Humeur Tique: La France franchouillarde et le sommet social!

     Les gazettes sont pleines d’informations sur le dialogue social engagé par Hollande et son gouvernement.

Très bien, mais est-ce que la situation du pays n’appelle pas un tout autre regard sur notre politique, en sortant de notre débat habituel franco-français, c’est-à-dire franchouillard ?

Avec deux questions qui auraient mérité d’être traitées avant toute autre :

1 – Quelles sont les solutions que les forces économiques et sociales françaises, ce qu’on appelle les corps intermédiaires, proposent pour sortir du piège de la dette nationale, publique et sociale ?

2 – Quelles sont les solutions que les mêmes forces proposent pour réformer à la fois la zone euro et l’Union européenne ? Une gestion à vau – l’eau ? Cela ne peut plus durer, et ne va pas durer !

Alors que le destin du pays est aujourd’hui d’abord celui du large, de l’Union Européenne, et du monde !

Rocard et la suppression de la bombe atomique, levée d’un nouveau tabou français?

Rocard et la suppression de la force de dissuasion nucléaire de la France, la levée d’un nouveau tabou français ?

            Le 20 juin dernier, Rocard a fait une déclaration « explosive » en faveur de la suppression pure et simple de la force de dissuasion nucléaire française.

            Tollé de tout ce qui compte dans notre landernau politique, presqu’unanimement attaché à cette force de frappe, tout autant qu’au refrain sans cesse répété d’une France encore grande puissance, un grand pays qui ferait encore rêver la terre entière…

             Cette déclaration fracassante pourrait avoir au moins un mérite, celui d’une révision complète de nos accords de défense avec les autres pays d’Europe, et notamment l’Allemagne, ce qui veut dire accord sur les objectifs, mise en commun des forces, et partage équitable des charges financières.

Sur le blog du 19 décembre 2011, nous avions cité les chiffres comparés des budgets de la défense de la France et de l’Allemagne, chiffres qui démontraient l’écart existant entre les charges des deux pays :

En 2010, le budget de la défense de la France représentait 3,3% de son PIB, contre 1,92% en Allemagne, et en crédits, 64 milliards en France contre 46 milliards en Allemagne, soit 18 milliards de plus, alors que la population française ne représente que 77% de la population allemande.

En résultat et en 2009, un français dépensait 1 015 euros pour sa défense, et un allemand 560 euros.

Pourquoi donc refuserait-on d’ouvrir à nouveau et complètement ce dossier de la défense européenne ? Beaucoup d’eau a coulé sous nos ponts depuis l’échec de la Communauté Européenne de Défense, la CED, en 1954 !

Zone euro, gouvernance de la zone et de l’Europe, défense de l’Europe, une autre et nouvelle Europe, même « combat » !

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: Humeur du Jour – Les Français de l’Etranger, BHL, Une France à crédit, Modem et Mayotte, martyrs chrétiens du Nigeria

Humeur Tique : Humeur du Jour

Comique, Tragique, Tragi- comique ? Au choix !

Marsaud et les Français de l’Etranger, BHL et son nouvel « engagement militaire », une France qui vit à crédit, le MODEM à Mayotte, les martyrs chrétiens de Nigeria

            Marsaud et la magnifique innovation démocratique de l’élection de députés dans les 11 circonscriptions des Français de l’Etranger, complètement artificielles.

            Beau résultat du premier tour des élections législatives avec des taux d’abstention qui battent tous les records, autour de 80% !

            C’est à se demander ce que l’ancien juge d’instruction, ancien député, et ancien chiraquien grand teint, et toujours président de l’UMP de Haute Vienne, est bien venu faire dans cette magnifique et nouvelle circonscription du Sud de l’Afrique, du Moyen Orient et des pays arabes !

            Auto-désigné pour bien vérifier la légalité d’un processus électoral un peu dingue ?

             BHL !!! Une fois de plus, BHL fait des siennes !

 En Lybie, une guerre à la BHL, si l’on s’arrête au seul constat du « pas de morts » de notre côté ? Mais pour quel résultat ? Le retour des tribus, et la mise à feu du Sahara !

            BHL invite la France à faire la même chose en Syrie. Une seule et unique question : pourquoi le célèbre BHL ne va-t-il pas s’engager dans une des brigades de l’opposition syrienne, y faire le coup de feu, y risquer sa vie, à l’exemple de quelques-uns de ses grands anciens, qui, dans l’histoire littéraire, n’en sont pas restés au stade confortable des mots.

            La France à crédit !

Dieu soit loué ! A partir du 15 septembre 2012, comme  les années passées  et sans doute à la même date, dans les prochaines années, notre belle France vivra à crédit, avec des emprunts à des taux « raisonnables » disent certains journaux qui s’en félicitent encore à chacune de leurs émissions.

            Est-il vraiment « raisonnable » que des journaux économiques et financiers français puissent ainsi se féliciter de nos taux d’emprunt « raisonnables » ?  

             Le MODEM à Mayotte : au premier tour des législatives 2012, le député sortant de Mayotte (1ère circonscription), éminence des instances centrales du MODEM, a recueilli 127 voix sur un total de 35 586 électeurs inscrits.

            Comique ou tragique ? Plutôt tragique, car ce résultat manifeste toute l’ambigüité et l’irréel de la départementalisation de l’île de Mayotte et de la politique française.

         Et enfin dans le vrai tragique, un tragique qui n’intéresse pas grand monde de nos jours, les martyrs chrétiens du nord de la Nigeria, pas vraiment, pas même le journal La Croix ?

Dans le numéro du 11 juin, un petit encart à la page 9 Monde :

«  NIGERIA Deux explosions près d’églises font au moins quatre morts

Deux attentats se sont produits hier contre deux églises du Nigéria… Aucun de ces attentats n’a été revendiqué mais le groupe Boko Haram multiplie depuis mi-2009 les attaques, notamment contre les minorités chrétiennes dans les villes du Nord à majorité musulmane. » .

 Soit 11 lignes au total, plus le titre ! Par souci d’apaisement évangélique ?

Humeur Tique: d’Anne à Valérie! Le « quatrième pouvoir » au pouvoir?

Humeur Tique : Une nouvelle France ? Le « quatrième pouvoir » des femmes journalistes au « pouvoir » ?

D’Anne à Valérie !

            L’an dernier, la « gracieuse » épouse de DSK, et journaliste connue, avant l’épisode de la Roche Tarpéienne, se voyait déjà au pinacle de la République Française.

            Lui a succédé, après l’élection d’un nouveau Président de la République, la « gracieuse » compagne du Président,  et également journaliste connue, mais cette fois, effectivement, à l’Elysée, avec son Cabinet.

            Une nouvelle forme du « 4ème pouvoir », le pouvoir indirect, mais bien réel des femmes !

Humeur Tique : Dette de la zone Euro et dette publique française : 2 chiffres implacables!

 La dette publique de la France, hors dette de la Sécurité sociale, financée également à crédit, est de l’ordre de 1 800 milliards d’euros, soit de l’ordre de 28 751 euros par habitant, nouveau- né,  français actifs ou au chômage, retraités, etc…

            A comparer avec la contribution des Européens à la solution de la crise grecque :

L’éditorial du Monde du 23 mai 2012 précise :

« Au total chaque grec (ils sont onze millions), le fonctionnaire d’Athènes comme l’armateur du Pirée, a déjà touché depuis janvier 2010 l’équivalent de 31 000 euros, acquittés d’une manière ou d’une autre par les contribuables européens. »

Et pour la suite ? Est-ce que le gouvernement de la France et les gouvernements de l’Europe vont continuer à nous faire descendre cette pente folle ? Jusqu’à la catastrophe ?

Humeur Tique: « yeux entrouverts des médias »! Verts de France et Printemps arabes!

   Les Verts et leur respect de la loi :

Le Tribunal de Grande Instance de Paris vient d’annuler la répartition des circonscriptions entre les courants du parti EELV, pour violation de ses propres statuts.

            Où allons-nous si un tel parti, toujours en pleine cuisine électorale, ose violer ses propres statuts, sous le regard de l’ancienne candidate des Verts, ancienne juge d’instruction, et nouvelle héroïne de la moralisation de la vie publique !

            « Printemps arabe » tunisien et libertés, Persepolis :

Une chaine de télévision tunisienne vient d’être condamnée à une amende de 1 200 euros, une condamnation d’un autre « genre », pour avoir diffusé le remarquable film d’animation Persepolis, sur l’Iran.

Une violation de la charia ?

Le « printemps arabe » de la Tunisie serait déjà si loin ?

Gallieni, Lyautey, ces inconnus! 1895, entre Indochine et Madagascar?

Gallieni, Lyautey, ces inconnus !

Eclats de vie coloniale

Morceaux choisis

2

Sous la 3ème République, la France avait-elle une politique coloniale ?

En 1895, entre Indochine et Madagascar, la France a-t-elle vraiment choisi ?

Les avis de Lyautey

       Un bref rappel historique :

            La France était à la Réunion depuis le XVIIème siècle, et sa marine, ainsi que des commerçants et planteurs de cette île fréquentaient depuis longtemps les côtes malgaches, notamment celles de l’île de Sainte Marie.

Après la défaite du pays et à la fin de la guerre franco-prussienne de 1870, la Troisième République, prise d’une sorte de fringale coloniale, se lança dans toute une série d’aventures coloniales en Afrique, en Asie, et à Madagascar.

Sous Napoléon III, la France avait pris pied en Cochinchine, à la suite du « fait accompli » d’un amiral, et de fil en aiguille, à la suite des nouveaux « faits accomplis » au Tonkin, de Francis Garnier et de Rivière, elle occupa l’Annam et le Tonkin.

Au Tonkin, son armée coloniale et sa marine eurent en face d’eux à la fois des annamites, des troupes régulières chinoises, et des bandes de pirates dont il était toujours très difficile d’identifier l’origine.

Dans les années 1883-1885, l’armée coloniale y conduisit une vraie guerre, avec des moyens importants de mer et de terre, qui fut conclue, à la suite du « faux » désastre de Lang Son en 1885, sur la frontière chinoise, par le traité de Tien-Tsin.

« Faux » désastre, étant donné que le repli des troupes coloniales ne fut dû qu’à l’affolement (en état d’ébriété) du colonel Herbinger, remplaçant le général Négrier, blessé, et, avant tout,  à une mauvaise communication entre le gouvernement et le commandement militaire du Tonkin.

Jusque dans les années 1890, dates de l’arrivée de Gallieni et de Lyautey au Tonkin, les hautes régions ne furent jamais pacifiées, car de puissantes bandes de pirates téléguidés par les mandarins et les trafiquants chinois les tenaient entre leurs mains.

Ce qui n’empêcha pas la puissance coloniale de commencer à développer l’équipement des côtes, et dans les deltas de la Cochinchine et du Tonkin, l’agriculture et un début d’industrie, et enfin à donner un coup de fouet moderne à l’urbanisation de Saigon et de Hanoï.

En 1895, date de l’expédition de Madagascar, les situations coloniales étaient complètement différentes entre l’Indochine, dont les représentants locaux du pouvoir colonial avaient déjà pu apprécier, depuis longtemps,  les nombreux atouts humains et économiques, et l’île de Madagascar, encore mal connue, très difficile d’accès, dont la conquête ressemblait plus à un pari qu’à un choix colonial rationnel.

Et le commandant Lyautey de se faire l’écho de ces doutes sur l’intérêt de la conquête de Madagascar, comparée à la mise en valeur de l’Indochine, et à l’expansion qu’il recommandait de réaliser vers le Cambodge, le Siam, et le Yunnan.

Dans une lettre datée d’Hanoï du 19 octobre 1895,  Lyautey écrivait :   

« L’Indochine est le joyau des colonies »… Envisagé seul, le Tonkin est un leurre ; – il ne faut pas le séparer de l’ensemble ; – mais l’ensemble, cette longue péninsule, jumelle de l’Inde, est un Empire à la Dupleix, autrement fécond, intéressant, pour les luttes de l’avenir, pour les batailles commerciales de l’Extrême-Orient, pour le struggle à livrer le jour où la Chine s’ouvrira, que ce Madagascar aléatoire et isolé. Avantage, dit-on, pas de voisins, mais pardon ! le voisin, c’est le commerce et la raison d’être de nos colonies. » (LTM/ p,255) (1)

Et un peu plus tard, de faire état, dans une correspondance destinée à l’un de ses correspondants, à Hanoï, le 24 octobre 1895, d’une lettre que lui avait adressée de Vogué (2) ainsi résumée :

« Vous perdez votre peine à essayer d’intéresser quelqu’un en France au Tonkin ; votre Tonkin est l’enfant mal venu, dont il ne faut plus parler…. »

 et Lyautey de préciser dans sa lettre :

« Mais le protectorat logique et fructueux de la presqu’île indochinoise, c’est le Siam. Dans l’ordre logique, c’est une question qui eût dû être réglée avant Madagascar, puisqu’ici la partie était entamée et presque gagnée, et le nouveau cabinet anglais en complique bien la situation…

Avec le Siam, il y a, je ne dirai pas un pendant à l’Inde, certes non, mais une belle œuvre à faire et qui sera faite par d’autres si la France s’y dérobe. Le Tonkin en est la couverture, la marche frontière, en même temps que le débouché sur la Chine. » (LTM/ p,257)

Dans une lettre datée de Saigon, du 20 septembre 1896, Lyautey rapportait une conversation qu’il avait eue avec notre Ministre au Siam, M.Defrance sur la question brûlante d’Extrême Orient qu’était le Siam, et il écrivait :

« Nous y sommes en plein, M.Rousseau (le gouverneur général de l’Indochine) en voit tout l’intérêt et la suit passionnément ; il y a trois ans, ce Siam tombait comme un fruit mûr, et voici que peu à peu, il nous glisse entre les doigts ; et nous maudissons cette malencontreuse aventure de Madagascar, qui vient en détourner nos pensées, nos efforts et nos ressources. » (LT/ p,93)

Lyautey était en effet un chaud partisan d’un protectorat sur le Siam.

Et plus loin, il écrivait encore :

« C’était là, puisque nous avons commencé à travailler ici, ce qu’il fallait régler avant toute chose, avant Madagascar où nous sommes empêtrés dans une affaire qui n’a pas l’air de trop bien tourner. » (LT/ p,95)

Le commandant Lyautey avait donc, à cette époque, des idées très précises sur l’avenir comparé de l’Indochine et de Madagascar, mais il était un des rares « experts » de la chose coloniale, capable de proposer une vraie politique coloniale, à l’anglaise, qu’il admirait, faite de réalisme et de continuité.

(1)  LTM : Lettres du Tonkin et de Madagascar –  LT : Lettres du Tonkin

(2)  Le Vicomte Eugène Melchior de Vogüe (1848-1910) était un des nombreux correspondants de Lyautey : d’abord diplomate de 1871 à 1882, il se consacra alors entièrement aux lettres, collaborateur de La Revue des Deux Mondes, du Journal des Débats, et auteur de très nombreux ouvrages. Enfin député de l’Ardèche pendant quelques années à la fin du dix-neuvième siècle.

Jean Pierre Renaud

Les Touaregs à Tombouctou: 1894-2012, une histoire qui se répète!

Tout au long de la période des conquêtes coloniales de la France (1880- 1914) sur la frange sud du Sahara, dans la région géographique, au sens large, du bassin du fleuve Niger, la France eut maille à partir avec des partis Touaregs, mais pas uniquement la France conquérante.

            Car, parallèlement, au cours des siècles, les relations entre éleveurs nomades et paysans sédentaires, ont toujours été conflictuelles, les Touaregs venant périodiquement razzier les villages africains.

            Lorsque les Français prirent la ville sainte et mystérieuse de Tombouctou, à la suite des initiatives intempestives du colonel Archinard, et à l’occasion du « fait accompli » d’un officier de marine, la colonne du colonel Bonnier fut anéantie par un parti Touareg : ce fut le désastre de Tacoubao, le 15 janvier 1894,  dans la proximité de Tombouctou. (1)

Bilan : tués, 11 officiers, 2 sous-officiers, 64 tirailleurs.

Et pour la petite histoire, 1) les Français découvrirent alors une cité dont la réalité était assez loin de son mythe, 2) le futur maréchal Joffre, avec sa colonne de secours, fut alors de cette aventure coloniale.

A l’époque, les Touaregs jouaient déjà un rôle important dans la vie de la vieille ville sainte.

Mais les Touaregs proposaient aussi, hier comme aujourd’hui, un incontestable modèle de vie, fait d’exigence et de rigueur, incontestablement digne de respect et de reconnaissance.

Jean Pierre Renaud

(1)    J’ai relaté et analysé cet épisode dans le livre « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large » ( editionsjpr.com)

Humeur Tique: une ligne Maginot pour l’Europe?

 « l’OCDE réclame une ligne Maginot de 1 000 milliards pour la zone euro »

Journal Les Echos du 28 mars 2012, page 7

Donc en « Echo historique » à la célèbre ligne fortifiée qui n’a servi à rien pour la défense de la France en 1939 ?

Curieux titre en effet pour l’article d’un journal économique et financier d’habitude plus sérieux !

Manque de culture de la rédaction ou de l’auteur de l’article ?

Ou enfin, et plus sérieusement, jugement économique et financier sur l’inutilité d’un fonds de solidarité européen doté de seulement 1 000 milliards d’euros?

Le premier député « nègre », d’après l’historien Noiriel et la pertinence historique

Le premier député « nègre », d’après l’historien Noiriel et la pertinence historique

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« L’humiliant apprentissage du premier député « nègre », Hégésippe Legitimus »

par Gérard Noiriel, historien, dans le journal Le Monde du 24 février 2012, Décryptages Débats, page 21

Ou les limites d’une démonstration historique ?

Une tribune intéressante sur la perception qu’avaient certains journaux d’un nouveau député « nègre », intéressante parce qu’elle cite à l’appui de sa démonstration des extraits de presse de l’année 1898, alors que l’histoire coloniale de la France souffre incontestablement d’une grande carence d’analyse de la presse, à la fois dans ses tirages, ses contenus, et dans ses effets sur l’opinion, ou de façon plus ambitieuse, sur la culture.

Comment proposer en effet une analyse de « L’idée coloniale », comme cela a  été le cas, ou d’une « Culture coloniale » supposée, comme cela a été aussi le cas, en se privant d’examiner un des vecteurs principaux de l’information, de la circulation des idées, et de la culture, c’est-à-dire les journaux ?

Une représentativité historique ?

L’historien cite 5 sources de journaux, mais cet éclairage aurait mérité d’être pondéré par le tirage de ces cinq journaux au cours de la même année 1898, les contenus relatifs d’information, ainsi que par une évaluation difficile des effets supposés.

Dans le livre « Supercherie coloniale », j’ai tenté d’analyser l’importance qu’avait pu avoir la presse comme vecteur de la propagande coloniale, et il me semble avoir démontré que dans l’état actuel des recherches historiques sur un tel sujet, il n’était pas possible d’en tirer une conclusion quelconque.

Au-delà des tirages et des contenus, se pose aussi, et en effet,  la question de l’effet des tirages et contenus analysés de la presse des différentes époques coloniales considérées.

Pour revenir à la démonstration proposée, il est possible de communiquer les chiffres des tirages des cinq journaux en question, pour l’année 1910, tirés de l’Histoire générale de la presse (1972), 26 000 pour le Journal des Débats, 37 000 pour Le Figaro, 50 000 pour La Presse, et 647 000 pour Le Matin, le seul journal qui soutenait la comparaison avec d’autres grands organes de presse de Paris ou de province.

En 1910, Le Journal tirait à 810 000 et le Petit Journal à 835 000, en précisant que le tirage des 75 journaux parisiens quotidiens était alors de 4 950 000, et que ceux de province faisaient jeu égal en tirage avec ceux de la capitale.

Je n’ai pas trouvé de trace chiffrée du Journal du Dimanche.

Peut-être l’auteur de cette tribune a-t-il les chiffres des tirages de l’année 1898 ?

Il apparait donc assez clairement que ce type d’information  historique pose le problème de sa représentativité, et au-delà celui de ses effets sur l’opinion.

Un héritage ?

Mais allons plus loin dans l’analyse, notamment à propos de la phrase :

« Les représentants du peuple français sont les héritiers d’une histoire conflictuelle, laquelle marque encore leur vision du monde. »

« Héritiers » ? Sûrement ? Par quel mystère de la foi ou de « l’inconscient collectif des Français »,  clé historique qui nous est proposée depuis des années par des historiens connus, une telle « vision du monde » a-t-elle pu nous être transmise ?

L’auteur a-t-il des preuves de caractère statistique ou scientifique que la mémoire collective de la France porte effectivement des signes de racisme, ou d’ancien « colonialisme » ?

Le cas de Madagascar

J’ai proposé à maintes reprises à différentes autorités, et jusqu’à présent sans succès, d’effectuer un sondage approfondi et sérieux sur la mémoire collective coloniale des Français, et je proposerais volontiers à l’EHSSS de passer à l’acte, mais je voudrais saisir l’occasion pour proposer une réflexion sur le même sujet à propos de Madagascar..

Si le lecteur a la curiosité de lire dans le Journal Officiel de la République Française des années 1894 et 1895,  les débats qui ont précédé ou entouré la funeste expédition de Madagascar, financée à crédit par les Caisses d’Epargne de France, pour 80 millions de francs or de l’époque, hors montant de son remboursement, évidemment plus élevé (avant 1914), et marquée par l’hécatombe de plus de six mille soldats, il pourra constater que les propos d’une partie des parlementaires, de droite ou de gauche, valaient largement les propos cités par l’auteur dans le cas examiné.

Quelques exemples :

Le 22 novembre 1894, à la Chambre des Députés, M. Denêcheau, député radical de l’Aisne  « Je place notre honneur trop haut pour admettre qu’un peuple sauvage, qu’une reine à demi-barbare, qu’un ministre dont nous ne pouvons même pas prononcer le nom, puissent y porter atteinte. » (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs )

 Le 24 novembre 1894, au Sénat, M.Delbet, Gauche Démocratique de Seine et Marne : « On parle des Hovas sans les connaître, sur un ton de plaisanterie qui contraste avec la gravité des circonstances ; que nous veulent ces sauvages avec leur gouvernement grotesque et leurs noms de l’autre monde ? »

Le 23 novembre 1894, au Sénat, M. Deloncle, Gauche Démocratique des Basses Alpes : « Les noms hovas sont des noms kilométriques. » (Plutôt aimable, n’est-ce pas ?)

Les débats furent très animés, aussi bien à la Chambre des Députés qu’au Sénat, beaucoup plus qu’au cours des séances de nos assemblées qui, de nos jours, sont quasiment privées, du fait de la réforme de la Constitution, faite en 2008, du droit de refuser les aventures militaires.

En Lybie, les opérations ont miraculeusement bien tourné, mais que serait – il arrivé si l’intervention avait été un fiasco ?

Mais revenons au sujet !

Les plus chauds partisans de l’expédition de Madagascar furent deux députés de la Réunion, MM Pierre-Alype et Brunetet rappelons que l’intervention de la France à Madagascar, en 1885, fut un « fait accompli » colonial décidé, la première fois, par un  ministre de la Marine représentant du même département, M de Mahy, qui ne fut alors ministre que pendant quinze jours.

Une partie de la représentation nationale tenait donc un discours affligeant sur le peuple et la monarchie malgache, mais peut-on en conclure aujourd’hui que nous sommes les héritiers de cette « vision du monde », ainsi que le fait l’auteur de cette tribune ?

Voire ! Avec une démonstration historique plus rigoureuse et une évaluation des effets modernes d’une telle vision qui n’était pas nécessairement dominante, et qui, de toute façon, était  « datée » ?

Dans le cas de Madagascar, je crains fort que cette thèse manque singulièrement de pertinence, étant donné que la plupart des Français ignorent presque tout, sinon tout de l’histoire coloniale, de Madagascar ou d’ailleurs, et que beaucoup d’entre eux ignorent même où elle se situe sur notre globe terrestre.

Peut-être en est-il autrement pour l’histoire d’autres îles, ou pour d’autres anciennes colonies françaises, hors Algérie, qui est un cas historique, tout à fait particulier, mais cela reste donc à démontrer.

En conclusion, un doute « scientifique » à la fois sur la pertinence de la représentativité historique de l’exemple cité et sur une transmission, par héritage, dans la mémoire collective de la France.

L’exemple d’un discours « ministériel » dénué de culture générale ne suffirait heureusement pas à accréditer de telles assertions historiques.

Jean Pierre Renaud.