France-Algérie – Le Monde du 21 mai 2010 – Contre-enquête: peut-on réconcilier les mémoires

 Le deuxième sous-titre: « Cinquante après, est-il possible d’écrire une histoire commune? » est à lui seul l’illustration parfaite du mélange des genres permanent entre mémoire et histoire, de la confusion qu’entretiennent, entre autres, certains des historiens cités dans les deux pages. (Voir mon commentaire du livre de Stora intitulé « La guerre des mémoires », blog du 25 avril 2010)

    Sur le projet de fondation envisagé pour la mémoire de la guerre d’Algérie, une seule remarque: que vient faire l’Etat dans cette affaire? Laissons le soin aux différents groupes de pression, et Dieu sait s’ils sont nombreux, de défendre leur mémoire, en soi respectable.

    Le journal donne la parole à l’historien Harbi, ancien responsable du FLN, pourquoi pas? Mais je ne serai sans doute pas le seul soldat du contingent de cette sale guerre à manifester ma surprise.

    Je me contenterai de citer à nouveau, et à ce sujet, le grand historien, et non mémorialiste, Marc Bloch:

    « Le grand piège des sciences humaines, ce qui longtemps les a empêchées d’être des sciences, c’est précisément que l’objet de leurs études nous touche de si près que nous avons peine à imposer silence au frémissement de nos fibres  » (Fustel de Coulanges-1930)

     De quoi encore plus « frémir » de nos jours!

     Et de façon plus anecdotique, que penser des références Blanchard et Bancel, le premier, plus « montreur » d’images coloniales qu’historien, et au surplus « historien entrepreneur », le deuxième dont la thèse de doctorat a porté sur un sujet scientifique tout de même assez restreint, « Les mouvements de jeunesse et sports dans l’évolution institutionnelle et politique de l’AOF (1945-1960)

    Et en ce qui concerne les pensions, est-ce que ces anciens appelés n’ont pas demandé cette fameuse pension? Sans quoi ils n’en seraient pas attributaires? Donc repentants?

  Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: des crevettes de Madagascar et de notre histoire coloniale

 Une grande chaîne de supermarchés de l’ouest de la France a lançé une campagne de souscription en faveur de la construction d’un lycée à Madagascar: bravo!

      Si vous achetiez un kilo de crevettes de la Grande île, vous donniez un euro pour cette bonne et noble cause.

      Elles sont d’ailleurs excellentes, comme d’habitude, et je vous les recommande. Conseil tout à fait désintéressé!

      Deux questions  ont été posées aux quatre vendeurs du rayon « marée », trois femmes et un homme, de la génération 30-40 ans:

     Première question: savez-vous où se trouve Madagascar? Réponse; deux disent en Afrique, sans pouvoir préciser la localisation, les autres ne savent pas.

    Deuxième question: Est-ce que Madagascar a été une colonie française? Trois ne savent pas, le quatrième répond, interrogatif,  « une colonie anglaise?

    De quoi sans doute rassurer les zélateurs d’une histoire coloniale qui aurait marqué la mémoire des Français, et , plus sûrement encore, leur inconscient collectif.

   Ce petit sondage n’est bien sûr pas représentatif, mais il nous invite, une fois de plus, à mesurer sérieusement les fantasmes qui planeraient sur notre mémoire nationale.

Lecture du livre « Diversité contre égalité »: un titre qui se suffit à lui-même

Une lecture pour ouvrir l’esprit !

Le petit livre « Diversité contre égalité » de Walter Benn Michaels

            Le titre à lui seul éclaire le contenu d’un petit livre tonique sur le plan intellectuel, culturel, et politique. L’ouvrage part d’un constat sans concession de la situation américaine, en ce qui concerne la diversité, le respect des cultures, la discrimination positive, et la repentance. Il en conclut que l’Amérique, au lieu de mieux payer les pauvres, a choisi de les respecter.

            Il est vrai que cela coûte moins cher !

            En qualité de professeur de littérature de l’université de l’Illinois, à Chicago, il porte particulièrement son attention sur les problèmes d’accès, de diversité, et de discrimination positive dans l’université, mais sa réflexion est beaucoup plus large : elle touche à toute la problématique de la société américaine.

            L’auteur écrit (p.46) : Alors que le problème est l’inégalité ; la solution proposée est l’identité, l’identité culturelle, en notant que le problème des races s’est substitué à celui des classes sociales.

            L’auteur évoque la situation française et il n’a pas complètement tort, même si beaucoup de Français ne  sont pas des adeptes inconditionnels de l’american way of life.

            Les slogans de diversité, de non-discrimination, de repentance, sont aujourd’hui à la mode dans une certaine société française, alors que notre passé national n’a rien à voir avec celui des Etats-Unis. Les anciens esclaves sont une partie constituante de la nation américaine, et la discrimination raciale officielle y régnait encore, il n’y a moins d’un demi-siècle.

            En France, une grande partie de nos difficultés procède d’une immigration « invasive », autorisée, régularisée, ou clandestine, d’origine africaine ou maghrébine, dont la culture sociale et religieuse est souvent éloignée de celle qui était majoritairement la nôtre, à la fois, laïque et chrétienne.

            L’auteur évoque aussi l’usage politique qui est fait de ce nouveau credo, en France comme aux Etats-Unis, aussi bien de la part de la droite libérale que de la gauche libérale. Cette dernière, faute de pouvoir proposer un nouveau projet social et économique, dans la diversité, la non-discrimination, et quelquefois la repentance.

            Car aux Etats-Unis, dixit Walter Benn Michaels, la repentance est bonne pour les affaires : les grandes banques Wachovia et JP Morgan n’ont pas hésité à manifester leur repentance pour se laver d’un péché  d’esclavagiste commis dans leur lointain passé bancaire.

            Et pourquoi effectivement ne pas voir, que derrière tous ces enjeux culturels ou victimaires, se cachent le plus souvent d’autres enjeux de gros, gros sous ?

Jean Pierre Renaud,

JEUX DE MEMOIRE COLONIALE OU LE SEXE DES ANGES COLONIAUX

Mémoire collective

Contribution 4

Rappel des contributions précédentes :

Contribution 1 : définition de la mémoire collective (15/04/10)

Contribution 2 : « La guerre des mémoires » de M.Stora (25/04/10)

Contribution 3 : « Décolonisons les imaginaires » : le colloque de la Mairie de Paris du 12 mars 2009

(3/05/10)

Jeux de mémoire coloniale ou le sexe des anges coloniaux

« Françaises, Français, décolonisez vos imaginaires ! »

            Mémoire collective, inconscient collectif, stéréotypes, ces concepts sont à la mode dans certains milieux. Ils seraient l’alpha et l’omega d’une histoire coloniale que personne ne connaît, pas plus en France que dans les anciennes colonies, et qui, miraculeusement, rendrait compte de notre regard et de notre comportement actuels à l’égard des nouveaux indigènes de la République.

            La mémoire collective s’est substituée à l’histoire, et c’est beaucoup plus commode pour les ignorants.

            L’histoire coloniale est donc tombée dans le piège des mémoires, d’une mémoire collective que tout un chacun cite, sans jamais en avancer la moindre preuve, notamment des enquêtes et des sondages ? Sans en donner une quelconque mesure ? Sans produire une analyse enfin sérieuse de cette mémoire coloniale qui resterait quand on aurait tout oublié, pour paraphraser la  phrase célèbre d’Herriot sur la culture ?

            Un sondage chaque jour, sur l’alimentation, sur les retraites, les vacances… mais le désert complet sur la mémoire collective !

            Aurait-on peur des résultats d’un sondage exhaustif et honnête sur cette fameuse mémoire collective coloniale ?

            Il est tout de même étrange qu’une secrétaire d’Etat de couleur, et qu’un présentateur de télévision également coloré, figurent actuellement parmi les personnages publics les plus populaires d’une France ravagée par sa mémoire coloniale !

            Un historien médiatique a commis récemment un petit livre intitulé La guerre des mémoires. Dans un livre récent également, L’Europe face à son passé colonial, plusieurs historiens ont fait référence à la mémoire collective, sans jamais la définir et en donner de preuve, par une analyse des médias notamment.

            A l’occasion d’un colloque consacré aux images coloniales en 1993, plusieurs historiens sérieux avaient déjà évoqué les concepts magiques d’un inconscient et d’une mémoire collectifs, qu’ils n’ont jamais défini et évalué.

            Invoquer à tout propos une mémoire collective que personne n’a le courage de mesurer et d’évaluer, alors que chacun est à même de mesurer chaque jour les limites et les faiblesses de sa mémoire individuelle, parait donc tout à fait incongru.

            Nos mémoires individuelles sont déjà très fragiles, alors que dire de la mémoire collective ? Avancer pour toute explication, et sans aucune preuve statistique, compilation de journaux, d’émissions, de documents, mais surtout sans bonne et saine enquête approfondie, une mémoire collective indéfinie et indéfinissable, frise l’escroquerie intellectuelle et est purement et simplement de la manipulation.

            Les discours idéologiques et politiques qui enchaînent à tout propos mémoire collective, inconscient collectif, et stéréotypes coloniaux n’auront de crédit qu’à partir du moment où une enquête sérieuse, exhaustive, et objective en auront apporté commencement de bonne preuve, et bonne preuve.

            Le Maire de Paris a organisé le 12 mars 2009 un colloque sous le patronage du journal le Monde, intitulé Décolonisons les imaginaires.

            J’ai demandé au maire et au journal sur quelle base scientifique il était possible d’avancer que notre imaginaire était colonisé, mais j’attends toujours la réponse.

            Ce type d’initiative, irresponsable, contribue à accréditer un discours idéologique et politique qui alimente le feu couvant des banlieues.

            A l’heure actuelle, l’inconscient collectif, la mémoire collective et les stéréotypes coloniaux, sont donc à ranger, dans l’état actuel de nos connaissances,  dans le même rayon que le sexe des anges coloniaux.

Jean Pierre Renaud, le 8 juillet 2009

Et en guise de conclusion, une anecdote qui met en lumière le rôle des bibliothèques du Maire de Paris : dysfonctionnement administratif ou censure ?

            En 2008,  j’ai déposé moi-même au Service des Bibliothèques un exemplaire du livre « Supercherie coloniale », avec lettre d’envoi jointe, livre qui démontre, point par point,  l’absence de fondement, de méthode, et de sérieux, de la thèse d’un collectif de chercheurs sur le thème de la  « Culture coloniale », thèse largement répandue dans plusieurs livres, dans le but d’illustrer la colonisation de nos imaginaires.

             Ce livre s’est trouvé, quelques mois plus tard, dans une solderie de livres, l’exemplaire déposé contenant la lettre personnelle d’envoi avec l’adresse de l’expéditeur.

            Un livre égaré, avec sa lettre d’envoi avec le nom et l’adresse de l’expéditeur, vous ne trouvez pas ça étrange ?

Humeur Tique: DSK, le nouvel Enfant Jésus (Libé du 5 mai), le Budget de la France à Las Vegas

DSK, le nouvel Enfant Jésus de la politique française, d’après Libé du 5 mai

   Une première page avec une grande photo, plus les deux pages suivantes, avec une deuxième photo,  un texte bourré de sucreries, de platitudes, et de servilité par avance acquise! Décidément, un grand « souper fin » entre complices qui attendent impatiemment la venue du Sauveur! 

   Le Budget de la France à Las Vegas!

   D’après le Canard Enchaîné du 5 mai, la compagne du nouveau ministre du Budget de la France paie ses impôts à Las Vegas! L’information a d’ailleurs été confirmée.

   Il y a décidément quelque chose de « pourri dans le royaume de France » !

   Et le tout nouveau ministre du Budget de continuer à se parer des couleurs de la Chiraquie, je veux bien, mais de celles du gaullisme, les Français n’en croiront pas un mot. 

Immigration, sans-papiers: cohérence ou incohérence? Editorial du Monde du 7 avril 2009

Immigration, sans- papiers, cohérence ou incohérence ? Editorial du Monde du 7 avril 2010, 5 mai 2010, le feuilleton des chiffres continue.

            L’éditorial du Monde du 7 avril 2010, sous le titre :

            « Sans-papiers : sortir de l’incohérence », pose deux sortes de questions, d’une part quant à la fiabilité des chiffres donnés par le journal, et d’autre part  quant à la définition du sans-papier.

            La fiabilité des chiffres et de leur interprétation      

            Dans un article remarqué et contesté, du 4 décembre 2009, signée Anne Chemin, le journal notait la stabilité de la proportion d’immigrés par rapport à la population française : elle notait « si l’immigration s’est stabilisée… », et relevait plus loin « un chiffre étonnamment stable… », alors que les chiffres communiqués démontraient que l’immigration avait connu un rythme d’augmentation plus rapide entre 1999 et 2006.

            L’analyse et l’interprétation de ces chiffres ont d’ailleurs fait l’objet d’une critique remarquée et argumentée de la démographe Tribalat.

            En ce qui me concerne, j’avais 1) contesté le constat d’une stabilité supposée, 2) fait remarquer que cette analyse ne rendait pas compte de tous les mouvements qui affectent l’immigration, par exemple des naturalisations de l’ordre de 100.000 personnes par an, au cours des dernières années, 3) noté que les Français, dans leur vie concrète, ne partageaient pas ce constat.

            Dans son dernier livre, « Les Yeux grands fermés », Mme Tribalat, en montre d’ailleurs toute la complexité, notamment le flux de plus en plus important de mariages de français d’origine algérienne avec des algériennes, et d’arrivées motivées par les « motifs familiaux ou personnels » ; ces derniers motifs étant évidemment on ne peut plus vagues.

            Mais revenons à notre propos.

            Les sans-papiers

            Le Monde écrit le 7 avril ; « Or la majorité des 400.000 sans-papiers présents en France ont un emploi salarié ».

            Trois mois après l’article Chemin, on revoit donc les chiffres à la hausse ?

            Ce ne serait plus 5 millions (en 2008, ou en 2006), mais 5,4 millions, sans tenir compte de l’effet « immigration » au cours des 5 à 10 dernières années ?

            Le Monde du 5 mai écrit :

            « Les enfants d’immigrés, descendants directs d’un ou deux immigrés, représentent 6,5 millions de personnes, soit 11% de la population. Trois millions d’entre eux avaient leurs deux parents immigrés. »

            Et le même journal cite encore le chiffre des demandeurs d’asile : « en 2009, 150.000 étrangers bénéficiaient du statut de réfugié politique. »

            L’analyse de décembre serait donc à revoir complètement ? Et un nouveau décryptage proposé aux citoyens ?

             Alors, peut-on aussi plaider pour la régularisation d’immigrés sans papiers sans examiner la question au fond ?

            La question des sans-papiers  

            S’agit-il de sans-papiers célibataires ? De familles ? Entrés en France depuis quand ? Doit-on encourager des immigrés à venir illégalement en France, à produire des faux papiers, qu’il est assez facile de se procurer, comme l’on sait à Paris ou en Afrique ? Convient-il de traiter ces dossiers sans tenir compte des conceptions africaines  de la famille assez différentes des nôtres ? Souvent très étendues, et quelquefois mal définies à l’état civil ? Comment ne pas tenir compte aujourd’hui de l’obligation qu’ont les entreprises de faire vérifier dans les préfectures que les papiers fournis ne sont pas truqués ?

            Un pays comme la France a-t-il la volonté d’imiter les Etats-Unis qui ouvrent assez largement leurs portes à l’immigration clandestine pour peser sur le niveau des salaires. Est-ce cela que l’on veut pour la France ?

            Pour avoir suivi le dossier du travail clandestin dans la capitale pendant de nombreuses années, au cours des années 1980-1990, je serais tenté de dire 1) qu’il s’agissait alors d’un phénomène d’ampleur réduite par rapport à celui dont il est aujourd’hui question, 2) que les pouvoirs publics, et bien sûr les chefs d’entreprises, avaient naturellement connaissance déjà de tous les trafics de faux papiers, et que les responsables politiques ont attendu plus de vingt ans pour imaginer et décider le contrôle des papiers d’identité, un contrôle souvent difficile et malaisé 3) que des particuliers et des entreprises profitaient déjà de ce système.

            Je serais tenté de conclure provisoirement mon propos en disant que les deux camps opposés des exploiteurs de main d’œuvre et des défenseurs de l’humanitaire y trouvent leur « compte », mais je doute que notre pays y trouve son « compte » pour le bien commun de tous ses habitants..

Mémoire collective,  » La guerre des mémoires. La France face à son passé colonial » B.Stora

Mémoire collective

Contribution 2

 « La guerre des mémoires

 La France face à son passé colonial »

 par Benjamin Stora

            Pourquoi ne pas avouer que j’ai éprouvé un malaise intellectuel à la lecture de beaucoup des pages de ce livre, crayon en mains, alors que j’ai  aimé l’article du même auteur à la mémoire de Camus (Etudes coloniales du 30 septembre 2007). Albert Camus a été un de mes maîtres à penser,  à agir, et à réagir,  avant, pendant la guerre d’Algérie, et après. J’y ai servi la France et l’Algérie, en qualité d’officier SAS, en 1959 et 1960, dans la vallée de la Soummam, entre Soummam et forêt d’Akfadou.

              Un historien sur le terrain mouvant des mémoires chaudes, pourquoi pas ? Mais est-ce bien son rôle ? Dès l’avant propos, le journaliste cadre le sujet de l’interview de M.Stora : « La France est malade de son passé colonial », mais sur quel fondement scientifique, le journaliste se croit-il permis d’énoncer un tel jugement ?

            Il est vrai que tout au long de l’interview l’historien accrédite cette thèse et s’attache à démontrer l’exactitude de ce postulat : les personnes issues des anciennes colonies, première, deuxième, troisième génération (il faudrait les quantifier, et surtout les flux , les dates, et les origines) «  se heurtent inévitablement à l’histoire coloniale » (p.12), « la guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), la « fracture coloniale », « c’est une réalité » (p.33), « l’objectif est d’intégrer, dans l’histoire nationale, ces mémoires bafouées » (p.81), « saisir comment s’élaborent en permanence les retrouvailles avec un passé national impérial » (p.90)

            Et l’auteur de ces propos, qui se veut « un passeur entre les deux rives », incontestablement celles de la Méditerranée, accrédite le sérieux des écrits d’un collectif de chercheurs qui n’ont pas réussi, jusqu’à présent, par le sérieux et la rigueur de leurs travaux historiques, à démontrer la justesse de la thèse qu’ils défendent, fusse avec le concours bienveillant de certains médias, quant à l’existence d’une culture coloniale, puis impériale, qui expliquerait aujourd’hui la fameuse fracture coloniale.

            Et le même auteur de reprendre le discours surprenant, de la part d’historiens de métier, sur la dimension psychanalytique du sujet : « la perte de l’empire colonial a été une grande blessure narcissique du nationalisme français » (p.31), pourquoi pas ? Mais à partir de quelles preuves ? « Refoulement de la question coloniale » (p.32). « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective, jusqu’à aujourd’hui, une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer » » (p.32). « Les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            « Pourquoi cette sensation diffuse d’une condition postcoloniale qui perdure dans une république où les populations issues des anciens empires n’arrivent pas à se faire entendre ? » (p.90).

            Comment ne pas souligner le manque de clarté des propos de l’auteur, lequel écrit page 11 que la population issue des anciennes colonies a doublé entre les années 1980 et 2007, et les propos qu’il tient parallèlement sur les « mémoires bafouées » : mais les colonies sont indépendantes depuis le début des années 60, et l’Algérie depuis 1962 !

            De quelles générations s’agit-il ? Des enfants d’immigrés du travail venus en France avant 1962 ? Ou pour l’Algérie, importante source d’immigration, des enfants de pieds noirs, de harkis, ou d’enfants de citoyens algériens venus en France après l’indépendance de leur pays, notamment en raison de ses échecs économiques, puis de sa guerre, à nouveau civile ? Pour ne citer que l’exemple de l’Algérie qui est le postulat de la plupart de ces réflexions.

            L’auteur cite le cas de Boudiaf, un des principaux fondateurs du FLN, lequel revenu d’exil dans son pays en 1962, était inconnu des jeunes Algériens : « Les jeunes Algériens ne connaissaient même pas son nom » (p.60).

            Quant au propos tenu sur Madagascar, pays avec lequel j’entretiens des relations particulières, « Dans cette ancienne colonie française, les milliers de morts des massacres de 1947 restent dans toutes les mémoires »

            Je ne suis pas le seul  à dire que la repentance de Chirac, lors de son voyage de   2005,  est tombée à plat, parce que ce passé est méconnu des jeunes générations.

            L’auteur de ces lignes est-il en mesure de justifier son propos ?

            Les Malgaches ne connaissent pas mieux leur passé colonial que les Français, car pour ces derniers, ce n’est pas l’enquête de Toulouse, faite en 2003, par le collectif de chercheurs évoqué plus haut, qui peut le démontrer. Cette enquête va clairement dans un tout autre sens, celui de la plus grande confusion qui règne actuellement sur tout ce qui touche le passé colonial, la mémoire, et l’histoire coloniale elle-même, et la réduction de cette histoire à celle de l’Algérie. Cette enquête révélait en effet l’importance capitale de la guerre d’Algérie dans la mémoire urbaine de Toulouse et de son agglomération.

            Et ce constat avait au moins le mérite de corroborer deux des observations de l’auteur, celle relative à « l’immigration maghrébine » qui « renvoie à l’histoire coloniale », et l’autre quant à l’importance de la guerre d’Algérie dans cette « guerre des mémoires » : « Mais, c’est la guerre d’Algérie, qui est le nœud gordien de tous les retours forts de mémoire de ces dernières années. » (p.50)

            L’obsession de l’Algérie

            Et c’est sur ce point que le malaise est le plus grand, car comment ne pas voir, que pour des raisons par ailleurs très estimables, l’auteur de ces lignes a l’obsession de l’histoire de l’Algérie, et qu’il a tendance à analyser les phénomènes décrits avec le filtre de l’Algérie, pour ne pas dire la loupe, avec toujours en arrière plan, le Maghreb.

            Le tiers des pages de ce livre se rapporte à l’Algérie, et beaucoup plus encore dans l’orientation des réflexions qui y sont contenues. Les autres situations coloniales ne sont évoquées qu’incidemment, alors que l’histoire coloniale n’est pas seulement celle de l’Algérie, quelle que soit aujourd’hui l’importance capitale de ce dossier.

            Un mot sur la mémoire ou les mémoires de l’Algérie et de la guerre d’Algérie. Pour en avoir été un des acteurs de terrain, je puis témoigner qu’il est très difficile d’avoir une image cohérente et représentative de la guerre d’Algérie vécue par le contingent. Chaque soldat, chaque sous-officier, et chaque officier, a fait une guerre différente selon les périodes, les secteurs, les postes militaires occupés, et les commandements effectifs à leurs différents niveaux (sous quartiers, quartiers, secteurs, et régions). Si beaucoup d’anciens soldats du contingent ont écrit leurs souvenirs, peu par rapport à leur nombre, mon appartenance à ce milieu me conduit à penser que beaucoup d’entre eux se réfugient toujours dans le silence, mais pas obligatoirement pour la raison qu’ils auraient commis des saloperies, ou assisté à des saloperies. Un silence qui pourrait s’expliquer par un fossé immense d’incompréhension entre leur vécu, l’attitude des autorités d’hier ou d’aujourd’hui, et celle du peuple français

            M.Rotman a parlé de guerre sans nom. Je dirais plus volontiers, guerre de l’absenceabsence d’ennemi connu, absence du peuple dans cette guerre, sauf par le biais du contingent qui, à la fin de ce conflit, s’est trouvé tout naturellement en pleine communauté de pensée avec le cessez le feu du 19 mars 1962. Et c’est sans doute le sens profond de sa revendication mémorielle.

            Pour la grande majorité des appelés, l’Algérie n’était pas la France.

            Les appelés ne savent toujours pas quelle guerre on leur a fait faire : guerre de l’absence et du silence, et le remue-ménage qui agite en permanence, à ce sujet, certains milieux politiques ou intellectuels leur est étranger.

            Il convient de noter que pour un acteur de ce conflit, ou pour un chercheur marqué dans sa chair et dans son âme par celui-ci, c’est un immense défi à relever que de vouloir en faire l’histoire.

            Et sur au moins un des points évoqués dans le livre, je partage le constat qu’il fait sur l’effet des lois d’amnistie « personne ne se retrouvera devant un tribunal » (p.18), et personnellement je regrette qu’il en soit ainsi, parce qu’il s’agit là d’une des causes du silence du contingent, et de cette conscience d’une guerre de l’absence. A quoi servirait-il de dénoncer des exactions injustifiables si leurs responsables, c’est-à-dire les salauds inexcusables n’encourent  aucune poursuite judiciaire ? Cette amnistie n’a pas rendu service à la France que j’aime et à son histoire.

            Le métier d’historien

            Ma position de lecteur, amateur d’histoire, assez bon connaisseur de notre histoire coloniale, me donne au moins la liberté de dire et d’écrire ce que je pense des livres qui ont l’ambition de relater ce pan de notre histoire.

            Ce passage permanent de la mémoire à l’histoire  et inversement, est très troublant, sans que l’intelligence critique y trouve souvent son compte! Et beaucoup d’affirmations ne convainquent pas !

            Est-il possible d’affirmer, en ce qui concerne l’Assemblée Nationale et sa composition : « C’est d’ailleurs une photographie assez fidèle de cette génération qui a fait la guerre d’Algérie ou qui a été confrontée à elle. »

            Une analyse existe-t-elle à ce sujet ? Et si oui, serait-elle représentative de l’opinion du peuple français à date déterminée ?

            Tout est dans la deuxième partie de la phrase et le participe passé « confrontée »qui permet de tout dire, sans en apporter la preuve.

            La mise en doute du résultat des recherches qui ont été effectuées sur l’enrichissement de la métropole par les colonies : mais de quelle période parle l’auteur et de quelle colonie ? (p.20)

            L’affirmation d’après laquelle la fin de l’apartheid aurait été le  « coup d’envoi » mémoriel mondial (p.41) : à partir de quelles analyses sérieuses ?

            L’assimilation de l’histoire coloniale à celle de Vichy, longtemps frappée du même oubli. (p.21,50, 96).  Non, les situations ne sont pas du tout les mêmes !

            Et ce flottement verbal et intellectuel entre mémoire et histoire, une mémoire partagée ou une histoire partagée ? (p.61,62, 63). Outre la question de savoir si une histoire peut être partagée.

             Et pour mettre fin à la guerre des mémoires, un appel à la reconnaissance et à la réparation (p.93), ou en d’autres termes, à la repentance, que l’historien récuse dans des termes peu clairs dans les pages précédentes (p.34), une récusation partielle répétée plus loin (p.95).

            Et d’affirmer qu’il est un historien engagé (p.88) et d’appeler en témoignage la tradition dans laquelle il inscrit ses travaux, celle des grands anciens que sont Michelet, Vidal-Naquet et Vernant. Pourquoi pas ? Mais il semble difficile de mettre sur le même plan périodes de recherche et histoires professionnelles et personnelles des personnes citées.

            Le lecteur aura donc compris, en tout cas je l’espère, pourquoi le petit livre en question pose en définitive autant de questions sur l’historien et sur l’histoire coloniale que sur les mémoires blessées ou bafouées qui auraient été transmises par je ne sais quelle génération spontanée aux populations immigrées, issues des anciennes colonies.

            Pourquoi refuser de tester la validité « scientifique », et en tout cas statistique, de ce type de théorie historique ?

            Nous formons le vœu qu’une enquête complète et sérieuse soit menée par la puissance publique sur ces questions de mémoire et d’histoire, afin d’examiner, cas par cas, l’existence ou l’absence de clichés, des fameux stéréotypes qui ont la faveur de certains chercheurs qui s’adonnent volontiers à Freud ou à Jung, la connaissance ou l’ignorance de l’histoire des colonies, et donc de mesurer le bien fondé, ou non, des thèses mémorielles et historiques auxquelles l’historien a fait largement écho.

            Alors, histoire ou mémoire ?

            La nouvelle ère des historiens entrepreneurs

            L’histoire est-elle entrée dans un nouvel âge, celui de l’Historien entrepreneur selon l’expression déconcertante de Mme Coquery-Vidrovitch (Etudes coloniales du 27/04/07), ou celui de l’histoire devenue bien culturel selon l’expression de l’auteur ? Mais en fin de compte, sommes-nous toujours dans l’histoire ?

            Et à ce propos, nous conclurons par deux citations de Marc Bloch, évoquant dans un cas Michelet et ses  hallucinatoires résurrections, et dans un autre cas,  le piège des sciences humaines :

            «  Le grand piège des sciences humaines, ce qui longtemps les a empêchées d’être des sciences, c’est précisément que l’objet de leurs études nous touche de si près, que nous avons peine à imposer silence au frémissement de nos fibres. » (Fustel de Coulanges-1930)

Jean Pierre Renaud                         

Le livre « Enjeux politiques de l’histoire coloniale » Catherine Coquery-Vidrovitch Notes de lecture critique

« Il n’ y a pas de petite querelle » – Amadou Hampâté Bâ

ou la querelle des deux lézards

            Un sujet difficile, bien difficile, qu’annonce tout naturellement l’introduction.

            L’auteur y déclare tout de go que l’histoire de la colonisation et de l’esclavage colonial français doit être incluse dans notre patrimoine historique et culturel commun, et je ne vois pas en quoi la contredire sur ce point, sauf à se poser une première question sur le tabou qui existerait à ce sujet, et d’autres questions sur la série de concepts qu’elle enchaîne, plus complexes les uns que les autres, la repentancel’identité nationale, les lois mémoriellesle télescopage du savoir et des mémoiresles controverses supposées scientifiques,… on mélange histoire et mémoire :         

            « Finalement, il s’agit de comprendre à quel point « l’identité nationale » plurielle, inclut aussi le colonial. »

             Dès l’introduction, l’auteur assigne donc une vaste ambition à sa réflexion qui parait dépasser assez largement le champ scientifique de l’histoire coloniale proprement dite.

            En ce qui concerne le chapitre 1, rien à dire de particulier, sur la richesse de l’historiographie coloniale, d’abord européenne, et aujourd’hui africaine, sauf à se poser deux questions, la première relative au véritable sens d’une histoire dite « d’en bas », la deuxième du pourquoi de notre ignorance supposée de cette histoire.

            L’auteur écrit : « Or cette histoire coloniale, héritée, fut oubliée, comme effacée par la décolonisation. Ce fut un déni. Pourquoi ? (p.20)

            Arrêtons nous un instant sur cette appréciation, car elle court, sous des vocables différents tout au long de l’ouvrage, amnésie – faut-il plutôt parler de refoulé, (p.53), silence, tabou,  une histoire de la colonisation française.. à peine connue de la très grande majorité des jeunes français… et de la plupart de leurs aînés (p.63)… la colonisation a été oubliée (p.110).

            J’ajouterais volontiers, ignorance sans doute au moins égale de la part des jeunes africains.

            Dans un numéro n°165 (2007) de la revue Cultures Sud, l’auteur avait déjà esquissé un certain nombre de réflexions sous le titre « L’historien, la mémoire et le politique. Autour de la résurgence de la « question coloniale », certaines d’entre elles soulevant ma perplexité

            Je ne suis pas sûr qu’une enquête sérieuse confirme un des propos de l’historienne :

            « Pour les jeunes descendant des colonisés et des colonisateurs – qui n’ont pas vécu cette histoire mais qui l’ont entendu raconter par leurs grands-parents et aujourd’hui par des hommes politiques de tout bord – le vécu a disparu ; la mémoire en est doublement reconstruite : par la transmission des récits et par la façon dont ces récits sont compris. » (p,53)

            Une remarque à ce sujet : est-ce que, vraiment, beaucoup de petits enfants ont eu cette « chance » ?

            Et plus loin, le même auteur écrit :

            « Rajoutez à cela la mémoire coloniale officielle, structurante de la mentalité de plusieurs générations de Français durant la période coloniale, comme en témoigne le fameux petit Lavisse, manuel d’histoire élémentaire plus que centenaire participant de la construction volontaire de la nation… » (p,53)

            Une mémoire coloniale officielle tellement structurante que la même historienne se complait à regretter, à longueur de pages, le déni dont souffrirait notre histoire coloniale.

            Pourquoi avancer le Petit Lavisse à tout bout de champ, alors que ce livre ne consacrait que quelques pages aux fameuses colonies, en fin d’ouvrage, donc en fin de cycle scolaire ? Et pourquoi ne pas accréditer la thèse en question,  en faisant état, un état « scientifique » d’une enquête sérieuse sur cette fameuse mémoire ?

            Alors pourquoi ce constat ? Il est possible, comme le fait volontiers l’auteur, de proposer une explication qui viendrait de l’inconscient collectif de la France.

            Le texte abonde de termes qui en relèvent : l’impensé hérité (p.134), les stéréotypes raciaux (149) cet impensé français (154), le passé refoulé du métissage (146), l’état d’esprit de beaucoup de nos concitoyens, pour lesquels le fait colonial apparaît si incroyable qu’il en est indicible (156), la société française en reste aujourd’hui imprégnée (165)

            Dans mon livre « Supercherie coloniale », j’avais d’ailleurs consacré un chapitre à cette clé supposée de l’histoire de la France actuelle, le chapitre IX, page 229,  intitulé « Le ça colonial ! ».(1)

            Le lecteur a donc le choix entre des explications de type rationnel ou irrationnel, mais je dois signaler que déjà en 1993, à un colloque intitulé « Images et colonies », l’auteur avait déjà avancé une argumentation fondée sur l’inconscient collectif, laquelle ne semble pas mieux établie seize ans plus tard.

            Et pourquoi ne pas s’interroger à ce sujet : sommes-nous encore dans le champ de l’histoire ?

            D’autres explications viennent naturellement à l’esprit : tout d’abord, le peu d’intérêt que les Français, et même leurs gouvernements, ont porté aux colonies et donc à leur histoire. Brunschwig, Marseille, et Ageron, parmi beaucoup d’autres, l’ont relevé dans leurs écrits.

            Comment ne pas citer les exemples cités par Marseille dans son livre « Empire colonial et capitalisme français » : en 1936, l’ignorance de Blum sur l’Afrique du Nord,  les témoignages du démocrate chrétien Buron et du socialiste Verdier sur l’indifférence des gouvernements à l’égard des dossiers coloniaux, après 1945 ? (p.300, 302)

            Comment en effet ne pas être surpris par les analyses et conclusions de Marseille, selon lequel les colonies (pour beaucoup l’Algérie, qui n’était d’ailleurs pas une colonie) ont eu une certaine importance économique et financière pour la France, mais pendant une courte période, alors que l’Empire laissait largement les Français indifférents ?

            Le port du Havre avait par exemple un important trafic colonial, mais il était orienté en grande partie vers l’Europe du Nord.

            L’ouvrage collectif, intitulé « L’esprit économique impérial », a montré récemment que ce dernier n’était pas très « ardent ». (voir mon analyse dans le blog Etudes Coloniales – année 2008)

            Est-il nécessaire d’invoquer un impensé, un refoulé, un inconscient collectif pour expliquer que l’histoire coloniale n’a jamais eu les faveurs de l’Université, qu’elle n’a été qu’un appendice non constitutif de l’histoire française (p.103) ?

            L’Université se serait tenue à l’écart d’un sujet national majeur ?

            Bien sûr que non !

            Les économistes sont depuis longtemps familiarisés avec le concept de marginal, et le constat d’après lequel notre histoire coloniale n’a toujours été que marginale ne doit rien au hasard, à je ne sais quel déni (rationnel) ou tabou (irrationnel) !

            Le postcolonial à la française (chapitre 3) Après l’impensé français, le post colonial à la française, pourquoi pas ? Mais l’histoire coloniale serait alors hors jeu ? Les historiens ont-ils eu besoin jusqu’à présent de changer les noms de baptême de la période étudiée, Antiquité, Moyen Age, ou Révolution, en fonction de l’évolution de leurs travaux de recherche ? Avec pour certains d’entre eux, tel Goubert, le refus de travailler sur une histoire moderne, dont il était partie prenante.

            Est-ce que cette appellation d’origine anglo-saxonne ne serait pas motivée par un choix de cible historique beaucoup plus culturelle qu’économique, plus idéologique qu’historique, et en définitive beaucoup plus anachronique qu’on voudrait le faire croire ? L’auteur note à ce propos « le rôle joué par l’histoire coloniale dans la construction de la notion d’«identité nationale » (p.86) : rôle de l’histoire coloniale ou des études postcoloniales ?

            Comment faire parler les documents (p.97) ? Si l’on s’abstrait d’une analyse chronologique rigoureuse et de leur évaluation dans un contexte historique déterminé ? L’auteur suggère également une pratique du double regard (p.85), mais faudrait-il encore qu’elle ait été toujours possible, compte tenu de la difficulté qui a longtemps existé pour recueillir les récits de la tradition africaine, et qui demeure encore.

            Dans ce chapitre consacré au postcolonial, l’auteur évoque, à titre de démonstration, un des livres que j’ai analysé page par page, ligne par ligne, intitulé « Culture coloniale » (1871-1931), ouvrage dans lequel l’auteur a publié une contribution dont le titre était « Vendre : le mythe économique impérial » (p.163). Cette contribution s’inscrivait dans la partie intitulée « Fixation d’une appartenance ».

            L’auteur semble prendre une certaine distance avec cet ouvrage en écrivant ici : «  une histoire « postcoloniale en train de s’écrire. Cette histoire consiste à analyser les traces laissées par le fait colonial dans la société et l’imaginaire français. Les premiers à aborder ce sujet, à partir de 2003, ont donné au fruit de leur travail le titre un peu trompeur de « culture coloniale », qui laisserait croire que « tout est colonial » dans la culture française, ce qui n’est évidemment pas le cas… » (p.96)

             Dont acte, mais presque tout dans cet ouvrage au titre « trompeur » soulève questions et objections, quant à la méthode de travail, au choix des indicateurs, à leur évaluation, et à leurs effets. N’encombrons pas le lecteur de citations et d’affirmations non vérifiées, non mesurées, mais un des auteurs évoque le « bain colonial » : comment est-il possible d’utiliser un tel terme, alors que les recherches faites sur les vecteurs d’une culture coloniale supposée, ont été à la fois partielles, différentes selon les contextes historiques, et jamais évaluées dans leur contenu et leurs effets ? L’auteur en question s’est d’ailleurs attaché dans ses recherches à un champ historique limité à la fois sur le plan chronologique (post 1945), géographique et thématique.

            Est-ce que le postcolonial ne souffrirait pas par hasard et précisément de l’usage de la nouvelle méthode, la démarche de « va–et–vient » (p.87), préconisée par l’auteur, et qui dans les références choisies projette une vision moderne, d’ailleurs souvent littéraire, sur notre passé national et colonial ?

            Des traces ? Pourquoi pas ? Mais il conviendrait tout d’abord de les identifier au prix d’enquêtes d’opinions et de mémoires sérieuses qui n’ont pas été faites jusqu’à présent.

            Mais venons-en à la contribution de l’auteur (dans le livre « Culture coloniale ») : le texte en tant que tel est intéressant, mais en tant que juriste et économiste, il m’a laissé sur ma faim et voici pourquoi :

            Sur le titre rien à dire, et sur l’adhésion qu’elle semble donner aux analyses Marseille, mais certaines expressions et appréciations, pour ne pas dire jugements, font problème, car l’auteur n’a pas apporté la démonstration de ses propos : le mythe enraciné (p.168), la société française consommait donc colonial dans tous les domaines que celui-ci relève de la banque ou de la vie quotidienne. (p.174),  cette belle harmonie entre milieux d’affaires et expansionnistes coloniaux n’allait pas résister à la seconde guerre mondiale. Elle oeuvra néanmoins suffisamment auparavant pour construire dans la mémoire française une culture coloniale aussi tenace que mythifiée où la place du mythe économique était dominant. (p.175)

            Histoire économique ou littérature historique ? Plutôt une préférence pour la deuxième expression. Il ne suffit pas de noter que les Français buvaient du thé (d’Indochine avant 1931 ?), et du vin (d’Algérie),  mangeaient du riz (d’Indochine ?) pour conclure au rôle de causalité coloniale de ces faits, qu’il se soit agi de la mémoire des Français de l’époque, ou qu’il s’agisse de la mémoire française d’aujourd’hui.

            Je n’y ai donc pas relevé une trace identifiée et évaluée des traces évoquées par l’auteur, d’autant moins que le texte en question s’inscrivait dans la période 1871-1931.

            Question ? Ne s’agirait-il pas en proposant un concept nouveau de faire de l’anachronisme sans le dire, par une voie détournée, étant donné qu’une grande partie de la réflexion tente d’expliquer pourquoi l’actualité française est troublée par des querelles de mémoire, plutôt que d’histoire ?

            Quelques mots enfin sur ce même postcolonial à la française : l’auteur récuse l’existence des ethnies, mais doit-on accuser Amadou Hampâté Bâ d’avoir été un « collabo », pour faire référence à un rapprochement soi-disant historique qui a la faveur de certains historiens africains ( voir Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy, p,199), une occupation française à la mode nazie, lorsqu’il évoque les douze ethnies qui étaient présentes à Djenné :

            « Douze ethnies vivaient alors à Djenné…(Amkoullel-p.369) »,

            Ou encore dans un autre domaine cité par l’auteur :

            « Face nocturne et face diurne,… il faut accepter de reconnaître que l’époque coloniale a pu aussi laisser des apports positifs, ne serait-ce entre autres, que l’héritage d’une langue de communication universelle grâce à laquelle nous pouvons échanger avec des ethnies voisines comme avec les nations du monde… (Oui, mon Commandant, p. 334).

            Pourquoi en effet le jugement péremptoire de l’auteur de ce livre à ce sujet ? :

            «  peser le pour et le contre, en distinguant les aspects estimés positifs de ceux estimés négatifs de la colonisation est inepte en histoire (p.136) »

            Alors double regard ? Regard d’en bas ? Qui a raison d’Amadou Hampâté Bâ ou de l’auteur ?

            Un mot enfin sur le rôle que l’auteur prête aux anciens cadres coloniaux, dont je fis très brièvement partie, dans la vie nationale postcoloniale : je ne voudrais pas être trop négatif à ce sujet, mais il ne pouvait être, et ne fut que marginal, encore plus que l’histoire coloniale elle-même. (p,99)

            Comment penser sérieusement qu’ils aient pu avoir une grande influence sur l’histoire de la France postcoloniale?

            J’ajouterai, de façon toute accessoire, et pour avoir été à un moment donné, au cœur de ce processus administratif, que, contrairement à ce qu’écrit l’auteur, en choisissant la carrière préfectorale, où ils ont bénéficié d’un accès prioritaire, (p.100) ce ne fut pas le cas, mais l’évocation de ces faits est bien dérisoire en regard des enjeux ici traités. Et dans quel champ historique, l’auteur inscrit-il ce type de réflexion ?

                        Pour utiliser une expression qu’aime bien un de mes enfants, je serais tenté de dire : quelle embrouille historique !

            Personnellement, je paraphraserais volontiers le slogan « liberté pour l’histoire » en écrivant « liberté pour le bon sens », et pour « le doute scientifique » prôné par l’auteur, car on voit bien que ce discours s’inscrit à l’ombre des problèmes de l’immigration.

            Alors pourquoi ne pas reconnaître une bonne fois pour toutes que l’histoire coloniale a toujours été marginale dans nos écoles et nos universités, et qu’elle ne redevient d’actualité, sans intervention d’un inconscient collectif que personne n’a réussi jusqu’à présent à identifier et à évaluer sur le plan scientifique ?

            Ce n’est pas l’imaginaire colonial de la France qui est à l’œuvre, sauf à le prouver autrement que par des discours, mais l’imaginaire d’un courant de chercheurs qui peine à prouver quoique ce soit sur ce plan historique, sauf à proposer aujourd’hui le nouveau concept de fracture coloniale qui a beaucoup plus à voir avec une fracture sociale née de l’immigration postérieure aux années 1970.

            Alors dans cette confusion mémorielle, historique, et conceptuelle, je ne suis pas sûr du tout que ce livre aide  beaucoup les Français à y voir plus clair dans notre histoire coloniale, et à vider une querelle, petite ou grande.

            Et encore moins les enfants ou petits enfants de parents immigrés, pour ceux d’entre eux qui sont quelquefois déchirés entre deux cultures ou deux pays d’origine, à mieux gérer leur vécu quotidien. En bref, un discours idéologique plus qu’historique, sans fondement intellectuel, et sans démonstration concrète et actuelle au moyen d’enquêtes statistiques sérieuses sur notre mémoire coloniale.

(1) Supercherie Coloniale – Mémoires d’Hommes- 2008)

Jean Pierre Renaud, le 13 janvier 2010

Humeur Tique: un emploi sur deux à supprimer et trente neuf ministres

Une contradiction politique
Le nouveau gouvernement Fillon compte 39 ministres ou sous-ministres. Est-ce qu’il n’y en  a pas 19 de trop? Comment expliquer aux Français que l’Etat doit faire des économies, ne remplacer qu’un emploi sur deux, en continuant de faire comme s’il ne se passait rien au niveau gouvernemental?
Qui prendra l’initiative de chiffrer le coût de fonctionnement annuel complet de nos gouvernements?
Personnel, locaux, frais de déplacement, de fonctionnement, médiatiques, automobiles, informatiques,etc…
 Mais peut-être nos parlementaires ou la Cour des Comptes ont-ils déjà ces calculs en mains!  

Madagascar: comprenez-vous les vraies raisons des malheurs de Madagascar? En contrepoint français! Sans Fady! Sans Tabou! (Suite)

L’honnêteté intellectuelle d’un citoyen français le conduit tout naturellement à s’interroger sur la politique de la France à l’égard de la Grande Ile, après le coup d’état du président de la Hat actuelle, qui demeure un coup d’état!
Je ne suis pas sûr du tout, qu’elle soit claire dans ses objectifs, et qu’elle soit toujours servie par de bons truchements, notamment dans le domaine parlementaire. Et il y aurait sans doute beaucoup à dire sur les truchements, à partir de ceux, des femmes, de la côte orientale de l’Ile, au temps du roi Radama I, et partout dans le monde, et jusqu’à l’époque moderne. 
Le problème est, qu’avec une toujours belle continuité, tout au long des trois Républiques, Troisième, Quatrième, et aujourd’hui Cinquième, la politique de l’Outre Mer a souvent été celle du fait accompli.
Le peuple français n’a jamais été un peuple colonial, en dépit de ce que certains racontent, et son histoire coloniale ne l’a jamais vraiment intéressé. L’immense majorité des citoyens français  ignore presque tout de Madagascar, à part peut-être ses lémuriens!  Je mets au défi quiconque de démontrer, sérieusement,  le contraire.
Une petite anecdote, qui n’est pas nécessairement représentative, au cours d’un voyage récent, je fus tout à fait surpris d’entendre; à l’aréoport d’Antananarivo, deux touristes français de la quarantaine d’âge, s’étonner d’y entendre parler français.