Le film « La Taupe » de Tomas Alfredson : un thriller ?

 A la page 24 du journal Le Monde du 18 février 2012, un encart de pub d’un tiers de page pour le film « La Taupe », avec plein d’étoiles plein les yeux, et des commentaires dithyrambiques de huit médias cités, dont Le Monde  avec la mention « Eblouissant » 3 étoiles.

            Ma première remarque aurait trait à l’adjectif éblouissant, un peu surprenant pour évoquer un monde d’espions où tout est noir et glauque, et avec le symbole d’une taupe qui précisément ne voit rien, mais après tout pourquoi pas ?

L’histoire de l’espionnage est passionnante, celle de ces « héros » anonymes, combattants de l’ombre, prêts à mourir pour la cause qu’ils défendaient. Vous avouerez que ce n’est pas si fréquent !

Et avec la problématique du double-jeu, redoutable pour les acteurs de ce grand jeu des tromperies, des intoxications croisées, des opérations d’une désinformation qui ont souvent fait la force stratégique de la Grande Bretagne.

Ce film  nous emmène effectivement au cœur du sujet, ou tout au moins s’y efforce, car l’intrigue telle qu’elle est racontée, n’est pas convaincante.

Bravo à l’acteur qui incarne le chasseur de taupe, bravo aux images en ombres et lumières, avec un bémol donc pour l’intrigue qui est très difficile à suivre dans son déroulement, même quand on a l’habitude de tenter de s’orienter dans le labyrinthe des intrigues d’espionnage : on ne sait jamais qui est qui qui, et qui fait quoi ? Et encore moins ici !

Avant,  pendant, et après la dernière guerre, le M16, dit « Le cirque » a connu un période difficile avec la présence dans ses sphères dirigeantes de « taupes » au service de la puissance soviétique, issues de l’Université de Cambridge, devenues célèbres dans l’histoire de l’espionnage international.

Cela le film l’aide à le comprendre, mais  pour le reste, je ne suis pas sûr que si l’on demandait à des élèves de classe de « première », et même de « première » année de fac, de faire un résumé de l’intrigue de ce film, après l’avoir vu bien sûr, que ce résumé nous permette de mieux en suivre l’intrigue. Peut-être y verraient-ils un film d’espionnage du « premier » degré !

 Et enfin le regret que le film n’ait pas  bénéficié d’un court prologue historique sur les enjeux de la guerre froide.    

Jean Pierre Renaud 

Wikileaks et l’espionnage des services secrets – le Monde des 2/9/11, et 4,5/9/11 – Ou qui a le droit de violer sources et contenus d’informations privées ou publiques?

Wikileaks et l’espionnage des services secrets (Le Monde (numéros des  2/09/11 et 4,5/09/11)

Ou qui a le droit de violer sources et contenus d’informations privées ou publiques ?

            A la suite de la publication, en 2010, par Wikileaks de câbles diplomatiques, c’est-à-dire de dépêches dites confidentielles ou secrètes par le journal le Monde, assumée par la Direction de la Rédaction de ce quotidien de référence, en accord avec quatre autres grands médias internationaux, Le Guardian, le New York Times, le Spiegel, et El Pais,  j’avais évoqué ce sujet sensible sur le blog du 5 décembre 2010 et écrit :

« A lire les informations que les journaux écrits ou télévisés publient sur la nécessaire protection des sources d’information des médias, et donc sur les plaintes déposées auprès des tribunaux à ce sujet, et à constater ce qu’il en est de l’exploitation par les médias de sources privées, dans l’affaire Bettencourt par exemple, ou aujourd’hui à la publicité donnée par des journaux sérieux à des rapports secrets du département d’Etat : il est possible de s’interroger sur le contenu, la valeur et la portée de la déontologie des médias, même supposés sérieux. »

L’affaire vient de rebondir, sur le plan international, avec la publication de la totalité des câbles diplomatiques américains, et sur le plan national avec la plainte du Monde contre les services secrets français qui auraient espionné « le Monde ».

Il est évident que la jurisprudence « déontologique » décidée par les cinq grands médias, c’est-à-dire un tri des signatures en fonction du critère de la vulnérabilité de la source ne pouvait être qu’une petite digue fragile contre d’autres « transgressions déontologiques », et  c’est ce qui vient de se produire.

On peut donc être légitimement étonné de voir Le Monde publier en page 2, dans le numéro des 4 et 5 septembre, un article intitulé :

« Wikileaks : les informateurs mis en danger par de nouvelles publications.

La décision de Julian Assange condamnée par les journaux partenaires dont « Le Monde »

Et plus loin :

 « Jusqu’alors, dans les 20 000 câbles publiés, les noms des personnes jugés vulnérables avaient été supprimés »

Et à la fin  de l’article : « Les dommages collatéraux ne font que commencer. »

A parler et à écrire vrai, qui a le droit, ou qui se l’arroge-t-il, de violer les sources et les contenus d’information, qu’elles (ou ils), soient publiques ou privées, la puissance publique ou les médias privés ?

Comment les médias privés seront-ils juges de la vulnérabilité ou non de telle ou telle source, laquelle autoriserait ou non la publication des informations qui en seraient issues ? Et de quel droit ?

Dans l’état actuel de la déontologie de la presse, la réponse faite dans le journal des 5 et 6 décembre 2010, par la médiatrice du Monde, paraissait à la fois bien dérisoire et obsolète : d’après une charte de 1971, les journalistes ne doivent « pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents. »

Et pourquoi ne pas poser une dernière question relative à la cohérence de ce débat au regard de la loi du 4 janvier 2010 qui dispose qu’« il ne peut être porté atteinte, directement ou indirectement, au secret des sources. » ?

Le sentiment qu’il s’agit ici d’un autre exemple des nombreuses hypocrisies françaises, telle que le fameux secret de l’instruction, dont tout le monde se réclame, quand il y va de son intérêt, ou viole, quand il y va autrement de son intérêt !

Jean Pierre Renaud