« Guerres d’Afrique, 130 ans de guerres coloniales, l’expérience française », de Vincent Joly, lecture 2

« Guerres d’Afrique

130 ans de guerres coloniales

L’expérience française »

Vincent Joly

Lecture critique

Volet 2 (volet 1 sur le blog du 11 mai 2011 )

La problématique de la guerre : « une espèce de guerre coloniale » ?

Le premier chapitre intitulé « Guerres et violences coloniales : thèmes et débats » ouvre le livre sur le véritable débat de fond, le contenu du concept de guerre, son évolution et sa définition selon les auteurs, et sa signification en tant qu’une « espèce de  guerre coloniale ».

Ma première remarque porterait sur la qualification coloniale : est-ce qu’une guerre coloniale, petite ou grande, courte ou longue, n’est pas, avant toute chose, celle qui est faite par une puissance qui entend en dominer « une autre », un nouveau territoire, une colonie, donc une guerre coloniale par destination.

La distinction que font les auteurs anglo-saxons entre celles qui ont eu lieu avant 1914, les « small wars », et celles d’après, les « imperial policing » ne suffit pas à décrire les différents états de guerre coloniale, selon les époques.

Ma préférence irait plutôt, en ce qui concerne la France, vers des critères techniques plus rigoureux, le théâtre d’opérations (désert, savane ou forêt), la latitude (tropicale ou non), une mise en œuvre artisanale (Soudan) ou industrielle (Tonkin, Dahomey, ou Madagascar), les effectifs mis en œuvre (africains ou non), les technologies disponibles et mises en œuvre, et évidemment la date, et tout autant la saison.

La thèse développée par l’historien Headricks dans le livre « The tools of imperialism » est tout à fait stimulante à cet égard : pas de conquête du Soudan sans vapeurs sur le fleuve Sénégal, et pas de conquête du bassin du Niger, sans télégraphe (ce que releva d’ailleurs l’historien Brunschwig), canons, et fusils à tir rapide, mais tout autant, sans quinine, et sans recours à une troupe africaine nombreuse.

Le recrutement de ce type de troupe donnait la possibilité de financer la conquête au moindre coût, en faisant appel au minimum de soldats européens mal adaptés, sur le plan de la santé et de l’acclimatation, à ce théâtre d’opérations

Les critères d’analyse retenus par l’historien Keegan dans son « Histoire de la Guerre » seraient sans doute plus pertinents, notamment ceux de « feu », de « logistique », marginalement de « fortifications » à l’occasion de la conquête de l’ouest africain (les fameux tatas), mais en y ajoutant la nature des troupes, la contrainte climatique, et l’importance de l’outil militaire de la conquête, la « colonne », au cours de ce qu’il conviendrait d’appeler la première phase des guerres « coloniales » modernes.

Au cours de la première période, c’est sans doute l’outil militaire de la « colonne » qui a été l’instrument majeur de la conquête coloniale, mis en pratique par les puissances européennes avec des caractéristiques et  une intensité militaire différente selon les enjeux, les époques et les théâtres d’opération.

Quoi de commun entre les premières colonnes de Gallieni en marche vers le Niger dans les années 1880 et celles qu’il commanda au Tonkin dans les années 1890 contre le Dé Tham dans le Yen Thé ?

L’auteur propose sa propre définition de la guerre coloniale qui réunirait trois caractéristiques, une défaite d’exception, la disproportion des pertes subies, la composition africaine de l’armée coloniale. (page 32)

Une telle définition appauvrit considérablement le concept historique, et n’est de toute façon plus applicable dans des contextes historiques tels que la guerre du Rif, ou celles d’Indochine et d’Algérie.

Et en ce qui concerne un des critères, celui des pertes, dans quelle case du bilan, conviendrait-il de mettre les pertes européennes causées par les maladies (le tiers des effectifs de l’expédition malgache en 1895-1896) ?

Le critère proposé par l’historien Henri Brunschwig, même s’il est également très général, traduit beaucoup mieux la relation coloniale entretenue par la métropole pour laquelle toute guerre coloniale, n’a jamais été que « secondaire »

A ce stade de la lecture et de la réflexion, je serais tenté de dire que faute d’avoir choisi un fil conducteur et une chronologie historique, une définition précise de la guerre coloniale, l’auteur brosse un tableau plus récapitulatif que comparatif et synthétique des guerres d’Afrique, dites « coloniales », sans que la rigueur historique y trouve en définitive son compte, en juxtaposant expériences et guerres « coloniales », sans qu’on en voie toujours les lignes de force communes ou antagonistes.

 Les ambiguïtés

Le titre du livre vise les guerres d’Afrique, et il parait tout à fait surprenant d’y inclure la guerre d’Indochine, même si on voit bien le lien que fait l’auteur entre la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie, compte tenu des idées de guerre subversive, psychologique, révolutionnaire, qui ont inspiré, en Algérie, une partie des officiers d’active dans la guerre qu’ils y ont menée.

Mais ce rapprochement est tout à fait discutable, sauf à passer à un autre type d’analyse, celle des guerres « coloniales » modernes, de type d’abord asymétrique, puis de plus en plus symétriques, en raison des moyens militaires mis en œuvre, telle celle du Vietnam, qu’ont été certaines guerres d’indépendance nationale.

D’autant plus discutable qu’en Indochine, la confrontation est-ouest a très rapidement donné une coloration très différente au conflit, ce qui n’a pas été le cas de l’Algérie, même si certains officiers ont tenté d’accréditer cette thèse.

Une école algérienne de la guerre coloniale? Et la doctrine du fait accompli ?

L’auteur fait un sort à une école militaire algérienne à la mode Bugeaud, et classe Faidherbe dans la mouvance de cette école, mais cette ascendance, même si elle a existé, n’a pas obligatoirement conduit Faidherbe à mener ce type de guerre sur un théâtre d’opérations complètement différent, avec l’innovation des opérations amphibies,  et avec une conception coloniale encore plus différente de celle de l’Algérie.

L’auteur écrit : « Comme Bugeaud, il estime (Faidherbe) qu’il ne peut y avoir de sécurité sans occupation militaire même si celle-ci va à l’encontre de la politique voulue à Paris. Ainsi, en 1859, alors que de nouvelles instructions lui ordonnent de consolider le territoire acquis, il lance une colonne dans le Siné afin de « restaurer le prestige de la France ». En agissant ainsi, il inaugure une pratique du fait accompli et de lace vis-à-vis des pouvoirs civils métropolitains qui est érigée en principe par ses successeurs « soudanais ». Il est ici, selon la juste expression de R.Kanya-Forstner, le véritable père de l’impérialisme français au sud du Sahara. » (page 95)

J’ai consacré plusieurs années de recherches historiques dans les archives militaires et dans les récits de campagne des officiers, et il y en a eu beaucoup, afin de tenter de déterminer la place du fameux « fait accompli » dans l’histoire des conquêtes coloniales. J’ai livré le résultat de ces recherches dans le livre « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large », et ces recherches démontrent :

 1) que dans le contexte des communications de l’époque, il existait effectivement une liberté large et inévitable de commandement. Au cours même de la guerre de 1914-1918, l’historien Keegan a montré les limites du commandement, même au plus près des combats, le chef n’étant le plus souvent pas informé, ou avec retard, de ce qui se passait en avant des tranchées,

2) que le fameux fait accompli était le plus souvent au moins autant celui du petit groupe politique colonial qui tirait les ficelles à Paris que celui décrit comme le clan des « Soudanais », « les épigones de Bugeaud » (page 115)

3) que la thèse de R.Kanya-Forstner avait le mérite d’exister, mais qu’elle n’était pas toujours fondée dans tous ses développements,

4) qu’en tout état de cause, aucune opération militaire ne pouvait se dérouler sans que son chef ait un minimum de liberté de commandement.

Et j’ajouterais volontiers que la course vers Fachoda, ou le lac Tchad, avec le désastre de la colonne Voulet-Chanoine, la guerre du Dahomey, l’expédition de Madagascar, pour ne citer que ces quatre exemples, ne s’inscrivaient pas dans la thèse du fait accompli colonial, mais bien dans celle de la décision politique ou du fait accompli politique.

Alors parler d’école algérienne de l’impérialisme parait tout simplement exagéré, pour ne pas utiliser un qualificatif plus fort. L’extension de cette conception génétique de la guerre coloniale à la guerre d’Indochine ou à celle d’Algérie, serait encore plus étrange !

Mais tout à fait curieusement, il semble qu’à l’arrière-plan de ce type d’analyse se profile l’ombre de l’Algérie, toujours l’Algérie, et sa guerre d’indépendance qui aurait effacé les autres colonies, même si l’Algérie n’était pas une colonie, une « ombre » familière à beaucoup de chercheurs de l’histoire coloniale ou postcoloniale.

Ecole algérienne, celle de Gallieni ou de Lyautey ? Cette thèse n’est pas fondée, en tout cas pour ceux qui ont fréquenté, et leurs récits, et leurs campagnes.

Une armée d’Afrique ?

J’avouerai qu’à la lecture de ce livre par ailleurs bien documenté grâce à son abondante historiographie, et intéressant, j’ai eu de la peine à retrouver les justes repères sur la nature des armées coloniales, sauf en ce qui concerne leur appel à un recrutement toujours très important de soldats africains.

A mes yeux, l’armée d’Afrique était celle d’Algérie, et plus largement celle de l’Afrique du nord, et pas celle des colonies africaines, formée de régiments d’infanterie ou d’artillerie coloniale, et pas du tout de régiments de zouaves ou de chasseurs d’Afrique. Il me semble que c’est d’ailleurs l’acception retenue par les spécialistes, notamment  Anthony Clayton, Troisième partie, L’armée d’Afrique (pages 243 et suivantes).

Ne s’agit-il pas là d’une confusion historique ?  D’autant plus étrange que l’auteur cite à la fois dans son livre et dans sa bibliographie le livre de Clayton, intitulé « L’armée française en Afrique : 1830-1962 »

L’analyse du concept de l’armée d’Afrique, de son contenu, de son recrutement, aurait été intéressant en tant que tel, étant donné la relation qu’il instituait entre le gouvernent, la nation, et la politique coloniale qui était menée en leur nom.

L’histoire des troupes coloniales montre à l’évidence qu’elles ont le plus souvent servi des guerres considérées comme secondaires, ignorées le plus souvent comme le relève d’ailleurs ce livre, d’autant plus facilement, qu’elles n’impliquaient pas l’armée française dans son ensemble, mais surtout, absolument pas dans son système de recrutement, c’est-à-dire la conscription citoyenne, et donc en conséquence dans son fonctionnement et ses missions.

Ce que l’auteur appelle « l’armée d’Afrique », hors Algérie, a généralement été dirigée par des officiers de métier, secondés par un petit noyau européen de soldats de métier, d’engagés, ou de volontaires, mais constituée, pour l’essentiel, de troupes africaines.

L’expédition de Madagascar avait par exemple montré les limites de l’appel à des formations militaires de la métropole. Les unités de soldats recrutés en métropole, fêtées par la population à leur départ, le 200ème de ligne et le 40ème Chasseurs, avaient perdu, à la fin de 1895, plus de la moitié de leur effectif.

L’historien Brunschwig avait fort justement qualifié cette expédition de « criminelle ».

C’est entre autres, la raison pour laquelle je remarquais au début de cette analyse que les guerres coloniales n’avaient jamais été celles de la France, de son peuple, mais celles de ce que j’appellerais la France coloniale.

Et c’est sans doute pour les mêmes raisons que, grâce à l’existence d’un article 35 tout à fait curieux de la Constitution, à la suppression du service militaire et  à la disposition d’une armée professionnelle, la France s’engage aujourd’hui dans des guerres extérieures, sans trop se soucier de l’avis du Parlement ou de l’opinion des citoyens.

Nous touchons ici du doigt une des causes de nos guerres coloniales, celle qui mettait à la disposition des gouvernements de la Troisième République une force militaire professionnelle dont l’emploi ne soulevait  pas de conflit politique majeur.

Dans les deux guerres « perdues » d’Indochine et d’Algérie, le facteur principal de la défaite fut dans un cas, l’absence de la mobilisation des citoyens pour assumer le conflit, et dans l’autre cas, l’engagement des citoyens, c’est-à-dire d’un contingent rapidement hostile aux buts de cette guerre.

Avant d’en terminer, toutefois un regret, que l’auteur n’ait pas assez fait état des archives d’opérations militaires elles-mêmes, et pu consacrer plus de temps à la lecture des récits des officiers qui ont été les acteurs de ces guerres coloniales, je pense notamment à Gallieni et à Lyautey, mais il y en a eu beaucoup d’autres.

Au-delà de leur métier militaire, ils avaient souvent un talent de plume incontestable !

 Et le regret aussi que l’analyse historique n’ait pas épousé strictement le concept de comparaison entre « guerres » chronologiquement et conceptuellement comparables.

Jean Pierre Renaud

(1)  « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large » Editions JPR 2006

Le rôle de la communication et des communications dans les conquêtes coloniales (1870-1900)

« La condition noire » de Pap Ndiaye, lecture critique, visible ou invisible, la faute des autres?

« La condition noire »

Le livre de M.Pap Ndiaye

&

Lecture critique

Visible ou invisible ?

La faute des autres ?

            Les lecteurs de ce blog ont pu prendre connaissance de mon analyse critique des propos de M.Ndiaye, historien,  à l’occasion de sa longue interview, par M.Joignot dans le Monde Magazine du 5 février 2011 (voir blog du 6 mars 2011)    )

            Afin de mieux interpréter  le discours de l’historien, je me suis donc imposé la lecture de son livre intitulé  « La condition noire », dont le contenu est au demeurant intéressant, et utile au citoyen qui a l’ambition de mieux comprendre l’état d’esprit des membres des minorités « visibles » ou « invisibles ». Cette distinction pose déjà problème : comment résoudre cette contradiction, ou ce « paradoxe minoritaire » selon l’expression utilisée par l’auteur, c’est-à-dire une proposition à la fois vraie et fausse, ou contraire à l’opinion commune ?

            On voudrait en effet qu’elles aient une visibilité politique, en même temps qu’une invisibilité sociale, non discriminée, telle que d’ailleurs décrite dans ce livre.

            L’ouvrage s’attache à traiter successivement les thèmes ci-après : le fait d’être noir, les gens de couleur, l’histoire de ces minorités, les tirailleurs et les sauvageons, penser les discriminations raciales.

            Tout est intéressant dans ce livre, étant donné qu’il nous livre une analyse, un regard, un témoignage sur « la condition » qui serait celle des noirs en France, et il pose donc des questions, car il est tout autant un plaidoyer.

            A noter en ce qui me concerne, une hésitation certaine à utiliser des références américaines, comme le fait l’auteur, alors que la ségrégation y existait encore récemment, et que les flux migratoires massifs venus d’Afrique sont également récents !

            Pourquoi vouloir ignorer que dans nos provinces la plupart des citoyens n’avaient, il y a environ trente ans, quasiment aucun contact avec des Noirs ?

            Une première interrogation relative aux chiffres cités : l’historien rencontre un obstacle inévitable, celui de la statistique des minorités visibles, étant donné l’interdiction qui est faite, en France, de procéder à des recensements qui tiendraient compte de critères d’origine ethnique.

            Il cite un sondage TNS- Sofres/Cran effectué en 2007  (et non une statistique) qui évaluerait ce type de population à 3,86 % de la population française, soit de l’ordre du 1,87 million d’habitants (page 58), une évaluation intéressante, car elle situe d’entrée de jeu les limites des enjeux proposés à la fois par la question des discriminations et par celle de la représentation politique des minorités visibles.

            L’historien donne un certain nombre de chiffres intéressants, mais qui ne dépassent pas, sauf erreur, l’année 1981, alors que chacun sait que les flux de migration ont surtout marqué les années 1990-2009.

            Ce livre évoque d’ailleurs longuement le thème des  « grandes migrations », mais sans chiffres, alors que, sur ce terrain, il existe une assez grande abondance de statistiques des flux migratoires.

C’est bien dommage, étant donné que la bonne compréhension des problèmes d’immigration, d’intégration, d’acculturation à la française, largement traités dans cet ouvrage, sont nés généralement à la suite de ces grandes migrations, trop concentrées sur le plan géographique.

Donnons acte toutefois à l’auteur du constat qu’il fait quant à la nécessité d’obtenir des statistiques liées à l’origine de la population si l’on veut évaluer sérieusement la discrimination par rapport à son poids démographique.

L’auteur reconnait en effet «  l’utilité de la mesure statistique des discriminations » (page 278).

Comment en effet opérer une telle mesure, établir une véritable comparaison, sans mesurer cette discrimination par rapport à la population concernée ?

Visibilité ou invisibilité des Noirs ?

Sauf erreur, le livre n’a pas démontré que les 4% arrondis, et cités plus haut, de population française noire ne trouvaient pas la place qui leur revenait dans nos institutions ou dans la société.

Comment d’ailleurs concilier cette contradiction à vouloir obtenir une visibilité politique en même temps qu’une invisibilité sociale ?

L’auteur parle de « paradoxe minoritaire »

L’auteur écrit : « voulant être invisibles du point de vue de notre vie sociale… Mais nous voulons être visibles du point de vue de nos identités culturelles noires, de nos apports précieux à la société et à la culture française. » (page 361)

L’auteur écrit : «  L’invisibilité noire commença avec la décolonisation » (page 331), et je ne partage pas du tout cette appréciation, pourquoi ?

Est-il possible de dire qu’historiquement les Noirs étaient visibles du temps des colonies, alors que l’histoire que nous raconte l’auteur montre qu’effectivement ils étaient peu nombreux avant les grandes migrations dont il fait état ?

Faudrait-il alors faire référence à un soi-disant imaginaire colonial qui aurait imprégné la mentalité des Français et les aurait mis en familiarité avec les noirs ?

Cela aurait à mon avis peu de sens !

Il est évident que le facteur qui fonde la relation actuelle entre blancs et noirs en France est l’immigration régulière ou non d’une minorité noire importante, avec pour conséquence, l’élaboration de nouveaux rapports sociaux inconnus de beaucoup de Français.

En résumé, si l’analyse est souvent intéressante et utile, il semble qu’elle pêche par trois biais :

–       Une mise en perspective historique insuffisante par rapport aux flux migratoires de la fin du XX° siècle et du début du XXI° siècle,

–       La croyance d’après laquelle discriminations, stéréotypes, et éventuellement racisme, ne seraient que le fait des blancs, alors que ces phénomènes existent partout dans le monde : ni discrimination, ni racisme dans les vallées du Sénégal ou du Niger ? Naturellement tout racisme est à proscrire, mais malheureusement, il n’est pas le privilège des blancs, Français ou pas !

–       Un discours qui manque d’élan positif, car c’est toujours la faute des blancs, la faute des autres !

Et je serais tenté de dire, pourquoi au lieu de toujours se plaindre, les Noirs n’auraient pas autant de raisons que les blancs d’être fiers de leur couleur ? Et d’assumer toutes leurs responsabilités de citoyens en France, quand ils le sont !

Pourquoi ne pas les inviter à reprendre l’expression célèbre d’Obama « Yes, you can ! », au lieu de dire toujours « c’est la faute des autres », c’est-à-dire des blancs ?

Jean Pierre Renaud

Immigration, vérités, et cartes sur table: réflexions

Immigration, vérités, et cartes sur table !

Réflexions d’un citoyen sur l’immigration en France

            Le dossier de l’immigration est un dossier français politiquement sensible, mais il est très difficile, pour un citoyen curieux du sujet, désireux d’en comprendre les éléments fournis par la presse écrite, d’interpréter les statistiques produites, tant elles sont changeantes, diverses, pour ne pas dire contradictoires.

A dire vrai, et après deux années de lecture de ce type d’informations, mon opinion est encore incertaine sur les chiffres et leur interprétation.

Le Monde –

En ce qui concerne les chiffres, Le Monde du 4 décembre 2010, notait dans sa page « Décryptages Focus » la stabilité des chiffres de l’immigration entre 1986 et 2006 : « Si l’immigration s’est stabilisée, son visage en revanche s’est tranformé… », soit entre 7,4% et 8% d’étrangers en France.

Mais le même journal, dans sa page Contre-enquête du 12 avril 2011, propose une représentation graphique intitulée « Immigration en France : pas de baisse depuis 2001 », et on lit effectivement que le flux d’entrée à caractère permanent est passé de 137 903, en 2001, à 199 467, en 2004, le maximum, et 181 316, en 2009.

Comment ne pas noter par ailleurs que le titre des graphiques est manipulateur ? « Pas de baisse », alors qu’il y a augmentation ?

Sur ces flux, le nombre d’immigrés entrés par la voie d’une migration familiale représente sur l’ensemble des années de l’ordre de 800 000 immigrés, lesquels ont naturellement vocation à entrer dans la communauté française

Et sur ces tableaux, les chiffres de migration des travailleurs ne constituent pas un vrai sujet, compte tenu de leur faible pourcentage, et montrent que les déclarations récentes, et du ministre de l’Intérieur, et de la présidente du Medef, à ce sujet, n’ont pas de réel fondement.

Alors qui croire et à quoi croire ?

Incompétence des journalistes, manipulation des chiffres, complexité technique du sujet, laquelle est incontestablement la plus forte en ce qui concerne l’évaluation des immigrés sans papiers, ou de ceux venus avec des faux papiers ?

 Les Echos-

Un autre journal, Les Echos vient de présenter, le 26 avril, son analyse du sujet, et le contenu de cette analyse découpée en quatre thèmes soulève également quelques questions :

La proportion d’immigrés augmente-t-elle sur le territoire français ? Le journal fait référence au chiffre des années 1920, mais est-il bien sérieux de la part d’un journal économique et financier de partir d’une telle référence, dénuée de tout crédit, ne serait-ce qu’en raison de sa date et des millions de morts de la guerre 1914-1918 ?

Dans le même paragraphe, l’auteur écrit «  Par ailleurs, 100 000 individus quittent chaque année l’Hexagone… Autour de 100 000 personnes par an, en moyenne, restent donc à accueillir. Un chiffre bien modeste comparé aux autres pays développés. »

100 000 personnes seulement ? Vraiment ? Par quel processus, et sur le fondement de quelles statistiques ? Le quotidien aurait pu à la fois l’expliquer et le justifier, car c’est un aspect ignoré de ce dossier.

Les immigrés pèsent-ils sur les comptes sociaux ?  Le journal propose une analyse dont les résultats sont d’ailleurs nuancés, fondée sur l’hypothèse, sauf erreur,  que la population d’origine immigrée et intégrée dans la communauté française ne vieillira pas dans notre pays. Difficile à croire tout de même !

Une diminution de l’immigration suffirait-elle à faire baisser le chômage ? Conclusion évidemment négative, et bien connue des spécialistes, le facteur majeur du débat n’étant pas l’immigration officielle, mais clandestine, celle dont personne ne connait le chiffre exact, 300 000 ? 400 000 ? Un flux de travailleurs sans papiers qui alimente le recrutement de beaucoup d’entreprises, grandes ou petites dans certains secteurs économiques.

L’immigration peut-elle pallier le vieillissement de la population ? Conclusion négative du journal, mais qu’il serait bienvenu de relier à la conclusion précédente sur les comptes sociaux.

Dans le même numéro, un des éditorialistes du journal écrit sous le titre « Penser l’immigration » : … Dans l’enquête que nous publions aujourd’hui, trois contrevérités sont démontrées. »

Est-ce bien sûr ?

Impossible donc pour un citoyen curieux de saisir les véritables données de ce dossier et d’en interpréter les éléments !

Dans cette sorte de désordre des chiffres et des interprétations, quelques informations paraissent établies aujourd’hui, ou en tout cas communiquées :

La concentration anormale des flux migratoires sur certains territoires, ceux que Luc Bronner a fort bien décrit dans son livre « La loi des ghettos ».

Le Haut Conseil de l’Intégration vient du reste de le souligner.

L’importance des flux liés à l’immigration familiale, et les questions légitimes qu’il est possible de se poser, afin de comprendre le fonctionnement dont l’image de pelote de laine multiforme rendrait assez bien compte :

 1- Quant à l’interprétation du concept de parenté dans la culture africaine et dans notre propre culture, à l’évidence, très extensible dans la première. A titre d’exemple, dans certaines régions de l’Afrique de l’ouest, un oncle est encore réputé « père » de son neveu ! Comment voulez-vous qu’un employé municipal ou préfectoral comprenne ce type de relation ?

Cette immigration familiale, qui peut être chez nous source de problème, atteste de la solidarité puissante et toujours vivante de beaucoup de communautés africaines, une solidarité qui est incontestablement positive sur le plan humain.

2- Quant aux facilités d’intégration de personnes issues de certaines cultures africaines d’émigration, pour ne pas évoquer le redoutable problème de l’alphabétisation et acculturation  de beaucoup d’entre elles.

Le sociologue Lagrange a publié les résultats d’une enquête sérieuse qui montre les difficultés réelles que peuvent rencontrer certains jeunes issus de cette immigration dans leur processus d’acculturation à la française ?

Un grand intellectuel africain, Moussa Konaté, dans son livre « L’Afrique noire est-elle maudite » propose à cet égard un certain nombre de clés de compréhension de la culture africaine.

Vrais et faux papiers 

Quant au contrôle de l’authenticité de papiers soi-disant officiels présentés par nos immigrés, dans son livre « Madame Bâ », l’académicien Orsenna, bon connaisseur de l’Afrique, et ancien collaborateur de M. Mitterrand, propose à ses lecteurs quelques ouvertures de réflexion à ce sujet (voir pages 386 à 388).

Mais me direz-vous, ce n’est qu’un roman !

Les mariages mixtes

L’importance des mariages mixtes, de l’ordre de 50 000 par an (Les Echos numéro 20913), sur un total de 250 000 en France : dans quelle rubrique sont- ils comptés ? Et l’interprétation d’un certain nombre de ces unions pose aussi des questions.

En conclusion, le débat avance effectivement, et aussi, une meilleure connaissance du sujet, mais la presse serait bien avisée de proposer à ses lecteurs une vue complète, précise et rigoureuse des flux d’immigration, des problèmes qu’elle soulève effectivement, même si une des conclusions d’une étude récente sur les résultats, est en partie positive sur l’intégration à la française.

Dans ce domaine aujourd’hui sensible de l’immigration, il faut jouer carte sur tables, sauf à continuer à empoisonner le débat politique, économique, et social, et la France n’a vraiment pas besoin de cela.

Jean Pierre Renaud

1895-1896: un épisode tragique de la conquête de Madagascar, Gallieni fait fusiller le ministre de l’Intérieur- 2° partie

Retour historique sur un épisode tragique de la conquête de Madagascar (1895-1896)

A Madagascar, le 15 octobre 1896, le général Gallieni, nouveau proconsul de la France, fait fusiller le ministre de l’Intérieur de Madagascar

Deuxième partie du commentaire

Première partie sur le blog du   15 avril 2011

Le portrait du Prince de la Paix

« Il s’appelait Rainandriamampandry. On pourrait écrire avec traits d’union. Rain – Andria – Mampandry : parce que conformément à l’usage de la langue malgache, qui est, comme disent les philologues, agglutinante, ce nom propre est un conglomérat de mots empruntés à la langue usuelle. Il a donc un sens ;  Rain est un préfixe honorifique de courtoisie ; Andriamampandry signifie Prince de la Paix. Celui qui le portait était en effet un grand seigneur, tout à fait au sommet de la hiérarchie politique et administrative, « seizième honneur », pour adopter la tradition courante, non sans quelque regret… »

L’auteur a donc retenu, par commodité, la traduction de ce nom pour évoquer le personnage, et expliquait :

« Cette liberté qu’on se trouve amené à prendre avec un nom propre doit se concilier avec le plus grand respect pour l’homme qui l’a porté honorablement toute sa vie et dans sa mort violente. Prince de la paix a certainement laissé à Tananarivo des descendants qui ne peuvent pas manquer d’être légitimement fiers de lui, et dont on serait désolé de froisser la piété filiale. 

Si l’un d’eux fait jamais à ces quelques pages, l’honneur de les lire, il ne méconnaîtra pas, j’espère, qu’elles sont imprégnées au fond de sympathie déférente.» (page 69)

L’auteur proposait donc de tenter de comprendre ce haut personnage à partir de ses mémoires qu’il a eu la chance de pouvoir consulter.

Il introduisait donc le sujet en écrivant : « C’est Prince de la Paix qu’il s’agit de comprendre et il a été fusillé en 1896. »

L’auteur notait que le Prince de la Paix fut un écrivain en même temps qu’un homme politique, car il noircit donc beaucoup de livres, « le produit de ses veilles » :

« Quand on a parcouru ces gros livres, ils ouvrent un jour curieux sur l’âme d’un Malgache, élève des missionnaires, à la fin du XIX° siècle. »

« Son père était un haut fonctionnaire, à l’enterrement duquel on a tué un nombre incalculable de bœufs ; le corps était enveloppé de 60 suaires de soie, et 5.000 Francs en piastres ont été déposés dans le tombeau. »

L’auteur racontait donc :

« Moi aussi j’ai touché aux « grandes affaires », comme on disait au XVIIème siècle…J’ai été témoin de ce drame ; j’ai même appartenu, par la situation administrative que j’occupais alors, à cette catégorie de témoins que l’illusion d’une responsabilité oblige à nommer acteurs.

Chez un homme qui a passé le reste de sa vie sur la tour d’ivoire, dans une mémoire encombrée d’érudition livresque, cet épisode a laissé un lot de souvenirs incongrus qui font un contraste ridicule avec le reste…

Avouer que je fus, dans des circonstances graves, un administrateur d’une ineptie amusante, c’est risquer, il est vrai, d’atteindre indirectement celui qui m’a désigné pour ces hautes fonctions, mais celui-là, bien entendu et comme d’habitude j’imagine, c’est le hasard qui est au-dessus de tout discrédit….

Cela se passait dans le courant de 1896, si je ne me trompe, pendant l’insurrection qui suivit la conquête. Elle amena un changement de gouverneur, à M.Laroche succéda le général Gallieni, et le proconsulat militaire fut inauguré par la condamnation à mort et l’exécution du ministre malgache de l’intérieur et d’un prince de la famille royale. Cette exécution fit quelque bruit à l’époque et alimenta des polémiques de presse, aux uns elle parut un crime militaire monstrueux et inutile ; aux autres un geste énergique, équitable et bienfaisant. Naturellement tout fut oublié en quinze jours, on ne peut pas imaginer que ce détail d’histoire coloniale ait retenu plus longtemps l’attention publique.

Le prince malgache exécuté, qui se nommait Ratsimamanga, et qui n’était rien moins qu’oncle de la reine, m’était à peine connu, il avait chez les Malgaches une très mauvaise réputation, justifiée par ses mangeries, il n’avait pas beaucoup de tête et pas beaucoup de cœur…

La victime de premier plan fut certainement le ministre de l’intérieur, Prince de la Paix.

J’étais moi-même directeur des affaires indigènes par intérim, le ministre de l’intérieur malgache de l’intérieur était mon collaborateur ; dans les six mois qui ont précédé sa mort, je l’ai vu au bureau tous les jours matin et soir, je lui ai serré la main très régulièrement quatre fois par jour, et j’ai eu souvent avec lui de longues conversations amicales. La veille de son exécution, je faisais fonction d’interprète au conseil de guerre. En cette qualité, j’ai dû lui traduire la sentence de mort ; la salle du conseil était toute petite, on se touchait, je lui communiquai son arrêt comme on cause, les yeux dans les yeux, à trente centimètres de sa figure extrêmement connue. Je n’y ai vu aucune trace d’émotion, sauf trois petites gouttes de sueur qui perlèrent brusquement sur son front, et il répondit simplement « oui, oui » avec sa petite voix douce habituelle…

Je n’ai pas la prétention d’avoir compris Prince de la Paix au moment même de nos relations quotidiennes… Ainsi est-il advenu que je n’ai pas vu l’homme véritable au moment où je l’avais sous les yeux…

Dans cette période dangereuse  de troubles et de réorganisation qui suit immédiatement une conquête coloniale, que ç’ait été précisément moi qui fus chargé, en collaboration avec Prince de la Paix, de diriger la politique intérieure à Madagascar, je crois me souvenir que, dans ce temps-là, ça me paraissait après tout assez naturel. Aujourd’hui, quand je me reporte à ce passé lointain, j’ai bien le sentiment vif d’une disproportion considérable jusqu’au comique ente la tâche et la préparation professionnelle de l’ouvrier…

Le ministère malgache de l’Intérieur, au contrôle duquel j’étais préposé, fut installé dans le Palais « Au-dessus des désirs » (Tsy-azom-paniry). Ce n’était pas un édifice somptueux, mais il se dressait dans l’enceinte sacrée des palais, tout au sommet du roc de Tananarivo. On y avait à ses pieds presque toute l’Emyrne, l’immense plaine des rizières, et le cercle lointain des montagnes…

Vers le temps où j’eus le devoir très pénible de traduire à Prince de la Paix, mon collaborateur indigène, sa condamnation à mort, je fus moi-même mis à pied. Je m’imaginais alors que ces deux sentences, d’une sévérité inégale, étaient la punition du même crime, l’impéritie. Je sais aujourd’hui que je me trompais.. »

L’ancien directeur des affaires indigènes par intérim n’apprit la vérité que beaucoup d’années plus tard ! Innocence de sa part ou impéritie, allez savoir !

« Il appert que le palais « Au-dessus des désirs » n’a pas seulement favorisé inconsciemment l’insurrection par sa passivité officielle ; il a consacré beaucoup d’activités officieuses à l’organiser consciemment.

Prince de la Paix, mon collaborateur et ami, signait sa correspondance clandestine du pseudonyme « le Patriote ». Cela se dit en malgache Ra-tia-tanin-drazana, et ce substantif est à lui tout seul une petite phrase compliquée : cela signifie « le monsieur qui aime le pays et ses ancêtres »…

Pour Prince de la Paix, mon collaborateur et ami, l’usage d’un pseudonyme était une mesure de prudence bien naturelle. Mais ce pseudonyme était transparent, car les lettres étaient accompagnées de promotions et de brevets, expédiés en bonne et due forme, d’après les traditions de la chancellerie ; et le caractère officiel de toute la correspondance était donc patent…

J’essaie bien de me défendre contre la précision de ces révélations tardives. Le ministre de l’Intérieur fut exécuté pour connivence avec l’insurrection…

J’admets donc que feu mon collaborateur et ami s’est bien décidément moqué de moi outrageusement, et je lui pardonne de tout cœur…

De tout cela se dégage maintenant une figure toute nouvelle de Prince de la Paix, des détails biographiques épars s’harmonisent pour dresser l’image d’un homme extrêmement respectable…

Pendant la guerre de 1884, il commandait les forces malgaches à la côte Est, et il maintint ses positions de Farafate contre les attaques indécises de l’Amiral Miot…

Parmi tant de fonctionnaires peu estimables, Prince de la Paix avait tout de même la réputation d’avoir été, à tout prendre, probablement le plus honnête. C’est à ce titre qu’il fut nommé par le gouvernement français ministre de l’Intérieur, et au même titre exactement, il était naturel qu’il trahît l’étranger pour son pays…

Dans cet effondrement de l’indépendance malgache, où les dévouements et les énergies ont fait défaut, Prince de la Paix est le seul homme qui ait risqué sa vie délibérément.

Ç’aurait été une raison peut-être pour la lui laisser. »

Deux hauts fonctionnaires intervinrent auprès de Gallieni pour lui conseiller la clémence :;

« Messieurs, leur aurait répondu le Général, je vous remercie de votre conseil, mais je n’ai pas l’intention de le suivre »,

 mais, «  Plus tard, lorsqu’il connut le pays, il lui serait arrivé de dire à son Directeur des Finances et à son Directeur des Domaines :

« C’est vous qui aviez raison, Messieurs, j’ai regretté de ne pas vous avoir écoutés. »

« Avec un peu plus de chance le vieux Prince de la Paix aurait donc pu sortir vivant de l’épreuve redoutable. Il eût passé quelques années qui lui restaient à vivre dans l’apparat de ses dignités. On peut se demander si ces quelques années en valaient la peine. Il est permis de préférer pour lui la mort violente du héros, dans un moment de la vie de son peuple où l’héroïsme était rare. »

Deux simples commentaires :

Un jugement terrible sur le comportement de l’élite malgache de l’époque de la conquête.

Une décision du général Gallieni qu’il faut analyser et interpréter, alors qu’il ignorait tout de ce pays, qu’il avait été nommé à son nouveau poste dans un contexte d’insurrection, et enfin qu’il a toujours témoigné au cours de sa vie coloniale d’un amour sans doute trop exclusif de la nouvelle République française.

Et à observer le comportement des élites actuelles de ce beau et attachant pays – toujours dans un régime de transition, deux ans après un coup d’Etat -, il est possible de se demander si le premier commentaire n’a pas conservé toute sa valeur.

La France serait d’ailleurs bien inspirée de rappeler son ambassadeur à Madagascar, sauf pour l’auteur ou les auteurs du Coup d’Etat de février 2009, à cesser leurs palinodies et à accepter des élections libres et démocratiques sous le contrôle d’institutions internationales, et cela, dans un délai de quelques  mois !

Jean Pierre Renaud

Les caractères gras sont de ma responsabilité

PS : Le livre « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large » (Jean Pierre Renaud, Editions JPR) propose, entre autres (Soudan, Tonkin, et Fachoda), une analyse du déroulement de l’expédition de Madagascar sous l’angle de la communication technique, politique et militaire entre gouvernement et  chef militaire de l’expédition. En clair, quels ordres étaient donnés ? Comment ? Par qui étaient-ils exécutés ? Question : les généraux n’en faisaient-ils qu’à leur tête, en pratiquant la politique du « fait accompli » ?

Eclats de vie coloniale : Madagascar

Retour historique sur un épisode tragique de la conquête de Madagascar (1895- 1896)

A Madagascar, le 15 octobre 1896, le général Gallieni, nouveau proconsul de la France fait fusiller le ministre de l’Intérieur de Madagascar.

Première partie du commentaire

Pourquoi ?

 La source historique:

« Trois Héros

Le Général Laperrine – Le Père de Foucauld – Prince de la Paix »

Par E.F.Gautier Professeur à l’Université d’Alger »

Le sacrilège colonial ?

La singularité « colonialiste » du professeur Gautier

            Ce petit livre de 139 pages a été publié par les Editions Payot, en 1931, date de la grande Exposition coloniale de 1931, laquelle aurait, d’après certains chercheurs, marqué en profondeur la mentalité des Françaisen confirmant la culture coloniale qui, grâce au « matraquage » de la propagande coloniale, aurait imprégné la mentalité des Français, à un degré tel, qu’ils seraient encore porteurs, « sans le savoir », de « stéréotypes coloniaux », portés par « l’inconscient collectif » cher  à l’historienne Coquery-Vidrovitch. 

            Le petit livre en question a été écrit par un universitaire français, Emile-Félix Gautier, qui s’est illustré par ses recherches sur Madagascar et le Sahara.

            Sorti de l’Ecole Normale, en 1884, il réussit à se faire donner, en 1892, une mission d’exploration géographique à Madagascar. Il y passa trois ans à parcourir à pied  les régions encore inconnues de l’ouest de la grande île.

            En 1895, la conquête de Madagascar mit fin à sa mission, et il se retrouva directeur intérimaire des Affaires indigènes, avant de devenir directeur de l’enseignement entre 1896 et 1899.

            C’est dans ce poste d’intérimaire qu’il côtoya le ministre de l’Intérieur malgache, dont il raconte la destinée tragique.

Son ouvrage est tout à fait singulier, pour sa date de publication déjà évoquée, mais pour deux autres raisons majeures :

–       Il est tout à fait étrange de voir ce ministre fusillé par Gallieni, dont il retient le nom traditionnel « Prince de la Paix », rangé dans la catégorie des Trois héros (pour la moitié de ses pages), alors que les deux autres sont le général Laperrine, mort dans un accident d’avion, en 1917, le conquérant militaire du Sahara, et Charles de Foucauld, ermite à Tamanrasset, assassiné en 1916, quatre-vingt ans avant l’assassinat en Algérie, des moines de Tibihérine. Gallieni fit fusiller le même jour un oncle de la reine, le prince Ratsimamanga.

–       Seul point commun apparent : les trois héros sont morts de mort violente !

–       Le portrait du Prince de la Paix qu’il propose n’est pas du tout négatif, bien au contraire, et c’est sans doute en reconnaissant le courage national de ce haut dignitaire malgache, dans les circonstances difficiles de la conquête de son pays, qu’il ose le ranger aux côtés des deux autres héros. Il lui reconnait l’honneur de son double jeu en présence de l’occupant.

Donc, un  ouvrage tout à fait singulier à plusieurs titres !

Le théâtre historique de la conquête

            Revenons un instant sur l’histoire des relations entre la France et Madagascar avant la conquête coloniale de 1895.

Jusqu’à la révolution technologique du dix-neuvième siècle (vapeur, électricité, télégraphe et câbles, armement, industries, canal de Suez, etc…) les puissances occidentales s’étaient depuis longtemps intéressé aux richesses de l’Orient et de l’Asie, et de grandes compagnies de commerce avaient rivalisé pour y implanter des comptoirs, notamment anglaises et hollandaises.

Mais la révolution technologique en question produisit une révolution dans les relations entre nations, l’Occident disposant alors des moyens nécessaires pour  assurer une domination coloniale sur les pays dits « arriérés ».

Après un bref épisode « heureux », la France avait été éliminée des Indes, mais elle avait continué à entretenir des relations politiques et commerciales sur la route des Indes, notamment dans l’Océan Indien, avec la persistance de la rivalité coloniale historique franco-anglaise.

Les navires français avaient fréquenté les côtes malgaches, tout au long du dix-huitième et du dix-neuvième siècle, et la France s’était implantée définitivement dans l’île de la Réunion, une île de colons, souvent très entreprenants, pour ne pas dire « colonialistes » à l’égard de leur grand voisin malgache.

C’est d’ailleurs à l’occasion d’un passage éclair, quinze jours en tout, d’un colon réunionnais au ministère de la Marine et des Colonies, M.de Mahy, que la France se lança dans les premières opérations de conquête de la grande île, en 1885.

Cette campagne ne fut pas un succès et se solda par un traité boiteux et ambigu entre la monarchie Hova et la République française, traité qui posa en fait les bases du contentieux qui allait servir de prétexte à la France pour intervenir à Madagascar, en 1895.

Le lecteur notera au passage qu’au cours de cette campagne un des rares nobles de la monarchie malgache à s’être brillamment illustré en résistant vaillamment aux troupes françaises, à Farafate,  sur la côte orientale de Tamatave, fut le fameux ministre de l’Intérieur fusillé en 1896, M. Rainandriamampandry, dont l’histoire tragique est ici racontée succinctement.

En 1895, la France s’était donc lancée dans la folle aventure coloniale de la conquête de Madagascar, sous la conduite du général Duchesne, une conquête de plus, une expédition coûteuse pour les épargnants français, mais surtout coûteuse en vies humaines.

L’historien Brunschwig notait que « l’expédition Duchesne fut criminelle », car les pertes, principalement pour cause de maladies, furent considérables, un soldat sur trois, et surtout dans les unités recrutées en métropole : le 200ème de ligne et le 40ème Chasseurs avaient perdu la moitié de leur effectif.

Il était d’ailleurs tout à fait exceptionnel que les gouvernements de la Troisième République fassent appel, pour ces conquêtes, et même partiellement, à des contingents de troupes métropolitaines.

Toujours est-il que Tananarive tomba aux mains des Français le 30 septembre 1895, et que le gouvernement français fit rapidement voter par la Chambre des Députés l’annexion de Madagascar : la monarchie était donc devenue une fiction.

Pour expliquer, mais surtout justifier ce processus, le ministre Hanotaux avait utilisé une formule surprenante « les événements ont marché », formule qui illustrait parfaitement les pratiques coloniales du fait accompli, lesquelles n’étaient pas toujours celles des généraux, comme je l’ai démontré dans le livre « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large ». (1)

Problème pour le nouvel occupant des lieux, la population malgache résistait et l’île s’embrasait. Le général Gallieni remplaça donc l’ancien résident Laroche et reçut la mission de pacifier la nouvelle colonie. Il débarqua à Tananarive le 28 septembre 1896, un peu plus d’un an après la conquête.

C’est dans ce contexte historique que M.Gautier, directeur des affaires indigènes par intérim, travailla aux côtés de celui qu’il baptisa du nom de Prince de la Paix, le ministre de l’Intérieur très éphémère du proconsul Gallieni ou de la reine Ranavalonana III, car il y avait bien une fiction institutionnelle.

La juxtaposition des trois noms, Laperrine, de Foucauld et prince de la Paix est d’autant plus surprenante que le livre a été publié en 1931.

Jean Pierre Renaud

(1)  « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large » Editions JPR 2006

Le rôle de la communication et des communications dans les conquêtes coloniales (1870-1900) »

Le blog  publiera la deuxième partie de cette chronique dans  la semaine du 25 avril 2011

1896: Gallieni fait fusiller le ministre de l’Intérieur de Madagascar

Eclats de vie coloniale : Madagascar

Retour historique sur un épisode tragique de la conquête de Madagascar (1895- 1896)

A Madagascar, le 15 octobre 1896, le général Gallieni, nouveau proconsul de la France fait fusiller le ministre de l’Intérieur de Madagascar.

Première partie du commentaire

Pourquoi ?

 La source historique:

« Trois Héros

Le Général Laperrine – Le Père de Foucauld – Prince de la Paix »

Par E.F.Gautier Professeur à l’Université d’Alger »

Le sacrilège colonial ?

La singularité « colonialiste » du professeur Gautier

            Ce petit livre de 139 pages a été publié par les Editions Payot, en 1931, date de la grande Exposition coloniale de 1931, laquelle aurait, d’après certains chercheurs, marqué en profondeur la mentalité des Françaisen confirmant la culture coloniale qui, grâce au « matraquage » de la propagande coloniale, aurait imprégné la mentalité des Français, à un degré tel, qu’ils seraient encore porteurs, « sans le savoir », de « stéréotypes coloniaux », portés par « l’inconscient collectif » cher  à l’historienne Coquery-Vidrovitch. 

            Le petit livre en question a été écrit par un universitaire français, Emile-Félix Gautier, qui s’est illustré par ses recherches sur Madagascar et le Sahara.

            Sorti de l’Ecole Normale, en 1884, il réussit à se faire donner, en 1892, une mission d’exploration géographique à Madagascar. Il y passa trois ans à parcourir à pied  les régions encore inconnues de l’ouest de la grande île.

            En 1895, la conquête de Madagascar mit fin à sa mission, et il se retrouva directeur intérimaire des Affaires indigènes, avant de devenir directeur de l’enseignement entre 1896 et 1899.

            C’est dans ce poste d’intérimaire qu’il côtoya le ministre de l’Intérieur malgache, dont il raconte la destinée tragique.

Son ouvrage est tout à fait singulier, pour sa date de publication déjà évoquée, mais pour deux autres raisons majeures :

–       Il est tout à fait étrange de voir ce ministre fusillé par Gallieni, dont il retient le nom traditionnel « Prince de la Paix », rangé dans la catégorie des Trois héros (pour la moitié de ses pages), alors que les deux autres sont le général Laperrine, mort dans un accident d’avion, en 1917, le conquérant militaire du Sahara, et Charles de Foucauld, ermite à Tamanrasset, assassiné en 1916, quatre-vingt ans avant l’assassinat en Algérie, des moines de Tibihérine. Gallieni fit fusiller le même jour un oncle de la reine, le prince Ratsimamanga.

–       Seul point commun apparent : les trois héros sont morts de mort violente !

–       Le portrait du Prince de la Paix qu’il propose n’est pas du tout négatif, bien au contraire, et c’est sans doute en reconnaissant le courage national de ce haut dignitaire malgache, dans les circonstances difficiles de la conquête de son pays, qu’il ose le ranger aux côtés des deux autres héros. Il lui reconnait l’honneur de son double jeu en présence de l’occupant.

Donc, un  ouvrage tout à fait singulier à plusieurs titres !

Le théâtre historique de la conquête

            Revenons un instant sur l’histoire des relations entre la France et Madagascar avant la conquête coloniale de 1895.

Jusqu’à la révolution technologique du dix-neuvième siècle (vapeur, électricité, télégraphe et câbles, armement, industries, canal de Suez, etc…) les puissances occidentales s’étaient depuis longtemps intéressé aux richesses de l’Orient et de l’Asie, et de grandes compagnies de commerce avaient rivalisé pour y implanter des comptoirs, notamment anglaises et hollandaises.

Mais la révolution technologique en question produisit une révolution dans les relations entre nations, l’Occident disposant alors des moyens nécessaires pour  assurer une domination coloniale sur les pays dits « arriérés ».

Après un bref épisode « heureux », la France avait été éliminée des Indes, mais elle avait continué à entretenir des relations politiques et commerciales sur la route des Indes, notamment dans l’Océan Indien, avec la persistance de la rivalité coloniale historique franco-anglaise.

Les navires français avaient fréquenté les côtes malgaches, tout au long du dix-huitième et du dix-neuvième siècle, et la France s’était implantée définitivement dans l’île de la Réunion, une île de colons, souvent très entreprenants, pour ne pas dire « colonialistes » à l’égard de leur grand voisin malgache.

C’est d’ailleurs à l’occasion d’un passage éclair, quinze jours en tout, d’un colon réunionnais au ministère de la Marine et des Colonies, M.de Mahy, que la France se lança dans les premières opérations de conquête de la grande île, en 1885.

Cette campagne ne fut pas un succès et se solda par un traité boiteux et ambigu entre la monarchie Hova et la République française, traité qui posa en fait les bases du contentieux qui allait servir de prétexte à la France pour intervenir à Madagascar, en 1895.

Le lecteur notera au passage qu’au cours de cette campagne un des rares nobles de la monarchie malgache à s’être brillamment illustré en résistant vaillamment aux troupes françaises, à Farafate,  sur la côte orientale de Tamatave, fut le fameux ministre de l’Intérieur fusillé en 1896, M. Rainandriamampandry, dont l’histoire tragique est ici racontée succinctement.

En 1895, la France s’était donc lancée dans la folle aventure coloniale de la conquête de Madagascar, sous la conduite du général Duchesne, une conquête de plus, une expédition coûteuse pour les épargnants français, mais surtout coûteuse en vies humaines.

L’historien Brunschwig notait que « l’expédition Duchesne fut criminelle », car les pertes, principalement pour cause de maladies, furent considérables, un soldat sur trois, et surtout dans les unités recrutées en métropole : le 200ème de ligne et le 40ème Chasseurs avaient perdu la moitié de leur effectif.

Il était d’ailleurs tout à fait exceptionnel que les gouvernements de la Troisième République fassent appel, pour ces conquêtes, et même partiellement, à des contingents de troupes métropolitaines.

Toujours est-il que Tananarive tomba aux mains des Français le 30 septembre 1895, et que le gouvernement français fit rapidement voter par la Chambre des Députés l’annexion de Madagascar : la monarchie était donc devenue une fiction.

Pour expliquer, mais surtout justifier ce processus, le ministre Hanotaux avait utilisé une formule surprenante « les événements ont marché », formule qui illustrait parfaitement les pratiques coloniales du fait accompli, lesquelles n’étaient pas toujours celles des généraux, comme je l’ai démontré dans le livre « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large ». (1)

Problème pour le nouvel occupant des lieux, la population malgache résistait et l’île s’embrasait. Le général Gallieni remplaça donc l’ancien résident Laroche et reçut la mission de pacifier la nouvelle colonie. Il débarqua à Tananarive le 28 septembre 1896, un peu plus d’un an après la conquête.

C’est dans ce contexte historique que M.Gautier, directeur des affaires indigènes par intérim, travailla aux côtés de celui qu’il baptisa du nom de Prince de la Paix, le ministre de l’Intérieur très éphémère du proconsul Gallieni ou de la reine Ranavalonana III, car il y avait bien une fiction institutionnelle.

La juxtaposition des trois noms, Laperrine, de Foucauld et prince de la Paix est d’autant plus surprenante que le livre a été publié en 1931.

Jean Pierre Renaud

(1)  « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large » Editions JPR 2006

Le rôle de la communication et des communications dans les conquêtes coloniales (1870-1900) »

Le blog  publiera la deuxième partie de cette chronique dans  la semaine du 25 avril 2011

Humeur Tique: la Françafrique d’avant et d’après Côte d’Ivoire? Mourir à Doha et le président de la République Française?

Humeur Tique : Françafrique modèle 2011, un avant et un après Côte d’Ivoire ?

La première page ambigüe de Libération du 12 avril 2011 : « La France sort Gbagbo »

Ou de préférence « Le regard de Plantu » en première page du Monde du 13 avril intitulée « Gbagbo se plaint de ses conditions de détention », avec l’apparition des Vergès et Dumas, « cher client » et la réponse en bulle de Gbagbo « Ah non ! Pas eux ! »

Un dictateur africain déchu, très bien ! Au tour des autres à présent ?

L’intervention de la France dans le dénouement de cette crise pose, en tout cas et une fois de plus, le problème de son rôle dans l’ancien « pré carré »  africain.

            En la circonstance, la France a été le bras militaire séculier de l’ONU, mais il est évident que son intervention, sous le parapluie d’une cause internationale, n’aurait pas été possible, en tout cas dans les conditions connues, si la France n’avait pas disposé d’une force militaire disponible en Côte d’Ivoire, avant même, sauf erreur, la couverture diplomatique de l’ONU.

            Et chacun sait que notre pays dispose d’autres forces « prépositionnées » de notre armée « professionnelle »  en Afrique ! Qu’en sera-t-il à nouveau, si dans l’un ou l’autre de ces pays, au Gabon, ou à Djibouti, le même type de crise se produit ?

            A l’occasion des prochaines élections présidentielles, les différents candidats devraient faire connaître clairement aux Français les conditions éventuelles d’intervention des forces armées françaises dans ces pays, en modifiant sans doute le droit constitutionnel applicable, en cas d’intervention militaire.

Humeur Tique : Mourir à Doha ? Guerre et Paix du Président de la République ?

            Il n’est pas besoin d’être un savant dans la chose constitutionnelle pour être un peu surpris, en qualité de citoyen français, par la facilité déconcertante avec laquelle un Président de la République Française  a la possibilité d’engager nos forces armées à l’étranger. Tel a été le cas le plus récent de la Libye.

            D’après le Monde du 9 avril dernier (page 10) :

 « Les engagements successifs de la France sur deux terrains d’opérations extérieurs n’ont pas provoqué de grands débats parlementaires. Il est vrai que le président de la République, chef des armées, n’a pas besoin de l’autorisation du Parlement pour faire intervenir les forces armées à l’étranger. Le gouvernement est néanmoins tenu, aux termes de la Constitution, d’informer celui-ci « au plus tard trois jours après le début de l’intervention ». Cette information peut être suivie d’un débat mais sans vote. Ce n’est que lorsque l’intervention excède quatre mois que le gouvernement doit soumettre sa prolongation à l’autorisation du Parlement »

Il s’agit en effet de l’article 35 de la Constitution !

Et d’ajouter à la citation du journal la fin de cet article : « Il peut demander à l’Assemblée Nationale de décider en dernier ressort. Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. »

En résumé  donc, tout pouvoir au président de la République et la guerre ou la paix peuvent se mettre en vacances !

Une découverte sans doute pour beaucoup de citoyens qui n’avaient prêté aucune attention, à tort, à une réforme faite en 2008 !

            La France en guerre sans véritablement le savoir, et sans que la représentation nationale ait quasiment son mot à dire, c’est à dire donner son autorisation démocratique !

            Quand est-ce que la France va enfin accéder au statut d’une véritable démocratie ?

            Un exercice de pouvoir d’autant plus facile qu’avec la fameuse armée professionnelle, initiée par Chirac, dont le savoir-faire et la compétence ne sont pas en cause, le Président de la République peut prendre sa décision avec une « âme légère ».

            Lorsque le général de Gaulle a fait voter la nouvelle Constitution de la Vème République, il n’en était pas de même, puisque l’armée française était constituée pour l’essentiel de conscrits issus donc de la conscription.

Les prochaines élections présidentielles devraient être l’occasion de remettre complètement à plat ce système de pouvoir « autocratique » et redonner à la représentation nationale la capacité d’engagement ou de refus d’engagement de notre armée à l’étranger.

Et pour les citoyens initiés, jamais sans doute la France ne se serait engagée dans les conquêtes coloniales de la Troisième République sans son armée coloniale « professionnelle » !

Et pour les citoyens avisés, comment ne pas être surpris que la France trouve toujours de l’argent pour soutenir ou engager des opérations militaires extérieures, alors qu’elle est, depuis plus de trente ans, dans l’incapacité de mettre le même argent dans un programme dédié au retour des « ghettos urbains » dans la République ?

Humeur Tique : Borloo, le « gazeur » du gaz de schiste ?

        Vous vous souvenez sans doute du Grenelle de l’Environnement 1, 2, peut-être 3,  difficile à dire ? Et du ministre de l’Ecologie ou de l’Environnement, M.Borloo, peut-être ?

            Mais savez-vous que le même Boorlo  nous a tous « gazé », nous, les pauvres petits électeurs en autorisant, sans précautions, les sondages dans des gisements supposés de gaz de schiste.

            Une signature donnée à la sauvette alors qu’il faisait des pieds et des mains pour se hisser à Matignon !

            On a beaucoup dit que si la France n’avait pas de pétrole, elle avait des idées, et ne pourrait-on pas dire aujourd’hui que si la France a du gaz elle a aussi ses « gazeurs » ?

PS : voir le mot gazer dans les enquêtes de Nicolas le Floch

Humeur Tique : la nouvelle Françafrique ? Modèle 2011 ? Côte d’Ivoire et Madagascar

La Côte d’Ivoire et la France :

Toutes les explications officielles données, soit par la France, soit par l’ONU, justifient l’intervention de la force française Licorne en Côte d’Ivoire, très bien !

            Mais il est évident que cette justification n’a de fondement qu’en raison de la présence de ce contingent militaire à Abidjan !

            Question donc ? Chaque fois qu’une importante « colonie » française d’expatriés est présente dans un pays étranger, la France est-elle disposée à proposer à l’ONU son soutien militaire ?

Il est évident que la position officielle de la France dans ce cas d’espèce souffre d’une certaine dose d’hypocrisie, laquelle, dans le cas présent, est de bonne guerre.

Madagascar, la France, et les déclarations de l’ambassadeur Châtaigner dans Madagascar Tribune.com du 4 avril 2011

            Rien à dire sur le fond des déclarations de l’ambassadeur au sujet de son analyse de la situation politique de la grande île, mais est-ce que ce type d’intervention publique s’inscrit dans une nouvelle politique étrangère de la France qui verrait ses représentants à l’étranger s’exprimer sur la situation intérieure du pays où, précisément, ils représentent notre pays ?

            La réponse est sans doute non ! Verrait-on le même M.Châtaigner, ambassadeur à Rome, ou à Tokyo, s’exprimer de la sorte sur la situation politique de l’Italie ou du Japon ?

Comment ne pas trouver, une fois de plus, que de la sorte, nos ambassadeurs font de l’ingérence, d’autant plus dommageable que les élites de ces pays ont la sensibilité nationale à fleur de peau, compte tenu de notre passé commun ?

2012: la problématique du Parti Socialiste face à l’Europe et au monde

Les « propositions » du Parti Socialiste pour 2012 ?

Un catalogue ? Une stratégie ?

Au crible de la difficile problématique de la gauche face à l’Europe et au monde !

       Outre le fait que les primaires risquent d’affaiblir la gauche avant son combat présidentiel, situation que je qualifierais volontiers de facteur secondaire par rapport aux véritables enjeux de la politique française dans les prochaines années, la gauche est mal armée pour affronter les défis auxquels la France doit faire face, ceux de l’Europe et du monde.

            Et la question de fond qu’il convient de poser est celle de savoir, si dans la configuration actuelle du monde et de l’Europe, la gauche est en mesure de proposer un projet socialiste crédible.

            Première difficulté, celle des pouvoirs réels dont dispose encore un gouvernement français face à l’Union européenne, pour ne pas citer ceux, encore beaucoup plus ignorés, de certaines autres institutions internationales !

Les Français ont en effet le droit et le devoir de connaitre le « qui fait quoi » en Europe par grands secteurs d’intervention politiques, le qui est responsable de quoi ?

 Quelle est véritablement la marge de manœuvre de la France dans l’énergie, l’industrie, l’agriculture, les services, le crédit, la fiscalité, les interventions sociales, ou les impôts… ?

Quelle est la marge de manœuvre de la France pour mener une politique socialiste de répartition des revenus et des richesses dans le réseau enchevêtré des pouvoirs entre l’Union et ses membres ?

Pourquoi ne pas mettre en face de chacune des propositions « dépend de la France uniquement » ou « dépend de la France et de l’Europe » ? Et même éventuellement d’une autre autorité internationale ?

Et pourquoi ne pas mettre aussi, pour chacune d’entre elles, les dates de mise en œuvre des « 30 priorités » ?

            Deuxième difficulté liée à la mondialisation, à la globalisation des échanges et des communications, celle de la nouvelle répartition des richesses dans le monde, au profit aussi, il faut le reconnaître des pays jusque-là défavorisés.

            Comment expliquer qu’on refuse les délocalisations, alors qu’elles réalisent une nouvelle répartition internationale des richesses que la gauche serait bien en peine de réaliser sur le plan national ?

Que peut proposer la gauche, en matière de régulation mondiale, avec des effets rapides, à moyen terme de quatre ou cinq ans,  alors qu’aucune puissance ne dispose aujourd’hui des leviers susceptibles de modifier la donne ? Alors que l’Europe fait encore trop preuve d’enfantillage dans la perception des problèmes et dans la définition des solutions !

Le citoyen européen a l’impression que l’Union européenne, dans son état actuel, est incapable de jouer le rôle qui devrait être le sien dans le débat international, la défense de ses intérêts, la promotion d’une politique.

Dans un tel contexte flou à tous points de vue, la gauche serait en mesure de proposer ses solutions et faire croire aux Français que leur vie va changer avec leur accession au pouvoir ?

Alors il est vrai qu’une partie de la gauche tient un discours humanitaire sur l’immigration, la diversité, ou la culture, mais cette posture revient à botter politiquement en touche, c’est-à-dire à reconnaître qu’il est beaucoup plus facile de positionner son discours sur le culturel que sur l’égalité.

En effet, et comme l’a parfaitement analysé le professeur Walter Benn  Michaëls, en examinant la situation des Etats Unis, dans son petit livre « La diversité contre l’égalité », il était plus facile de promouvoir la « diversité » que l’«égalité » entre riches et pauvres. (voir analyse sur le blog du 16/05/2010)

Il est donc difficile d’être convaincu par ce discours, et la même conclusion pourrait d’ailleurs être proposée pour la droite, et c’est tout le problème!

Marx avait fort bien analysé les contradictions du capitalisme, et il manque sans doute de nos jours, une analyse parallèle des contradictions du socialisme, et tout autant d’un monde nouveau structuré par des forces à la fois mal identifiées et mal régulées.

La France est propulsée dans un monde tel que son modèle politique, économique, et social est obsolète. On continue à croire, ou à faire croire qu’un gouvernement national peut changer la donne internationale, à faire croire aux électeurs que leur vie va changer rapidement, alors que les partis, pour que les choses changent, devraient se positionner sur l’échiquier européen, proposer un projet qui tienne compte des contraintes européennes et mondiales.

Il convient à présent que le Parti Socialiste a publié son programme que les spécialistes disent aux Français si l’épure politique proposée s’inscrit oui ou non, dans la réalité du fonctionnement de l’Europe et du monde.

A première lecture, ces propositions sont muettes sur la stratégie proposée, leur calendrier de réalisation, alors que pour au moins quatre d’entre elles (les 3 (emprunt européen), 6 (droits douanes), 8 (TVA), 9 (achats publics), elles supposent une négociation au niveau européen, donc un accord,  d’autant plus difficile à obtenir qu’elles mettent en avant une dose de protectionnisme, alors que c’est le tout libéral qui commande actuellement en Europe.

 Il y manque enfin, et sans doute en « pole position », une proposition précise destinée à aider les « ghettos » urbains à retrouver les chemins de la République.

Une telle proposition aurait en outre l’immense avantage de consolider l’assise politique des éléphants roses de la Seine Saint Denis, notamment celle de l’imam caché de Sarcelles, grands élus qui n’ont pas encore véritablement démontré leur savoir-faire sur ce point.

Dans l’état actuel de ces propositions, il s’agit donc beaucoup plus d’un catalogue de bonnes intentions que d’un projet à stratégie politique possible de réalisation

Jean Pierre Renaud