Relations entre la France et l’Algérie (1962-2020) – 4 – Mémoires fictives et mémoires dangereuses – Mediapart avec Stora, Jenni, et Ferrari

Les Relations entre la France et l’Algérie (1962-2020)

Vive l’Indépendance de la France !

Les Confidences du Président à Arthur Berdah, journal du Figaro du 6 novembre 2020, page 8, sous le titre « Islamisme : ce que Macron a en tête »

« Initiatives mémorielles… organisationnelles… politiques…cet impensé… »

« Ventre Saint Gris » ! Comme aurait juré Henri IV !

 Presque 60 ans plus tard !

Vive enfin l’Indépendance de la France !

4

Ci-après une chronique déjà publiée le 21/04/2017, toujours d’actualité, intitulée :

« Histoire, mémoire, roman, propagande, subversion ? »

Plus d’un demi-siècle plus tard !

Autour des « Raisins Verts » ?

Quatrième et dernier épisode

Mémoires « fictives » et « mémoires dangereuses » !

« L’histoire est un roman qui a été, le roman de l’histoire qui aurait pu être »

« Les Frères Goncourt »

Une suggestion de dissertation pour les élèves des deux professeurs Alexis Jenni et Jérôme Ferrari, au choix, entre « La chute de Rome » et « L’art de la guerre »

« Pour ou contre la lecture des Frères Goncourt d’après laquelle l’un ou l’autre des deux romans n’est qu’ « roman de l’histoire qui aurait pu être », c’est-à-dire la leur ? »

&

Au Club de Mediapart, Benjamin Stora et Alexis Jenni, dialoguent sur les « mémoires dangereuses »

« Le Club de Médiapart…

Les mémoires dangereuses. Extrait d’un dialogue

Extrait des mémoires dangereuses » (Ed Albin Michel, 2016), début du dialogue entre Alexis Jenni de « L’art français de la guerre » (Ed Gallimard) Prix Goncourt, 2011, et Benjamin Stora »

            Il s’agit d’un extrait tout à fait intéressant, parce que symbolique de la production d’un courant intellectuel qui tente encore de tenir un petit pan de l’opinion publique en haleine, pour tout ce qui touche aux pages les plus sombres de l’histoire de notre pays, tout en se défendant du contraire.

            Pourquoi ne pas dire dès le départ que ce type de discours incarne et diffuse une forme de perversion intellectuelle sur l’objet « mémoires » ?

            Rappelons succinctement quelles sont les Tables de la Loi du site Mediapart : une information de qualité, cultivant l’indépendance, la pertinence, et l’exclusivité.

Qualité ? Soit ! Indépendance ? Un site qui ne serait pas irrigué par une ancienne et continue idéologie tiers-mondiste, ce qui veut dire une forme subtile de « servilité » à une idéologie ? Pertinence ? Nous verrons. Exclusivité ? Il parait difficile d’appliquer ces principes au contenu de ce dialogue, pas uniquement en raison du goût des deux dialoguistes pour tous les médias.

Ce dialogue draine beaucoup des mots qu’aime utiliser Monsieur Benjamin Stora, en jouant sur les multiples facettes du mot « mémoires », aujourd’hui « dangereuses », hier en « guerre », de nos jours « communautaristes », et récemment avec la profession de foi d’un apôtre de la paix des mémoires, selon une chronique récente du journal La Croix.

« Le prisme de la guerre d’Algérie…. Une histoire qui a été longtemps occultée

C’est à si perdre, tant son discours est toujours aussi tonitruant, nourri d’affirmations et de certitudes répétées à satiété sur l’état de ces « mémoires », sans jamais, jusqu’à présent, et sauf erreur, avoir jamais donné la moindre mesure de cette guerre des mémoires. Monsieur Jenni parle de « guerre culturelle ».

Est-il pertinent de tenir un tel discours mémoriel sans avancer la moindre évaluation des phénomènes décrits ? Non !

            Les mots tonitruants ?

            Monsieur Stora abrite son discours sous le parapluie d’une « histoire du Sud » laquelle ferait l’objet d’un « déni », en évoquant l’existence de trois mémoires celles des rapatriés, des anciens appelés du contingent d’Algérie, et  des enfants ou petits-enfants issus de l’immigration algérienne.

            « Aujourd’hui, la mémoire de cette guerre fait retour, massivement, dans les sociétés, algérienne et française… »

            Il conviendrait d’expliquer par quelle voie cette « histoire » ou cette « mémoire » fait aujourd’hui retour massivement  chez les enfants ou petits-enfants nés après 1962.

            S’agit-il 1) de l’Algérie ou de l’Empire colonial ? 2) de l’opinion du mémorialiste, fils d’un rapatrié de Constantine, ou enfin de la mesure de ce retour massif de la mémoire de cette guerre?

            A lire ce dialogue, la guerre des idées ferait rage, « des affrontements mémoriels d’une grand violence symbolique », « Ce conflit mémoriel », « Cette bataille culturelle », en dépit du « déni », du « refoulement », de la « dénégation » de notre pays, toutes caractéristiques  abondamment décrites en chœur par les deux dialoguistes ?

            J’oserais écrire volontiers que ce type de discours ne correspond pas, jusqu’à preuve du contraire, à la situation historique actuelle de notre pays.

            J’oserais écrire une fois de plus que le peuple de France n’a jamais eu la fibre coloniale, que l’empire, sauf exception, n’a jamais été la préoccupation des Français, que la question coloniale a fait irruption dans notre histoire avec la guerre d’Algérie, et de nos jours, avec la présence d’une population d’origine immigrée largement nourrie par l’ancien domaine colonial.

J’oserais écrire qu’en 1962, la grande majorité des Français et des Françaises ont été contents de se débarrasser du dossier algérien, et qu’à ma connaissance, la France d’alors n’a pas accueilli joyeusement le flot des rapatriés venus d’Algérie, comme s’en rappelle sans doute l’actuel Président  de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration.

            J’oserais écrire que ce type de discours mémoriel est étranger à celui de beaucoup des soldats, sous-officiers, officiers qui ont fait la guerre d’Algérie, faute pour le gouvernement de gauche de l’époque d’avoir su ménager une vraie voie d’évolution politique de l’Algérie.

            Beaucoup d’entre eux ont livré publiquement le fruit de leurs mémoires, et rien n’a été caché, le blanc comme le noir, comme dans toute guerre.

Deuxième partie

Non Messieurs Stora et Jenni, nous,  anciens soldats du contingent n’avons pas tous torturé, violé les femmes algériennes, fait partie d’une armée soi-disant « coloniale » !

            C’est un mensonge de dire que ces histoires ont fait l’objet d’un déni de la part des Français qui ont été tenus largement au courant de ce qui se passait en Algérie ou dans les autres colonies, pour le petit nombre que la chose concernait et intéressait, car il n’y en avait pas beaucoup.

            Dans la vallée de la Soummam, plus en état d’insécurité qu’à Alger, Oran, ou Constantine, dans les années 1959-1960, il m’est arrivé de pouvoir me procurer le journal Le Monde, lequel n’était pas spécialement tendre, et même honnête, à l’égard de notre action en Algérie.

            Ce type de discours est à mes yeux une forme beaucoup plus subtile et plus massive de propagande que ne l’a jamais été la propagande coloniale.

            L’historienne Sophie Dulucq a consacré une étude approfondie de l’écriture de l’histoire ou de l’historiographie à l’époque coloniale, et tout au long de son ouvrage, comme je l’ai signalé dans ma lecture critique sur ce blog, court un des nombreux fils conducteurs, à savoir la question de savoir si ses rédacteurs étaient soumis à une servilité à l’égard du ou des pouvoirs.

            Ma conclusion était on ne peut plus nuancée, en observant qu’il existait plusieurs sortes de servilité, notamment dans la catégorie idéologique, les quatre plus récentes étant le marxisme, le tiers-mondisme, le marché en monnaie sonnante et trébuchante, et la repentance- victimisation- assistance.

            Le discours mémoriel de Monsieur Stora relève d’au moins une des formes de cette servilité.

            Mais puisqu’il s’agit aussi d’histoire au moins autant que de mémoire, pourquoi ne rangerait-on pas les deux romans de Messieurs Jenni et Ferrari, couronnés tous deux par le prix Goncourt, dans la catégorie des romans historiques, avec deux auteurs qui, avec un réel talent d’écriture, réécrivent un pan de l’histoire de France ?

            Etrangement ces deux romanciers troussent leurs intrigues en mettant en scène une partie de notre histoire coloniale, d’abord celle de la guerre d’Algérie, en donnant vie ou parole à certains de leurs personnages qui émaillent leur récit d’exemples qui généralement ne font pas à honneur à notre pays.

            Seul problème, Monsieur Ferrari n’a connu de l’Algérie, sauf erreur, que celle récente des années 2003-2007, au cours de son expérience de professeur en Algérie pendant ces quelques années, et Monsieur Jenni, en effectuant ses propres recherches historiques en France comme il l’indique dans le dialogue :

            « J’ai écrit l’Art français de la guerre en me documentant par moi-même, mais après sa parution, j’avais été très frappé de réaliser l’ignorance extraordinaire des gens sur l’histoire coloniale en général : notre propre histoire nous est totalement méconnue. Je tombais des nues : moi qui ne suis pas historien du tout, je me suis rendu compte que tout ce que j’avais trouvé facilement était ignoré par le public – je n’étais pas chercheur, je n’avais pas fréquenté des bibliothèques universitaires pour trouver ce dont j’avais besoin pour écrire sur l’Algérie coloniale, j’ai seulement ramassé ce qui était accessible au grand public. Je me suis rendu compte de l’ignorance à l’égard de notre histoire, et aussi de l’ignorance à l’égard des autres, qui est encore plus profonde. »

            Est-ce que ces propos n’apporteraient pas la preuve de la thèse que j’essaie de défendre depuis quelques années, à savoir que la France n’a jamais été coloniale, que seule la guerre d’Algérie par son côté de sale guerre comme toutes les guerres subversives,  a fait découvrir à l’opinion publique, mais surtout aux familles des jeunes gens du contingent, un des domaines de cette histoire, où, comme par hasard, existait la seule communauté européenne.

            Ai-je besoin d’ajouter, comme je l’ai déjà écrit aussi, que dans beaucoup de situations algériennes, hormis la côte, tous mes camarades constataient que l’Algérie n’était pas la France ?

            Un mot encore sur le prix Goncourt et sur les pseudo-romans de guerre !

            Par un étrange concours de circonstances, et au début du siècle passé, à l’heure de la colonisation soi-disant triomphante, dans une France qui « baignait dans la culture coloniale », dixit le collectif Blanchard and Co, le même prix Goncourt, en tout cas dans son appellation, fut décerné à deux ouvrages qui dénonçaient à leur façon les dessous ou les à-côtés du « roman » colonial, Claude Farrère dans son livre « Les Civilisés » et plus tard René Maran, dans son livre « Batouala »

            Les deux auteurs mettaient leur talent au service de la France, en ne cachant pas grand-chose des conquêtes coloniales, et beaucoup de témoignages dénonçaient aussi la violence coloniale, mais beaucoup d’autres récits d’explorateurs, d’officiers et d’administrateurs décrivaient dans leurs carnets de route, sans servilité à l’ égard du pouvoir, les mondes qu’ils découvraient.

En est-il de même pour les deux bénéficiaires de ce prix, lesquels, un siècle plus tard, reconstruisent purement et simplement un pan de notre histoire coloniale, qui ne fut jamais véritablement nationale, sans avoir, semble-t-il, aucune expérience de la guerre, et guère plus des terres exotiques décrites ?

            A mes yeux, le prix Goncourt a couronné purement et simplement deux œuvres qui distillent ou diffusent un discours national de repentance ou d’autoflagellation.

            Dans un passé plus ou moins lointain, d’autres écrivains et romanciers ont obtenu le prix Goncourt en proposant des récits des guerres auxquelles ils avaient participé ou dont ils avaient été témoins, sans avoir besoin de faire appel plus de cinquante plus tard à leur imagination inventive et livresque, pour intéresser leurs lecteurs.

            Après la première guerre mondiale, Dorgelès, Genevoix seraient à citer,  ou Jules Roy, après la deuxième guerre mondiale.

En ce qui concerne les guerres de décolonisation, les récits de Lucien Bodard sur l’Indochine et l’Extrême Orient seraient à citer, et pour l’Algérie, « La grotte » du colonel Buis, très bon exemple de la problématique très compliquée des guerres coloniales que les deux auteurs décrivent dans leur « salon », sinon du haut ou du bas de leurs chaires d’enseignants.

            Non messieurs les romanciers, tous les soldats, tous les sous-officiers, tous les officiers d’une armée française qui ne fut pas coloniale, fusse du contingent ou de l’armée de métier n’ont pas été des tortionnaires ou des salauds !

            Dernières remarques : 1) ce dialogue ne se situe évidemment pas encore au niveau intellectuel du dialogue Camus-Char (Angers, 1951), et encore moins à ceux de Platon.

            2) Ou comme le déclarait en 2009, le Président actuel de l’AFP, Emmanuel Hoog : « Trop de mémoire tue l’histoire »

            3) Pourquoi ne pas recommander à ces romanciers de s’inspirer par exemple de la méthode d’écriture d’un excellent romancier historique, Jean d’Aillon, qui prend soin de conclure souvent ses ouvrages par une rubrique sur « Le vrai, le faux » ?

            Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

« Mémoires dangereuses » Deuxième partie Club Mediapart

Deuxième partie

        Non Messieurs Stora et Jenni, nous,  anciens soldats du contingent n’avons pas tous torturé, violé les femmes algériennes, fait partie d’une armée soi-disant « coloniale » !

            C’est un mensonge de dire que ces histoires ont fait l’objet d’un déni de la part des Français qui ont été tenus largement au courant de ce qui se passait en Algérie ou dans les autres colonies, pour le petit nombre que la chose concernait et intéressait, car il n’y en avait pas beaucoup.

            Dans la vallée de la Soummam, plus en état d’insécurité qu’à Alger, Oran, ou Constantine, dans les années 1959-1960, il m’est arrivé de pouvoir me procurer le journal Le Monde, lequel n’était pas spécialement tendre, et même honnête, à l’égard de notre action en Algérie.

            Ce type de discours est à mes yeux une forme beaucoup plus subtile et plus massive de propagande que ne l’a jamais été la propagande coloniale.

            L’historienne Sophie Dulucq a consacré une étude approfondie de l’écriture de l’histoire ou de l’historiographie à l’époque coloniale, et tout au long de son ouvrage, comme je l’ai signalé dans ma lecture critique sur ce blog, court un des nombreux fils conducteurs, à savoir la question de savoir si ses rédacteurs étaient soumis à une servilité à l’égard du ou des pouvoirs.

            Ma conclusion était on ne peut plus nuancée, en observant qu’il existait plusieurs sortes de servilité, notamment dans la catégorie idéologique, les quatre plus récentes étant le marxisme, le tiers-mondisme, le marché en monnaie sonnante et trébuchante, et la repentance- victimisation- assistance.

            Le discours mémoriel de Monsieur Stora relève d’au moins une des formes de cette servilité.

            Mais puisqu’il s’agit aussi d’histoire au moins autant que de mémoire, pourquoi ne rangerait-on pas les deux romans de Messieurs Jenni et Ferrari, couronnés tous deux par le prix Goncourt, dans la catégorie des romans historiques, avec deux auteurs qui, avec un réel talent d’écriture, réécrivent un pan de l’histoire de France ?

            Etrangement ces deux romanciers troussent leurs intrigues en mettant en scène une partie de notre histoire coloniale, d’abord celle de la guerre d’Algérie, en donnant vie ou parole à certains de leurs personnages qui émaillent leur récit d’exemples qui généralement ne font pas à honneur à notre pays.

            Seul problème, Monsieur Ferrari n’a connu de l’Algérie, sauf erreur, que celle récente des années 2003-2007, au cours de son expérience de professeur en Algérie pendant ces quelques années, et Monsieur Jenni, en effectuant ses propres recherches historiques en France comme il l’indique dans le dialogue :

            « J’ai écrit l’Art français de la guerre en me documentant par moi-même, mais après sa parution, j’avais été très frappé de réaliser l’ignorance extraordinaire des gens sur l’histoire coloniale en général : notre propre histoire nous est totalement méconnue. Je tombais des nues : moi qui ne suis pas historien du tout, je me suis rendu compte que tout ce que j’avais trouvé facilement était ignoré par le public – je n’étais pas chercheur, je n’avais pas fréquenté des bibliothèques universitaires pour trouver ce dont j’avais besoin pour écrire sur l’Algérie coloniale, j’ai seulement ramassé ce qui était accessible au grand public. Je me suis rendu compte de l’ignorance à l’égard de notre histoire, et aussi de l’ignorance à l’égard des autres, qui est encore plus profonde. »

            Est-ce que ces propos n’apporteraient pas la preuve de la thèse que j’essaie de défendre depuis quelques années, à savoir que la France n’a jamais été coloniale, que seule la guerre d’Algérie par son côté de sale guerre comme toutes les guerres subversives,  a fait découvrir à l’opinion publique, mais surtout aux familles des jeunes gens du contingent, un des domaines de cette histoire, où, comme par hasard, existait la seule communauté européenne.

            Ai-je besoin d’ajouter, comme je l’ai déjà écrit aussi, que dans beaucoup de situations algériennes, hormis la côte, tous mes camarades constataient que l’Algérie n’était pas la France ?

            Un mot encore sur le prix Goncourt et sur les pseudo-romans de guerre !

            Par un étrange concours de circonstances, et au début du siècle passé, à l’heure de la colonisation soi-disant triomphante, dans une France qui « baignait dans la culture coloniale », dixit le collectif Blanchard and Co, le même prix Goncourt, en tout cas dans son appellation, fut décerné à deux ouvrages qui dénonçaient à leur façon les dessous ou les à-côtés du « roman » colonial, Claude Farrère dans son livre « Les Civilisés » et plus tard René Maran, dans son livre « Batouala »

            Les deux auteurs mettaient leur talent au service de la France, en ne cachant pas grand-chose des conquêtes coloniales, et beaucoup de témoignages dénonçaient aussi la violence coloniale, mais beaucoup d’autres récits d’explorateurs, d’officiers et d’administrateurs décrivaient dans leurs carnets de route, sans servilité à l’égard du pouvoir, les mondes qu’ils découvraient.

       En est-il de même pour les deux bénéficiaires de ce prix, lesquels, un siècle plus tard, reconstruisent purement et simplement un pan de notre histoire coloniale, qui ne fut jamais véritablement nationale, sans avoir, semble-t-il, aucune expérience de la guerre, et guère plus des terres exotiques décrites ?

            A mes yeux, le prix Goncourt a couronné purement et simplement deux œuvres qui distillent ou diffusent un discours national de repentance ou d’autoflagellation.

            Dans un passé plus ou moins lointain, d’autres écrivains et romanciers ont obtenu le prix Goncourt en proposant des récits des guerres auxquelles ils avaient participé ou dont ils avaient été témoins, sans avoir besoin de faire appel plus de cinquante plus tard à leur imagination inventive et livresque, pour intéresser leurs lecteurs.

            Après la première guerre mondiale, Dorgelès, Genevoix seraient à citer,  ou Jules Roy, après la deuxième guerre mondiale.

        En ce qui concerne les guerres de décolonisation, les récits de Lucien Bodard sur l’Indochine et l’Extrême Orient seraient à citer, et pour l’Algérie, « La grotte » du colonel Buis, très bon exemple de la problématique très compliquée des guerres coloniales que les deux auteurs décrivent dans leur « salon », sinon du haut ou du bas de leurs chaires d’enseignants.

            Non messieurs les romanciers, tous les soldats, tous les sous-officiers, tous les officiers d’une armée française qui ne fut pas coloniale, fusse du contingent ou de l’armée de métier n’ont pas été des tortionnaires ou des salauds !

            Dernières remarques : 1) ce dialogue ne se situe évidemment pas encore au niveau intellectuel du dialogue Camus-Char (Angers, 1951), et encore moins à ceux de Platon.

            2) Ou comme le déclarait en 2009, le Président actuel de l’AFP, Emmanuel Hoog : « Trop de mémoire tue l’histoire »

            3) Pourquoi ne pas recommander à ces romanciers de s’inspirer par exemple de la méthode d’écriture d’un excellent romancier historique, Jean d’Aillon, qui prend soin de conclure souvent ses ouvrages par une rubrique sur « Le vrai, le faux » ?

            Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

La repentance postcoloniale avec le prix Goncourt Jérôme Ferrari

Réflexions d’un prix Goncourt sur une repentance « postcoloniale » qui ne dit pas son nom : la chronique de Jérôme Ferrari intitulée « Repentance et héritage » parue dans le journal La Croix, « La dernière page », le 4 avril 2016

Pourquoi ne pas proposer « Le sermon sur la chute de Rome » pour un prix d’histoire corse ?

            Je vous avouerai en tout premier lieu que le titre de cette chronique m’a surpris, étant donné qu’il s’agit d’un sujet polémique rebattu depuis de longues années, et que, a priori, il s’agit plus d’un sujet d’histoire que de philosophie, mais soit !

          Les deux concepts du titre mériteraient déjà d’être définis, car la repentance fait référence d’abord au monde religieux, le péché,  les «  filles repenties » des siècles passés, alors que le concept d’héritage a un sens ambivalent aussi bien matériel, avant tout, qu’intellectuel ou spirituel.

            J’avais lu dans un lointain passé quelques prix Goncourt dont le décor et l’intrigue se déroulaient dans les mondes coloniaux, « les Civilisés » de Claude Farrère, « Batouala » de René Maran, ou encore « La condition humaine » d’André Malraux, pour ne citer que ces quelques exemples.

                Lisant le contenu de cette chronique dont les références coloniales et postcoloniales à la fois annoncées,  « l’ampleur des crimes de la colonisation », et d’autres, sous-entendues, j’ai cru devoir faire une exception à la règle que je me suis depuis longtemps fixée de n’acheter aucun livre propulsé par les concurrences éditoriales dans le flot médiatique du moment.

              J’ai donc acheté le livre intitulé « Le sermon sur la chute de Rome », en me disant que j’allais y trouver réponse à mes questions sur les sources romanesques auxquelles avait pu faire appel notre philosophe, en tout cas coloniales ou postcoloniales, compte tenu des postulats posés par la chronique en question.

           Pourquoi pas, avant toute analyse, une remarque préalable, étant donné l’importance que les Corses  donnent à juste titre à leur culture et à leur histoire?

            A lire cette chronique et le texte du prix Goncourt,  et compte tenu des « origines » de l’auteur, certains lecteurs trouveront sans doute qu’il n’a pas été très charitable pour la famille corse qu’il met en scène, en lui faisant porter une lourde responsabilité coloniale, les « crimes  coloniaux », et les « mains trempées de sang ».

         Détrompez- vous, chers amis, les Corses des colonies françaises n’ont pas tous été des buveurs de sang !

       Le contenu –  Analysons brièvement le contenu de cette chronique dont l’intitulé annonce déjà le programme, la repentance, un terme à la mode dans certains milieux politico-médiatiques de chercheurs intoxiqués par la mode d’une nouvelle histoire de France autoflagellante, d’après laquelle notre pays aurait été historiquement une terre de péchés, au moins au temps de la colonisation.

       L’auteur écrit : « Quand a-t-on commencé à fustiger la « repentance ». Si ma mémoire est bonne, j’enseignais encore en Algérie quand je ne sais quel parlementaire avait eu l’idée géniale de parler du rôle positif de la colonisation ou plutôt – délicieux euphémisme – de la présence française… puisqu’on avait le choix qu’entre le repentir et la revendication cynique, mieux valait choisir cette dernière option, même si elle entrainait une relecture pour le moins hardie de notre histoire. Pourtant, à l’époque déjà, cette alternative ne me semblait pas du tout pertinente: j’étais pleinement conscient de l’ampleur des crimes de la décolonisation et je ne me promenais pas cependant dans Alger la tête recouverte d’un sac de cendres en suppliant les passants de me pardonner. »

        Eureka !  Pas de « sac de cendres » ! Pas besoin de se faire « pardonner », d’aller se confesser ! Mais de quoi ?

      Le romancier philosophe apaise ses états d’âme en faisant référence aux propos de Pierre Joxe, lequel explique que « c’est d’une certaine façon normal qu’un Français de 50 ans ou a fortiori plus jeune ne se sente aucune responsabilité dans le passé colonial de la France, dans les crimes qui ont été commis à cette époque dans différentes régions du monde. Mais d’un autre côté, c’est une illusion parce que l’histoire d’un peuple est globale. Elle est l’histoire des générations d’avant… Moi, je ne ressens pas une position d’accusateur. Je l’ai eu quand j’étais jeune, dans des mouvements étudiants anticolonialistes, j’étais accusateur, oui, de ceux qui étaient auteurs de crimes. A présent, je ne me sens héritier de cela, mais pas responsable, ni coupable. »

         « Assumer son héritage n’a rien à voir avec le repentir car il n’existe rien de tel qu’une responsabilité morale collective. »

           Il est bien dommage que le chroniqueur n’ait pas demandé à Pierre Joxe plus de précisions sur les conditions de son service militaire à Alger, dans les années qui ont précédé l’indépendance.

             Le chroniqueur poursuit, en sa qualité de professeur de philosophie, une comparaison audacieuse avec la situation de l’Allemagne : « En 1945, Karl Jaspers a donné un cours incroyablement lucide et courageux publié chez Minuit sous le titre «  La culpabilité allemande ». Il y distingue notamment la culpabilité juridique, qui concerne uniquement ceux qui se sont rendus coupables de crimes, de la culpabilité (1) politique, qui concerne un peuple tout entier, en tant que tel, y compris, Jaspers lui-même, bien qu’il ait été antinazi. »

            L’auteur précise dans une note de bas de page (1) : «  Dans le second cas, le terme de culpabilité n’a de sens que parce que le public auquel s’adresse Jaspers a connu le nazisme. Il ne convient bien sûr plus pour les générations suivantes et doit être remplacé par celui de responsabilité ou d’héritage. »

             Une comparaison audacieuse, pour ne pas dire une assimilation tout à fait suspecte, inacceptable entre les deux problématiques de l’Allemagne nazie et de la France coloniale.

             En référence implicite, ce type de réflexion « philosophique » confond naturellement le domaine algérien et le domaine colonial, une confusion qui arrange aussi le promoteur bien connu d’une soi-disant guerre des mémoires qui n’a jamais fait l’objet d’une validation scientifique.

          Je me suis demandé quels étaient les fondements du raisonnement philosophique proposé, quelles en étaient les sources ? Son passé familial, l’expérience d’un jeune professeur de philo à Alger à la fin du siècle passé, plus de trente ou quarante ans après les accords d’Evian, et quelques années après la deuxième guerre civile qui a ensanglanté l’Algérie ?

         Faute de mieux, j’ai analysé le contenu du roman « Le sermon sur la chute de Rome », un titre qui se propose de mettre le récit sous le patronage de Saint Augustin, dont la pensée, si j’ai bien compris, a nourri les études du romancier.

        Rien qu’à lire le titre, il y avait en effet de quoi toucher beaucoup de lecteurs, Rome, Saint Augustin, et la comparaison entre la chute d’un empire, colonial français, plutôt bref, qui eut beaucoup de mal à exister, même en Algérie, et celui de la Rome qui a duré plusieurs siècles.

            Une écriture allante, un roman qui entortille habilement l’histoire de deux jeunes corses autour du gros fil conducteur de la pensée augustinienne.

            Les deux « héros » en question, Mathieu et Libero, désertent leurs études, reviennent en Corse pour y tenir un bar, lequel devient très rapidement un refuge de beuveries et de débauches, avec ce qu’il faut de références coloniales, un père, Marcel,  qui fut à un moment donné de sa vie, fonctionnaire de l’Afrique coloniale, un oncle qui fut sous-officier colonial, avec inévitablement un séjour en Indochine, et « ses trafics abominables » (page 71), puis en Algérie, un autre parent officier, le capitaine André Degorce, qui fut également en Algérie (« la seule compagnie de ses mains trempées de sang » (p,145), une sœur, Aurélie qui fait évidemment des recherches archéologiques à Hippone, et qui connait Alger, avec pour finir l’émasculation de Pierre Emmanuel et l’assassinat du coupable, Virgile Ordioni, par Libero.

            Le roman n’est pas inintéressant, mais un lecteur qui dispose d’un minimum de culture coloniale ne peut s’empêcher de voir dans le fil de cette lecture qui se veut « augustinienne », le choix d’un décor, celui de la fin de l’empire colonial français, une intrigue truffée de ce qu’il faut d’ingrédients pseudo-historiques au gré de son fil idéologique, avec la question : que l’auteur de ce prix Goncourt connait-il de l’histoire coloniale française qui ne serait faite que de « crimes coloniaux » bien sûr, car la thèse idéologique qu’il défend est celle d’une France historiquement criminelle ?

            Le contenu du roman a au moins le mérite de faire référence à la multiplicité des relations coloniales qui existèrent entre la Corse et les colonies, et à leur rôle non négligeable, car les Corses y furent très présents pendant toute la période de l’empire.

            Décor de roman ou décor d’histoire ? Décor  de roman ou décor idéologique ? Pour l’inscrire dans un courant idéologique à la mode, même s’il commence à décliner, celui d’une histoire de France qui met en scène la célébration d’un culte victimaire, quel qu’il soit ?

            Au début de cette petite analyse, j’ai cité quelques-uns des prix Goncourt dont les auteurs avaient au moins le mérite d’une vraie expérience historique de témoins et d’acteurs.

         A la fin de son livre, l’auteur remercie les personnes qui lui ont apporté leur concours, notamment Jean-Alain Hauser : « Jean-Alain Hauser m’a permis de m’initier aux mystères conjoints de l’administration coloniale et des maladies tropicales dont jj me suis permis de déformer les symptômes en fonction de critères que je n’ose pas qualifier d’esthétiques ».

        Il convient de reconnaitre en effet que l’évocation de l’AOF coloniale est également toute en déformation.

      Et pourquoi ne pas conclure ces réflexions par celles-ci ?

1 – En dépit de tout ce que ces propagandistes racontent sur une France coupable de tous les maux de la terre, ils devraient se demander pourquoi tant d’Algériens et d’Algériennes sont venus se réfugier dans notre pays pendant la guerre islamiste des années 1990.

2- A voir tout autant beaucoup de jeunes algériens ou algériennes manifester leur désir ou leur volonté de venir dans notre pays, pourquoi ne pas se demander s’ils partagent aussi ce dégoût de l’histoire de notre pays ?

3- Le jour viendra, qui ne saurait beaucoup tarder, où les thuriféraires de ces mémoires tronquées et frelatées se trouveront discrédités, et où l’histoire rendra justice à tous ces citoyens de France qui se sont mis au service des habitants d’outre-mer, y compris pendant la guerre d’Algérie.

4- Enfin le vœu, si cela n’a pas déjà été fait, que le roman se voie couronner d’un Prix littéraire corse !!!

            Pour terminer, j’aimerais dire ma surprise, et sans être nécessairement bégueule,  de voir l’auteur en question publier une chronique hebdomadaire dans un journal comme La Croix, au risque d’y voir une recommandation faite aux bonnes paroisses de France de faire l’acquisition d’un ouvrage qui est aussi un hymne à la débauche.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés