IFOP et Guerre d’Algérie: une enquête de mémoire pertinente ?

IFOP et Guerre d’Algérie : une enquête de mémoire pertinente ?

L’enquête IFOP d’octobre 2014 pour la Fondation Jean Jaurès et le journal Le Monde :

« Le regard des Français sur la Guerre d’Algérie, soixante ans après la « Toussaint rouge »

Les résultats de l’étude :

« A – Le souvenir spontané et les représentations associées à la Guerre d’Algérie »

B – La mémoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie et les relations franco-algériennes »

&

La Fondation Jean Jaurès m’a communiqué les résultats de cette enquête et je la remercie

&

Les questions que pose cette enquête ?

            Questions sur le langage tout d’abord ?

            Est-il possible de cerner le sujet de la mémoire que les Français ont, en 2014, de la guerre d’Algérie, en associant dans la grille du questionnaire des concepts aussi différents, pour ne pas dire ambigus, contradictoires, ou faussement compréhensifs au sens « logique », que « regard », « souvenir spontané » « représentations associées » « mémoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie », « Contemporains de la guerre d’Algérie » ?

            Les « contemporains de la guerre d’Algérie » auraient de nos jours plus de 65 ans, et concernent les deux dernières tranches d’âge de cette enquête : les réponses aux questions posées sont –elles donc représentatives ?

             « Mémoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie », un titre qui laisse à penser qu’il y a eu confusion entre la colonisation et l’Algérie, ce qui est inexact, même si certains chercheurs ou même historiens veulent nous faire croire le contraire.

            Questions sur la grille du questionnaire en deuxième lieu ?

            Avant d’aller dans les deux parties de cette enquête, une double question préalable de méthodologie :

–        celle qui dans la partie A questionne toutes les classes d’âge sur des contenus qui s’inscrivent dans une grille de chronologie qui manque de pertinence avec ces classes d’âge,

–        et celle  qui fait la distinction pertinente entre les « contemporains » et les autres, mais sans donner la définition statistique du questionné « contemporain ».

A – Le souvenir spontané et les représentations associées à la Guerre d’Algérie

            Question – L’événement le plus marquant de la guerre d’Algérie, c’est… ? En premier ? En deuxième ? En troisième ?

                Sont énumérés les événements cités par le questionnaire qui viennent dans l’ordre suivant en pourcentage des citations :

            L’arrivée des pieds noirs (59%), une guerre de libération (54%), le retour du général de Gaulle (41%), une défaite pour la France (38%), l’abandon des harkis (38%), les attentats du FLN ( 29%), le recours à la torture par l’armée française (27%), le putsch des Généraux et l’OAS (14 %).

            L’institut publie en page 8 une grille très sophistiquée des questionnaires par personne interrogée, une structure dont au moins un des éléments fait problème, celui des âges :

            Age de l’interviewé(e)

Moins de 35 ans

18 à 24 ans

25 à 34 ans

35 ans et plus

35 à 49 ans

50 à 64 ans

65 à 69 ans

70 ans et plus

            Il parait tout de même difficile d’admettre que les générations nées après 1962, aient pu avoir un « souvenir spontané » de la plupart, sinon de presque tous les événements cités.

        Outre le fait, que ce questionnement ne tient pas compte de la composition du public interrogé, ancien pied noir ou descendant, français immigré ou harki, etc …, une méthode statistique qui fait peser une suspicion légitime supplémentaire sur la représentativité de cette enquête.

            Le même type de suspicion légitime peut exister pour la question suivante – :

      «  Le jugement sur le comportement de la France à l’égard des différentes populations concernées par la guerre d’Algérie

         Question : diriez-vous que depuis la fin de la Guerre d’Algérie jusqu’à aujourd’hui, la France s’est plutôt bien ou mal comportée   ?

     A l’égard les Pieds Noirs, le peuple algérien, les Français issus de l’immigration algérienne, les Harkis (c’est-à-dire les Algériens favorables à l’Algérie française) »

        en interrogeant donc une population française qui, dans ses âges et ses origines, ne peut pas, sur le plan historique, porter un tel jugement, d’autant moins si l’enquête ne tient aucun compte du nombre de personnes interrogées qui sont précisément issues des différents courants de population impliqués.

      B – La mémoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie et les relations franco-algériennes

        L’impact de l’indépendance pour l’Algérie et pour la France

            Comment mettre sur le même pied la mémoire de la colonisation et celle d’Algérie, même si un historien bien connu a tendance à confondre  ces deux mémoires, sans jamais avoir pris l’initiative de les faire à la fois mesurer et distinguer ?

            Comment, telle qu’est rédigée cette question, se mettre à la place de l’Algérie ?

            Question : Diriez-vous que l’indépendance de l’Algérie a été une bonne ou mauvaise chose… ?

            A la différence de la question précédente, le questionnaire fait la distinction entre contemporains de la guerre d’Algérie et les autres non spécifiés, mais sans donner la définition retenue pour les « contemporains »

            Comme nous l’avons indiqué plus haut, cette absence de définition, aussi bien sur le plan du langage que sur le plan de sa représentativité statistique, fait peser un sérieux doute sur les résultats proposés.

            « La place accordée à la guerre d’Algérie dans les médias et à l’école »

       Question : Selon vous, avez-vous l’impression que l’on parle trop, pas assez ou comme il faut de la Guerre d’Algérie ?

        Le questionnaire distingue à nouveau entre les « contemporains » et les autres, mais il parait difficile d’interroger les « contemporains » de cette guerre sur ce qui se passe à l’école, sauf à avoir interrogé les enseignants et peut-être les parents d’élève.

       En conclusion, cette enquête apporte quelques lumières sur le sujet de la mémoire de la guerre d’Algérie, mais il est regrettable que celle-ci n’ait pas procédé à un cadrage statistique rigoureux des questions posées par rapport au public interrogé, avec des impasses qui font peser une suspicion légitime sur ses résultats.

Jean Pierre Renaud

« La France a-t-elle les moyens de faire la guerre sur trois fronts ? » Pure folie!

« La France a-t-elle les moyens de faire la guerre sur trois fronts ? »

En première page du journal Le Monde des 16 et 17 novembren avec en page 8, une analyse utile intitulée «  Hollande : plus de guerres, moins de moyens » et la solution miracle de l’éditorial du même jour.

        Un bravo tout d’abord à ce quotidien qui appelle enfin un chat un chat, et qui parle donc de guerre, et pas d’interventions militaires extérieures qui ne disent pas leur nom, car l’appellation justifiée de guerre devrait beaucoup plus interpeller nos dirigeants et élus sur la gravité des responsabilités qu’ils prennent au nom de tous les citoyens.

            Responsabilité des parlementaires ou d’un Président qui dispose du droit exceptionnel d’engager la France dans une guerre, en annonçant au bon peuple de France : « J’ai décidé », et nos troupes ou nos avions de s’envoler vers le Mali, la Centrafrique, ou aujourd’hui l’Irak.

         La Constitution actuelle, modifiée en 2008 accorde, ce pouvoir arbitraire et non démocratique au Président, quitte pour le Parlement à voir ce qui se passe trois mois plus tard…et à continuer…

        L’éditorial met en cause la passivité de l’Union européenne « L’Union européenne n’a jamais connu un environnement aussi guerrier. Mais collectivement elle s’en moque. »

       Résultat la France, endettée jusqu’au cou, se lance dans trois guerres qu’elle sera bien incapable de mener, sauf à faire craquer son armée, et une fois de plus son budget.

       Ecrire dans cet éditorial : « François Hollande mène une politique étrangère courageuse. Mais en a- t- il les moyens ? »

            Une bien curieuse façon de juger, d’autant plus curieuse que l’éditorial remet à la mode du jour une idée farfelue de Chirac, celle qui consisterait à défalquer de notre déficit national les frais engagés au nom de la défense de l’Europe !

       Une solution miracle donc, celle du cavalier seul militaire de la France avec l’augmentation de son déficit budgétaire, de plus en plus grand, et l’accroissement corrélatif de sa dette nationale !

           Une  pure folie !

        La solution passe évidemment par une réforme de la zone euro, avec l’institution d’un exécutif européen, une politique étrangère commune, et les éléments d’une force d’intervention militaire de nature européenne.

      Comment est-il possible en effet d’accepter que les soldats de la France puissent être considérés comme les nouveaux Suisses de l’Europe, comme les anciens, sous les rois de France ?

Jean Pierre Renaud

« Les interventions militaires de la France » La Croix du 31 octobre 2014 avec MM Boniface, de Villepin, et Chevènement

« Les interventions militaires de la France »

La Croix du 31 octobre 2014 avec les points de vue de MM Boniface, de Villepin et Chevènement

         A plusieurs reprises sur ce blog, j’ai fait part de mes réserves sur les conditions des interventions militaires de la France, notamment en Afrique, et le 15 octobre dernier, j’ai proposé une lecture critique d’une chronique de M.Boniface intitulée «  Les conditions d’une intervention militaire » (La Croix du 29 septembre 2014) en concluant cette analyse par la suggestion d’y ajouter trois conditions supplémentaires :

          Dire guerre, de préférence à intervention, c’est-à-dire appeler un chat un chat.

         Dire sans mort car l’opinion publique aujourd’hui indifférente le serait beaucoup moins s’il y avait des morts.

         Dire avec l’ Europe, car la France, endettée jusqu’au cou, continue à faire cavalier seul, quitte à solliciter ensuite le soutien de l’Europe.

       Les trois chroniques citées ci-dessus proposent un éclairage complémentaire sur les conditions qui devraient, ou pourraient, être celles des interventions militaires de la France, ou « guerres ».

      M.Boniface, ancien collaborateur de M. Chevènement, conclut sa nouvelle analyse que je qualifierais de classique, parce qu’elle s’inscrit  dans la ligne gaullo-mitterrandiste traditionnelle, avec la recommandation de «  Renforcer la lisibilité de la politique française », titre de sa chronique.

     M.Chevènement s’inscrit également dans cette ligne classique et approuve ce type d’interventions, à partir du moment où elles répondent au droit international, et en faisant référence à la présence de la France au Conseil de Sécurité.

L’ancien ministre souligne toutefois que 1) « les moyens de la France ne sont pas illimités » et souhaite que ces moyens soient utilisés « de préférence dans les zones géographiques où la France exerce traditionnellement son influence. »

      Pourquoi classique, ou traditionnelle ?

     Parce ce que type d’analyse revêt à mes yeux une couleur du passé en ne tenant pas compte des changements d’échelle des puissances du monde qui se sont produits depuis trente ans, avec l’arrivée de nouvelles puissances, Chine, Inde, ou Brésil…

      Depuis de Gaulle et Mitterrand, le monde a bien changé !

     La France et l’Europe ont besoin d’une révolution stratégique et le discours du gaulliste de Villepin que je qualifierais volontiers de moins gaulliste que celui des deux autres signataires, est un discours novateur sur l’évolution du monde, la nécessité d’y adapter la France  par une nouvelle stratégie de la paix, avec un Commissaire européen à la paix, « une force militaire de réaction rapide sous drapeau de l’ONU», – j’écrirais volontiers de nature européenne-, « doublée d’une force de reconstruction étatique. C’est un savoir-faire de l’Europe. »

      Dernier commentaire sur ces contributions :

     Une grande discrétion sur la question des budgets de ces fameuses interventions militaires, mais surtout aucune remarque sur les pouvoirs exceptionnels d’un Président qui peut engager la France dans de nouvelles guerres, sans que le Parlement ne l’y autorise, dès le premier acte, c’est-à-dire, dès le « j’ai décidé » de déclarer la guerre !

      Comment ne pas relier enfin ce type d’analyse au succès européen de Philae à des centaines de millions de kilomètres de la myopie politique de nos dirigeants sur l’état de la puissance française et européenne ?

Jean Pierre Renaud

« Les conditions d’une intervention militaire » par Pascal Boniface dans la Croix du 29 septembre 2014


            Dans cette chronique, M.Boniface propose une analyse historique et technique des interventions occidentales dans les pays étrangers, mais sans rappeler toujours les raisons de ces interventions.

       A ses yeux, «  Trois facteurs viendront déterminer l’avenir des interventions militaires extérieures » -– les visions opposées de l’ingérence au Nord… à l’égard du Sud … , la fin du monopole occidental sur la puissance ; le poids croissant des opinions publiques dans la détermination des politiques étrangères.

        Facteurs ou circonstances ?

         Il propose un raccourci historique de certaines interventions extérieures du siècle passé qu’il classe, sans les citer, dans la catégorie des «  promenades de santé » … « comme elles le furent presque jusqu’à la fin du XX °siècle. »  en passant à d’autres interventions récentes qui n’ont pas connu de réussites, telle celle d’Afghanistan.

        « En Libye, le succès initial a laissé place au chaosEn dehors de la situation libyenne, du choc qu’a éprouvé en retour le Mali…»

       « Il y a cependant des interventions réussies. On peut citer celle modeste du Timor-Oriental. On peut également citer l’intervention française au Mali : elle fut de courte durée – (nous y sommes toujours) –, les adversaires faibles – (ils sont toujours là ) -, elle se fit à la demande de la population malienne – ( il n’y avait plus d’Etat ) – et rencontra un soutien régional et mondial, avec de surcroît un feu vert juridique de l’ONU – après que le Président ait annoncé : « j’ai décidé », comme il l’a fait après, pour la Centrafrique, et comme il vient de le faire pour l’Irak.

          Est-ce que ces interventions ont été effectuées en respectant les conditions que propose M.Boniface, lesquelles seraient les suivantes ?

       « En premier lieu, il ne faut pas confondre monde occidental et communauté internationale »

       « Ensuite un mandat du Conseil de sécurité reste la meilleure garantie de légitimité …

          Il est aussi impératif de réfléchir au jour d’après. Le contre-exemple libyen en est la démonstration….

        Les guerres de contre-insurrection ne peuvent être gagnées qu’à condition d’avoir un allié national puissant sur lequel on peut s’appuyer, capable de mettre en œuvre rapidement une solution politique. »

         Comme ce fut le cas en Libye, au Mali, en Centrafrique, et  aujourd’hui en Irak ? Avec des alliés puissants qui sont absents ?

         A lire ce texte, la France n’aurait donc pas dû s’y engager.

        Les interventions françaises récentes ne s’inscrivent en effet pas dans ce type de schéma, même si l’ONU, a dans un deuxième temps, entériné le « cavalier seul » de la France – j’ai décidé –  qui fleure un peu trop une nouvelle forme de néocolonialisme, un mélange d’intérêt et d’idéalisme pas très éloigné de la mission civilisatrice (des colonies) de la France (aujourd’hui l’humanitaire), ou encore de la grandeur passée du pays (la France reste une grande puissance).

       L’exposé de M. Boniface soulève des questions auxquelles il ne parait pas apporter de réponse, au moins dans le cas de la France, pour laquelle j’ajouterais volontiers trois conditions supplémentairesla première, appeler un chat un chat, c’est-à-dire, les conditions de « la guerre » au lieu « d’une intervention militaire », et puisqu’il s’agit de guerre, redonner au Parlement le pouvoir d’en décider.

      La deuxième, afficher clairement le ou les objectifs de notre guerre, c’est-à-dire, ce qui n’est jamais dit aujourd’hui, une « guerre sans morts ».

     La troisième, arrêter de faire croire à l’opinion publique française que la France peut continuer à faire ses exercices de puissance militaire extérieure sans l’Europe, le véritable siège de notre puissance, tout en faisant comme si – c’est éclatant dans le cas de l’Irak –  le gouvernement conservait une liberté d’action (sous le parapluie américain), tant que l’Europe refusera d’exercer une forme nouvelle de puissance militaire.

Jean Pierre Renaud.

N B – Les lecteurs intéressés par ce type de sujet peuvent consulter mon analyse de la thèse qu’a défendue la capitaine Galula sur le guerre contre-révolutionnaire, à partir de son expérience algérienne sur ce blog aux dates suivantes : 21/09/2012 et 5/10/2012

Un Président qui va de commémoration en commémoration… Plus de 50 ANS après la guerre d’Algérie !

Un Président qui va de commémoration en commémoration …

70 ans après le débarquement de Provence…

Plus de 50 ans après la guerre d’Algérie !

            Un président qui baigne dans l’histoire ou dans une com’ permanente sur  notre histoire nationale, pourquoi pas ? Faute de mieux ! En risquant de passer dans l’histoire comme le Président des Commémorations !

            La seule chose que j’ai retenue personnellement de tous les reportages, au-delà des nombreux autres symboles, et au titre des invités officiels de la France, la présence à ces cérémonies du Premier Ministre de l’Algérie.

            Je fais partie d’une famille dont les ascendants ont connu trois invasions allemandes, 1870, 1914, et 1939, et dont les descendants ont accepté plutôt facilement la réconciliation franco-allemande.

            Plus de 50 ans après la guerre d’Algérie, certains groupes de pression politiques ou idéologiques, sur les deux bords de la Méditerranée, continuent à empoisonner les relations entre la France et l’Algérie.

            Il est vrai que nous n’avons jamais eu l’ambition de transformer les Allemands en citoyens français !

            Jean Pierre Renaud

2014: la nouvelle guerre Hamas- Israël et toutes ses duplicités !

Citation:
Le Monde du 7 août 2014, page 2:

 » Les négociations entre Israël et le Hamas…
Israël à réussi à imposer au Hamas l’initiative égyptienne… et est parvenu à écarter le Qatar et la Turquie, parrains du mouvement islamiste… »

Ou en formule arithmétique ou diplomatique:

 » Le Hamas et ses deux  » parrains « , Qatar et Turquie + Qatar, ami de la France et son vaisseau amiral, le PSG + Turquie et ses milliards du processus d’adésion à l’Union Européenne, membre de l’OTAN + Israël, allié des États Unis = le bordel international ou qui est qui ou quoi ?

Avec à la clé des milliers de morts et l’Europe paiera ! Car c’est l’Europe qui en définitive paie les dégâts !

Comment ne pas faire mieux dans la duplicité diplomatique ?

Jean Pierre Renaud

Guerre au Mali entre Paris et Alger: une très bonne nouvelle!

Le Monde du 23 mai 2014, page 8

 » Paris et Alger engagent un partenariat militaire

Les deux armées ont mené les premières opérations coordonnées au nord du Mali »

        A plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion de faire observer sur ce blog que la France avait engagé nos forces armées au Mali au début de l’année 2013 dans des conditions contestables à la fois sur le plan historique, international, et démocratique.

         Il était tout de même très étrange de voir la France intervenir au Sahel sans que l’Algérie ne soit pas, au prélable, sollicitée pour y être associée.

La France en Centrafrique: entre néocolonialisme, ingérence humanitaire, tutelle de l’ONU, histoire coloniale ou postcoloniale, à l’ombre de la Françafrique!

(Commentaires de contributions publiées dans le journal la Croix des 29 janvier et 7 février 2014)

            Le lecteur connait ma position de citoyen sur les modalités d’intervention de notre pays au Mali et en Centrafrique (voir mon article du 17 février 2014), et l’évolution des conditions de cette intervention militaire qui se déroule en dehors des missions normales de notre armée (une interposition dans une guerre civile !), donc un « piège » !

            Cette opération « militaire » dure, contrairement aux engagements du Président, et met en évidence, après son « fait accompli »,  l’extrême difficulté que la France rencontre pour trouver des concours internationaux, et montre clairement les limites de ce nouvel exercice de puissance dans une Afrique qui doit se prendre en charge.

            Pourquoi ne pas avoir laissé les voisins de ce pays, le  Gabon, la République du Congo, ou la nouvelle Afrique du Sud, qui paraissait motivée et en avait les moyens, prendre leurs responsabilités, avec l’appui de la communauté internationale, y compris la France ?

         La guerre civile qui sévit en Centrafrique pose à nouveau le problème des conditions de l’intervention internationale dans ce type de conflit.

           Ingérence ou pas ? M.Bayart, chercheur au CNRS, (La Croix du 7/02/14) prône une « nouvelle doctrine de l’ingérence », mais en invoquant des arguments sujets à caution : « Au Mali, sa sécurité était mise en cause du fait de la volonté des djihadistes de la frapper. »

           Question : l’Algérie n’était-elle pas le premier pays a priori concerné ?

       « En Centrafrique, les massacres rendaient intenable notre inaction »

Pourquoi la France, plus que l’Union africaine ou européenne, ou la communauté internationale dans son ensemble, c’est-à-dire l’ONU ?

     Plus loin, M.Bayart propose une autre justification qui a un vrai parfum colonial ou postcolonial, en écrivant :

     « En Centrafrique, les troupes françaises s’embourbent dans une mission d’interposition dont l’issue politique n’est ni prévisible ni même probable, tant est lourd le legs d’un siècle de prédation et de déshérence. »

        A quoi le chercheur fait-il allusion ? Au scandale des compagnies concessionnaires, forestières ou minières, de la fin du dix- neuvième siècle?

        Il serait sans doute plus approprié d’estimer, en faisant appel à un mot à la mode, le « ressenti néo-colonial» que la population de ce pays pourrait éprouver,  tout comme les quelques Français ou Françaises qui connaissent encore notre histoire coloniale.

       La position qu’a prise M. Jean Marie Guéhenno, professeur à Colombia University et président du Centre pour la dialogue humanitaire à Genève, dans le même journal, parait mieux fondée :

      « Ne promettons pas plus que ce que nous pouvons donner, mesurons les risques moraux et stratégiques de tout engagement extérieur, particulièrement quand il inclut l’usage de la force, mais n’oublions pas que l’abstention est aussi un risque moral et stratégique. »

        Un risque moral sûrement, mais dans le cas de la Centrafrique, l’intervention française ne s’inscrivait pas obligatoirement dans une stratégie nationale.

     Dans une autre chronique intitulée « Le retour des tutelles », M.Bertrand Badie, professeur à Sciences-Po,  ( La Croix du 29 janvier 2014) soulève les questions de principe que posent les interventions françaises, en s’inscrivant dans une nouvelle conception des tutelles internationales.

      Pourquoi l’ancien principe des tutelles coloniales de la SDN, puis de l’ONU, ne trouverait-il pas en effet une nouvelle justification, plus fondée de nos jours qu’à l’ère coloniale ? On estimait alors que les pays sous tutelle n’étaient pas en mesure de se gouverner eux-mêmes.

      Un dernier mot relatif au contenu de la réponse à la question du jour de La Croix du 13 février 2014, posée à M. Marchal, « chercheur au CNRS et spécialiste de la Centrafrique » :

        « Peut-on parler de « nettoyage ethnique » en Centrafrique ?

        « Il faut plutôt parler de nettoyage confessionnel…car plusieurs ethnies sont regroupées dans ce nettoyage…. Mis à part les convertis, les communautés musulmanes proviennent de migrations malienne, tchadienne, sénégalaise et camerounaise… Ils ont immigré il y a plus d’un siècle, mais ils continuent à être considérés comme des étrangers parce qu’ils sont musulmans. »

       Il s’agit donc bien à la fois d’un nettoyage ethnique et d’un nettoyage religieux, comme notre belle France en a connu dans les siècles passés, sur son propre territoire !

         A relire, entre autres, le récit d’André Gide, « Voyage au Congo » dans cette région qui fait la Une de l’actualité, il y a moins d’un siècle (1926-1927), on a de la peine à y rencontrer des communautés sénégalaise ou maliennes, mais incontestablement celles d’autres ethnies, les unes d’obédience musulmanes, venues du Sahel,  les autres d’obédience chrétienne, issues des populations animistes ou fétichistes de la forêt.

     Dans la même réponse, le chercheur écrit :

     « La visite de Jean-Yves Le Drian doit permettre de mater les anti-balaka. »

     Le ministre de la Défense de la République Française va donc « mater » ?

     Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: 2011-2013: gauche ou droite, même combat fiscal avec des guerres (Libye, Mali, Syrie) à crédit!

Humeur Tique : 2011- 2013 : gauche ou droite, même combat fiscal !

Et même absence de courage pour tailler dans les dépenses publiques !

Avec des guerres (Libye, Mali, Syrie) à crédit !

Dette publique de la France au 31 mars 2013 = 1 870 milliards d’euros !

            En première page du journal Le Monde du 4 septembre 2013, un titre :

«  Sarkozy-Hollande : 84 nouveaux impôts en deux ans

Entre hausses de taux et nouvelles taxes, le choc fiscal a atteint 41 milliards entre 2011 et 2013 »

 puis une double page ( 18 et 19) du même journal intitulée :

«  L’ŒIL DU MONDE

Pluie d’impôts sur la France

Depuis 2011, M.Sarkozy et M.Hollande ont rivalisé de créativité en matière fiscale… »

Le citoyen a sans doute le droit de se poser quelques questions :

1 – A quoi servent le PS et l’UMP, s’ils sont incapables de manifester la même « créativité » pour supprimer les dépenses publiques inutiles ?

2 – Le soi-disant clivage entre la droite et la gauche existe-t-il ?

3 – Et chaque jour, le gouvernement annonce une chose et son contraire !

4 – Et pendant ce temps-là, ces deux Présidents de la République  ont engagé la France dans des guerres étrangères, successivement en Libye, et au Mali, et l’actuel Président est prêt à nouveau à faire de même en Syrie, alors que la France vit à crédit à partir du mois de septembre !

Les guerres à crédit d’une France qui vit à crédit !

Guerre d’Algérie – Lettres d’un sous-lieutenant, vallée de la Soummam, avec le témoignage du sous lieutenant Durand, en sa mémoire!

Lettres d’un sous-lieutenant, vallée de la Soummam, suite et fin avec le témoignage du sous-lieutenant Durand, en sa mémoire !

 A la suite du livre que j’avais publié sur la guerre d’Algérie, un de mes lecteurs dont j’ignorais l’existence, me fit parvenir, le 29 août 2004, un témoignage avec quelques photos.

            Il s’agissait d’un camarade sous-lieutenant du 28ème Bataillon de Chasseurs Alpins qui avait servi, entre juin 1957 et mai 1958, avant mon arrivée à Vieux Marché, au poste de la Première Compagnie, à Tasga, qui abritait sous son ombrelle,  la SAS du lieu.

            L’officier en question, Georges Durand, avait suivi le même type de parcours que moi avant de venir en Algérie, mais lui venait de la rue d’Ulm, l’Ecole Normale Supérieure, et devint professeur d’histoire.

            Quelques extraits de son message :

            « Evidemment, en 1957-1958, ce « douar pourri » des Beni-Oughlis par l’insécurité ne permettait pas à l’officier SAS de circuler entre Vieux Marché et Sidi Aïch . La compagnie n’aventurait une section qu’à horizon du poste ; elle-même ne sortait que pour aller à Djennane et à Sidi Yahia et encore devait-elle avoir l’accord du bataillon qui mettait sa section d’appui en alerte. Au-delà, l’Ighzer Amokrane supposait des soutiens plus sérieux

            Les récits de Marçot en apprendront plus sur le quotidien dans cette guerre de capitaines et de sous-lieutenants que bien des témoignages moins distanciés ou de grandes fictions, trop orientées. Merci d’avoir conçu votre relation avec tant d’intelligence et de sensibilité

            Quelques réserves : un peu sévère pour les officiers et sous-officiers des unités combattantes. J’ai eu un capitaine, RM, d’une humanité, d’un sens des populations, d’une intelligence du type de guerre qui m’a permis de passer là-bas quinze mois sans avoir à me poser le problème de la page 10 « A quel stade refuserait-il de faire une saloperie ? »

           Hélas d’autres compagnies du 28ème BCA ne furent pas protégées de ces dérives. Par contre sur le terrain, je n’ai guère été interrogé par des « états d’âme » – vos colonels sont caricaturaux. Le colonel H, commandant la demi-brigade (sous-secteur d’El Kseur) était en opération avec nous sur la ligne de feu. Je suis même une nuit tombé en embuscade avec lui au col qui sépare les Béni-Oughlis de l’Ikedjane au-dessus de Tibane. Nous étions en « chasse » d’Amirouche qui devait passer la nuit à Taourirt. Le chouf qui contrôlait le djebel Duk nous a plaqué au sol, sa harka et ma section et c’est dans cette incommode posture que le colonel m’a livré la formule de « l’ ’optimisme militaire que je vous transmets. D, il ne faut jamais désespérer : il n’y a pas de situation militaire qui soit restée sans issue. »

            Georges Durand a fait au moins deux communications écrites sur son expérience de la guerre d’Algérie à l’Université de Lyon II :

            – l’une de caractère militaire, intitulée, « Quadrillage, bouclage, ratissage – Aspects opérationnels de la guerre d’Algérie »

            – l’autre intitulée, « Hommes et femmes de Kabylie dans la guerre d’Algérie -Témoignage d’un sous-lieutenant » dans laquelle il expose très clairement la problématique du comportement de la population entre le marteau et l’enclume, dans le climat de violence de l’insurrection, et je voudrais citer simplement ses mots de conclusion :

            « Quel dommage que la violence ait gâché notre présence, notre départ et notre absence ! La paix ne refleurira-t-elle jamais dans les oueds envahis par les lauriers roses s’éveillant sous la caresse des doigts de l’aurore, pareils à ceux d’où nous revenions au petit matin, soulagés d’une nuit d’embuscade…Vaine ? »

  Est-ce que l’ancien sous-lieutenant Georges Durand aurait dû vraiment faire repentance ?

Jean Pierre Renaud

         Post Scriptum: le camarade Durand m’avait adressé un petit dossier illustré de photos prises lors de son séjour, en vue d’une possible troisième édition à compte d’auteur.