Janvier 2015 barbare à Paris ! Réflexions citoyennes


                La France s’est réveillée, s’est mise debout, a fait mouvement, et suscité un immense espoir pour la défense des libertés.

              Immense espoir d’une société fraternelle et égalitaire, mais pour combien de temps ?

            Sauf, si « l’establishment »  ou « l’établissement » de la France et de l’Europe n’apporte pas les bonnes réponses à toutes les questions que les Français et les Françaises se posent sur le bien vivre et la sécurité dans notre pays.

                 Une simple remarque : il est tout de même étrange que la Présidence Hollande ait engagé trois guerres avec le consensus de notre « établissement », gauche et droite réunies, en oubliant que le pays devait dans le même temps se protéger contre le terrorisme et la propagande islamistes.

             Il est vrai que nos gouvernements n’ont pas eu le courage d’appeler les soi-disant interventions militaires extérieures – baptisées ainsi par certains de nos géo-politologues – les guerres de la France.

              Un exemple tout à fait révélateur : la DGSI chargée de notre sécurité intérieure a un budget de l’ordre de  47 millions d’euros, à peine supérieur à celui d’une institution qui ne sert à rien, la Cité de l’histoire de l’immigration.

Jean Pierre Renaud

Avis aux lecteurs: publication des prochains mois

Avis aux lecteurs

Fréquentation de mon blog et annonce de publication d’articles au cours des prochains mois

Fréquentation

        Je remercie les lecteurs qui ont « visité » mon blog en 2014, en particulier les analyses que je leur ai proposées sur les sociétés coloniales (507 visites), la comparaison des empires anglais et français (331 visites), et toujours Edward Said (321).

          Les lettres de la Soummam ont également attiré l’attention des lecteurs (230 visites).

        Je précise qu’en 2013, année au cours de laquelle le thème des sociétés coloniales était inscrit au programme du Capes et de l’Agrégation, le blog  avait enregistré 1 895 visites. Pour les deux années 2013 et 2014, le total des visites est donc de 2 402, un chiffre que je trouve satisfaisant, compte tenu de ma position de chercheur « franc-tireur » en histoire coloniale et postcoloniale.

Annonce de publication

            Analyse et lecture critique du livre « Les Français et les Africains » par William B. Cohen.

            Le 27 octobre 2014, j’ai annoncé cette publication à l’occasion de ma lecture critique d’une chronique du journal Le Monde du 29 août 2014 intitulée «  Afro-Américains et Noirs de France, les Faux Frères » d’Elise Vincent.

            Analyse et lecture critique du livre « Les empires coloniaux », sous la direction de Pierre Singaravélou. (Points 2013)

            « Road movie » de la vie coloniale des années 1930 à travers les récits des auteurs ci-après : Claude Farrère, René Maran, Albert Londres, André Gide, George Orwell, Jacques Weulersse.

            Images coloniales d’Afrique occidentale, centrale, et sud-africaine, avec un détour la  Birmanie coloniale anglaise.

            Une sorte de d’illustration de l’analyse des sociétés coloniales que j’ai publiée sur mon blog en 2013.

Jean Pierre Renaud

Déjà 2017 ! La France est embarquée sur une nef des fous… Ils se regardent tous le nombril !

Déjà 2017 ! La France est embarquée sur une nef des fous, celle des nombrilistes de la politique et des médias !

Ils se regardent tous le nombril !

            A suivre l’actualité politique française, vous êtes rapidement convaincu que les politiques et les journalistes vous embarquent chaque jour sur une nef des fous. En boucle, en boucle, en boucle ! Avec les journalistes et les politiques dans leur bulle nombriliste !

        Face à ses problèmes, la France a beaucoup de mal à trouver des solutions et à avoir le courage de les mettre en œuvre, alors qu’à gauche ou à droite, avec le plein appui des médias, l’ « établissement » politique et médiatique est déjà en campagne pour les élections présidentielles de 2017.

Ces gens-là sont-ils devenus fous ?

Les nouveaux jeux du cirque !

            En boucle, en boucle, en boucle ! Car l’information ou la manipulation fonctionne ainsi aujourd’hui, 24 heures sur 24, et tous les jours, les journalistes et les politiques braquent leurs caméras et leurs micros sur 2017, comme si la France n’avait pas mieux à faire que de s’occuper de 2017 ?

            Avec le chômage qui continue à augmenter, avec la dette qui continue également à monter, le gouvernement qui mène une politique extérieure, avec trois guerres comprises, sans en avoir les moyens, l’Europe des paradoxes : un Président de la Commission, ancien promoteur des paradis fiscaux, qui nous dit aujourd’hui qu’il va y mettre bon ordre, et un Commissaire aux affaires économiques et budgétaires qui a symbolisé le laxisme du gouvernement français, et qui recommande aujourd’hui la rigueur à la France, etc…

            A la télévision, où que vous regardiez, vous tombez sur des tables rondes, des débats supposés contradictoires, sur des acteurs de la gent politique et médiatique, élus, journalistes, experts, politologues, qui agitent le grelot de l’élection présidentielle 2017, l’effet médiatique en miroir narcissique.

            Un exemple de ce nombrilisme médiatique, celui du Médias le Magazine de France 5 : chaque dimanche, le magazine invite un professionnel expérimenté des médias, hier Ockrent, avant-hier Duhamel, et ce jour, 14 décembre, Pujadas, etc… on se passe le poivre et le sel, on se regarde en miroir, et la vie du pays dans tout cela ?

              Une vraie agence de placement pour journalistes débutants !

            Et l’opinion des citoyens en chair et en os dans ces arènes savantes ? Stop aux sondages d’audience, à la médiamétrie, et tutti quanti… ?

          Avez-vous lu ou entendu ? Une source, un proche, un ministre (sans nom), un parlementaire (sans nom), un conseiller (sans nom), un membre de l’entourage (ou de la cour, toujours sans nom), etc … vous abreuvent de confidences qui n’en sont pas ou plus, tout cela pour faire bouillir la marmite médiatique.

            Et pendant ce temps-là, Poutine avance ses pions entre les pays divisés d’une Europe privée d’Union politique, la France poursuit ses trois guerres au Sahel, en Centrafrique, et en Irak, sans en avoir les moyens, le gouvernement poursuit sa politique en zig- zag, l’ordre public est de plus en plus troublé par des groupes de pression violents qui contestent les autorités légalement élues, etc ….

            Jean Pierre Renaud

Histoire coloniale, développement et inégalités dans l’ancienne Afrique Occidentale Française » Mme Huillery, MM Cogneau, Piketty – Chapitre 2 suite et fin

« HISTOIRE COLONIALE, DEVELOPPEMENT ET INEGALITES DANS L’ANCIENNE AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE »

Thèse de Mme Elise Huillery

Sous la direction de Denis Cogneau et de Thomas Piketty

27 novembre 2008

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Thèse Huillery

Rappel de publication des notes précédentes : annonce de publication, le 10 juillet 2014 – avant- propos, le 27 septembre 2014 – Chapitre 1, les 10 et 11 octobre 2014 – Chapitre 3, le 5 novembre 2014 – Chapitre 4, le 6 novembre 2014

Chapitre 2, première partie, le 2 décembre 2014

Notes de lecture critique

VI

Chapitre 2

Deuxième partie : suite et fin

« LE COÛT DE LA COLONISATION POUR LES CONTRIBUABLES FRANÇAIS ET LES INVESTISSEMENTS PUBLICS EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE » (p,71)

Le 10 juillet 2014, nous avons annoncé la publication de nos notes de lecture critique en concluant ainsi :

« Avec deux énigmes historiques à résoudre :

La première : Avec ou sans « concession » ?

La deuxième : Avec quelles « corrélations » ? »

  1. I.     Réalité des investissements publics en Afrique Occidentale Française (page 107)

          L’auteure introduit à nouveau son analyse, un tantinet polémique, en considérant comme acquise la thèse qu’elle défend, à savoir :

         «  Pour l’AOF, ce sont les populations locales elles-mêmes qui se sont financé elles-mêmes presque la totalité de leurs propres équipements, comme nous venons de le voir….

          Même s’il est maintenant acquis que ce sont les contribuables africains qui ont financé les écoles, les dispensaires et les routes d’Afrique Occidentale Française, il reste que c’est l’administration coloniale qui a décidé et organisé les investissements publics. «  (p,107)

          L’auteure fait donc le constat suivant :

      « Toujours est-il que la colonisation a bel et bien été à l’origine, non pas financièrement mais institutionnellement, de la construction d’écoles publiques, d’hôpitaux, de dispensaires et d’infrastructures à l’occidentale ; «  (p,108)

          De quoi parlons-nous ? De quels investissements ? De ceux de la Fédération de l’AOF ou de ceux des colonies la composant ?

Questions

         Le texte ci-dessus joue à nouveau sur la fausse continuité historique qui aurait existé tout au long de la colonisation de l’AOF, alors qu’à plusieurs reprises, l’auteure avait relevé qu’il existait bien, jusqu’en 1945, un principe d’autofinancement des colonies par elles-mêmes (la loi de 1900).

     Paradoxalement, et comme je l’ai écrit dans mes analyses sur les sociétés coloniales, le propos de l’auteure sur l’ensemble de la période coloniale se trouverait confirmé, mais sur un plan plus large, par le fait que sans le truchement  des « évolués » des colonies, il n’y aurait pas eu de colonisation.

        Jusqu’en 1945, la puissance coloniale s’était en effet bien gardée de subventionner le développement des territoires coloniaux, et sans le concours des populations africaines et l’impulsion des « colonialistes », publics ou  privés, et des « évolués »,  l’Afrique Occidentale Française aurait fait peut-être fait du sur place.

      Par ailleurs en effet, est-ce que, dans l’équation financière et économique, pour ne pas dire humaine, de la relation France AOF, l’investissement immatériel ne devait pas se voir reconnaître un prix ?

       Une fois, l’auteure reconnait le rôle important des administrateurs coloniaux  et une autre fois elle en souligne le coût exorbitant !

        Un concept  d’investissement immatériel que l’auteure analyse plutôt succinctement plus loin.

  1. A.   Quel a été le volume des investissements publics coloniaux ?

        De quels investissements parlons-nous ?

      Dans les quatre domaines de l’éducation, de la santé, des infrastructures et de l’aide à la production ?

       En matière d’éducation, et en fournissant des chiffres, l’auteure reconnait que des efforts ont été faits, mais que : « La France n’a pas réellement entrepris d’accomplir ce que les idéologies appelaient sa « mission civilisatrice » dans le territoire de l’AOF, ou ne s’est tout au moins pas donné les moyens. » (p,109)

        Le graphique 12 montre au moins que les années 1940-1950 marquent une rupture dans la progression des effectifs d’enseignants, tout en étant surpris qu’il n’ait pas été possible de trouver le chiffre du parc des écoles existantes après 1939.

        L’auteure fait le même type de remarque pour la santé, tout en fournissant des chiffres qui montrent à nouveau une rupture, logique, avec le FIDES, après 1945, en écrivant : « Mais cela ne représente toujours pas grand-chose par rapport aux besoins et aux revendications humanistes affichées en France. » (p,110)

     Question : est-ce que les efforts effectués dans le domaine de la santé n’ont pas eu une influence à la fois sur la santé, les épidémies notamment, qui ravageaient souvent ces territoires, et sur la démographie de l’AOF ?

      Les « colonialistes » sont-ils encore responsables des épidémies qui ravagent de nos jours certains territoires africains ?

        Il n’est qu’à lire les rapports que les Gouverneurs Généraux de l’AOF présentaient à leurs Conseils de Gouvernement en fin d’exercice budgétaire, pour  être convaincus de l’efficacité des mesures sanitaires de cette époque coloniale.

      En ce qui concerne les travaux publics, le tableau 4 cite un montant total d’investissements publics de 227 millions de francs 1914, dont plus de la moitié (52,4%) aurait été effectuée entre 1941 et 1956

        Ces chiffres sont véritablement surprenants, sauf à penser qu’ils ne concernent que les investissements laissés à l’initiative des colonies, et cela laisse à penser que la définition des investissements selon la catégorie choisie, fédéraux ou territoriaux, serait flottante.

        Les chiffres antérieurs à 1941 seraient en effet inférieurs au montant des deux premiers emprunts de l’AOF, le premier de 60 millions de francs en 1903, et le deuxième de 100 millions de francs en 1910 !

       L’analyse des comptes rendus d’exécution des budgets faits par les Gouverneurs Généraux de l’AOF entre les années 1920 et 1930 donnent des chiffres bien supérieurs.

         Il convient de noter que le graphique  13 montre une fois de plus, avec la rupture de ligne des années 1945, que les relations coloniales France AOF avaient basculé dans un autre monde.

         L’auteure conclut : « La composition des dépenses budgétaires est l’illustration du type d’économie mis en place par les autorités françaises : une économie de traite. » (p ;112)

      Une conclusion qui parait être par trop caricaturale, compte tenu des imprécisions qui paraissent affecter les évaluations des investissements publics, outre le fait que les autorités françaises auraient eu le choix de mettre en place tel ou tel type d’économie, comme dans les systèmes totalitaires de l’époque, tel par exemple le système soviétique ou nazi.

  1. B.   Quels ont été les transferts de capital humain de la France vers l’AOF ?

     Vaste sujet !

     Ce type de transfert est  très difficile à évaluer :

     – comment chiffrer ce transfert dans la création et le fonctionnement d’un pôle de développement, selon la définition de François Perroux ?

         –  l’auteure s’intéresse au poids respectif des africains et des européens dans les effectifs du personnel de l’éducation et de la santé, et observe :

         « Outre que les enseignants et les médecins étaient fort peu nombreux, les transferts de capital humain dans leur ensemble n’ont donc pas été déterminants pour le développement de l’économie locale. » (p,114)

        Une remarque qui parait manquer de cohérence avec le résultat des travaux de corrélation dont elle fait état dans le même ouvrage.

        – comment chiffrer la valeur ajoutée de la construction d’Etats qui n’existaient pas, de la mise à disposition d’une langue de communication commune qui n’existait pas dans le patchwork linguistique de l’Afrique occidentale précoloniale ?

            L’historien indien Panikkar a écrit des choses tout à fait intéressantes à ce sujet pour l’Inde  impériale anglaise, alors qu’ « âge égal », l’ouest africain ne soutenait absolument pas la comparaison avec le continent indien.

  1. Le coût des investissements publics coloniaux : à l’origine de leur rareté ?

       Les quelques pages d’analyse sommaire du sujet proposé ne convainquent pas, étant donné, que pour l’auteure, les « investissements publics coloniaux » sont constitués par les personnels français, les administrateurs coloniaux, les médecins, les enseignants, et sur le même plan les investissements laissés à l’initiative des administrateurs coloniaux

         L’auteure note «  Le paradoxe des budgets territoriaux était le suivant : alimentés par des ressources locales prélevées dans une économie à faible revenu, ils supportaient les charges d’une administration française dont les salaires et le mode de vie s’alignaient sur ceux d’une économie à haut revenu. … Par exemple, la solde d’un administrateur de cercle de 1ère classe au début des années 1910 était de 14 000 Francs par anplus les indemnités d’éloignement, indemnités de résidence, frais d’abonnement et frais de déplacement qui élevaient leur revenu à environ 18 000 Francs par an. » (p,114)

         Et l’auteure croit pouvoir affirmer : « Mais comme nous l’avons vu, l’aide publique française versée à l’AOF, loin d’avoir compensé les charges que le personnel français a fait peser sur les finances publiques territoriales, n’a même pas couvert les charges de bureaux des huit gouvernements locaux. Il est donc certain que la somme des salaires versés aux fonctionnaires français par les contribuables de l’AOF est sans commune mesure avec l’aide publique versée par la France à l’AOF. » (p,117)

        Rien de moins ! Alors que nous avons tout au long de notre lecture critique fait peser un doute sérieux sur les concepts manipulés, sur les calculs effectués, sur les cohérences d’analyse, et sur la validité historique de la thèse centrale qui est défendue.

        La colonisation française avait le grand défaut d’être trop bureaucratique, et les Lyautey et Gallieni s’en plaignaient déjà au début de la période coloniale, en Indochine et à Madagascar, mais dans une Afrique noire fractionnée à outrance, manquant de relais de commandement pour la modernisation, la France a commis des excès de bureaucratie centrale à Dakar et dans les colonies, sur le modèle centralisé métropolitain.

      L’exemple de l’administrateur de 1ère classe est caricatural.

      Au début des années 1910, je ne suis pas sûr que l’auteure ait été candidate pour servir dans une des brousses de l’AOF, même dans les nouvelles capitales administratives de l’hinterland, qu’il s’agisse de Niamey ou de Bamako, compte tenu des conditions de vie et de santé qui étaient celles d’alors, outre celles du climat

       Il est tout de même difficile de dénoncer le coût excessif de l’administration à partir de cet exemple, en considérant qu’un Européen expatrié ne pouvait avoir cette rémunération.

     J’ai déjà cité les propos de l’ancien gouverneur Delavignette sur la longévité tout relative  des administrateurs, et seuls les ignorants peuvent considérer que les Français de l’époque coloniale, en tout cas jusque dans les années 1940, avaient des conditions de séjour que connaissent de nos jours les touristes de l’outre-mer, ou encore les collaborateurs ou collaboratrices des ONG.

      A peu près aux mêmes dates, et en 1906, un député avait droit à une rémunération annuelle de 15 000 francs : est-ce que l’auteure croit qu’il fut possible de recruter des administrateurs coloniaux en les sous-payant, alors que leurs salaires ne tenaient pas compte de leur durée de vie plus courte ?

       Une appréciation sans doute plus justifiée aurait été celle qui aurait critiqué, en l’analysant le poids comparatif des bureaucraties centrales de la fédération et des colonies, écrasantes par rapport aux administrations légères de la brousse.

        Pourquoi et pour une fois, ne pas résister à la mode anachronique à laquelle semble céder l’auteure, en l’invitant à se documenter sur les rémunérations et compléments de rémunération accordés de nos jours aux fonctionnaires en service dans les DOM-TOM ?

     IV. Conclusion

    « L’AOF n’a pas été un tonneau des Danaïdes pour l’Etat français qui lui a prêté une très petite part de ses ressources publiques et ne lui a quasiment rien donné. La France n’a pas été pour l’AOF le pilier sans lequel elle aurait sombré dans la misère puisque les prêts français n’ont représenté qu’une petite partie de ses ressources, et les dons quasiment rien. Par contre, la France a été un poids financier conséquent pour l’AOF, le personnel français installé sur son territoire ayant absorbé une part importante des ressources locales.

       La colonisation en AOF n’a donc pas été pour la France une si mauvaise affaire : outre que l’AOF a offert de nouveaux débouchés à certains biens de consommation, une source d’approvisionnement protégée en matières agricoles, et des occasions de placement de capitaux intéressants notamment dans les secteurs bancaire et commercial, l’AOF n’a presque rien coûté aux contribuables et a financé les salaires de plusieurs milliers de fonctionnaires venus de métropole…(p,119)

        En dehors de la dernière période de colonisation (1945-1956) car :

« Tout le reste du temps, la rentabilité économique de la colonisation française en AOF ne semble pas faire de doute étant donné la nullité de son coût. «  (p119 et 120)

       Cette affirmation contient beaucoup  d’outrecuidance, compte tenu de toutes les incertitudes qui ont été relevées, en ce qui concerne le fonctionnement du système, le sens des concepts financiers et économiques manipulés, le postulat d’une continuité historique qui n’a pas existé, l’absence d’analyse du commerce extérieur, etc….

        L’auteure d’expliquer enfin :

       «  Pourquoi les travaux précédents n’aboutissaient pas aux mêmes conclusions ? (page 120)

       Première raison : les travaux antérieurs ne portaient que sur des « périodes restreintes » et ne pouvaient donc donner de conclusion globale.

        Deuxième raison : l’absence de prise en compte des transferts publics de l’AOF vers la France.

       Troisième raison : «  La troisième raison est qu’aucun des travaux existants ne différencie les prêts et dons versés par la France à ses colonies, assimilant les prêts et les avances à de l’aide publique alors même qu’ils ne contenaient pas d’éléments de concessionnalité. »

      Quatrième raison : Jacques Marseille et Daniel Lefeuvre se sont focalisés sur l’Algérie

      Cinquième raison qui concerne les travaux de Jacques Marseille « est que les déficits commerciaux des colonies vis-à-vis de la France sont uniformément assimilés à des transferts de capitaux, principalement publics, de la France, vers les colonies. Dans le cas de l’AOF, ceci est faux. Notre travail a donc permis d’éclaircir la question du financement global de la colonisation en AOF, résultat partiel qui demanderait à être complété par les autres territoires de l’ancien empire français. (p,120

        L’auteure écrit donc : « Nombreux sont encore les habitants des Etats de l’ancienne Afrique Occidentale Française qui pensent devoir à la France leurs écoles et leurs routes… Puisse ce travail leur permettre de réaliser que ce sont leurs propres ressources, financières et humaines, qui ont permis la réalisation de la quasi-totalité de ces équipements. Puissent-ils également réaliser que la colonisation leur a fait supporter le coût d’un personnel français aux salaires disproportionnés et de services chers et mal adaptés. Le bilan économique de la colonisation pour les anciennes colonies est impossible à établir par manque de contrefactuel, mais il ne fait pas beaucoup de doute qu’il soit négatif étant donné la nullité de ses gains. »   (p,120)

     Questions et conclusions:

    La première concerne un « bilan économique … impossible à établir » ? Comment faire un tel constat, alors que l’auteure s’est bien gardée de chiffrer l’évolution du commerce extérieur, des budgets, des infrastructures …? De proposer des évaluations en distinguant entre la période de la loi de 1900 et celle du FIDES ? De situer les ordres de grandeur économique et financière respectifs entre la métropole et l’AOF au cours de la période coloniale ? etc…

     La deuxième  porte sur la fragilité, l’ambiguïté, pour ne pas dire le manque d’appropriation des concepts d’analyse utilisés dans le domaine économique et financier, l’absence de définition des flux d’argent public examinés : il ne s’agissait pas de prêts publics, donc de charges ou réelles pour les contribuables français ; en ce qui concerne les avances, il aurait fallu dire quelle était leur fonction et leur fonctionnement ; en ce qui concerne les caisses de réserve, il aurait fallu expliquer ce à quoi elles servaient, etc… .

        La troisième met en cause la cohérence entre certains des chiffres cités et ceux qui figurent dans l’ouvrage de « La Zone Franc », avec des écarts qu’il conviendrait de justifier et confirmer.

      La quatrième porte sur l’historicité de cette thèse : elle a un caractère anachronique à un double titre, en ne distinguant pas les périodes examinées et surtout en imposant un mode de calcul d’une « concessionnalité » datant de 1969 à l’ensemble des flux décrits dont le terme était celui de l’année 1957.

       Cette thèse ne s’inscrit donc pas dans l’histoire financière et économique des relations entre la France et l’AOF, ce qui signifie qu’elle souffre d’un anachronisme de base.

       La cinquième porte sur l’arrogance d’un discours qui est censé s’inscrire sur un plan scientifique, et sur le ton politique et polémique trop souvent utilisé, un discours qui entend donner une leçon d’histoire, à la fois aux héritiers français ou africains de l’ouest de l’histoire des relations coloniales entre la France et l’AOF, une leçon on ne peut plus fragile, qui confine avec une propagande postcoloniale à la mode.

&

          Je terminerai en disant, tout cela est bien dommage !

         Que de travail et de compétence mis au service d’une cause historique qui ne l’est pas, alors que cette thèse pouvait être l’occasion d’une contribution utile à une meilleure connaissance de l’histoire économique coloniale, qui souffre traditionnellement d’un manque d’intérêt pour un tel sujet.

Jean Pierre Renaud

Demain 4 décembre 2014, mes conclusions générales

Histoire coloniale, développement et inégalités dans l’ancienne Afrique Occidentale Française » Mme Huillery, MM Cogneau, Piketty – Chapitre 2 « Le coût de la colonisation pour les contribuables fr

« HISTOIRE COLONIALE, DEVELOPPEMENT ET INEGALITES DANS L’ANCIENNE AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE »

Thèse de Mme Elise Huillery

Sous la direction de Denis Cogneau et de Thomas Piketty

27 novembre 2008

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Thèse Huillery

Rappel de publication des notes précédentes : annonce de publication, le 10 juillet 2014 – avant- propos, le 27 septembre 2014 – Chapitre 1, les 10 et 11 octobre 2014 – Chapitre 3, le 5 novembre 2014 – Chapitre 4, le 6 novembre 2014

Notes de lecture critique

VI

Chapitre 2

« LE COÛT DE LA COLONISATION POUR LES CONTRIBUABLES FRANÇAIS ET LES INVESTISSEMENTS PUBLICS EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE » (p,71)

Le 10 juillet 2014, nous avons annoncé la publication de nos notes de lecture critique en concluant ainsi :

« Avec deux énigmes historiques à résoudre :

La première : Avec ou sans « concession » ?

La deuxième : Avec quelles « corrélations » ? »

En ce qui concerne ce chapitre 2, et comme nous tenterons de le démontrer, il serait tentant de dire, effectivement, et sans discussion, sans « concession » !

            Un résumé (abstract) annonce le contenu du chapitre :

            « Cet article s’appuie sur l’extraction des données budgétaires de l’Afrique Occidentale Française sur toute la période coloniale pour étudier le coût que la colonisation a fait peser sur le budget de l’Etat français, et l’ampleur des bénéfices qu’en aurait retirés les pays de l’ancienne AOF en termes de ressources publiques et d’investissements en écoles, enseignants, médecins, et infrastructures. Il s’avère que les transferts de fonds publics de la France vers l’AOF, subventions et prêts confondus, n’ont représenté en moyenne que 0,1% des dépenses de l’Etat français ; seuls 0,007% des dépenses de l’Etat sont de plus imputables à de l’aide publique…Les populations de l’AOF ont donc non seulement subvenu presque totalement à leurs besoins, mais aussi supporté de lourdes dépenses liées à la présence française. » (p,72)

&

 Avant d’aller dans le texte lui-même, quelques remarques sur les termes et concepts utilisés :

         1) s’agissant du domaine de l’histoire, les dates retenues par les différentes analyses effectuées ne sont pas toujours les mêmes, et nous verrons que dans ce type d’analyse, le respect de la chronologie est capital

         2) il convient de retenir que l’analyse annoncée porte sur les flux de capitaux publics, et non sur les flux de capitaux privés,

          3) on peut regretter qu’avant toute réflexion historique, l’auteur n’ait pas donné les ordres de grandeur respectifs des budgets de la France et de l’AOF, ainsi que du commerce extérieur,  au moment de la création d’une AOF créée de toute pièce, c’est à dire en 1895, et en ce qui concerne les années ultérieures, afin d’éclairer la portée des deux pourcentages donnés plus haut.

          Nous verrons par ailleurs que les démonstrations techniques de l’auteur n’accréditent pas nécessairement les deux pourcentages cités plus haut, 0,1% ou 0,007%.

            Nous nous sommes déjà interrogés sur le sens qu’il convenait d’accorder à ce type d’évaluation comparative qui ne tient pas compte de l’effet marginal d’un franc AOF de même valeur que le franc métropolitain jusqu’en 1945, puis convertible au taux fixe avec le franc métropolitain, de 1,7, puis de 2 francs CFA.

 Dans son introduction, l’auteure regrette qu’en ce qui concerne le bilan de la colonisation, c’est-à-dire des coûts et bénéfices de la colonisation « les historiens se fondent sur des données anecdotiques et sur des hypothèses très approximatives » (p,74).

 L’auteure note tout d’abord que «Le besoin se fait donc sentir d’en revenir aux fondamentaux de l’histoire coloniale et d’interroger directement les comptes publics coloniaux. », tout en faisant remarquer que « on a souvent le sentiment au niveau médiatique, tout du moins, que la colonisation française est assimilée à la colonisation de l’Algérie. » (p,75)

 Tout à fait ! J’ajouterais volontiers, mais en respectant l’histoire coloniale des comptes publics

            L’auteur écrit  qu’ : « Il est donc plus pertinent de concentrer  son attention sur les territoires séparément les uns des autres, et nous proposons ici de le faire pour l’Afrique de l’ouest. » (,76)

  1. I.             Présentation des données
  2.            A   L’organisation financière

              Pour que le lecteur puisse bien apprécier le contenu de l’objet de cette thèse, un objet avant tout budgétaire et financier, il aurait fallu que l’organisation financière décrite soit la plus claire et la plus complète possible. II aurait été utile de définir très exactement le système monétaire et financier dans lequel se trouvait l’AOF, les concepts d’emprunt et d’avance utilisés, leur mécanisme, les relations juridiques et techniques qui existaient en la matière entre la France et l’AOF, qui furent différentes au cours de la période étudiée, qui va de 1898 à 1960, notamment entre l’avant et l’après 1945, et enfin de fournir le calendrier historique des emprunts et de leurs montants, ainsi que des avances.

             En 1901, la Banque de l’Afrique Occidentale bénéficia du privilège d’émission du franc AOF, en parité avec le franc or de l’époque, et il aurait été utile d’expliquer comment fonctionnait le système colonial du franc, les relations existant entre le Trésor métropolitain et le Trésor d’AOF, qui lui était très étroitement rattaché, sur toute la période coloniale, avec la rupture historique de la deuxième guerre mondiale.

       L’analyse ne parait en effet pas correspondre  au contenu des relations financières existant historiquement, ainsi qu’à celui des concepts étudiés.

         L’auteure écrit  au sujet des différents budgets :

        «  Les budgets des fonds d’emprunt géraient, comme leur nom l’indique,  les fonds d’emprunts publics émis par le gouvernement général de l’AOF à l’égard du Trésor public français » (p,78) 

      La nature de ces emprunts demanderait à être précisée et donc confirmée : s’agissait-il bien de cela ? Emprunts auprès du Trésor, sur fonds budgétaires de l’Etat, c’est-à-dire du contribuable, – le « contribuable » du titre ? – ou emprunts souscrits auprès de de l’épargne des particuliers, avec la garantie de l’Etat, par la voie du Trésor ?

        Il ne s’agissait pas en effet d’emprunts effectués auprès du Trésor Public français, mais d’emprunts émis par des syndicats bancaires avec la garantie du Trésor, en cas de défaillance : le contraire m’étonnerait beaucoup, d’autant plus, et comme le relève l’auteur, fut appliqué jusqu’en 1945, le « principe fondamental du financement de la colonisation énoncé par la loi du 13 avril 1900, dite « Loi d’autonomie financière des colonies. » (p,79)

       L’Etat « a surtout concédé d’importants emprunts aux territoires » (p,79) :

     Questions :

   1) La même question : L’Etat a-t-il « concédé », ou l’Etat n’a-t-il donné que sa garantie ? Ce n’est pas tout à fait la même chose !

     A ce stade de la démonstration,  l’analyse historique ne pouvait pas ne pas tenir compte de la loi de 1900, capitale pour tout examen. L’Empire britannique appliqua le même principe du « self-suffering ».

     A plusieurs reprises, l’auteure fait référence à ce principe, mais ne parait pas en avoir tiré toutes les conséquences historiques.

    2) Comment analyser en effet les flux publics de capitaux sans distinguer entre les deux périodes de financement public des colonies, sans distinguer entre l’avant 1945, avec la loi de 1900, et l’après 1945, avec l’institution du FIDES, et sa comptabilité en termes de programme de développement, distinguant entre autorisations de programme et crédits de paiement, et en décrivant à la fois le système des subventions et des avances, des quasi-subventions mises en place par la loi du FIDES, complètement différentes de celles du régime financier fixé par le décret de 1912 ?

      3) Les emprunts – rappel du texte de base : article 87 du décret de 1912 :

     « Les colonies non groupées ou les groupes de colonies constitués en Gouvernements généraux peuvent recourir à des emprunts…. Les emprunts doivent être approuvés par des décrets en Conseil d’Etat ou par une loi si la garantie de l’Etat est demandée…. Ces emprunts peuvent être réalisés, soit avec publicité et concurrence, soit de gré à gré, soit par souscription publique avec faculté d’émettre des obligations négociables soit directement auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ou de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, par extension de l’article 22 de la loi du 20 juillet 1886, aux conditions de ces établissements. »

      Avant 1914, l’AOF a contracté quatre emprunts autorisés par une loi et bénéficiant de la garantie de l’Etat : loi du 05/07/1903 = 65 millions de francs – loi du 22/01/1907 = 100 millions – loi du 11/02/1910 = 14 millions – loi du 28/12/1913 = 167 millions, soit un total de 346 millions francs courants or, soit 374 millions de francs 1914.

     A titre anecdotique, indiquons que l’AOF ne mit pas en jeu la garantie de l’Etat, alors que dans le cas de l’AEF, faute de sécurité financière, l’Etat prenait le soin d’inscrire dans son propre budget le montant des annuités de remboursement, au cas où ?…

  1. B.   Sélection des données

        L’auteure écrit : « Pour établir le bilan économique de la colonisation française en Afrique Occidentale Française… » (p,80)

       Question s’agit-il d’un bilan financier ou d’un bilan économique ?

  1. II.           Le financement public de la colonisation française en AOF

         L’auteure dit se démarquer de l’analyse de Jacques Marseille :

     «  Mais nous avons montré dans la partie I que la thèse de Jacques Marseille reposait uniquement sur des hypothèses faites à partir de la balance commerciale entre la France et ses colonies. » (p,85)

     Question : comme nous l’avons déjà indiqué, pourquoi l’auteure n’a pas analysé  historiquement la balance commerciale et la balance des paiements de l’AOF, afin de vérifier le bien-fondé des calculs de Jacques Marseille, précisément dans l’objet étudié, c’est-à-dire l’AOF ?

       La consultation des rapports budgétaires présentés par les Gouverneurs Généraux de l’AOF à leurs Conseils de Gouvernement font en effet apparaître des  déficits de balance qu’il a bien fallu couvrir, comment ?

        Il est donc difficile de barrer d’un trait de plume à la fois les travaux de cet historien, sans en avoir apporté la démonstration contraire avec le cas de l’AOF, et les travaux décrits par François Bloch Lainé dans le livre « La Zone Franc » qui contient un ensemble de chiffres qui corroborent leur analyse.

  1. Combien l’Etat français a versé à l’AOF ?

      L’auteure distingue trois formes de transferts publics, les emprunts, les avances et les subventions, mais sans définir précisément le régime juridique et financier de ces trois catégories de transfert, ce que nous avons déjà souligné.

       Le montant total des avances retenu dans cette thèse parait en effet surprenant, sauf à les imputer sur la période 1946-1958.

      Réserve est également faite à nouveau sur la nature des flux observés et analysés : « les décaissements accordés par le Trésor Public français à l’AOF… Les décaissements des prêts accordés à l’AOF étaient versés au budget des fonds d’emprunts, spécialement dédié à la gestion des fonds prêtés par le Trésor Français à toute la fédération puisque les emprunts étaient contractés au niveau fédéral par le gouvernement général de l’AOF. «  (p,85)

      Comme nous l’avons déjà indiqué, il ne s’agissait pas du Trésor français, et donc pas de « décaissements accordés par le Trésor Public français ».

      Le cadrage historique :

      Le Tableau I « Transferts publics de l’Etat français vers l’AOF entre 1898 et 1957 » (page 86) fixe des bornes historiques qui vont de 1898 à 1957, alors que dans l’introduction, la période historique examinée devait s’échelonner sur 40 ans : en millions de francs 1914,

Prêts : 509,7 + Avances : 547,2 + Subventions : 247,3 = Total : 1.304 millions francs 1914

      Questions :  1 – L’analyse proposée n’est pas pertinente historiquement, étant donné qu’elle fait comme si la loi de 1900 et la création du FIDES, après 1945, n’avaient pas existé, et qu’il puisse être possible de proposer une analyse en flux financier continu et cohérent sur le plan conceptuel, en additionnant ou en soustrayant des sommes non cohérentes.

       Historiquement, le système de relations avait changé, et il n’est pas pertinent de faire comme s’il y avait eu une continuité dans le système des relations entre la métropole et l’AOF.

     2 – Sans mettre obligatoirement en cause les calculs effectués, sauf à les comparer plus loin à ceux cités par François Bloch-Lainé, quant à leur montant, celui des avances parait tout à fait surprenant, compte tenu du régime juridique des avances qui fut la règle du jeu budgétaire de l’AOF jusqu’en 1945, celle que fixa, à l’origine, le décret du 30 décembre 1912.

       D’après le texte de la page 91, les avances furent effectivement celles accordées au titre du FIDES :

       « Les avances accordées par le Trésor Public au budget général de l’AOF à partir de 1946 pour l’alimentation du programme du FIDES étaient assorties d’un taux variant entre 3 et 4 pourcent. Leur échéance très courte, de l’ordre de quelques années seulement, ne permet pas à l’élément don de dépasser 10%. Concernant les six prêts contractés par l’AOF vis-à-vis du Trésor français, leur taux variant d’une tranche à l’autre entre 5 et 6,5 pourcent. L’échéance de ces prêts variait quant à elle de 30 à 50 ans. Aucun de ces prêts n’a un élément de don supérieur à 25 pourcent, le plus élevé étant celui de 1903 dont l’élément don, selon les définitions internationales adoptées depuis 1969, aux subventions nettes de la France vers l’AOF… » (p,91,92)

      Critique de l’analyse :

     Cette analyse suscite plusieurs critiques :

       & Les avances de type FIDES furent effectivement versées par le Trésor français, mais les emprunts ne furent pas contractés vis-à-vis du Trésor, comme déjà indiqué : il aurait fallu donner les dates et le montant des « six prêts contractés par l’AOF ».

     & Les deux tableaux 1 (p,86) (1898-1957)  et 2 (p,88) (1907-1957), ont des dates de référence différentes, pourquoi ?

      & Le propos financier et historique manque de clarté, en ne précisant pas si un régime juridique d’avances existait ou non avant 1946, ou si elles avaient une nature différente, c’est-à-dire laquelle, ce que l’auteur a enfin précisé à la page 91.

       L’article 49 du décret du 30 décembre 1912 avait fixé un régime des « avances à régulariser » qui étaient alors autorisées, différentes de celles instituées par la loi du FIDES :

     « Les dépenses à effectuer aux colonies pour le compte de l’Etat, autres que les dépenses énumérées aux chapitres II et III du présent décret, et pour lesquelles existent des crédits au budget du département ministériel intéressé, sont acquittées soit sur ordonnances de payement émises par le Ministre compétent, soit à titre d’avances à régulariser en vertu d’ordres de payement délivrés par l’un des ordonnateurs de la colonie suivant la nature de la dépense et conformément aux instructions du Ministre des Finances. »

     Le graphique 1 de la page 87 fait apparaître qu’effectivement les avances furent celles des années 1946-1957, mais il pose en même temps la question de la raison pour laquelle le même graphique  ne fait pas apparaître clairement le mouvement des emprunts pour la période 1907-1945.

      & La loi du 30 avril 1946 créant le FIDES a en effet réglementé un autre régime d’avances, tout à fait différent, assimilable progressivement à un régime de subventions, et dont les caractéristiques ne sont pas celles décrites dans le paragraphe cité plus-haut :

      « Article 3  Le financement de ces plans est assuré par un fonds d’investissement pour le développement économique et social des territoires d’outre-mer (FIDES) qui sera alimenté en recettes :

  a) Par une dotation de la métropole qui sera fixée chaque année par la loi de finances

   b) Par des contributions des territoires intéressés… soit enfin d’avances à long terme que ces territoires pourront demander à la Caisse centrale de la France d’outre-mer dans la limite des sommes nécessaires à l’exécution des programmes approuvés. »

   « Article 4 – La Caisse centrale de la France d’outre-mer est autorisée par la présente loi :

    A accorder les avances précitées au taux d’intérêt de 1% l’an et avec des délais de remboursement suffisants pour ne pas gêner l’exécution des programmes ;

   A constituer directement la part revenant à la puissance publique dans le capital des entreprises prévues…

   A assurer ou garantir aux collectivités ou aux entreprises concourant à l’exécution des programmes, directement ou par l’intermédiaire d’établissements publics, toutes opérations financières autorisées par la loi et destinées à faciliter cette exécution. »

    & Les taux d’intérêt ainsi que les échéances de ces avances ne furent pas celles décrites dans le paragraphe en question.

    Comme l’écrit François Bloch Lainé (p,133), les avances en question, largement accordées, entre autres à l’AOF, se transformèrent rapidement en subventions, dont le taux passa de 55% à 90%, 10% restant à souscrire au titre des avances :

        « Elles ont été, d’ailleurs, été encouragées (les autorités territoriales) dans cette attitude, par les conditions relativement peu onéreuses auxquelles sont consenties les avances, malgré le léger relèvement des taux et la réduction de la période d’amortissement différé intervenus à partir du 1°juillet 1950. Le taux d’intérêt des avances que la Caisse Centrale consent aux territoires d’outre-mer est, depuis cette date, de 2,20% contre 2% précédemment. Quant à l’amortissement, il est calculé sur 20 annuités, avec une période d’amortissement différé, qui, après avoir été de cinq ans, a été, à la même date, ramené à deux ans. »

     Les conditions de financement du FIDES ont évolué en faveur des territoires d’outre-mer, en subvention, le rapport entre la part respective de la métropole et celle des territoires passa de  55%-45% à 75%-25% à partir du 1° juillet 1953, et à 90%-10% à partir du 1° janvier 1956.

      Autant dire que la part d’autofinancement des territoires confinait alors avec un taux voisin de zéro, étant donné qu’ils continuaient à bénéficier des avances décrites.

    François Bloch-Lainé calculait qu’au terme de l’exécution du premier plan FIDES (30/04/1946 à 30/06/1953), les territoires d’outre-mer n’avaient financé sur leurs ressources propres, pas plus de 3 % du budget total, soit 3.640 millions (23,7 millions de francs 1914) sur 113.309 millions de francs (737 millions de francs 1914). (p,132)

Sur ce total, la note 2 (p,132) indique que l’AOF n’a financé sur ses ressources propres qu’un montant de 2.370 millions de francs, soit 15,4 millions de francs 1914 .

      Nous verrons plus loin que les chiffres qui figurent dans le livre « La Zone Franc » soulèvent des difficultés de cohérence avec ceux cités notamment à la page 86, outre le fait que cette analyse ne nous dit pas comment ont évolué les subventions et les avances après le 30 juin 1953, jusqu’en 1957, la date butoir choisi par l’auteure.

    Quid encore pour la période 1957-1960 ?

  & Enfin, ce paragraphe introduit un mode de raisonnement de calcul financier purement et simplement anachronique fondé sur un concept de don qui appellera un commentaire ultérieur.

      Les chiffres :

      Le Tableau 1 fait état d’un montant total des emprunts garantis et non « consentis » par la puissance publique, de 509,7 millions de francs 1914 : prend-t-il en compte la totalité des emprunts contractés par l’AOF, au cours de la période examinée ? Avant 1914, la Fédération avait déjà contracté 374 millions d’emprunt (374 par rapport à 509,7), et à lire les rapports de présentation des budgets par les gouverneurs généraux, d’autres emprunts ont été contractés après 1918.

      Dans son rapport de novembre 1932, le Gouverneur Général de l’AOF (rapport Brévié page 13) fait état par exemple d’un emprunt de 1.570 millions de francs autorisé par la loi du 22 février 1931, soit  318, 5 millions de francs 1914.

     Comment expliquer l’écart entre les deux chiffres de 509,7 millions francs 1914 et de 692,5 millions francs 1914, (374 millions francs 1914  + 318,5 millions francs 1914) ? Pour autant que tous les emprunts garantis par le Trésor Public aient été recensés.

     Dans quelle catégorie de financement classer  une convention de remboursement passée le 29/7/1927 entre le Gouverneur Général de l’AOF et le Ministre des Finances, d’un montant de 22 millions de marks or  (de l’ordre de 25 millions de francs 1914 ?, page 47, rapport Carde 1927), au titre des réparations allemandes ?

   A plusieurs reprises, notamment à la page 90, l’auteure marque bien le changement  important qui a affecté les relations économiques et financières après 1945, mais elle ne parait pas en tenir toujours compte dans ses calculs.

      Retenons pour l’instant, et sous réserve que les chiffres cités soient exhaustifs pour la période 1898 – 1957 :

      « Au total, retenons que la France a versé à l’AOF 1 304 millions de Francs 1914, dont 697 (53%) après 1946 et 1 057 (81%) sous forme de prêts ou d’avances à rembourser par le budget général de l’AOF. » (p,87)

     A ce stade de l’analyse et des questions posées, il n’est pas inutile de se reporter aux chiffres cités dans le livre « La Zone Franc » (p,136).

Programme FIDES  1946-1953, en millions de francs :

AOF : Total des subventions    Total des avances   Total général

              71.107  millions             76. 342  millions            147.449 millions

Soit en francs 1914 :

                   463 millions                     496 millions             959 millions

      Ces chiffres posent d’ores et déjà un problème de cohérence avec ceux des chiffres du tableau 1, d’autant plus que les années 1954-1957 ne sont pas prises en compte dans les statistiques Bloch-Lainé.

      Comment expliquer la différence entre le chiffre affiché à la page 86,  en millions de francs 1914, 247,1 millions au lieu des 463 millions pour la seule période 1946-1953 ?     Hors les années 1953-1957 ?

    Comment interpréter, sur un autre plan, les chiffres assez proches des avances sans rien dire du sort qui leur a été réservé après 1957, remboursées ou effacées ?

    Je laisse donc le soin aux historiens de métier d’aller plus loin dans cette récapitulation conceptuellement difficile, et de confirmer ou non les chiffres cités dans cette analyse.

  1. A.   Combien l’AOF a versé à l’Etat français ?

     Le Tableau 2 récapitule le montant des transferts publics de l’AOF vers l’Etat français entre 1907 et 1957 (donc 50 ans), et non plus entre 1898 et 1957, comme dans le Tableau 1, dont le total est de 571,9 millions Francs 1914.

    Par catégorie de remboursement : emprunts = 228,5 millions, avances = 145,1 millions, subventions = 198,3 millions.

     Questions :

   En considérant que les chiffres précédents puissent être confirmés, la comparaison des Tableaux 1 et 2 fait donc apparaître entre les transferts publics de la France et l’AOF et leur « remboursement », un écart positif de 732,1 millions Francs 1914, un écart de financement qui n’est pas négligeable.

    Les montants cités pour les prêts, 509,7 millions de francs 1914 contre 228,5 millions de francs 1914 remboursés, soit un écart favorable pour l’AOF de 509,7 – 228,5, soit 281, 2 millions de francs 1914, correspondent-ils à la perte ou à la contribution des épargnants français au développement de l’AOF, c’est-à-dire pour l’essentiel des emprunts souscrits avant la première guerre mondiale pour la réalisation de grandes infrastructures de la Fédération (voies de chemin de fer et ports)  ?

     A titre documentaire, rappelons que les porteurs d’obligations libellées en francs, ceux communément appelés les rentiers, ont perdu plus du tiers de la valeur de leur portefeuille après la guerre 1914-1918.

  1. C.   Quel est le solde des transferts publics entre la France et l’AOF ?

       L’auteure rappelle à juste titre l’existence de « la loi de 1900 qui prônait l’autonomie financière des colonies », mais elle fait aussitôt intervenir dans son raisonnement  de calcul financier du « fardeau » le concept de « concessionnalité » (p,91)

      «  Le concept de « concessionnalité  a été introduit initialement en 1969 par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE » – selon lequel  – « tout prêt contient un pourcentage de don »… Pour calculer l’aide effectivement apportée par la France à l’AOF, nous allons utiliser cette définition, bien qu’elle soit postérieure à la période coloniale » (p,91)

  Question : la phrase en caractères gras est capitale pour comprendre le raisonnement « historique » sur lequel repose le fondement « scientifique » de la thèse Huillery.

      Ne s’agit-il pas d’un beau tour de passe-passe anachronique, dont le résultat recherché est évidemment de diminuer le montant des transferts de la France vers l’AOF !

     « L’aide apportée par la France à l’AOF se réduit donc, selon les définitions internationales adoptées depuis 1969 aux subventions nettes de la France vers l’AOF. » (p,92)

    Et le tour est joué !

    « Au total, le solde net des subventions de la France à l’AOF est positif, mais ne s’élève qu’à 48,8 millions de francs 1914 », même en calculant les flux engendrés par la création du FIDES :

     « La logique d’autonomie financière des colonies  a donc été largement poursuivie avec l’AOF après la seconde guerre mondiale, les subventions de la métropole à l’AOF n’ayant pas été tellement plus élevées que les subventions de l’AOF à la métropole. » (p,92)

     Soit 48,8 millions de francs 1914, au lieu donc du chiffre cité plus haut de 732,1 millions de francs 1914, qui mériterait sans aucun doute d’être confirmé, compte tenu de toutes les incertitudes qui pèsent sur certains chiffres, et à la condition de bien chiffrer l’avant 1945 et l’après 1945, soit de l’ordre de 2,5 milliards d’euros.

  1. L’aide publique française a-t-elle pesé lourd pour le contribuable français ?

      L’auteure conteste à nouveau les analyses de Jacques Marseille, et écrit :

     « L’aide publique de la France vers l’AOF, c’est-à-dire uniquement les subventions nettes, a représenté 0,007% du total des dépenses de l’Etat de 1898 à 1957. » (p,94)

   Questions : comment est-il possible de baser un calcul anachronique d’une aide publique mal définie, sur un trend historique supposé continu, alors qu’au moins deux grandes ruptures historiques l’ont affecté ?

     Il aurait été, de toute façon nécessaire, de fournir les chiffres concernant les budgets de l’Etat, année par année et au total, car il s’agit d’une sommation difficile à effectuer, pour ne pas dire impossible, même pour des spécialistes, sur une aussi longue période.

  1. E.   L’aide publique a-t-elle été une ressource importante pour l’AOF ?

 J’ai envie de dire tout de go, à l’évidence, en tout cas, au moment de sa création, et en comparant des choses comparables, étant donné l’écart gigantesque qui existait  alors entre les ordres de grandeur comparés des budgets de la France et de l’AOF : en 1900, le budget de la France était de 3,592 milliards de francs 1914, alors que le total du premier budget de l’AOF, en 1907, n’était que de 44 millions de francs 1914, alors même que l’AOF avait bénéficié d’un premier prêt de 60 millions de francs 1914 en 1903.

    « Si les transferts métropolitains vers l’AOF n’ont pas pesé lourd pour le contribuable français, ont-ils été précieux pour le bon fonctionnement des pouvoirs publics ouest-africains et l’équipement du territoire ? » (p, 94)

     Question : à nouveau, la même question lancinanteau risque de la reditepoids pour le contribuable ou pour l’épargnant français selon le découpage historique de l’avant et de l’après 1946 ?

     Nous avons déjà relevé qu’il n’est techniquement pas possible d’additionner les trois flux, prêts, avances, et subventions, en partant du postulat qu’il s’agit de charges des contribuables.

    L’auteure analyse les recettes du budget général (la fédération) et des budgets locaux (les colonies) et fait le constat que dans le cas de la fédération, ce sont les contributions indirectes qui constituent l’essentiel des ressources, alors que dans le cas des budgets locaux, ce sont les contributions directes (les impôts de capitation) qui ont constitué l’essentiel de la ressource budgétaire, ce qui correspondait à la conception budgétaire de la répartition des compétences entre fédération et colonies.

      L’auteure en tire la conclusion :

     « Contrairement au type de fiscalité qui nous est familier aujourd’hui, l les couches les plus pauvres de la population ont donc produit un effort incommensurablement plus important que les élites pour alimenter les finances publiques durant la période coloniale. » (p,97)

     Arrêtons- nous un instant sur la comparaison des deux graphiques 6 et 7, le premier portant sur la « décomposition du total des recettes du budget général de l’AOF (en millions de francs 1914), entre 1907 et 1958, le deuxième portant sur l’ « Importance des contributions directes dans le total des recettes des budgets locaux en millions de francs 1914 » toujours entre les années 1907 et 1958 :

    Les échelles retenues ne sont pas les mêmes, un centimètre le million de francs dans le graphique 6 et un centimètre et demi pour le même million dans le graphique 7.

     Si nous prenons à titre d’exemple l’année 1928, pour tenter de nous représenter la structure des recettes entre le fédéral et le local,  nous aurons pour le fédéral, de l’ordre de 50 millions de recettes, dont 40 en contributions indirectes, et pour le local, de l’ordre de 66 millions de recettes, dont 53 millions en contributions directes.

     La consultation des rapports présentés au Conseil de Gouvernement par les Gouverneurs Généraux de l’AOF pour la présentation des budgets aux sessions de décembre permet d’éclairer la composition des recettes du budget fédéral et des budgets locaux.

      Le constat que fait l’auteure sur la place des contributions directes mériterait un débat approfondi que je laisse le soin aux spécialistes d’ouvrir, si cela n’a déjà été fait, mais le graphique 8 de la page 98 en pose les jalons, étant donné qu’au fur et à mesure d’un certain développement de l’AOF, ce sont les recettes indirectes, les droits de douane notamment, qui expliquent la croissance du budget de l’AOF.

       En appliquant sa méthode de calcul, l’auteure écrit : « En moyenne, sur l’ensemble de la période, les transferts nets de la France vers l’AOF ont représenté 5,7% du total des ressources du territoire. » (p,99) (entre 1907 et 1957)

     « Pour connaître la part d’aide publique française sur le total des ressources publiques de l’AOF, nous devons considérer uniquement les subventions de la France vers l’AOF –nettes des subventions de l’AOF vers la France, puisque nous avons vu que l’élément don des prêts et avances de la France vers l’AOF ne permettait pas de considérer ces derniers comme relevant de l’aide publique. »  (p,100)

      En application de cette méthode de calcul anachronique, l’auteur écrit :

     «  En moyenne sur l’ensemble de la période, l’aide publique française a représenté à peine 0,4% du total des ressources publiques. » (p,100)

     « Le financement public de la colonisation a donc finalement été presque entièrement supporté par les contribuables locaux, mis à part les 0,4% de ressources publiques locales donnés par les contribuables français. » (p,101)

    Une fois de plus la confusion conceptuelle et historique est entretenue entre le contribuable et l’épargnant, c’est-à-dire à la fois dans la chronologie et les concepts financiers !

    Pourquoi ne pas s’interroger enfin sur le progrès que pouvait constituer la levée d’un impôt égalitaire par tête et par colonie, par rapport à toutes les charges ou contributions variées, qui pesaient sur les Africains de l’ouest, captifs ou anciens captifs,, sujets ou nobles, dans telle ou telle chefferie ou royaume à l’époque précoloniale ?

  1. F.    Qui a donc payé les déséquilibres commerciaux de l’AOF vis-avis-de la France ?

     Chaque page ajoute une question à une autre, quant aux périodes examinées,  quant au sens des concepts, quant au contenu des antithèses proposées face aux thèses de Jacques Marseille, de Catherine Coquery-Vidrovitch, ou de Daniel Lefeuvre, comme c’est à nouveau le cas pour la réponse proposée à la question ci-dessus posée.

    L’auteure s’appuie, pour sa démonstration (p,104), sur le chiffre cité par Jacques Marseille de 2 309,1 millions de francs 1914 de déficits commerciaux pour la période 1907-1957, en indiquant qu’il n’était pas besoin du concours financier extérieur de la métropole pour couvrir les déficits commerciaux, étant donné l’existence  des excédents budgétaires considérés comme une épargne publique d’un montant total de 941,6 millions de francs 1914. (p,104), lesquels étaient insuffisants, sans avancer une explication crédible de l’écart qu’il fallait en définitive bien couvrir.

       Pourquoi l’auteure n’a – t- elle pas porté son attention sur l’analyse des balances extérieures de l’AOF, afin de démontrer que les calculs et le raisonnement de Jacques Marseille n’étaient pas fondés dans le cas de l’AOF ?

.       « Nous ne pouvons clore ce débat du financement public de la colonisation française en AOF sans revenir sur les croyances que les historiens avaient véhiculées auparavant concernant le coût des colonies pour l’Etat français

      «  Il est vrai que Jacques Marseille n’est pas le seul ni le premier à avoir employé des expressions trompeuses pour qualifier les transferts de capitaux français qui compensaient les déficits commerciaux de l’outre-mer, François Bloch-lainé écrit lui aussi :

    « Tout se passe comme si la France fournissait les francs métropolitains qui permettent à ses correspondants d’avoir une balance profondément déséquilibrée : ainsi s’opère aux frais de la métropole, le développement économique de tous les pays d’outre-mer sans exception » (p,102)…

      A partir d’une confusion entretenuesur la nature des capitaux français venus outre-mer, on en vient donc à assimiler déficits commerciaux et aide au développement. » (p,103)..

        L’auteure propose une deuxième explication comptable : « Mais cet équilibre comptable, qui veut que le déficit de la balance commerciale courante soit compensé par un excédent de la balance financière, ne se traduit pas nécessairement par une égalité entre déficit commercial et réception de capitaux extérieurs. » (p103)

      L’auteure avance des solutions surprenantes pour qui a une connaissance minimum du fonctionnement de la zone monétaire qu’était la zone franc, une compensation de mouvements par voie liquide «  une partie des importations sont en effet payées en liquide » en faisant intervenir l’épargne publique, et même privée.

     Je laisse le soin aux spécialistes des comptes extérieurs d’examiner le bien- fondé technique de cette solution qui, par définition, semble-t-il, échapperait, à une comptabilité publique des échanges extérieurs.

     Question : – Comment est couvert en définitive le déficit commercial de 2 309,1 milliards moins 941,6 milliards de Francs 1914, soit la somme de 1 367,5 milliards de Francs 1914 ?

     Il est difficile d’être convaincu que la « confusion » prêtée à Jacques Marseille ne soit pas en réalité dans le camp opposé, sauf à aller  au cœur de l’analyse de la balance commerciale et de la balance des paiements de l’AOF, ce qui n’a pas été fait.

L’auteure n’a en effet pas proposé la démonstration chiffrée de son propos.

  1. G.   Conclusion

        «  Le financement public de la colonisation en AOF a donc été entièrement supporté par les contribuables locaux. L’aide publique française n’a représenté que 0,4 % des ressources publiques locales. Le poids de la colonisation de l’AOF pour les contribuables français a été totalement négligeable, puisque seuls 0, 006 % des dépenses annuelles de l’Etat français ont été en moyenne, consacrés à l’aide publique en AOF. Même en incluant les prêts et les avances, les transferts publics de la France vers l’AOF n’ont représenté, en moyenne, que 0,09 % des dépenses annuelles. » (p,105)…

       « Les 48,8 millions de Francs 1914 de dons versés entre 1898 et 1957 ne sont pas le signe d’un grand laxisme de la part de la France vis-à-vis de ‘l’AOF. » (p,106)

      Question : en conclusion provisoire, je serais tenté de dire que ce type d’analyse économique et financière soulève une montagne de questions, sinon d’objections,  tenant au fonctionnement économique et financier de la zone Franc au cours de la période coloniale,  au sens des concepts « manipulés », les emprunts, les avances, les subventions, aux périodes historiquement examinées avec au minimum deux critiques de fond, l’une portant sur le postulat d’une continuité historique qui n’existait pas, alors que la thèse tient le discours contraire d’une loi de 1900 qui existait bien et d’un FIDES qui a lui aussi bien existé, l’autre n’hésitant pas à réécrire l’histoire des relations entre la France et l’AOF en utilisant le fameux concept de « concessionnalité ».

        Je laisse à d’autres chercheurs plus compétents et plus jeunes le soin d’aller plus loin dans cette analyse.       

       Pour qui a eu à un moment de sa vie professionnelle la charge de budgets publics,  ou de leur contrôle, la question se pose de savoir si l’ambition, pour ne pas dire les ambitions, techniques et politiques de son auteure, n’étaient pas démesurées.

 Jean Pierre Renaud

Suite et fin le 3 décembre 2014

« La France a-t-elle les moyens de faire la guerre sur trois fronts ? » Pure folie!

« La France a-t-elle les moyens de faire la guerre sur trois fronts ? »

En première page du journal Le Monde des 16 et 17 novembren avec en page 8, une analyse utile intitulée «  Hollande : plus de guerres, moins de moyens » et la solution miracle de l’éditorial du même jour.

        Un bravo tout d’abord à ce quotidien qui appelle enfin un chat un chat, et qui parle donc de guerre, et pas d’interventions militaires extérieures qui ne disent pas leur nom, car l’appellation justifiée de guerre devrait beaucoup plus interpeller nos dirigeants et élus sur la gravité des responsabilités qu’ils prennent au nom de tous les citoyens.

            Responsabilité des parlementaires ou d’un Président qui dispose du droit exceptionnel d’engager la France dans une guerre, en annonçant au bon peuple de France : « J’ai décidé », et nos troupes ou nos avions de s’envoler vers le Mali, la Centrafrique, ou aujourd’hui l’Irak.

         La Constitution actuelle, modifiée en 2008 accorde, ce pouvoir arbitraire et non démocratique au Président, quitte pour le Parlement à voir ce qui se passe trois mois plus tard…et à continuer…

        L’éditorial met en cause la passivité de l’Union européenne « L’Union européenne n’a jamais connu un environnement aussi guerrier. Mais collectivement elle s’en moque. »

       Résultat la France, endettée jusqu’au cou, se lance dans trois guerres qu’elle sera bien incapable de mener, sauf à faire craquer son armée, et une fois de plus son budget.

       Ecrire dans cet éditorial : « François Hollande mène une politique étrangère courageuse. Mais en a- t- il les moyens ? »

            Une bien curieuse façon de juger, d’autant plus curieuse que l’éditorial remet à la mode du jour une idée farfelue de Chirac, celle qui consisterait à défalquer de notre déficit national les frais engagés au nom de la défense de l’Europe !

       Une solution miracle donc, celle du cavalier seul militaire de la France avec l’augmentation de son déficit budgétaire, de plus en plus grand, et l’accroissement corrélatif de sa dette nationale !

           Une  pure folie !

        La solution passe évidemment par une réforme de la zone euro, avec l’institution d’un exécutif européen, une politique étrangère commune, et les éléments d’une force d’intervention militaire de nature européenne.

      Comment est-il possible en effet d’accepter que les soldats de la France puissent être considérés comme les nouveaux Suisses de l’Europe, comme les anciens, sous les rois de France ?

Jean Pierre Renaud

« Algérie 1954-2014 L’anniversaire amer » Le Monde du 31 octobre 2014

« Algérie 1954-2014

L’anniversaire amer »

Le Monde du 31 octobre 2014

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Petit exercice de critique historique des pages du journal sur la guerre d’Algérie avec une invitation à passer à la phase 2, c’est à dire :

Mesurer les mémoires dans « la guerre des mémoires- la France face à son passé colonial » de Benjamin Stora,  et son nouveau concept de « transfert de mémoire » (voir l’éditorial).

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Avant-propos

            Pour avoir servi la France, et peut-être l’Algérie, pendant la guerre d’Algérie, au cours des années 1959 et 1960, dans la vallée de la Soummam, et continué à y lire ce journal, quand il m’était possible de me le procurer, j’aimerais donner mon opinion sur une partie des textes qui ont eu l’ambition de donner une image fidèle de cette guerre, pendant et après l’indépendance de l’Algérie.

            Je me propose donc de passer au crible trois des documents publiés par Le Monde, en premier, la sorte d’éditorial du supplément, signé Christophe Ayad, intitulé «  Sortir du déni et du mensonge », qu’il convient de lire ainsi, sauf erreur, « déni » de la France, et « mensonge » de l’Algérie.

            En deuxième, l’éditorial lui-même du journal, intitulé « De la mémoire à l’histoire ».

            En troisième, l’analyse de l’enquête IFOP, intitulée « Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie » par Thomas Wieder.

&

           En premier : « Sortir du déni (France) et du mensonge (Algérie) »

 Cette analyse n’est pas très convaincante.

            Les premiers paragraphes décrivant les débuts de cette guerre sont à la fois réducteurs, et inexacts : « Pour venir à bout de cette tactique mise en place par le FLN, l’armée française a mis au point et expérimenté la guerre contre-insurrectionnelle… L’armée américaine n’a rien inventé en Afghanistan ou en Irak. »

            Comme si Mao Tsé Toung n’avait pas mis en œuvre ce type de guerre en Chine, et comme si les guerres contre-insurrectionnelles, anglaise de Malaisie, puis française d’Indochine n’avaient pas non plus existé !

            Et rien sur la guerre fratricide entre le MNA et le FLN, avec ses plus de 20 000 victimes, pour ne pas citer l’autre guerre civile entre algériens pro et antifrançais, et pas plus sur la présence en Algérie de plus d’un million de pieds noirs.

        « Poids de l’histoire », l’auteur écrit :

            « La constante des guerres contre-insurrectionnelles, c’est qu’en cas de succès militaire, elles débouchent sur des désastres politiques. … «  Voire ! Lesquels ?

            L’auteur poursuit : « L’autre malédiction des guerres contre-insurrectionnelles est qu’elles inoculent leur venin à ceux qu’elles sont censées combattre. » et le tour est joué !

            L’armée française a inoculé son venin à l’armée du FLN, celle qui est « restée stationnée en Tunisie et au Maroc sans combattre » (et les batailles des frontières ?), celle qui a pris le pouvoir, et est donc responsable de ce qui s’est passé en Algérie jusqu’à nos jours.

          L’auteur ajoute : « De son homologue française sous la colonisation, l’armée algérienne a hérité du même mépris pour les civils, d’un goût prononcé pour les affaires politiques et d’un penchant certain pour la manipulation. Elle se conduit, à bien des égards, en force d’occupation de sa propre société. ».

            « Même mépris pour les civils » n’est-ce pas par trop caricatural, et même faux ? Et évidemment, par la voie de son armée, la France est à nouveau responsable ! C’est toujours la faute des Français ! Plus de cinquante ans après !

:           L’auteur évoque alors l’opération Serval au Mali et une nouvelle coopération militaire franco-algérienne « en catimini » :

            « Le poids de l’Histoire est sans doute trop fort. En France, l’oubli et l’ignorance ne sont qu’une autre forme du déni passé ; et en Algérie, la mémoire de la guerre est instrumentalisée et usée jusqu’à la corde… Ce n’est qu’en sortant du déni français et du mensonge algérien que l’on pourra justifier, auprès des opinions publiques des deux pays, une lutte contre le terrorisme pour une fois justifié et susceptible de remporter l’adhésion. »

            Un discours qui se situe hors de l’histoire réelle de notre pays, car les citoyens français ont eu beaucoup plus d’occasions d’être informés sur la guerre d’Algérie, que n’a l’air de le croire l’auteur de ce papier, y compris sur les aspects les plus noirs de la pacification, en particulier, par les soins du journal Le Monde.

         Comme de nombreux lecteurs de ce journal pendant la guerre d’Algérie, soldats appelés ou non, il m’est arrivé souvent de penser que le journal proposait trop souvent une information partisane, avec toujours la France en négatif.

        A la limite, il n’était pas interdit de penser que le « terroriste «  avait toujours raison, alors qu’il s’agissait au moins autant d’une guerre civile que d’une guerre franco-algérienne.

        En deuxième, le contenu de l’éditorial du 31 octobre 2014,

         Un contenu que je relierais volontiers à celui du sondage IFOP analysé plus loin sur la mémoire et l’histoire de cette guerre, et sur la grande ambiguïté que certains historiens entretiennent entre mémoire et histoire.

        Je cite :

     « Aujourd’hui encore, comment ne pas voir dans le refoulement de ce drame l’origine de ce que l’historien Benjamin Stora a appelé « le transfert de mémoire » : l’importation, en « métropole » d’une mémoire coloniale où se mêlent la peur du « petit blanc », son angoisse identitaire face à l’Islam, son racisme antimaghrébin et les  crispations identitaires antagonistes qui en résultent » :

     Rien de moins !

        Une nouvelle école mémorielle ou historique ? Après la guerre des mémoires, entre qui et qui, et avec quelle démonstration statistique ? Une nouvelle extension de la psychanalyse coloniale et postcoloniale grâce à un « transfert » jamais mesuré, et sans doute mesurable !

      Des historiennes et historiens se sont fait une spécialité d’une lecture de notre histoire coloniale à partir de concepts aussi étranges qu’une « mémoire collective », ici coloniale ou postcoloniale (voir Stora), jamais mesurée par voie d’enquêtes et de sondages, ou mieux encore d’un « inconscient collectif » toujours colonial ou post colonial ( voir Coquery-Vidrovitch et ), jamais non plus mesuré.

      J’ai déjà eu maintes occasions de dénoncer le discours idéologique et non « scientifique » de ces chercheurs, sans preuves.

        L’éditorial fait donc appel à un nouveau concept adopté par M.Stora « le transfert de mémoire ».

      Comme je l’ai demandé à maintes reprises sur ce blog, que ces grands lettrés aient le courage en effet de démontrer, statistiquement parlant, que les concepts d’explication avancés pour mieux connaitre la mémoire des citoyens, ont effectivement une réalité mesurée.

     Le 12 mars 2009, le journal Le Monde s’était prêté à ce même type d’explication, une affirmation sans fondement statistique, en s’associant à la Ville de Paris pour célébrer le slogan « Décolonisons les imaginaires », la vraie « propagande », celle-là !

    En troisième lieu, et enfin, Eurêka ! L’heureuse surprise d’une première mesure statistique de quelques-uns des aspects de la mémoire algérienne des Français, le journal propose à la page 9 les résultats d’une enquête d’opinion, intitulée :

« Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie

Soixante ans après le début du conflit, l’IFOP a sondé les Français pour « Le Monde » et la Fondation Jean Jaurès »

Avec dans la marge :

« Rares sont ceux qui reprennent un vocabulaire de l’époque ou des qualificatifs symptomatiques d’une mémoire blessée »

      Cette enquête répond enfin, et  en partie, à cette demande de démonstration statistique.

            Sous le titre ambigu « Le poids de la mémoire pied-noire », le journal publie un graphique récapitulant le pourcentage de réponses à la question pour l’ensemble des français, et pour les sympathisants PS, UMP, FN :

        « Pour vous, personnellement, la guerre d’Algérie, c’est :

       L’arrivée des pieds noirs en France  (59% pour l’ensemble des Français), une guerre de libération pour un peuple colonisé (54% pour l’ensemble des Français),  le retour du général de Gaulle au pouvoir (41% pour l’ensemble des Français), une défaite pour la France (38% pour l’ensemble des Français), l’abandon des harkis (38% pour l’ensemble des Français).

        L’auteur de l’article fait état d’autres données statistiques qui ne figurent pas dans ces graphiques :

       « Acceptation globale. Autre preuve de ce regard distancé que portent aujourd’hui les Français sur ce conflit : l’acceptation de son dénouement par une assez forte majorité d’entre eux. Soixante-huit pour cent des personnes interrogées estiment ainsi que l’indépendance «  a été plutôt une bonne choses pour l’Algérie », tandis que 65% estiment qu’elle a été « plutôt une bonne chose pour la France ».

        L’auteur poursuit :

      « Frustration

       Restent un malaise et une frustration. Le malaise porte sur l’attitude de la France depuis la fin de la guerre d’Algérie…

     Et l’auteur note à cet égard une différence d’appréciation selon la couleur politique de gauche ou de droite,

     « Seule la question des harkis fait consensus, c’est-à-dire des Algériens favorables à l’Algérie française, fait consensus : à droite comme à gauche, plus de deux personnes interrogées sur trois estiment que « la France s’est plutôt mal comportée » à leur égard. 

            Quant à la frustration, elle porte sur la place accordée à la guerre d’Algérie dans l’espace public. De ce point de vue, les Français font une distinction  entre les médias et l’école. Dans les médias, cette place est jugée suffisante par 43% des personnes interrogées, mais insuffisante par 37% d’entre elles. A l’école, en revanche, 54% des personnes interrogées estiment qu’on n’en parle pas assez. Cette curiosité doit être vue comme une opportunité : combler cet appétit pour l’histoire est sans doute le meilleur remède aux plaies de la mémoire »

            Enfin une initiative positive ! Mais avec le souhait que Le Monde s’associe à nouveau à la Fondation Jean Jaurès pour passer à une autre étape de vérité, la mesure des mémoires dans la guerre des mémoires de M.Stora, du nouveau concept de « transfert de mémoire », et pourquoi pas ?

         Celle d’une soi-disant mémoire coloniale, algérienne et non algérienne, qui imprégnerait, encore, et au choix, la « mémoire collective » ou « l’inconscient collectif » des Français.

Jean Pierre Renaud

« Les interventions militaires de la France » La Croix du 31 octobre 2014 avec MM Boniface, de Villepin, et Chevènement

« Les interventions militaires de la France »

La Croix du 31 octobre 2014 avec les points de vue de MM Boniface, de Villepin et Chevènement

         A plusieurs reprises sur ce blog, j’ai fait part de mes réserves sur les conditions des interventions militaires de la France, notamment en Afrique, et le 15 octobre dernier, j’ai proposé une lecture critique d’une chronique de M.Boniface intitulée «  Les conditions d’une intervention militaire » (La Croix du 29 septembre 2014) en concluant cette analyse par la suggestion d’y ajouter trois conditions supplémentaires :

          Dire guerre, de préférence à intervention, c’est-à-dire appeler un chat un chat.

         Dire sans mort car l’opinion publique aujourd’hui indifférente le serait beaucoup moins s’il y avait des morts.

         Dire avec l’ Europe, car la France, endettée jusqu’au cou, continue à faire cavalier seul, quitte à solliciter ensuite le soutien de l’Europe.

       Les trois chroniques citées ci-dessus proposent un éclairage complémentaire sur les conditions qui devraient, ou pourraient, être celles des interventions militaires de la France, ou « guerres ».

      M.Boniface, ancien collaborateur de M. Chevènement, conclut sa nouvelle analyse que je qualifierais de classique, parce qu’elle s’inscrit  dans la ligne gaullo-mitterrandiste traditionnelle, avec la recommandation de «  Renforcer la lisibilité de la politique française », titre de sa chronique.

     M.Chevènement s’inscrit également dans cette ligne classique et approuve ce type d’interventions, à partir du moment où elles répondent au droit international, et en faisant référence à la présence de la France au Conseil de Sécurité.

L’ancien ministre souligne toutefois que 1) « les moyens de la France ne sont pas illimités » et souhaite que ces moyens soient utilisés « de préférence dans les zones géographiques où la France exerce traditionnellement son influence. »

      Pourquoi classique, ou traditionnelle ?

     Parce ce que type d’analyse revêt à mes yeux une couleur du passé en ne tenant pas compte des changements d’échelle des puissances du monde qui se sont produits depuis trente ans, avec l’arrivée de nouvelles puissances, Chine, Inde, ou Brésil…

      Depuis de Gaulle et Mitterrand, le monde a bien changé !

     La France et l’Europe ont besoin d’une révolution stratégique et le discours du gaulliste de Villepin que je qualifierais volontiers de moins gaulliste que celui des deux autres signataires, est un discours novateur sur l’évolution du monde, la nécessité d’y adapter la France  par une nouvelle stratégie de la paix, avec un Commissaire européen à la paix, « une force militaire de réaction rapide sous drapeau de l’ONU», – j’écrirais volontiers de nature européenne-, « doublée d’une force de reconstruction étatique. C’est un savoir-faire de l’Europe. »

      Dernier commentaire sur ces contributions :

     Une grande discrétion sur la question des budgets de ces fameuses interventions militaires, mais surtout aucune remarque sur les pouvoirs exceptionnels d’un Président qui peut engager la France dans de nouvelles guerres, sans que le Parlement ne l’y autorise, dès le premier acte, c’est-à-dire, dès le « j’ai décidé » de déclarer la guerre !

      Comment ne pas relier enfin ce type d’analyse au succès européen de Philae à des centaines de millions de kilomètres de la myopie politique de nos dirigeants sur l’état de la puissance française et européenne ?

Jean Pierre Renaud

A l’honneur de la France: Non, le Mistral ne doit pas être livré à Poutine !

 Non le Mistral ne doit pas être livré à Poutine, un potentat qui ne respecte aucun traité international.

         Et la France respecterait un contrat?

         La politique étrangère de la France ne doit pas être l’otage du tout « fric »!

           Que cette livraison éventuelle soit soumise au vote de l’Assemblée Nationale et que chaque député dise où est son honneur !

        Jean Pierre Renaud