Les Sections Administratives Spécialisées: lecture du livre de M.Mathias

Les sections administratives spécialisées en Algérie

par Grégor Mathias

Les SAS, comme on les appelait plus communément, et selon moi, 

« Les « éphémères » administratives »

            Un livre intéressant, utile, très riche en informations, qui n’a pas peur de citer ses sources, et elles sont nombreuses.

            Un lecteur curieux pourra y découvrir l’univers des SAS, un univers à la fois très diversifié, et très changeant dans le temps en oubliant jamais que les SAS ont eu un temps de vie très court, une vie de « libellule ».

            Les questions de ce livre ?

            Une histoire des parties prenantes ?

            Celle-ci me concerne personnellement, étant donné qu’il me parait difficile, sinon impossible, de détacher analyse et jugement sur la guerre d’Algérie, et sur les SAS, lorsqu’on a été acteur de cette guerre et des SAS.

            Je suis en effet, par prudence et principe, tout à fait réservé sur l’histoire de la guerre d’Algérie racontée par des personnes qui ont été parties prenantes, actives ou passives, de cette guerre ! L’historien Goubert a d’ailleurs dit des choses intéressantes à ce sujet, et tout à fait censées.

            La représentativité historique des analyses (espace et temps)

            Le problème redoutable de la représentativité des recherches et des analyses, quant il s’agit de l’histoire du terrain, et non de celle, des organisations, des opérations militaires identifiables, du déroulement général et macro-politique et militaire, terrain souvent favori des recherches.

            En Algérie, chaque guerre fut différente, selon la situation géographique, la chronologie, le titulaire du commandement militaire, au niveau des sous-quartiers, quartiers, secteurs, et SAS.

            La mémoire orale

            Au risque d’offenser certains anciens d’Algérie, je suis assez sceptique sur la mémoire orale des anciens combattants. A en écouter beaucoup, ils ont tous connu  accrochages ou embuscades, alors que la proportion de soldats, de gradés, de sous-officiers, et d’officiers affectés dans les services de commandement et dans les villes était loin d’être négligeable. Et les conditions généreuses d’attribution de la carte d’ancien combattant ne constituent sans doute pas le bon critère du recueil fiable de mémoire orale.

            Les sources écrites

            Je fais en revanche plus confiance aux traces écrites de l’époque, c’est à dire essentiellement aux lettres.

            Egale réserve sur les archives : je ne sais pas ce que l’on trouve dans les archives des SAS, mais je ne suis pas sûr qu’elles reflètent la réalité. Quant aux Journaux de Marches et Opérations, les JMO, pour les avoir exploités en ce qui concerne le sous-quartier de ma SAS,  la plus grande prudence est à recommander.

            Il est donc nécessaire de déterminer au préalable ce qu’il est possible d’extraire honnêtement de ces archives.

            Ceci dit, et pour revenir au sujet proprement dit, rien à dire sur les chapitres qui retracent l’historique des SAS et leurs missions,  des chapitres qui exposent la diversité et la complexité de toutes ces missions, étant observé que dans le concret de beaucoup de SAS, c’était souvent « mission impossible ».

            Le chapitre 4 « L’état d’esprit des officiers SAS ». est intéressant, mais il soulève évidemment la question déjà évoquée de la représentativité des sources, en particulier en ce qui concerne les officiers qui ont fait l’objet d’interviews.

            La typologie des SAS     

            Une typologie des SAS parait donc s’imposer, pour autant qu’il soit possible de la faire, car les difficultés apparaîtront quand il s’agira d’évaluer leur fonctionnement et leur utilité chronologique, et donc tenter d’aller sur le terrain des résultats.

            Il conviendrait donc de classer année par année chacune des SAS dans une typologie à définir, situation géographique, situation militaire, de tenter d’évaluer leur fonctionnement et leur efficacité sur leur période de vie, c’est-à-dire 6 ans au maximum, selon les zones militaires, et souvent 3ans.

            Rien à voir entre les côtes francisées et les côtes sauvages, entre la côte et l’hinterland, entre l’est et l’ouest, entre 1956, 1958, et 1960, selon les zones.

            Chez moi, jusqu’à l’été 1959, au moins une katiba était quasiment chez elle, alors qu’après l’opération Jumelles,  j’arpentais les pentes de ma SAS avec un seul garde du corps, un « fel » rallié, un homme qui était d’ailleurs remarquable,  etc…

            Tâche combien difficile, peut-être impossible, d’élaboration d’un cadre historique aussi représentatif que possible !

            J’avouerai que j’ai découvert dans ce livre des attributions dont je n’ai jamais vu la couleur, et je pense que beaucoup de mes camarades, placés dans une situation militaire identique à la mienne, partageraient ce sentiment : combien de SAS  « paumées »  comme la mienne ? Plus qu’on ne croit peut-être. Durée de vie réelle de ma SAS, moins de trois années !

            En découvrant la description de la SAS modèle de l’Alma, je me suis dit une fois de plus, que toute généralisation historique pouvait, a priori, être sujette à caution.

            Et enfin, un aspect important du bilan des SAS à signaler, à mes yeux, le seul point positif, la mise en place de nouvelles institutions communales dans le bled algérien.

            Ceci dit, lisez ce livre qui constitue un excellent point de départ pour avoir, je l’espère, et ensuite, une vision encore plus historique du monde des SAS. Bon courage donc !

            Jean Pierre Renaud