« Français et Africains ? » Frederick Cooper, le témoignage du diplomate Michel Auchère

« Français et Africains ? »

Frederick Cooper

&

Situations coloniales et témoignages

6 d

La lecture parallèle de Michel Auchère, ancien diplomate en Europe, en Afrique, en Asie, et à l’ONU, de la décolonisation de l’Afrique noire

  1.          Une remarque préliminaire

               La décolonisation est en quelque sorte inhérente à la colonisation. L’Etat colonial a toujours été présenté comme une étape temporaire, provisoire (même si dans l’esprit des colonisateurs, le « provisoire «  était destiné à durer longtemps) avant l’émancipation politique, qui se traduirait par l’indépendance (ou son équivalent, l’assimilation complète – du type de celle réalisée par les Français dans les Antilles, en Guyane et à la Réunion)

         Le système des mandats de la SDN et celui de la tutelle des Nations Unies exprimait cette philosophie.

            L’historien Henri Brunschwig constatait dans un article publié dans une revue des années 1950 : la décolonisation « suppose le succès de la mission « civilisatrice » à laquelle prétendaient autrefois les nations européennes. »

            Aussi plutôt que des « causes » pourrait-on parler des facteurs qui ont influé sur la vitesse du processus.

  1.              Le climat international après 1945

On peut dire que de même que dans les années 1880, tout poussait à l’expansion coloniale, après 1945, tout poussait à la décolonisation.

La décolonisation était au programme des deux grandes puissances URSS et Etats Unis.

L’Organisation des Nations Unies était marquée de plus en plus par l’idéologie de la décolonisation (ses travaux et ses initiatives dans ce sens ont eu leur couronnement avec l’adoption en décembre 1960 de la « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux »)

L’indépendance des colonies a été l’une des premières revendications des pays non-alignés, à la création du mouvement à la conférence de Bandoeng en avril 1955.

Le premier jalon (africain) dans l’évolution en marche a été l’indépendance de la Gold Coast (devenue « Ghana) en 1956. Evénement qui ne pouvait qu’avoir des répercussions dans les territoires français voisins, en donnant des idées à leurs  dirigeants et les amenant à agir plus vite qu’ils ne l’auraient peut-être souhaité.

        La fin de la tutelle sur le Togo et le Cameroun, inévitable du point de vue de la communauté internationale, constituait un facteur d’accélération allant dans la même direction.

  1.           Absence d’obstacles majeurs

       Du côté des gouvernements français, les  « leçons de l’histoire » avaient été trop fortes : Dien Bien Phu, l’indépendance du Maroc et celles de la Tunisie, l’insurrection algérienne et son déroulement… pour qu’on puisse envisager un nouveau conflit de décolonisation.

       Et fait important, il n’y avait pas de population de souche européenne sur place à ménager.

        Les autres intérêts en jeu étaient d’ailleurs sans commune mesure avec ceux qui venaient d’être abandonnés. Qui peut le plus peut le moins. Et rien ne disait a priori qu’on ne pourrait pas les protéger à  l‘indépendance.

      Du côté des citoyens français qui s’intéressaient à l’AOF et à l’AEF ?

       Ceux qui en parlaient le faisaient de façon plutôt négative : le cartiérisme (« La Corrèze plutôt que le Zambèze »)

       De la part des interlocuteurs possibles africains

       Ce n’étaient pas des maquisards

       Que ce soit planifié ou non, les diverses étapes qu’avaient connues la vie administrative des territoires (Constitution de 1946, loi-cadre 1956-1957) avaient permis la mise en place de dirigeants qui avaient acquis une certaine expérience politique, et qui, ayant la plupart siégé dans des instances à Paris, connaissaient bien les rouages de la politique française.

       On se connaissait bien. Les conditions d’une décolonisation à l’amiable paraissaient réunies. De fait, c’est ce qui s’est produit, à l’exception de la Guinée.

      Les débats, qui ont le plus agité les Africains ont été ceux du cadre de l’accès à l’indépendance, celui du territoire ou celui de la Fédération (la question de la balkanisation)

  1.         Dans ces conditions, la décolonisation n’a pas été une rupture.

       La coopération a pris la suite de la colonisation. Des relations très étroites ont été longtemps maintenues. Certains ont parlé d’ « Etat franco-africain » en faisant les gros yeux. Le Président Houphouët- Boigny les a célébrés d’une certaine façon en lançant l’expression « France Afrique » (qui plus tard a été reprise de façon négative – la Françafrique – par ceux qui pensaient que la décolonisation n’était pas achevée.)

       Avec le temps, les relations entre la France et ses partenaires africains ont trouvé leur équilibre à un niveau plus bas, et même toujours plus bas du fait d’un certain déclin de la France. Le signal du décrochage de la France a été la dévaluation du franc CFA sous le gouvernement Balladur.

     Au terme de cette évolution, les relations se sont même inversées, ce que le journaliste Glaser   a décrit sous le terme « Africa-France »

     Ceci étant, et philosophiquement parlant, la « colonisation » n’étant que le reflet de l’inégalité entre les Etats, il n’est pas sûr que les Etats africains en aient fini avec elle.

     Ils le reconnaissent eux-mêmes en faisant constamment  appel aux concours extérieurs pour régler leurs problèmes (FMI pour leurs finances intérieures et extérieures, forces de maintien de la paix pour leur sécurité, ONG pour leurs services de santé …

     Michel Auchère, ancien diplomate en Asie et en Afrique, notamment au Ghana

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