été loin des Français. Non plus d’ailleurs que celui de croire qu’on aimait les petits Français pour eux-mêmes !

            On pourrait aussi disserter à loisir sur le point de savoir si ces engouements temporaires ne ressemblent pas étrangement à ceux que provoquent les grands exploits sportifs, ou la découverte de mondes nouveaux, et c’est ici que notre réflexion bifurque : une France au goût de l’exotisme, plus qu’une France coloniale.

            Ce qui ne devrait pas empêcher de jeunes chercheurs de se lancer dans une quête nouvelle, celle de la ressemblance tout à fait étrange qui pourrait exister entre la France officielle de la 5ème République avec la France de Jules Ferry et de ses suivants, cette France au sein de laquelle une petit groupe d’hommes, et souvent un seul, sous la 5ème République, décide de poursuivre une politique africaine qui a incontestablement des relents d’ancien régime ou de lancer, toujours pour d’excellents motifs de paix, ou de grandeur internationale, des expéditions militaires à l’étranger, le Parlement étant toujours mis devant le fait accompli.

            Les partisans de ces interventions, défenseurs d’une grandeur passée, font valoir qu’elles sont faites aujourd’hui, et c’est nouveau, à l’initiative de l’ONU, c’est vrai, mais le gouvernement a-t-il demandé l’approbation du Parlement pour intervenir en Côte  d’Ivoire, ou au Darfour ? C’est à l’occasion de votes sur d’autres sujets, le budget, ou les lois, ou d’élections générales, que les parlementaires et les électeurs, auraient l’occasion d’approuver ou de refuser de telles initiatives, mais elles sont toujours un élément, parmi d’autres, d’un paquet politique à prendre ou à laisser.

            Il en est donc aujourd’hui à peu près comme du temps de Jules Ferry. Et ce n’est qu’à partir du moment où une initiative extérieure perturbe gravement la vie du pays que ce dernier s’y intéresse, comme cela a été le cas pour la guerre d’Algérie.

            Croyez vous que le peuple français se sentait plus concerné par les aventures coloniales que par nos aventures modernes en Afrique ou au Moyen Orient ? En principe humanitaires !

            Dans le livre Images et Colonies, l’historien Meynier avait accordé, dans ses analyses, une place à l’exotisme, notamment en tentant de classer par thème colonial les différents supports d’information et de culture qui avaient été mis à sa disposition. (IC/124), supports dont le nombre était à la fois faible, et non représentatif, pour les raisons citées dans le corps de cet ouvrage.

            Ces réserves faites, il avait relevé le thème de l’exotisme dans la moitié des affiches (sur 30), dans le tiers des illustrations de magazines et livres coloniaux (sur 76), et dans les quatre cinquièmes des cartes postales (sur 116).

            Goût de l’exotisme, curiosité de l’étranger, découverte de l’Orient, de l’Egypte, et maintenant de l’Afrique, l’engouement des Français pour un ailleurs de rêve ou d’étrangeté suivait les modes des époques.

            Des Français attirés par l’exotisme, sans doute, peut être aussi par les mœurs étranges des peuples africains ou asiatiques , mais cela était-ce tellement différent de la curiosité que l’ancienne France avait manifesté pour le Canada ou la Louisiane ? Ou de celle des téléspectateurs de l’an 2007 qui s’intéressent aux Papous de Nouvelle Guinée, aux Himbas de Namibie, ou aux Nenets de Sibérie, sous la conduite de Charlotte de Turckheim ?

            La route des épices et les mirages, mais aussi les richesses des Indes orientales ou occidentales ? Est-ce qu’un  Français devait être colonial, sans le savoir et sans le vouloir, au prétexte qu’il buvait du café ou chocolat, sirotait du rhum, ou assaisonnait ses mets de poivre ou de cannelle ? Ou encore mange quelques grains de riz disputés à la volaille ?

            Est-ce que la France a jamais été coloniale dans ses profondeurs, à Paris et dans ses provinces ? Histoire coloniale d’une France officielle plutôt que celle de son peuple, d’attirance pour l’exotisme plus que pour les colonies ou l’Empire ?

            Et pour terminer, comment ne pas évoquer un souvenir récent, lors d’une visite à la cathédrale de Chartres et à ses vitraux magnifiques ? Dans un des salons de thé de la vieille ville trônait sur un coin du comptoir une magnifique statue en plâtre, d’environ un mètre de haut,  d’un jeune antillais au teint chocolat,  pieds nus, avec un chapeau sur la tête, portant sur son épaule un magnifique régime de bananes, prunelles noires sur globes oculaires blancs.

            Cela ne vous rappelle pas les billes de loto de Négripub ?

            Personne ne semblait voir cette belle statue colorée, alors qu’elle s’inscrivait parfaitement dans le panorama mémoriel abondamment décrit par ce collectif de chercheurs, comme un phare au coin du comptoir – caisse de ce salon de thé. Incontestablement, un des symboles de l’inconscient colonial des Français !

            Et tout cela est bien dommage, parce que beaucoup de ces images ressorties des placards étaient souvent belles !

            Alors, s’il ne s’agissait que d’une invitation au voyage de Baudelaire ?

            « Là, tout n’est qu’ordre et beauté,

                        Luxe, calme, et volupté. »

            Mais cher lecteur, vous ne partageriez peut être pas le goût de l’exotisme de Baudelaire qui le portait vers les canaux plutôt glacés et embrumés de la Hollande. Ne préféreriez-vous pas les plages blanches de Gauguin, celles des îles Marquises, et les eaux émeraude des îles du Pacifique ?

Les livres en question

Les citations sont suivies d’un numéro de page et de l’une ou deux initiales ci-après :

Images et Colonies – Actes du Colloque 1993 (C)

Images et Colonies- BDIC-Achac- 1993 (IC)

Culture Coloniale – 2003 (CC)

Culture Impériale – 2004 (CI)

La République Coloniale – 2003 (RC)

La Fracture Coloniale – 2005 (FC)

Supercherie Coloniale (2008) Mémoires d’Hommes 9 rue Chabanais 75002 Paris (20 euros port compris)