Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ? 4 – Les Affiches

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Les Affiches et la Publicité

         De belles affiches oui ! Mais combien, avec quel tirage et quel affichage selon les années ?

         Mes enquêtes (entre autres à la BNF) démontrent que le corpus examiné et considéré comme source historique quantitative et qualitative représentative, ne l’est pas.

         Vaste sujet ! Dont les éléments ont fait l’objet d’une grande évolution entre 1880 et 1945, puis d’une véritable révolution, après la deuxième guerre mondiale, avec la prolifération des photos et des images télévisées.

          Inutile donc de préciser qu’avant toute appréciation sur l’importance de la publicité comme vecteur d’une propagande coloniale, les chercheurs devraient tout d’abord quantifier l’évolution de ces supports : combien d’affiches éditées en 1900 ou en 1930, quel  a été leur tirage, leur affichage en termes de panneaux… ? et tenter de mesurer leur influence par rapport aux autres vecteurs d’information.

       Outre le fait qu’il parait difficile d’interpréter une affiche, la rhétorique utilisée dans ses signifiés et ses signifiants, comme le précisent les sémiologues, les messages adressés, en descendant tout simplement d’une chaire d’histoire quand il y en a une … ?

     Ce grand flou méthodologique leur permet d’avancer les hypothèses historiques les plus audacieuses, pour ne pas dire les plus sottes…

        Est-il possible de défendre l’idée d’après laquelle la publicité commerciale a été un  des facteurs de la constitution d’une culture coloniale française, aux côtés des livres scolaires, des journaux, des expositions et des cartes postales coloniales, et du cinéma lui-même ? Et si oui, à partir de quelles preuves et de quelle démonstration de statistique historique ? 

            Dans le livre Culture Coloniale, une historienne écrit :

          « Le discours fut véhiculé par des médias touchant des millions d’individus, permettant de répandre et d’enraciner le mythe d’une colonisation « bienfaisante et bienfaitrice », et surtout légitime, dans l’inconscient collectif. » (CC, p,143)

        J’ai souligné quelques mots importants.

        Les sources 

        Le Colloque de janvier 1993 :

         Deux communications y furent faites, l’une sous le titre « Africains et colonisation dans l’affiche politique française » (C,p,61), par le conservateur Gervereau, la deuxième par l’historien Debost, sous le titre « La publicité lave plus blanc » C,p,97), historien qui avait été associé à la préparation de l’exposition Négripub de 1987, à la bibliothèque Forney.

        Le conservateur Gervereau faisait observer qu’avant 1914, l’affichage politique était totalement textuel, et que pour la période postérieure : « L’Afrique demeure ainsi, dans l’ensemble, un thème marginal dans l’affichage politique hexagonal. »(C,p,66)

       Dont acte !

      L’historien Debost évoquait la gigantesque campagne publicitaire du projet colonial (C,p,97), mais il est précisé en note 2, à la même page, et cette note est capitale pour la suite de l’examen :

     « Toutes les affiches présentées dans cette communication peuvent se retrouver dans l’ouvrage qui vient d’être publié « Négripub, l’image des Noirs dans la publicité » ou dans le catalogue de l’exposition édité en 1987. »

          Afin d’examiner sérieusement si la thèse défendue tenait la route historique, je me suis rendu à la BDIC de Nanterre, à la BNF, et je me suis procuré le catalogue de l’exposition Négripub de 1987, et les résultats de mon enquête contredisent la thèse défendue par ce collectif de chercheurs.

       A la BNF, aucune statistique n’est disponible. Ni inventaire, ni recensement, et la matière est difficile, compte tenu de la très grande diversité des images déposées, et de la grande incertitude qui pèse sur la fiabilité des dépôts par les éditeurs.

       Toujours est-il que nous avons procédé à un pointage des cahiers d’enregistrement du dépôt légal, cahiers microfilmés, pour un certain nombre d’années  de référence, en mettant en regard le nombre d’affiches de Négripub et celui des microfilms du dépôt légal.

      En voici les résultats :

      Année – Négripub- BNF          Année – Négripub –  BNF

     1900           0                8            1930             3             1242

     1910           6               55            1931            5               573

     1925           6             101            1938            0               721  

     Quant à l’interprétation des affiches, je laisse le soin aux lecteurs intéressés de se reporter aux quelques pages que je lui ai consacrée dans mon livre, une interprétation qui laisse loin derrière elle toute appréciation historique et sémiologique de son sujet.

         Nombreux furent les participants à ce Colloque savant de 1993 qui posèrent d’ailleurs la question de l’interprétation historique des images.

(Chap VI Affiches, pages 145 à 168, Sup Col)

JPR  – TDR

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale; le livre « Images et Colonies » – II

II – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le livre « Images et Colonies

Les contenus

      Une première question se pose évidemment quant à l’objet de cette publication, alors qu’à lire celui de l’association Achac son objet est différent, « L’Afrique contemporaine », et qu’il s’agit ici de la métropole, et  non de l’Afrique.

         Sous la signature de Pascal Blanchard, ce dernier fait état d’un chiffre  de plus d’un million d’images qui auraient été analysées, et la BDIC indique qu’elle a mobilisé plus de 20 000 images de presse et d’images de propagande.

       Nous reviendrons sur les chiffres du postulat de l’échantillon «supposé », car il s’agit d’un postulat postcolonial qui n’a pas été démontré, ni au Colloque, ni dans cet ouvrage, alors qu’il s’agit d’une des sources majeures du débat.

     L’ouvrage contient un ensemble de contributions souvent intéressantes sur le thème choisi, rédigées par de nombreux chercheurs connus ou moins connus, sinon, inconnus, mais peu de dénombrements d’images par thème et par chronologie.

       Sauf exception, les auteurs ont simplement donné quelques chiffres des images et des illustrations d’images qu’ils ont choisies, avec une numérotation.

         Il est important de proposer une synthèse de ces contributions, d’en préciser les enjeux et les limites, étant donné la place que ces travaux de recherche historique  a occupée dans la préparation du Colloque de janvier 1993.

        La lecture des Actes du Colloque, de même que celle de ce livre, fait apparaître de nombreux écarts d’interprétation entre leurs contenus et les présentations qui en sont faites par les animateurs de l’Achac, et encore plus avec le contenu des thèses du modèle de propagande postcoloniale Blanchard and Co développées plus tard dans leurs livres.

       Ces écarts de méthode historique, sémiologique, et statistique, pour ne pas dire biais ou détournements, méritent d’être relevés et contestés sur le plan scientifique.

       Cet important travail de documentation effectué par l’Achac et la BDIC, mais pose en effet de multiples questions de méthode, compte tenu du ou des postulats de recherche posés et de leur interprétation historique, notamment celle proposée par les animateurs de l’Achac.

Résumons ces questions de méthode :

Le postulat implicite retenu : ces images « coloniales » seraient représentatives des situations de culture coloniale ou impériale des Français et des Françaises de métropole entre 1880 et 1962, date des indépendances des colonies, des situations historiques crées par la propagande coloniale, selon le déroulement chronologique ci-après :

     I –  Exploration Conquête Exotisme (1880- 1914) (p,15 à 72)

     II – Quand les Africains combattaient en France (1914-1918) (p,72 à 96)

     III – L’Apogée coloniale (1919-1939) (p, 96 à 184)

     IV – L’enjeu impérial (1940-1944) (p,184 à 218)

      V – Propagande économique Décolonisation (1945-1962) (p, 218 à 264)

      VI –  Autres regards (p, 266 à 288)

Un échantillon représentatif des situations historiques ?

S’agit-il d’un échantillon représentatif des situations culturelles décrites ? Première question clé, et si oui pourquoi ne pas avoir indiqué comment cet échantillon a été déterminé ?

       Quelle est la cohérence statistique de cet échantillon ? Les corpus d’images présentés sont- ils représentatifs des réalités historiques décrites dans leur contexte chronologique des années 1880-1914, 1914-1918, 1919-1939, 1940-1944, 1945-1962 ?

       Faute d’explications par les auteurs de cette documentation, nous avons considéré que l’ensemble des images constituait aux yeux des chercheurs qui ont piloté la sélection l’échantillon représentatif en question, et c’est donc cet échantillon qui va faire l’objet de notre examen.

      Il s’agit d’une imprécision méthodologique qui ébranle sérieusement les leçons de cette histoire postcoloniale supposée quantitative.

        La pointe d’un iceberg : cet échantillon propose une image paradoxale du domaine colonial, car les « coloniaux » en séjour ou de passage, et quelle que soit leur catégorie sociale ont laissé un héritage très important d’images et de mémoires, dont le dénombrement n’a rien à voir avec ce type de sélection centrée sur la métropole.

       Un effet de loupe, d’autant plus que beaucoup des discours historiques proposés sont souvent très indigents en ce qui concerne le dénombrement des vecteurs de culture examinés, leur « tirage », leur diffusion, et encore moins en ce qui concerne leurs effets dans l’opinion publique. Au Colloque, Mme Hugon avait évoqué ce type d’effet.

       En d’autres termes, leur thèse est hypothéquée par un effet de loupe que de jeunes statisticiens pourraient mettre en évidence assez facilement.

       Quel impact ? Que dire de la mesure des effets de ces images sur la culture des Français et des Françaises que cette documentation ne permet aucunement d’éclairer, avec le trou béant de la presse ?

      En quoi, l’échantillon supposé représentatif des images coloniales de l’époque permet-il de répondre aux questions posées ? Dans quelques cas seulement !

        L’ignorance de la sémiologie : à supposer que les corpus proposés soient considérés comme des éléments d’un échantillon sui generis, il est également tout à fait surprenant que les chercheurs-auteurs des contributions se soient lancés dans toutes sortes d’interprétations, sans faire appel à des sémiologues.

       L’histoire des images pourrait se passer de cette nouvelle discipline, de l’héritage d’un Barthes sur les signes ?

        Le champ géographique de la thèse historique proposée : à lire l’ensemble de ces contributions, s’agit-il de la métropole, de l’Europe, ou encore de l’Occident ? Ou tout simplement de la France métropolitaine ?

         Dans la présentation générale de l’ouvrage figure par exemple cette phrase en forme d’une conclusion qui ne manque pas d’ambition : « Les découvrir aujourd’hui, permet de réfléchir sur les rapports complexes que l’Occident entretient avec ce continent. »

      Nous mettrons en évidence les écarts d’interprétation entre le commentaire de présentation qui est fait par les chercheurs de l’Achac et le contenu de la plupart des contributions qui figurent dans cet ouvrage important, alors que  certaines d’entre elles nuancent très sérieusement leur discours ou même le contredisent clairement.

        Il en a été de même, comme nous l’avons déjà vu, entre la présentation Blanchard-Chatelier du Colloque de 1993 et le contenu des Actes du Colloque eux-mêmes.

       Nous allons revenir rapidement sur les chiffres, l’interprétation, les écarts de lecture historique entre les commentaires de présentation de type Achac et le contenu des contributions.

     En premier lieu, les chiffres de l’ « échantillon » ou le comment ? :

      Alors que ces données sont capitales pour interpréter les corpus des images proposées, la lecture des deux sources citées ne permet pas de connaître la méthode choisie pour sélectionner les images, les critères retenus, période par période, pour chaque champ géographique, et pour chacun des thèmes.

      Dans leur introduction aux Actes du Colloque, Pascal Blanchard et Armelle Chatelier écrivaient : « L’étude du thème colonial dans la production iconographique du XXème siècle révèle un volume d’images très important dont l’estimation reste à faire… Nous nous attacherons ici à ne présenter que des images dont on peut évaluer la diffusion et qui, par conséquent, ont été vues par les Français…. Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports, évoquent un véritable bain colonial. » (pages 13,14)

        J’ai souligné les mots qui font question !

        De la prudence donc quant à « l’estimation », la même année que la publication de cet ouvrage, alors qu’à la page 8, Pascal Blanchard écrit :

       « … Son groupe de recherche (Achac) a  recensé plus d’un million d’images qui ont été analysées au sein de son séminaire… » ) 

        Dans leur introduction, Nicolas Bancel et Laurent Gervereau écrivent :

     « Douze mille images sélectionnées ont permis une clarification méthodique des thèmes et des supports, étape indispensable pour dresser une histoire des représentations coloniales. » (p,10)

     Question : les images reproduites dans l’ouvrage pour chacune des périodes et pour chaque thème analysé correspondraient à un échantillon représentatif, au moins par période chronologique ?

      L’ouvrage compte, sauf erreur, 671 reproductions d’images, 167 pour la première période, 56 pour la deuxième, 215 pour la troisième, 66 pour la quatrième, 108 pour la cinquième, et 59 pour la sixième.

     Les deux animateurs de la production proposent, à eux deux, hors leurs textes de présentation ou de conclusion, plus du quart des textes et des images : 76 pages de texte (soit 27% du total) et 168 images (soit 25% du total).

     Dans sa contribution, Pascal Blanchard propose une analyse de la propagande coloniale au temps de l’occupation allemande et ne consacre qu’une seule page à la presse de cette époque. Nicolas Bancel tente de décrire la propagande économique pour la période 1945-1962, mais en faisant une assez large impasse sur les chiffres, le cadre tout à fait nouveau du FIDES, et le fait que l’outre-mer avait basculé dans un monde nouveau.

     Pourquoi ne pas noter que dans la liste des exercices de démonstration d’une propagande coloniale qui aurait immergé la France dans un véritable « bain colonial », Sandrine Lemaire, historienne et propagandiste postcoloniale de la propagande coloniale dans les livres ensuite publiés est aux abonnés absents ? Elle ne figurait d’ailleurs pas dans la liste des participants au Colloque.

     Le thème de propagande coloniale ayant été au cœur de la démarche, il convient de noter d’ores et déjà que les contributions de deux historiens sérieux, Charles-Robert Ageron et Gilbert Meynier, tempèrent sérieusement le discours Blanchard-Bancel, pour ne pas dire le contredisent.

      Le rôle que le livre scolaire a pu jouer dans l’éducation coloniale des enfants a fait l’objet de contributions d’autant plus intéressantes qu’à la différence des autres contributions, elles sont riches en chiffres, lesquelles ne concluent pas à un effet propagande.

      Est-ce que les nombreuses pages de Pascal Blanchard sur « L’enjeu impérial », c’est-à-dire la période de Vichy de trente mois, puis l’Occupation Allemande complète du territoire, ne vient pas, historiquement, démontrer le contraire de ce que l’auteur a voulu démontrer : est-il possible de raisonner comme s’il y avait eu une continuité entre la Troisième République et Vichy, entre une propagande républicaine « anémique » et une propagande dictatoriale fasciste et allemande ?

    L’analyse de la presse pendant la période coloniale n’a quasiment fait l’objet d’aucune contribution chiffrée et argumentée, alors que le vecteur en question était un des rares à pouvoir faire l’objet d’une évaluation des effets d’une propagande coloniale supposée, dans la presse nationale et provinciale, avec leur nombre d’articles par période chronologique, en colonnes et en surfaces, en contenus, etc…

      Il s’agit à mes yeux, et comme je l’ai relevé à maintes reprises, d’une des grandes lacunes de l’histoire coloniale et postcoloniale qui s’est cantonnée le plus souvent dans l’histoire des idées ou des faits, sans aborder l’histoire quantitative.

     Indiquons enfin que l’ouvrage contient deux contributions au contenu fort intéressant sur la sculpture et la peinture illustrée de belles images que n’importe quel expert aurait sans doute de la peine à classer dans la catégorie de la propagande coloniale.

     Comme nous l’avons indiqué, nous proposons un tour d’horizon de classement rapide et synthétique des pages de l’ouvrage, en mentionnant à chaque fois, si leur contenu est intéressant : Intérêt – i = oui-non – marqué par l’exotisme – ex = oui-non – marqué par la propagande – Prop. = oui-non – ? –

     Le lecteur pourra constater que la mention Prop.=oui  est plutôt rare, alors qu’il s’agit d’une des pièces maîtresses de leur thèse.

      Question : histoire méthodique ou manipulation idéologique ?

        Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? Conclusion – Le vrai du faux ou les biais et détournements historiques d’interprétation des images coloniales ?’interprétation

Conclusion

Le vrai du faux ou les biais et détournements historiques d’interprétation des images coloniales ?

Les « manipulations historiques » ?

       A la lecture des discours des deux historiens Blanchard et Bancel, pourquoi ne ferais-je pas part d’un aveu, celui de l’impression que je ressens en permanence, celle du souvenir lointain de mes études, en particulier celui des lectures de  Pascal sur les fausses sciences, tout autant que celui de la discipline intellectuelle de mon ancien métier, car sous couleur d’affirmations gratuites, quelquefois de doute, leur prose avance masquée ?

Le débat de fond : s’agit-il d’histoire des idées ou d’histoire quantitative ?

        Il s’agit d’un thème historique que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises sur ce blog notamment à deux occasions, l’analyse du livre de Sophie Dulucq « Ecrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale », et auparavant, des livres d’Edward Said « L’Orientalisme », « Culture et Impérialisme », notamment avec le concept séduisant de « structures d’attitudes et de références ».

        Dans l’histoire coloniale, Jacques Marseille avait fait faire un bond de méthode historique dans ce domaine avec les livres qu’il avait publiés sur l’impérialisme français et ses résultats, et ici même Charles-Robert Ageron a introduit la mesure des premiers sondages d’opinion dans ses analyses.

         Le problème que posent à la fois les Actes du Colloque de janvier 1993 et ce livre est que leurs animateurs posent comme principe de leurs analyses et discours, un concept de postulat d’échantillon représentatif dont on ne connait ni la méthode ni les résultats : à cette lecture, on en retire évidemment l’impression qu’on « joue » avec les chiffres, car il y en a, mais sans que l’on puisse les considérer le plus souvent comme des sources d’accréditation.

     Au Colloque lui-même, deux historiennes réputées et un historien également réputé, bons connaisseurs de l’histoire algérienne et coloniale, ont avancé  comme clé d’interprétation historique « l’inconscient collectif ».

         Dans de telles conditions, un doute sérieux plane sur le caractère historique et scientifique de ces démonstrations, d’autant plus que les animateurs de l’Achac ont proposé, comme argent historique comptant des interprétations qui se sont écartées du contenu des communications publiées

Ecarts ou biais d’interprétation

Le cas des Actes du Colloque de janvier 1993

       Afin  de pouvoir apprécier la cohérence « scientifique », ou en tout cas statistique ou historique, des discours de propagande postcoloniale du modèle de propagande Blanchard end Co dans les nombreux livres qu’ils ont publiés quelques années après ce Colloque de 1993, et la publication du livre « Images et Colonies », il n’est pas inutile de rappeler en effet que dès la publication des Actes du Colloque et celle de ce livre, les animateurs de l’Achac avaient pris quelques libertés  d’écriture dans la présentation et l’interprétation de ces travaux.

       Si le lecteur a pris la peine de prendre connaissance de la sorte d’inventaire que nous lui avons proposé pour la lecture de ce livre, comme de celle des Actes du Colloque de 1993, il a  pu se rendre compte que le rôle prêté à une propagande anémique ne pouvait suffire à démontrer  qu’elle avait marqué, réussi à imprégner le fameux « imaginaire » des Français et des Françaises, à la fois pendant la période coloniale et de nos jours.

       Il faut ouvrir ce débat sur le fameux « imaginaire » cher à Benjamin Stora, entre autres, que personne n’a eu le courage de mesurer, s’il est possible de le mesurer, mais pourquoi pas ?

      J’attends toujours qu’on nous propose une analyse scientifique et statistique de notre imaginaire colonial et de notre mémoire coloniale, tout autant que de notre ça colonial, « l’inconscient collectif ».

       Revenons aux textes qui caractérisent les écarts entre la présentation et les contenus:

Dans leur introduction des Actes du Colloque de 1993, Pascal Blanchard et Armelle Chatelier, distribuaient déjà quelques-unes de leurs cartes.

       Citons quelques-unes de leurs assertions – j’ai souligné quelques mots  qui ne reflétaient ni le contenu des communications, ni les conclusions de ce colloque :

       L’image ? « Elle fut l’allié puissant du colonialisme – en tant que système et structure idéologique, économique et politique – et fut en France, le miroir dans lequel celui-ci put admirer son œuvre en même temps qu’il l’élaborait… Ces représentations, véhiculées par une multitude de supports, se sont immiscées tant dans la vie quotidienne que dans la vie publique. Leurs influences nous semblent prépondérantes, puisque la grande majorité des Français n’a connu le fait colonial et le colonisé que par le prisme déformant de ces images…» (p,12)

      Les deux auteurs notent que « L’étude du thème colonial dans la production  iconographique du XX°siècle révèle un volume très important d’images dont l’estimation reste à faire… Nous nous attacherons ici à ne présenter que des images dont on peut évaluer la diffusion (faux ) et qui, par conséquent (faux), ont été vues par les Français… Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports évoquent un véritable bain colonial »  (p, 13)

      .. Ce bain colonial est-il le fruit d’une volonté politique. Comment les images s’inscrivent-elles dans le cadre colonial français ? Comment ont elles fonctionné jusqu’aux indépendances ? En quoi ont elles contribué à fabriquer une certaine représentation de l’ « indigène » ou pour la période actuelle, de l’« immigré… » ?

      Il semble que ces images soient devenues des « réalités » pour une majorité de Français, qui ne doutent pas de leur véracité. » (p,15)

      Nous y voilà ! J’ai envie de dire, Maréchal nous voilà ! Comme dirait un spécialiste de Vichy !

Le cas du livre «  Images et Colonies »

Examinons successivement les biais relevés :

        D’entrée de jeu, les animateurs du binôme Achac-BDM posent leurs jalons idéologiques, avec le but évident d’orienter la lecture des contributions savantes qui y figurent dans le sens souhaité.

1 – Au dos de la couverture, une présentation générale :

       « Trente ans après les indépendances, cet ouvrage fait le bilan de l’histoire coloniale de la France à travers l’extraordinaire diversité de l’iconographie produite de la fin du XIX°siècle aux années 60…

       Rien que cela ? Le bilan de l’histoire coloniale de la France ?

       Ces images ont profondément marqué les mentalités et forgé la conscience coloniale des Français. Dès les années 20, s’organise une véritable propagande sur l’Empire : convaincre les Français du bien-fondé de la mission civilisatrice, comme lors des fastes de l’Exposition coloniale en 1931, ou magnifier le goût du raid Citroën, deviennent une priorité. L’Afrique fut essentiellement connue durant ces années à travers ces images. Les découvrir aujourd’hui, permet de réfléchir sur les rapports complexes que l’Occident entretient avec ce continent. »

      A la lecture   attentive de cet ouvrage intéressant, il est difficile d’entériner le propos que j’ai souligné.

       Autre exemple d’écriture « historique » biaisée à la page 8, sous la signature de Pascal Blanchard, sous le titre qu’appréciera sans doute tout historien qui se respecte :

2 – AVANT

« IL EST TEMPS DE DECOLONISER LES IMAGES » (page 8)

       « Pour aborder cette question nous avons travaillé sur les images vues par un large public français à l’époque coloniale de la fin du XIXème siècle aux indépendances et qui s’immisçaient dans la vie sociale d’alors… Des images qui entretenaient un rapport étrange entre la fiction, la symbolique et le réel, et devenaient à force de diffusion et de matraquage, un message de propagande capable de séduire un large public. Dans la continuité des écrits de Gustave Le Bon et de sa « Psychologie des foules », les propagandistes d’alors ont largement repris son slogan : « La foule pense par l’image ».

        Le nouveau roman postcolonial enchaîne : « la négation de l’autre »… le « héros blanc ». Aujourd’hui encore, ces images restent présentes dans la production iconographique. Il faut donc s’attacher à mieux connaître ces images d’hier et décoder leur pouvoir de séduction et de conviction, pour appréhender différemment les représentations actuelles de l’Afrique et des Africains….

     En effet, la majorité des métropolitains ont connu le fait colonial et les Africains à travers le prisme déformant de cette iconographie…

Des images du passé qui interpellent aujourd’hui notre conscience et qui soulignent explicitement comment les Français ont pu être séduits et/ou trompés par ce qui fut pendant près d’un siècle une véritable propagande…

Mais notre réflexion ne porte pas uniquement sur le passé. Née d’une interrogation sur le présent, elle passe par l’analyse de représentations anciennes pour comprendre des phénomènes contemporains…

      Et grâce à ce tour de passe-passe, à des cartes biseautées, le nouveau roman postcolonial mêle habilement fausse science et interrogation de frère prêcheur !

3 – INTRODUCTION

Nicolas Bancel Laurent Gervereau (page 10)

       « Douze mille images sélectionnées ont permis une clarification méthodique des thèmes et des supports, étape indispensable pour dresser une histoire des représentations coloniales… (page 10)

    … ce travail permet de souligner le passage entre des images « spontanées » sur l’Afrique, à l’ère de la colonisation et des explorations, et une véritable propagande organisée après la Première Guerre  mondiale…

      … Sans chercher, ni à perpétuer une quelconque nostalgie, ni à dresser un simple procès de la colonisation, nous souhaitons que ces réflexions, ces rappels historiques, et ces décryptages d’ensembles iconographiques, permettent au-delà des outrances, une meilleure compréhension de chacun. Dans cette perspective, il nous semble plus que jamais indispensable de poursuivre ces recherches, afin de défricher le large champ des questions qui s’est ouvert devant nous. »

Commentaire : le contenu de cette introduction dénote incontestablement avec celui de la page 8 sous deux réserves méthodologiques liées au premier postulat d’une propagande coloniale organisée, et au deuxième postulat d’un décryptage des « signes » qui puisse accompagner l’analyse historique.

Conclusion générale :

     1) Les synthèses de présentation proposées ne correspondent pas au contenu des deux sources citées,

      2) Les contenus des deux sources citées correspondent à un échantillon supposé représentatif dont on ignore la méthode d’élaboration, sur la base de chiffres et de données variables et mal établis,

         3) A supposer même que cet échantillon soit effectivement représentatif, l’analyse des contenus et des statistiques d’évaluation des vecteurs de propagande et de leurs effets ne permettent pas de conclure à la pertinence des discours pseudo historiques de ce modèle de propagande.

        Cette analyse montre donc qu’en raison, soit de la carence des sources consultées et des évaluations faites, soit des biais  d’interprétation historique relevés, il existe à l’évidence un soupçon grave et concordant de manipulation historique, c’est-à-dire de propagande postcoloniale !

                Jean Pierre Renaud    –    Tous droits réservés