Humeur Tique : Alerte rouge sur notre jeunesse !

Le Monde du 4 décembre « En France, 23 % des jeunes sont pauvres » en première page et pages 2 et 3

En page 2 « 18% des jeunes désœuvrés »

         Tous les signaux sont au rouge pour l’avenir de notre jeunesse, dette publique qu’ils seront chargés d’honorer ! Dette de la sécurité sociale qu’ils seront obligés d’acquitter ! France en grand désarroi culturel, politique,   économique, et social !

Les chiffres les plus inquiétants figurent à la page 2, car le concept de pauvreté peut ouvrir à discussion, mais moins les chiffres relatifs aux jeunes désœuvrés de 18 à 25 ans : « 18% des jeunes désœuvrés, c’est-à-dire « qui ne sont ni en emploi, ni scolarisés, ni en formation. »

Ces statistiques méritent d’être décortiquées de près, car la moyenne cache beaucoup de disparités, comme le montre le tableau de ces chiffres, département par département, outre-mer compris.

Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une alerte rouge, et que la France doit mettre en œuvre tous les moyens pour offrir à nouveau un avenir à sa jeunesse, quitte à sacrifier certains de ses rêves de grandeur qu’elle nourrit encore dans le monde.

Mayotte sous le regard de la revue Hérodote, une impasse?

Océan Indien et Mayotte sous le regard de la Revue Hérodote (2012/2 – numéro 144)

« Existe-t-il un risque de vide stratégique dans l’Océan Indien ? »

« Géopolitiques mahoraise et réunionnaise : de la crise actuelle à un état des lieux régional » (Sophie Moreau et Aurélien Marszek)

Entre Mayotte et France, malentendu et impasse ?

            Tout d’abord, deux remarques sur la contribution relative à « un risque  de vide stratégique », la première avec la question pour qui, un tel vide stratégique, et la deuxième quant à l’affirmation qui concerne la situation de Madagascar « La répression sanglante exercée par le pouvoir affairiste de Marc Ravalomanana a suscité une mutinerie de l’armée, qui l’a déposé en mars 2009 »

            Un raccourci un peu rapide pour décrire la mise à l’écart du « toujours » président de la Grande Ile, et vraisemblablement une erreur d’interprétation, compte tenu des révélations d’un  des acteurs principaux de la venue au pouvoir de l’actuel président de la transition, grâce à un véritable coup d’Etat..

            Comment ne pas noter qu’en cas de résolution démocratique de cette grave crise, Madagascar pourrait jouer un rôle dans ce « vide stratégique », beaucoup mieux sans doute que le département de La Réunion ?

            Quant à Mayotte, nous avons déjà abordé la problématique de cette petite île sur ce blog, mais il nous parait utile d’y revenir avec l’éclairage sans complaisance des deux chercheurs cités ci-dessus sous l’ombrelle de la sérieuse et ancienne revue Hérodote.

            L’état des lieux effectué :

            Une résolution de l’ONU n° 3385 du 12 novembre 1975 a reconnu que Mayotte faisait partie de l’archipel des Comores.

            En 2007, une commission franco-comorienne a été mise en place « afin définir les modalités d’un rapprochement entre Mayotte et le reste de l’archipel » dont on ne connait pas les résultats.

            Il existe donc un bel imbroglio sur le plan international puisque que la France a accordé le statut de département français à Mayotte !

            Comme beaucoup d’observateurs, les deux chercheurs font le constat que l’immigration clandestine est très importante, de l’ordre de 30% de la population, et qu’au cours de la dernière crise – une information tout à fait intéressante – elle a été manipulée tout à la fois par les immigrés clandestins venus d’Anjouan et par les Mahorais eux-mêmes pour alimenter le cours de la crise :

            « Cette utilisation quasi hypocrite des immigrés clandestins, décriés mais tolérés et utilisés par ces mêmes mahorais qui les considèrent comme de véritables esclaves, est une donnée majeure de cette crise. En s’agitant, les Anjouanais servent indirectement les intérêts des Mahorais. » (page 152)

            La même analyse relève que 80% de la population a moins de vingt- cinq ans, avec de l’ordre de 8 à 10 000 mineurs isolés, enfants d’Anjouanais refoulés, lesquels ont joué un rôle important dans cette crise.

            De même qu’elle note les problèmes nouveaux que l’immigration comorienne ou mahoraise crée aujourd’hui dans l’île même de la Réunion :

            «  A la Réunion, le Comorien ou le Mahorais est désormais perçu comme le bouc émissaire idéal pour tous ceux qui voient en lui une menace en termes de délinquance de voie publique (cambriolages multiples et, en hausse, constante, agressions sexuelles), non sans fondement factuel, mais également pour les responsables politiques en manque de propositions politiques » (page 156)

            Des flux d’immigration clandestine qui ne risquent pas de s’arrêter, compte tenu de la proximité et de la perméabilité de Mayotte, île musulmane, à toutes les influences d’îles ou côtes de la même religion les plus proches.

            Avec un courage certain les deux chercheurs posent la question de fond quant au choix qu’a fait la France d’accorder le statut de département à cette petite île :

            « On peut dans ce contexte, s’interroger sur les raisons de la départementalisation de Mayotte dans la mesure où son intérêt géostratégique pour la France ne semble plus vraiment exister. La départementalisation est-elle la simple conséquence d’une promesse électorale de longue date ou y-a-t-il un intérêt politique ou économique pour l’Etat français ? » (page 159)

            Du pétrole ?  Pourquoi pas ? Mais est-ce que les Français ont véritablement été appelés à se prononcer sur cette décision, et auraient pris le risque de s’embarquer dans une nouvelle aventure de type « colonial », pour du pétrole ?

            Un vrai labyrinthe ! Une fois de plus, notre pays, pour de sottes raisons de grandeur, s’est engagé dans le labyrinthe maritime mahorais sans en connaître toutes les conséquences, et le gouvernement aurait été mieux inspiré en laissant à Mayotte son statut de territoire d’outre- mer, car telle était la ligne diplomatique bien inspirée du Quai d’Orsay.

            Et je vous avouerai qu’une fois de plus je me demande si nos gouvernements ne sont pas devenus inconscients ou fous, en engageant la France dans des aventures qui ressemblent étrangement à toutes les aventures coloniales de la Troisième République, lesquelles ont mis du temps, beaucoup de temps, à se dénouer plus ou moins bien avec la décolonisation.

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique Drôle de France et Drôle de République! Notre Dame des Landes-La Syrie- L’équipe de France de rugby!

Humeur Tique

Drôle de France et drôle de République !

Notre Dame des Landes – La Syrie – L’équipe de France de rugby !

Notre Dame des Landes, priez pour nous, pauvre France : les lois de la République bafouées par des élus bardés de leur écharpe tricolore !

Sous la houlette d’Europe Ecologie Les Verts !

            Pauvre République, tu es vraiment tombée bien bas !

            Hier à la télévision, on a vu Eva Joly, députée européenne, ancienne juge d’instruction, candidate aux dernières élections présidentielles (résultat = moins 3%),  Noël Mamère, maire et député, José Bové, député européen, et d’autres écharpes tricolores inconnues, utilisant des outils pour rouvrir une maison volets et portes fermés, donc condamnée, violant l’état de droit républicain.

            Quel beau spectacle ! Ecologie les Verts, des gens toujours très inventifs pour faire parler d’eux, pour créer le spectacle, et pendant ce temps, le gouvernement compte deux des ministres de cette couleur toujours « plein com », et plus de dix parlementaires qui ont su négocier leurs places, leurs mandats beaucoup mieux que les plus vieux routiers et combinards des 3ème, 4ème, et 5ème Républiques.

            Une morale politique écologique au pinacle, vraiment !

La guerre civile en Syrie, et la France aux avant-postes d’une diplomatie sauce Jules Ferry (3ème République) ou sauce mandat de la SDN (après la guerre 14-18)

            Décidément, en France, on ne change pas, gauche ou droite au pouvoir,  même combat, mêmes illusions, et même indigence de moyens !

Est-ce qu’il n’aurait pas été plus intelligent de passer la balle à l’Europe, car la France, seule, n’a pas les moyens de peser dans ce débat fratricide.

            Après la Lybie, le Mali, et aujourd’hui la Syrie, on croit rêver, mais ces gens du pouvoir sont dangereux.

Les victoires de l’équipe de France de rugby, notre consolation !

            Et s’il fallait nous consoler de toutes ces conneries nationales et internationales, l’équipe de France de rugby nous comble de ses victoires, mais pourvu que cela dure, car il faut que ces bons petits français conservent les pieds sur terre !

Humeur Tique: Le mille-feuille hors de prix des administrations centrales et locales

Humeur Tique: Beau et cher mille-feuille!

Le mille-feuille hors de prix des administrations centrales et locales françaises

            Un dossier insoluble ?

Le gouvernement précédent avait tenté de réformer le mille-feuille des administrations françaises, sans succès.

            Le gouvernement actuel remet cette simplification nécessaire en chantier, mais est-ce qu’il aura plus de chances de réussir, tant les concertations entreprises depuis des années, n’ont pas permis de beaucoup avancer, et tant les résistances des élus locaux sont vives et tenaces.

            En ce qui concerne les communeson nous dit qu’elles constituent le dernier ou le premier échelon de la démocratie locale, mais la Suède qui a réformé ses structures communes il y a plus de quarante ans, a- t- elle pour autant sacrifié sa démocratie locale ?

            Dans les années 1970, la Suède est passée de plus de 2 000 communes à 289, et compte plus de 9 millions d’habitants pour un territoire de 460 000 kilomètres carrés. La France compte 60 millions d’’habitants pour 550 000 kilomètres carrés. En appliquant le ratio communal suédois, notre pays dénombrerait 1 935 communes, au lieu des 36 571 actuelles, sans oublier ses 12 840 syndicats et les 2 601 communautés de communes.

            Les communes sont souvent enchevêtrées les unes dans les autres, avec aujourd’hui des communautés de communes qui sont venues ajouter à la complexité de la vie locale et bien sûr à son coût, en précisant que la plupart d’entre elles sont déjà enserrées dans de très nombreux syndicats spécialisés tels que l’eau ou les ordures,  pour les mieux connus…

La Suède a donc eu le courage politique d’obtenir un tel résultat grâce à la loi et à un processus assez long de concertation.

La Finlande vient de relancer son mouvement de restructuration du tissu communal.

Pourquoi  serions-nous incapables de faire la même chose ?

            En ce qui concerne les départements et les régions, le gouvernement précédent a échoué dans son projet de regroupement, alors que selon les régions, les départements et régions auraient pu faire l’objet d’un regroupement, et alors aussi que la plupart de nos régions n’ont pas la taille européenne qui leur permettrait d’être compétitive, pour ne pas parler de la taille mondiale.

            Combien de temps, cet immobilisme coûteux va-t-il encore durer ?

            La décentralisation des pouvoirs de l’Etat s’est traduite le plus souvent par le dédoublement des administrations locales, les conseils généraux construisant leurs propres bureaux et « hôtels » à côté de ceux des préfectures.

            L’exemple du département de la Haute Saône est à cet égard exemplaire, étant donné que sur le même boulevard cohabitent à présent l’ancienne préfecture et l’hôtel très moderne du département, avec des attributions multipliées par deux ?

            En ce qui concerne les structures locales de l’Etat, pour ne pas évoquer la multiplication des agences de l’Etat, le discours que le gouvernement actuel parait tenir sur les sous-préfectures aborde le sujet par le petit bout de la lorgnette.

            Il existe naturellement des sous-préfectures qui ne servent  à rien à la fois parce qu’elles se trouvent dans le périmètre de grandes agglomérations, et en raison de l’évolution  des fonctions administratives, due à l’explosion d’internet, ou à une mobilité des citoyens qui raccourcit les distances.

            Conserver des sous-préfectures dans des régions de montagne peut avoir du sens, mais la véritable question posée par le maillage actuel des sous-préfectures,  c’est avant tout celle des préfectures, spécialement celle de leur pertinence politique et administrative, compte tenu de l’évolution des fonctions étatiques.

            Un gouvernement aura-t-il le courage, par exemple, de regrouper deux grandes structures qui se trouvent côte à côte, à une vingtaine de kilomètres l’une de l’autre, la préfecture de Belfort et la sous-préfecture de Montbéliard ?

            Que n’entendrions-nous pas ? La guerre franco-prussienne de 1870, la défense de Denfert-Rochereau d’un côté, et de l’autre, le passé d’une ancienne principauté allemande affiliée au Wurtemberg.

            C’est bien la carte des préfectures dans son ensemble qu’il convient de réexaminer et de simplifier, dans un pays trop attaché à son cadre national napoléonien, qui date de deux siècles.

            Et comment ne pas évoquer enfin la réforme nécessaire des institutions parlementaires avec la diminution du nombre de parlementaires, 925 au total dans notre pays, au lieu de 535 en Allemagne, alors que cette dernière compte beaucoup plus d’habitants ?

            Pour ne pas citer enfin la nécessité nationale qu’il y aurait à conserver le Conseil Economique et Social, un des lieux privilégiés des sinécures de la République. Quelle a été la valeur ajoutée de ce conseil dans le dossier des retraites ? 

Humeur Tique: Congruence à la chinoise et pacte de compétitivité à la française! Bienvenue au Club France!

Humeur Tique :  

Congruence à la chinoise et pacte de compétitivité à la française !

Congru ou incongru ?

 Bienvenue au Club France !

            Sur ce blog, le 5 octobre 2011, et à l’approche des élections présidentielles de 2012, une chronique était intitulée :

 « Election présidentielle 2012 : une chance historique pour le centre grâce à la congruence » 

Y étaient rappelés  les termes d’une analyse du sinologue François Jullien dans son livre « Le sage est sans idée », d’après laquelle « le milieu véritable, celui de la sagesse… est celui du juste milieu de la congruence qui, comme tel, n’est jamais arrêté, stabilisé, défini… Ce qui fait la voie aux yeux de la sagesse est son caractère viable…. Elle est la voie par où « ça va », par où c’est « possible », par où c’est viable. » (pages 112 à 119)

Depuis de nombreuses années, la situation politique et économique de la France est éminemment « congruente », avec son intrication dans la politique des institutions européennes, et on voit bien dans la gestion des affaires de l’Europe que la vieille distinction entre gauche et droite est de moins en moins opératoire.

Avec Bayrou, le centre n’a pas saisi la chance historique que cette situation lui offrait, mais la même problématique demeure, et la nouvelle majorité socialiste a bien été obligée de s’engager sur ce terrain de la congruence, avec un premier virage, celui de la règle d’or des 3%, et un deuxième virage, celui du pacte de compétitivité, fondé sur le rapport Gallois.

Quand nos hommes et femmes politiques auront-ils le courage d’afficher le degré réel d’autonomie, pour ne pas dire d’indépendance de la France dans le jeu actuel des institutions de l’Union européenne et des affaires du monde, pour ne pas parler du « spectre » des marchés, et en définitive de reconnaître qu’il faut choisir » la voie par où  « ça va » ?

Nos hommes et nos femmes politiques continuent imperturbablement à solliciter des mandats au sein de nos conseils généraux ou régionaux, au sein de nos assemblées parlementaires, alors que les affaires se traitent et se décident ailleurs, à Bruxelles notamment.

La vérité est que la politique française ne peut être autre chose de nos jours qu’une politique d’accommodation, d’adaptation au milieu européen et mondial, pour ne pas dire d’accommodement avec le monde réel, et au mieux d’animation et d’inspiration.

La gauche vient de prendre un  véritable virage sur ce terrain du réel, c’est à dire de la congruence, mais il faudra encore que le parlement entérine le pacte de compétitivité annoncé par le gouvernement, et que ce pacte entre réellement dans les faits, ce qui ne sera pas facile.

De ces longs débats, retenons volontiers une expression qu’a utilisée Louis Gallois dans une de ses interviews, celle d’un « Club France » qui doit être à la manœuvre et à l’œuvre pour tenir notre challenge de la compétitivité, avec une des mesures capitales de ce pacte, l’association des salariés dans la prise de décisions de nos grandes entreprises.

Et c’est là tout l’enjeu stratégique d’un Club France !

Une partie à peine commencée qu’il faut gagner !

Le Mali et la France! Nomades Touareg contre paysans africains à Tombouctou, une histoire qui se répète?

Le Mali et la France !

Nomades Touareg contre paysans africains à Tombouctou, une histoire qui se répète ?

Retour sur notre histoire coloniale avec en 1894, la prise de Tombouctou et le désastre militaire deTacoubao (77 morts dont onze officiers)

Complément historique à la chronique du 14 avril 2012 sur ce blog

            La conquête du Soudan, en gros le Mali actuel, est à mettre au compte des aventures coloniales de la Troisième République, d’une politique confuse, sans qu’on sache le plus souvent quels furent les motifs de ces conquêtes, nouveaux marchés, propagation d’une civilisation dite supérieure, évangélisation, volonté de puissance après la défaite de 1870, ainsi que le notait le grand historien colonial Henri Brunschwig, ou tout simplement fruit des initiatives d’acteurs politiques, militaires ou économiques, dont les initiatives heureuses ou malheureuses furent entérinées par le pouvoir politique.

            Car ces initiatives d’acteurs du terrain, ou des gouvernements, ce qu’on a appelé « le fait accompli » colonial furent nombreuses, et c’est cette problématique coloniale qui a fait l’objet de recherches historiques de ma part en ce qui concerne, la conquête du Soudan, du Tonkin, de Madagascar, et de Fachoda : à savoir si la conquête procédait du fait accompli d’un officier des troupes coloniales, d’un gouverneur, ou tout simplement d’un ministre des Colonies qui s’abstenait de donner des instructions, ou en donnait d’ambiguës, ou entérinait le fait accompli d’un acteur de terrain. (1)

            Il se trouve que dans le cas du Soudan, et notamment de la conquête du Haut Niger, ce que j’ai appelé « une conquête en cachette », l’histoire fait ressortir un cocktail de faits accomplis aussi bien au niveau des ministres que des officiers exécutants sur le terrain, et notamment le rôle du colonel Archinard, sorte de proconsul au petit pied, en particulier dans les épisodes qui concernent la conquête de Ségou et de Tombouctou, entre 1885 et 1895, analysés dans la partie intitulée « Cap sur Tombouctou »

     A partir du moment où le ministre entérinait un fait accompli, il l’assumait complètement.

     A la séance de la Chambre du 4 mars 1895le député Le Hérissé stigmatisait la façon de procéder du gouvernement et corroborait l’analyse d’Archinard :

    « Si nos gouvernants avaient eu alors l’intention de ne pas marcher sur Tombouctou, si le sous secrétariat d’Etat avait eu la volonté de dire aux militaires du Soudan : vous n’irez pas plus loin ; il aurait pu télégraphier au colonel Combes : arrêtez- vous, n’allez pas au-delà de Djenné et de Ségou.

  Au lieu de cela, au lieu de donner des ordres nets et précis, que fait le Gouvernement ? Il envoie au colonel supérieur, le 7 août 1893, une dépêche conçue dans des termes les plus vagues et les plus insignifiants :

               Soyez très prudents, n’écoutez les ouvertures que si elles vous paraissent sérieuses ;

               Dans le langage habituel du ministère des Colonies, cela signifiait : allez faites ce que vous pourrez ; réussissez, nous serons avec vous ; et si vous ne réussissez pas, nous vous blâmerons et vous désavouerons. »

                Il est vrai qu’il existait dans l’exercice du commandement de l’époque une grande inertie, liée aux conditions de transmission des ordres et des comptes rendus, aux conditions de transport des hommes et de leurs approvisionnements.

               Succès ou échecs dépendaient beaucoup de la clarté et de la pertinence de la communication politique et militaire d’engagement de la campagne.

               Une fois le coup parti, les ministres n’avaient plus qu’à former le vœu que tout se passe bien.

               L’analyse du qui faisait quoi à Paris ou dans les territoires à conquérir, à la fois dans la communication des ordres et dans les comptes rendus, dans les différents contextes techniques de la communication matérielle des époques considérées était au cœur des recherches du livre cité.

               On rapporte qu’après avoir donné ses ordres, le général Moltke, partait à la pêche à la mouche (Guerre franco-prussienne de 1870).

             Pendant la guerre 1914-1918, et la deuxième guerre mondiale,  les commandements civils et militaires continuèrent à être confrontés à ce type de situation.

               Les ministres de la Marine et des Colonies pouvaient d’autant plus aller pêcher à la ligne que la conquête du Soudan s’effectuait en cachette du Parlement et de la presse, ce qui ne fut pas du tout le cas de la conquête du Tonkin et de Madagascar.

               Entre 1880 et 1895, la France partit successivement à la conquête du Sénégal, du Haut Sénégal, puis du Niger et de son bassin, avec  des étapes à Kayes, Bamako, Ségou, et enfin Tombouctou.

               Avec leurs nouvelles canonnières remontées à Koulikouro, sur le fleuve Niger, parce qu’elles y avaient été transportées en pièces détachées, quelques officiers de marine prirent l’initiative de se lancer à la conquête de Tombouctou, encouragés ou couverts par Archinard, dont un des rêves était effectivement la prise de Tombouctou, encore considérée à l’époque comme une ville mystérieuse.

               Pour résumer, un officier de marine, le lieutenant Boiteux,  débarqua à Tombouctou, fut pris pour cible par un parti touareg, une colonne, en pirogue, vint à son secours, sous les ordres du lieutenant- colonel Bonnier, et après avoir débarqué se fit surprendre au bivouac par un parti Touareg, le 15 janvier 1894, à Toucabao.

               Bilan : 77 morts dont onze officiers, deux sous-officiers, et 64 tirailleurs.

               Noter qu’une autre colonne commandée par le colonel Joffre, le Joffre devenu célèbre, devait atteindre la ville mystérieuse après le désastre.

               La morale de cette histoire ?

               Et tout cela, dans quel but ? Pour faire cocorico à Tombouctou ou pour trouver un « Eldorado » qui n’y existait pas. Paul Doumer (2) posa plus tard la bonne question :

                « Pourquoi étions- nous allés à Tombouctou ? »

               Il est évident que la crise actuelle du Mali et l’occupation du nord du pays par des partis arabes et Touareg reproduit une problématique locale de conflits permanents et récurrents entre tribus Touareg et peuples paysans du bassin du Niger, avec une extension géographique et politique moderne liée aux initiatives des groupes terroristes d’Al Quaida, mais est-ce que le fond du problème n’est pas celui de l’incapacité des gouvernements du Mali à prendre en compte les aspirations politiques des tribus Touareg, dont la culture a toujours été fortement enracinée et leur fierté proverbiale?

               Avec aussi une problématique historique de conflits entre peuples maures, bambaras, ou malinkés.

               En précisant qu’avant que la France ne vienne y faire une longue « incursion » coloniale, de l’ordre de soixante ans, le bassin du Niger a connu un certain nombre d’empires islamiques puissants, notamment au XIXème siècle, « L’Empire Peul du Macina » (1818- 1853),  celui de Cheikou Amadou, à Hamdallay, ou ceux des El Hadj Omar, Ahmadou, ou Samory.

               Et en indiquant enfin que les frontières de l’Etat actuel du Mali sont celles que la communauté internationale a entérinées lors de l’indépendance des anciennes colonies françaises d’Afrique.

               Jean Pierre Renaud

(1)  «  Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large – Rôle de la communication et des communications dans les conquêtes coloniales de la France (1870-1900) » (prix de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer)  editionsjpr.com

(2)  Paul Doumer : homme politique de la Troisième République, franc-maçon et radical, gouverneur général  de l’Indochine (1896-1902), plusieurs fois ministre, président du Sénat (1927), Président de la République (1931), assassiné en 1932. Quatre de ses fils furent tués pendant la première guerre mondiale (1914-1918)

« Les tabous de l’outre-mer français » Suite N°1- la folie ou les folies de la République Française et de ses gouvernements!

« Les tabous de l’outre-mer français »

Suite N°1 de la chronique du 29 octobre 2012 sur ce même blog

La ou les folies de la République Française !

Et de ses gouvernements !

            Dans le journal le Monde du 8 novembre 2012, page 21, sous le titre

« Outre-mer : le coût de la niche fiscale sur les logements a explosé en 2012

65% des bénéficiaires du dispositif se situent parmi le 1% des Français les plus riches. » :

            « … Ceux-là en retirent un avantage moyen de 38 656 euros »

            Et par ailleurs, « de 25 à 34 millions d’euros seraient captés chaque année par les cabinets de conseil en défiscalisation »

            Indiquons que cet avantage fiscal tout à fait exorbitant, cette « niche » a pour but d’accroître le parc du logement social outre-mer, mais il fallait faire autrement !

            Coût estimé de la « niche » : de l’ordre de 260 millions d’euros !

« L’Islam à la Française » « Enquête » John R.Bowen – Lecture critique: 2ème Partie

« L’Islam à la Française »

« Enquête »

John R.Bowen

2ème partie

Réflexions, objections, et questions

            Il s’agit d’un livre savant, difficile à lire, même lorsque l’on a un petit vernis de culture islamique, et le lecteur serait sans doute heureux d’avoir à sa disposition un petit glossaire des mots et concepts de la religion musulmane qui sont utilisés par l’auteur.

            Ma lecture critique repose sur deux postulats :

1 – que ma lecture ait bien résumé l’image représentative que le livre propose de l’Islam à la Française, et donc que j’ai bien interprété le texte.

2 – que l’enquête de M.Bowen soit représentative des réalités musulmanes françaises, et donc, que la façon dont il en rend compte soit la plus objective possible.

Cette enquête est basée avant tout sur les interviews de ceux que l’auteur appelle les « savants », dont la définition est le plus souvent imprécise.

            A la lecture, il est quelquefois possible d’avoir l’impression que le discours Bowen est un plaidoyer en faveur  de tous les chemins possibles d’une « convergence » entre l’Islam et la République Française.

Un face à face entre Islam et République, sur un pied d’égalité ?

            Une des formules utilisées par l’auteur est assez significative à cet égard :

            «  Négocier d’un champ de légitimité à l’autre » (page 289)

            L’auteur analyse la situation de l’Islam en France en le mettant sur un pied d’égalité avec la République Française, une sorte de face à face, alors que pour revenir à la lettre et à l’esprit d’une des « Pensées » de Pascal, le débat se situe entre deux « ordres » différents, le religieux, et le républicain.

                        A la fin de son livre, l’auteur écrit :

            « Ces développements et ces convergences délimitent les contours empiriques d’une réponse affirmative à la question : l’Islam peut-il être français ? D’un côté comme de l’autre, le défi à relever implique d’embrasser plus largement le pluralisme et le pragmatisme, même si cette démarche emprunte des chemins assez différents. » (page 360)

            En notant que « de nouvelles institutions islamiques innovantes » existeraient bien, l’auteur écrit :

            « A l’inverse, le défi pour la France est de trouver comment théoriser, dans le droit, la politique et la vie sociale réelle qui est celle d’un pluralisme des valeurs. » (page 360)

            Il parait tout de même difficile de parer cette démonstration du concept de pluralisme, alors que c’est précisément la loi de 1905 qui organise et sécurise le pluralisme religieux, à la condition sine qua non que chacun des partenaires reste dans son « ordre », et qu’aucune des religions, les anciennes en France, et la nouvelle, ne veuille s’ériger en contre-pouvoir.

            Il s’agirait donc de « théoriser », dans le cas présent, une relation de normes qui ne sont pas celles  de la République ?

            Une analyse non pertinente

            Une autre critique de base porte sur la description des relations entre l’Islam et les institutions de la République, une description qui semble tout à fait inappropriée.

            La laïcité est au cœur du débat, de même que la chronologie de « l’irruption de l’Islam dans l’espace public français ». (page 37)

            L’auteur fait une curieuse lecture de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, à propos des « Associations religieuses, un frein à l’intégration ? » :

            « Tout au long du XIXème siècle, l’Etat a ainsi progressivement permis à certains types d’entités collectives d’agir selon leurs intérêts : en effet, l’Etat avait fini par admettre qu‘il valait mieux déléguer aux guildes la supervision de la production de pain, que d’avoir à affronter le mécontentement populaire devant des miches rongées aux vers, ou qu’il était préférable d’autoriser quelques syndicats de travailleurs plutôt que de subir des grèves sauvages, de sorte qu’à partir de 1901, on accorda aux citoyens un droit général à faire enregistrer des associations, et que la loi de 1905 était principalement destinée à remettre les Eglises entre les mains des citoyens. » (Page 331)

            N’importe que citoyen français doté d’une petite culture historique ne pourra s’empêcher d’interpréter cette lecture de notre histoire, comme réductrice et fausse, comme si la France n’avait pas connu, sous la monarchie, la confusion entre le pouvoir religieux et le pouvoir civil, le roi fils de Dieu, et comme si la loi de 1905, n’était pas venue sanctionner un long combat pour qu’enfin, l’adage évangélique célèbre « Remets à César ce qui est à César, et ce qui est à Dieu à Dieu », soit enfin une réalité dans la République.

            Un parallélisme historique contestable entre les religions existant aujourd’hui en France.

            Le débat dont fait état l’auteur sur les priorités et les valeurs, et sur la place de la laïcité dans les pages 344, 356, et 359, laisse à penser que ce débat est ouvert, et donc que la France peut trouver des « convergences », c’est-à-dire des accommodements avec certaines exigences de l’Islam, certains de ses rituels.

            L’auteur pose la question « La laïcité doit primer ? » (page 344)

            L’auteur  évoque successivement plusieurs dossiers sensibles tels que l’apostasie (quitter l’Islam), le voile, le mariage, la burqa, et met en cause l’attitude des pouvoirs publics à l’égard de signes ou de rituels religieux compatibles, d’après lui, avec le pluralisme français, en prônant une fois de plus les « convergences » possibles.

Il est tout aussi difficile de suivre le raisonnement de l’auteur lorsqu’il met sur le même plan une « église » musulmane qui n’existe pas, en tant qu’institution comparable à celle des autres religions, et les autres, de même qu’il fait l’impasse sur la chronologie française de ces religions.

La religion musulmane est un fait historique récent, et elle a pris de l’importance au cours des vingt dernières années, notamment avec les flux migratoires venus d’Afrique, et nombreux ont été les Français, non issus de cette immigration, qui ont fait la découverte des pratiques de cette religion nouvelle.

Et à cet égard, les chiffres des espaces de prière que l’auteur cite, en apportent la démonstration, alors que leur ouverture, comme indiqué, n’a pas été toujours aisée : 500, en 1985, 1 279 en 1992, 1 600, en 2010. (page 62)

Une fois esquissées les critiques qui nous paraissent les plus centrales, examinons les éléments de la démonstration que propose M.Bowen, en suivant le cours de son discours.

Itinéraires musulmans

L’auteur décrit toute une série d’itinéraires de musulmans « dont les questions portent avant sur la façon de vivre dans une société laïque, comment pratiquer sa foi, travailler ou se marier en l’absence d’institutions islamiques. » (page 20)

 Des questions qui portent donc sur la compatibilité concrète, sociale, civile, juridique d’une religion pratiquée avec les  institutions républicaines, une compatibilité souvent malaisée que tentent de faciliter ceux que l’auteur appelle « les innovateurs religieux musulmans » qui essaient de « façonner le paysage de l’Islam Français ».

« Le défi pour les uns et les autres allait donc être de construire un savoir islamique qui soit à la fois légitime en termes transnationaux et pertinent en France. » (page 52)

Mais avec quelles « Autorités » ?

« Qui donc sont ces gens qui se sont donné le rôle d’autorités religieuses  pour les musulmans de France ? »  (page 52)

Et c’est effectivement une des difficultés du problème, de même que des pratiques religieuses de type collectif et des interdits inconnus jusque-là, qui paraissent avoir la primauté dans ce type de vécu religieux.

Les observations de l’auteur quant à la particularité d’après laquelle l’héritage colonial, avant tout celui de l’Algérie, lequel mériterait à lui seul, d’être explicité, éclairerait la façon dont les pouvoirs publics abordent le sujet, paraissent  d’autant moins pertinentes que dans les pays musulmans les autres religions ne bénéficient pas du « pluralisme » d’expression  que recommande l’auteur pour la France.

Des convergences d’autant plus difficiles à trouver et à définir que la description des « Espaces et lieux de l’Islam  en France » donne une impression de grand désordre religieux, à la fois dans leur organisation et leur animation, l’ensemble de ces lieux de prière gravitant toutefois dans l’orbite mondiale de « l’umma », la communauté musulmane du monde, plus que dans celle des différents pays concernés par la nouvelle religion.

En ce qui concerne les mosquées, le titre même du chapitre 3 « Des mosquées tournées vers le monde extérieur » soulève des interrogations, le caractère récent de l’enracinement de l’Islam en France expliquant évidemment la prédominance de cette relation étrangère, avec une majorité de « leaders islamiques » jeunes, qui ne sont pas nés en France. (page 88)

L’auteur note : « Par nature, l’enseignement et le culte islamiques en France continuent donc de fonctionner à une échelle mondiale. » (page 92)

Par nature ? S’agit-il d’un des principes fondateurs de l’Islam à la Française ?

Une impression de désordre aussi, dans l’analyse de l’effort, tout à fait méritoire que relate le chapitre « Donner forme à un savoir adapté à la France ».

A lire les pages d’enquête du sujet, le lecteur en retire l’impression que tout est possible, selon les interprétations qui sont données du Coran, de ses versets, des hadiths, – les paroles et actes du Prophète- , des grandes traditions sunnite ou chiite, des avis des imams, et aujourd’hui de l’Islam des sites internet, à la condition toutefois qu’une partie des « savants » trouve un chemin de convergence entre prescription religieuse et conduite de la vie quotidienne.

Car le quotidien est un problème en soi, la prière, les ablutions, la nourriture, et tout ce qui touche au statut des personnes, compatible ou non avec nos lois républicaines.

Dans la troisième partie, l’auteur traite longuement de ces sujets de « friction ».

Les « innovateurs » recherchent les voies d’une convergence entre deux ordres de normes qui ne sont pas toujours compatibles, en s’inspirant des « finalités » de l’Islam, mais à lire les pages qui leur sont consacrées, leur tâche ne parait ni facile, ni concluante.

L’auteur ne masque d’ailleurs pas les difficultés rencontrées pour avancer des solutions.

« Les jeunes générations, ceux qui sont nés ici, ils ne connaissent pas leur propre langue, ni leur propre culture, et ils ne pourraient en aucun cas retourner vivre dans leur pays d’origine. » (page 131)

Et plus loin :

« Ici se révèle une ligne de fracture majeure, entre, d’un côté, la poursuite d’une voie islamique sur le sol français, et de l’autre la volonté de devenir partie intégrante de la France. ! » (page 141)

Les écoles ? Mêmes interrogations ! Et autre challenge !

Le titre de ce chapitre 5 est tout à fait curieux : « Comment les écoles se démarquent les unes des autres » et la lecture des premières lignes donne un cours étrange à cette enquête.

L’auteur évoque à ce sujet, de la part de leurs créateurs ou animateurs, « un créneau à occuper », « une niche particulière sur la marché de l’éducation musulmane par le biais d’une interprétation spécifique de la connaissance islamique ». (page 163).

Heureusement, le corps du sujet ne se résume pas à cela, mais on voit bien qu’il n’est pas facile dans notre pays de vouloir ériger un réseau d’écoles musulmanes, en respectant à la fois les normes de l’école républicaine et celles des finalités premières de l’Islam :

« Les six « finalités » (magasid)  qui sous-tendent et éclairent les interdictions, la préservation de la religion, de l’âme, de la raison, de la procréation, des biens et de l’honneur, c’est-à-dire les cinq principes proposés par al-Shatibi, plus l’honneur, un ajout d’al-Qaradawi.. » (page 173)

A lire cette analyse, le développement récent, il est nécessaire de le souligner, d’un réseau d’écoles musulmanes, rencontre de grandes difficultés, pour plusieurs raisons, dont celle de pas avoir encore réussi à résoudre certaines contradictions dans l’enseignement lui-même.

L’auteur note en effet : « Des écoles musulmanes, des instituts, des centres de formation, et même des camps d’été, tentent de résoudre la quadrature du cercle en conciliant l’intégration sociale et l’intégrité religieuse. » (page 198)

Et le même auteur de poser dans le chapitre 6 la question clé : « Une école islamique peut-elle être républicaine ? » 

La réponse de M. Bowen est affirmative, au moins dans l’exemple qu’il cite.

Son analyse du cas de l’Ecole de la Réussite à Aubervilliers montre qu’une école musulmane peut, à l’exemple d’une école catholique, entrer dans le cadre républicain en mettant en œuvre le programme national de l’enseignement, mais avec toutes les difficultés qu’il y a à enseigner un programme laïc dans une école islamique, notamment quand il s’agit de traiter de l’homosexualité, de l’égalité des sexes, de la théorie de l’évolution, des rituels quotidiens, etc….

Et l’auteur de conclure son chapitre avec une conclusion tout à fait révélatrice de toutes ces difficultés et ambigüités, avec l’observation « en le contestant » que j’ai soulignée:

«  Jusqu’à présent, nous nous sommes attachés à explorer les divers moyens employés par les acteurs publics musulmans pour créer des institutions islamiques qui utilisent (tout en le contestant) l’environnement culturel et politique français, et les chemins parcourus par les enseignants pour façonner le raisonnement islamique en fonction de ces conditions. » (page 244)

Dans la troisième partie « Débats et Controverses », l’auteur revient sur un certain nombre de sujets qui font débat au sein de la société française, musulmane ou non, avant tout des sujets de statut personnel compatible ou non avec la loi française.

Il pose la question : « Un Islam d’Europe est-il nécessaire ? » et l’intitulé même de cette question pose une autre question : un christianisme d’Afrique ou d’Asie est-il nécessaire ?

On voit immédiatement la difficulté du sujet, entre le transnational musulman, souvent venu d’ailleurs, c’est-à-dire celui de l’«umma », une communauté musulmane mondiale polarisée sur l’Arabie Saoudite, l’Iran ou le Qatar, avec son ambition d’universalité, et le national.

L’auteur examine les difficultés d’adaptation de la norme musulmane à la norme française quand il s’agit de la « Riba », – de l’emprunt d’argent – , et d’une façon générale, du « fiqh », de la ou des jurisprudences musulmanes, car leurs sources sont nombreuses.

L’auteur évoque le « mainstream » de l’Islam français, mais à le lire, il n’apparait pas clairement, même pas du tout.

Alors la façon d’exprimer les termes du débat par le titre « Négocier d’un champ de légitimité à l’autre », est de nature à surprendre même le Français le mieux intentionné.

En 2012, la République va négocier avec l’Islam dans son propre champ de légitimité ? En trouvant des « accommodements raisonnables » ? (page 356)

 En ce qui concerne le mariage, le divorce, la nourriture halal, en considérant qu’il existe une « Convergence I de l’Islam à la laïcité », les musulmans trouvant des accommodements avec les normes républicaines ?

En considérant qu’il existe une « Convergence II du droit civil aux pratiques de l’islam », c’est-à-dire en opérant un retour en arrière de la loi et de la jurisprudence française  dans le domaine de la polygamie, en arguant d’arguments de jurisprudence civile tels qu’ « un effet atténué d’ordre public » ou d’ « ordre public de proximité », en proposant une analyse du concept d’ordre public français bien réductrice.

Un plaidoyer donc pour le retour d’un certain pragmatisme dans ce domaine, et en excipant tout à fait curieusement des exemples venus d’en haut de la République française qui rapetissent très sensiblement le champ de son analyse intellectuelle.

L’auteur écrit en effet, au titre des arguments favorables, et à propos de ces efforts d’atténuation de la loi française :

« Enfin, ce genre de distinctions permet aux autorités françaises de paraître moins hypocrites sur le plan moral, dans une période où un nombre croissant de couples français ne se marient pas, et où un certain nombre des Français, en particulier les présidents successifs du pays, pratiquent une polygamie de facto. » (page 323)

Conclusion générale

 Il est difficile de proposer une conclusion générale au sujet traité, un sujet d’une grande complexité théorique et pratique, alors que la France a longtemps ignoré, dans sa vie nationale, concrète, et quotidienne,  l’existence même de l’Islam, sauf pour une minorité de Français, et pour les autres, une teinture scolaire qui mériterait d’être identifiée.

A lire l’auteur, et compte tenu de toutes les limitations que la nature même de cette enquête suppose, il existerait de nombreuses raisons d’être optimiste, quant à la capacité des musulmans de France d’entrer dans le cadre des normes républicaines,

–       en faisant confiance aux « innovateurs » d’un Islam moderne,  encore bien peu nombreux, semble-t-il, et contestés, au sein même de leur communauté religieuse.

–       en recherchant des « convergences » de finalités entre les deux registres de normes islamiques et françaises, mais nous avons relevé à ce sujet que le postulat d’un débat à égalité entre normes soulevait dès le départ un vrai problème.

A la lecture de cette enquête, supposée représentative de l’Islam à la Française,  il existerait d’autres nombreuses raisons de ne pas partager cet optimisme.

La confusion et le flottement qui entourent l’interprétation des normes musulmanes, la multiplicité des sources religieuses, souvent antagonistes entre elles.

La prédominance d’une religion concrète très rituelle, de type collectif, qui a besoin de s’exprimer, de s’extérioriser dans le domaine social, avec quelquefois un esprit conquérant, prosélyte, en ce qui concerne le voile, la nourriture, ou  le jeûne du Ramadan.

Les observateurs de la vie islamique à la française savent qu’une pression de plus en plus importante et constante s’exerce sur tous les membres de la communauté musulmane pour que le Ramadan soit respecté, ou pour que les femmes portent un voile, une pression qui n’existait pas il y a quinze ou vingt ans.

D’autres observateurs font le constat que les musulmans éprouvent une très grande difficulté à séparer le civil du religieux, comme ce fut longtemps le cas en France, quand l’église catholique exerçait son magistère sur la vie nationale.

Pessimiste, donc si l’Islam de France ne réussit pas à faire sa révolution copernicienne, c’est-à-dire à ne plus dépendre des vrais centres de décision de cette religion qui sont situés à l’étranger, ou au minimum à accepter les dispositions de la loi de 1905, sur la séparation des Eglises et de l’Etat.

Sauf à penser que l’Islam de France puisse engager sa révolution religieuse, il est à prévoir que les convergences à trouver ne soient pas aisées à trouver et à mettre en œuvre, une révolution copernicienne, très difficile à réaliser, compte tenu du mur qui sépare encore le dar el salam du dar el harb.

Pourquoi cacher que pour tout un ensemble de raisons de politique intérieure ou extérieure, les relations entre la communauté islamique et les autres communautés continueront à être délicates, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté que l’Islam de France rencontrera pour ne pas être identifié avec un Islam extrémiste, fanatique, prêt à porter la guerre en Occident.

Toute la question est de savoir :

– si le jugement que Pascal portait, au XVème siècle,  sur cette grande religion a encore une actualité ou non. (Pensées de Pascal Article IX – La perpétuité –  articles 595 et suivants)

– ou encore, si l’Islam à la Française est  « mektoub », ce qui est écrit dans le Coran.

Jean Pierre Renaud

Les tabous de l’outre-mer français, en métropole et en outre-mer

  Il est tout de même surprenant de voir des groupes de pression puissants aux intérêts antagonistes faire alliance pour faire silence sur les tabous qui empoisonnent les relations entre la métropole et l’outre-mer français.

Sur un versant, les groupes de pression  qui surfent sur une mauvaise conscience française qui existerait effectivement quant au rôle passé de la France dans l’esclavage par exemple, en omettant de dire que c’est la France qui a aboli l’esclavage en Afrique ou à Madagascar, ou en reprochant à la métropole de ne pas faire une place démocratique légitime à une communauté visible, en quête tout autant d’invisibilité, de groupes de pression toujours en verve de dénonciation d’abus et de revendication d’assistance toujours plus grande de la métropole.

Sur l’autre versant, les groupes de pression politiques ou économiques qui n’ont pas l’intention  d’abandonner leurs rentes politiques et économiques outre-mer, une complicité publique ou cachée entre grands élus d’outre-mer et de métropole, la défense active de privilèges économiques d’un certain capitalisme de type « colonial », des privilèges qui profitent tout autant à beaucoup d’habitants d’outre-mer, anciens ou récents, notamment les fonctionnaires (indexation de traitements et des retraites et congés bonifiés).

Pour ne pas citer le dossier des niches fiscales encore récemment dénoncé dans un rapport d’inspection générale, un véritable scandale à plusieurs milliards d’euros.

Pourquoi ce silence complice, ces tabous qui empoisonnent les relations entre l’outre-mer et la métropole ? Favorisé incontestablement par le désintérêt de l’opinion publique pour ce type de dossier.

Si vous analysez les chiffres de la représentation politique de l’outre-mer, vous constaterez qu’au nombre d’habitants, l’outre-mer est surreprésenté : en métropole, il faut plus du double d’électeurs pour être élu sénateur ou député, et quelques îles ne comptant que quelques milliers d’électeurs ont réussi à obtenir tel ou tel poste de sénateur ou de député.

En outre-mer, il faut de l’ordre de 67.000 voix pour être élu député, alors qu’en métropole, il en faut de l’ordre de 112.000.

La population d’outre-mer représente 2,84% de celle de la France (y compris outre-mer), alors que sa représentation est respectivement, à la Chambre, de 4,8%, et au Sénat de 6%.

Le gouvernement actuel compte 2 ministres de l’outre-mer sur 38, soit un pourcentage de l’ordre de 5%, alors que sa population représente moins de 3% de sa population, et si l’on parle diversité, cette dernière compterait 7 ministres.

Il parait donc difficile d’affirmer que l’outre-mer souffre d’un défaut de représentation, et qu’au niveau national la diversité n’y ait pas sa place, dans un système politique de discrimination positive qui ne dit pas son nom.

Que de milliards à la clé ! Des milliards qui auraient pu être mis à la disposition d’un fonds de développement social et économique de l’outre-mer, et qui auraient changé la donne dans la vie de ces territoires, à la condition aussi que les élus des deux rives aient le courage de prendre leurs responsabilités, c’est-à-dire de considérer que leur avenir n’est pas obligatoirement lié exclusivement à la métropole.

Les chiffres de la représentation politique de l’outre-mer au Parlement et au gouvernement montrent clairement qu’il revient à ses représentants d’assumer leurs responsabilités, c’est-à-dire, faire tomber tous les tabous qui empoisonnent les relations entre la métropole et l’outre-mer.

L’outre-mer peut devenir un chaudron si le gouvernement et le parlement ne prennent pas leurs responsabilités, et le fait que l’outre-mer y soit plutôt bien représenté, pour ne pas dire surreprésenté, donne l’occasion de donner une nouvelle orientation aux relations entre outre-mer et métropole.

Un chaudron potentiel dans au moins deux départements (Guyane et Mayotte) où les flux d’immigration clandestine mettront en cause, et de façon inévitable, les conditions d’accès à la nationalité française, ce qui veut dire en clair le droit du sol.

Cartes sur tables pour l’ensemble de ce dossier sensible, ce qui veut dire la création d’une commission parlementaire chargée de faire l’inventaire de ces relations et de proposer les réformes nécessaires.

A la condition que cette commission n’enterre pas les résultats de ses travaux comme cela a été le cas pour le dossier de la bi-nationalité.

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: Cannabis entre Maroc et France, ou le « silence est d’or » et « de cannabis »!

Humeur Tique : Cannabis entre Maroc et France, ou « le silence est d’or » et « de cannabis » !

Que fait donc la police ? (du roi du Maroc)

            Les médias s’intéressent de plus en plus au trafic du cannabis qui constitue, dans certains quartiers sensibles, une véritable économie parallèle, bien structurée et « policée » par les nouveaux caïds.

            Vous est- il arrivé d’entendre l’un ou l’autre de nos médias mettre en cause le pays qui fournit une grande partie de ce trafic, c’est-à-dire le Maroc, et notamment le massif du Rif, au nord du pays ?

            Jamais, ou exceptionnellement !

            Quand  la France va-t-elle demander au roi du Maroc, et Commandeur des Croyants,  mécène de mosquées dans le Val de Loire, de faire le ménage dans son royaume ?

            Car le Maroc est depuis très longtemps un pays musulman ami de notre pays.