LE MALI

LCP du 28 décembre 2021

« Mali, les sacrifiés du Sahel »

Peggy Bruguière, Marlène Rabaud

DébatDoc

Jean-Pierre Gratien

Avec la participation de deux excellents spécialistes de l’Afrique, Vincent Hugeux et Antoine Glaser

Le documentaire était intéressant et fort instructif sur la situation du Mali avec l’énumération des plaies qui touchent le Mali.

On redécouvre l’absence d’un État, car l’État colonial, antérieur aux années 1960 était un État artificiel avec des frontières artificielles, l’existence d’ethnies qui ne disent pas leur nom, n’en déplaise aux sociologues ou ethnologues « décoloniaux »  qui accusent la France d’avoir créé les ethnies, la diversité des cultures et des croyances, les réalités d’un clientélisme paternaliste chargé de « rémunérer » ses serviteurs, comme sous notre Ancien Régime, les fractures entre nomades et sédentaires, pour ne pas évoquer l’Algérie et le Sahara, etc..

Nous avons en France et depuis plusieurs dizaines d’années un problème de gouvernance de notre politique étrangère africaine, celui de la culture historique de nos dirigeants, et de plus en plus, celle de leur ignorance de la guerre, faute de connaissances sur le sujet et faute d’expérience des hommes sur le terrain.

Nous sommes revenus à l’époque des conquêtes coloniales, face à une Afrique noire encore inconnue.

Lors des conquêtes coloniales, les gouvernements ignoraient ce qui se passait sur le terrain, et depuis 2014, les gouvernements savent : ils nous  engagent  dans de nouvelles guerres, avec l’accord implicite du Parlement de la République Française.

Je me contenterai de proposer aux lecteurs deux chroniques que j’avais publiées sur mon blog les 25 janvier 2013 et 27 avril 2013.

Publiée sur le blog le 25 janvier 2013

La « Guerre » du Mali avec Hollande !

Mesdames et Messieurs, cessons de jouer sur les mots !

Entre Jules Ferry et François Hollande, quelle différence entre « fait accompli » colonial et « fait accompli » néocolonial ?

Le nouvel article 35 de la Constitution de 1958, une régression de la démocratie républicaine !

            1883 : Jules Ferry, Président du Conseil, fait la guerre au Tonkin, sans demander l’accord préalable du Parlement, alors que la Constitution de 1875 disposait dans son article 9: « Le Président de la République ne peut déclarer la guerre sans l’assentiment préalable du Parlement. »

            La Constitution du 27 octobre 1946 disposait dans son article 7 :

            « La guerre ne peut être déclarée sans un vote de l’Assemblée Nationale et l’avis préalable du Conseil de la République »

            2013, le vendredi 11 janvier, François Hollande, après avoir engagé les forces armées de la France au Mali, déclare quelques jours après : « cette décision que j’ai prise vendredi dernier ». 

Intervention ou guerre ? Il est évident qu’un Président de la République qui fait intervenir nos avions de chasse dans un pays étranger, fut-il réputé ami, accomplit un acte de guerre, avec un risque d’engrenage, engrenage qui a eu lieu, jusqu’à quand ?

La France est donc en guerre au Mali, et il n’est pas interdit de se poser de vraies et bonnes questions sur l’interprétation de l’article 35 de la Constitution, d’un article modifié par le Congrès du Parlement le 23 juillet 2008, et adopté par 539 voix, en grande majorité de la droite, contre 357 voix, en grande majorité de la gauche, mais à la majorité d’une voix seulement pour une majorité constitutionnelle des trois cinquièmes fixée à 538 voix.

Ironie de l’histoire, c’est aussi grâce à une voix, et le vote de l’amendement Wallon, que la Troisième République a atteint, en 1875, sa forme républicaine !

L’article 35 de la Constitution de 1958, celle du général de Gaulle, disposait :

« La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement »

Le Parlement, réuni en Congrès, le 23 juillet 2008 a modifié cet article de telle sorte que le Président de la République dispose à présent d’un droit de faire la guerre sans la faire, et sans le dire.

La Côte d’Ivoire, la Libye, et aujourd’hui, le Mali, sont l’illustration de ce nouvel état d’un nouveau droit constitutionnel qui ne dit pas son nom, car le nouveau texte dispose après l’aliéna 1, cité ci-dessus :

« Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

 Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. »

Très étrange rédaction et rédaction inacceptable !

Dans le cas du Mali, le Président de la République engage la France dans ce qu’il faut bien appeler une « guerre »  qui ne dit pas son nom. Le Parlement n’a rien à dire pendant quatre mois, et en dehors d’une session, le même gouvernement peut continuer à faire la guerre en attendant l’ouverture de la session  suivante.

Comment la représentation nationale a pu accepter ce déni de démocratie, d’une France en guerre par la décision de son Exécutif, sans qu’elle ait son mot à dire pendant quatre mois. ?

Après un débat sans vote, le gouvernement peut donc continuer son « intervention » militaire pendant quatre mois, sans demander l’autorisation du Parlement ?

En quatre mois, il peut s’en passer des choses, quand on fait la guerre !

Pourquoi ne pas se demander aussi à quoi peut bien servir la représentation nationale si elle est incapable de se réunir dans l’urgence et donner, ou non, son feu vert, sur un sujet aussi capital pour la vie de la nation qu’une entrée en guerre de la France dans un pays étranger.

Alors, guerre ou pas guerre ? Intervention de nos forces militaires ou guerre ? L’hypocrisie politique des mots !

Autorisation de l’ONU ou non, la France a engagé une nouvelle guerre en respectant la Constitution dans sa forme nouvelle, qui est en soi, une violation de la démocratie républicaine.

Étrangement les mêmes responsables politiques socialistes qui, en leur qualité de députés et sénateurs, les Hollande, Ayrault, Fabius, Bartolone, Bel, etc… avaient voté contre la réforme de 2008, ont endossé très facilement les nouveaux habits d’une République en guerre qui ne dit pas son nom.

En conclusion, pour avoir fait de nombreuses recherches historiques afin de déterminer où se situait le « fait accompli » colonial dans les institutions de la Troisième République, notamment à l’époque des conquêtes coloniales de Jules Ferry et de la Troisième République, soit du fait des exécutants, soit du fait des ministres eux-mêmes, et en avoir tiré la conclusion que le « fait accompli » colonial se situait le plus souvent dans la sphère gouvernementale, je serais tenté de dire que la décision Hollande et tout autant les décisions antérieures de Sarkozy pour la Côte d’Ivoire et la Libye ressemblent fort à des « faits accomplis » du type néocolonial.

Une véritable révolution dans notre conception et le fonctionnement de la République

Giscard a évoqué un néocolonialisme et il n’avait pas tort.

Et pourquoi ne pas rappeler aussi que dans un débat célèbre de la Chambre des Députés sur l’affaire du Tonkin, le 31 juillet 1885, un homme, Clemenceau, s’était élevé contre les initiatives intempestives de Jules Ferry ?

 Avez-vous entendu un homme ou une femme politique de la même envergure dans notre Parlement sur un sujet aussi grave que le Mali, mettre en demeure les députés de droite ou de gauche de prendre clairement position sur ce nouveau conflit ?

Au fond, l’article 35 les arrange bien tous, en leur donnant un drôle d’alibi, celui de la Constitution !

Jean Pierre Renaud      Tous droits réservés

Humeur Tique : France 2, le journal de 20 heures du 6 novembre 2011, un journal « citoyen », vraiment ?

      Tout d’abord, la dose habituelle d’informations que l’on donne au téléspectateur, et il était tout à fait normal d’évoquer l’assassinat sordide d’une petite fille de huit ans, de même que les graves inondations qui frappaient le Midi.

            Beaucoup plus étrangement, trois dossiers, si j’ai bien compris, la nouvelle « citoyenneté » des polyamours, une interview de Giscard, et la présentation d’un nouveau film intitulé « Toutes nos envies », car chacun sait que le présentateur est un accro de cinéma.

Tout d’abord, « bonne nuit les petits », un beau dimanche soir, la promotion d’une « nouvelle citoyenneté de l’amour », les polyamours « civils » !

 Il fallait quand même « oser » présenter ce dossier de société à une heure de grande écoute, en contrepoint peut-être d’une polygamie religieuse, et avec une avancée civique formidable, le polyamour « égalitaire », entre hommes et femmes, car on interviewait une femme heureuse de s’adonner au polyamour.

Est-ce bien le rôle d’une chaine publique de faire la promotion d’une affaire de mœurs ?

Deuxième sujet, Giscard était interrogé sur la situation de l’Europe, et son analyse aurait sans doute été intéressante, car l’homme est intelligent, mais son interview a été subitement interrompue pour nous passer un reportage sur le foot et le marathon de New York, sauf erreur.

Est-ce bien sérieux ? Y avait-il un pilote dans l’avion de ce journal ? Et y-a-t-il un pilote dans l’avion de la Télévision Française, dite « publique » ?

Et un dernier mot sur le film présenté, une actrice charmante et vivante aux côtés d’un acteur qui dormait, non pas debout, mais quasiment assis.

Non seulement Lindon dormait, à moins qu’il ne s’agisse d’autre chose, mais on préfère lui donner la parole. Il est vrai qu’il a dit apprécier le fait d’appeler Giscard président, car il honore et honorait cette fonction.

Après tout, ces propos justifiaient-ils amplement la venue de Giscard, sans qu’il ait à parler…

Election présidentielle 2012, Stratégies, Directe ou Indirecte?

Quelles stratégies pour l’élection présidentielle 2012 ?

Le direct ou l’indirect ?

            Et puisque les partis politiques et tout autant les médias ne pensent plus qu’à ça, esquissons quelques réflexions sur la problématique des stratégies des candidats à cette élection.

            Il faut d’abord revenir aux enseignements de la stratégie militaire, ceux des Sun Tzu, Clausewitz, et Liddell Hart, pour ne citer que les principaux.

Deux adversaires positionnent leurs forces sur une ligne d’attente, et tentent de l’emporter, soit à la suite d’un affrontement direct, une bataille d’extermination, soit à la suite d’une manœuvre indirecte de contournement qui démoralise l’ennemi, précisément en dehors de cette ligne d’attente, là où l’adversaire est faible.

Les occidentaux ont très souvent mis en œuvre des stratégies de guerre directe,  alors que les Asiatiques (fidèles aux enseignements de Sun Tzu) ont très souvent donné la préférence au détour, au leurre, à l’usure, à la démoralisation.

En Occident, les Anglais ont incontestablement été des familiers des stratégies indirectes.

Dans son livre « Carnage et Culture », Victor Davis Hanson a proposé des analyses très intéressantes, et fort bien documentées, sur le penchant qu’on toujours eu les civilisations occidentales pour l’affrontement direct, en face.

Que faut-il en tirer dans le cas d’une élection présidentielle ?

Cette élection se joue sur une ligne d’attente entre un candidat et les électeurs, et tout le problème d’un candidat ou d’une candidate va être de savoir à quel moment il faut sortir de sa propre ligne d’attente, c’est-à-dire être candidat, et donc en position d’affronter concurrents de droite ou de gauche (à la condition  d’avoir un projet politique).

Tant qu’un candidat potentiel ne s’est pas porté candidat officiel, il bénéficie d’une sorte de protection indirecte : on le ménage, on ne le craint pas, on essaie de le faire sortir du bois.

Mais à un moment donné, le candidat, non déclaré, qui a des chances de l’emporter, est dans l’obligation d’afficher son ambition, et tout change alors dans le positionnement des forces sociales, culturelles et politiques, amies, ennemies, ou neutres.

Il est donc évident que dans ce jeu stratégique les chances des différents candidats sont inégales et que ceux qui ont découvert leur jeu très tôt, souvent les seconds couteaux, ont peu de chances d’aller jusqu’au bout, à la fois par insuffisance de notoriété et par usure prématurée de leurs forces, tant ils ont été les premiers à subir l’épreuve du feu, c’est-à-dire du direct.

La stratégie politique indirecte n’intéresse donc véritablement que les poids lourds de la politique, ceux qui peuvent prendre le temps de déclarer leur candidature, et donc de passer à l’action directe au moment qu’ils estiment être le plus opportun, le plus efficace politiquement.

Dans l’histoire électorale récente, Giscard en 1981, et Balladur, en 1995, bons candidats de l’indirect, ont laissé échapper leur chance de réussite, en tardant à passer à la confrontation directe, car à un moment donné, il faut passer au direct.

Mais me direz-vous, Présidents ou Premiers Ministres sortants et candidats, peuvent éviter de passer au direct le plus longtemps possible, si le camp de leurs adversaires est très divisé, et c’est vrai !

Et dans ce grand jeu du direct et de l’indirect, toute la question est de savoir quel poids peut avoir le programme politique par rapport au poids du candidat, à son capital image, compte tenu de la difficulté qu’il y a aujourd’hui à définir un programme dit de gauche ou dit de droite, d’où le risque de donner une prime indirecte aux hommes ou aux femmes, et donc, non aux idées.

Et en ce qui concerne l’élection présidentielle 2012, elle risque bien de se jouer par le détour de la mondialisation, entre FMI et G20, si l’« imam caché » auquel rêvent certains socialistes, décidait de se présenter à cette élection.

La situation stratégique politique actuelle parait être très volatile, aussi bien sur le plan national qu’international, et dans son état actuel, elle préfigurerait des recompositions politiques attendues ou inattendues.

Jean Pierre Renaud

Ce type d’analyse avait été effectué dans un essai qui avait intéressé le général Gambiez, publié sous le titre « Chemins Obliques ou Stratégies Indirectes » Editions JPR- 1998