France 2 Envoyé spécial du 7 mars 2013 : le reportage intitulé « Les Branches esseulées : trafic de femmes vietnamiennes en Chine »
Entre Chine et Vietnam, entre 1894 et 2013, la condition des femmes a-t-elle vraiment changé ? Dans le contexte historique de deux Etats Communistes ?
Avec le témoignage du colonel Gallieni, à l’occasion de son deuxième voyage en Chine à Long Tchéou (15-22 juin 1894)
Après avoir évoqué le souvenir que Gallieni avait conservé de la condition des femmes d’Indochine lors de son séjour au Tonkin, nous ferons quelques commentaires sur le reportage tout à fait intéressant de l’émission « Envoyé Spécial » dont le titre a été rappelé plus haut.
Le colonel Gallieni exerçait alors le commandement des Hautes Régions du Tonkin, à la frontière de l’Empire de Chine, où il s’efforçait tout à la fois d’éliminer les bandes de pirates annamites ou chinois qui troublaient gravement la paix publique de ces régions, et d’obtenir à cette fin la coopération des autorités impériales chinoises, gouverneur militaire, préfet et maire, notamment celle du gouverneur militaire du Quang-Si, le maréchal Sou.
Il se rendait alors à Long Tchéou pour y rencontrer le maréchal Sou et clore le dossier du tracé des frontières sino-annamites.
Dans son livre « Gallieni au Tonkin », le colonel racontait son expérience politique et militaire, et en ce qui concerne le voyage évoqué, il décrivait dans le détail le voyage en question.
Retenons de ce récit uniquement les observations qui avaient trait à la situation des femmes vietnamiennes dans cette province frontalière de la Chine.
Gallieni voulait vérifier par lui- même tout ce qui lui avait été rapporté sur les relations des bandes pirates avec la Chine :
« Les chefs des bandes les plus importantes… se trouvaient à la tête d’une vaste association, en quelque sorte commerciale, qui avait ses profits et ses pertes. De leurs repaires…. Ils dirigeaient leurs incursions dans toute la haute région, ramassant surtout des buffles, indispensables aux indigènes pour leurs cultures, et des femmes.
Les femmes sont rares dans le Quang-Si… de plus les femmes annamites étant particulièrement recherchées pour leurs qualités d’activité, de travail, d’économie et leurs aptitudes au négoce, les marchands chinois étaient très désireux d’en acquérir pour se faire aider dans leur commerce. Notre consul me fit remarquer plusieurs fois, dans mes visites aux boutiques de Long-Tchéou, la présence de femmes qui, malgré leur costume chinois et leur chignon caractéristique, étaient annamites et avaient été ainsi importées du Tonkin. Beaucoup me disait-il, en général bien traitées, suivant les habitudes chinoises et se rendant par ailleurs très utiles à leurs maîtres, s’étaient adaptées à leur nouveau genre de vie et ne cherchaient pas à retourner au Tonkin. Mais d’autres regrettaient leur pays et s’adressaient quelquefois à lui pour demander leur rapatriement. C’est ainsi que, en ce moment même, deux femmes annamites s’étaient réfugiées au Consulat, et que, en dépit des réclamations du maire et du Tao-Taï (le préfet), M.Bonis d’Anty avait refusé de les rendre et devait les ramener avec lui, à son prochain voyage à Hanoï.
En échange des buffles et des femmes, les pirates rapportaient au Tonkin de l’opium, avidement recherché par les habitants de la haute Région, et même par les annamites….sous l’œil bienveillant des mandarins chinois. » (page 134)
Commentaire :
Le documentaire diffusé par France 2 sur le trafic de femmes vietnamiennes entre les deux Etats Communistes que sont actuellement le Vietnam et la Chine montre que ce type de dérive éthique persiste, même s’il prend les formes économiques les plus sophistiquées, au prix de 5 000 euros la « tête ».
L’existence même de ce trafic parait tolérée, puisqu’il a lieu dans des régimes politiques très encadrés, pour ne pas dire plus.
Un tel sujet est à replacer dans l’évolution de la condition féminine à travers les âges et les continents, étant donné que dans la plupart des civilisations et des cultures, la femme n’a presque jamais été traitée comme l’égale de l’homme, et le plus souvent comme une marchandise.
Dans notre histoire la plus récente, un certain nombre de mariages étaient des mariages de convenance d’intérêt, avec une marchandisation qui ne disait pas son nom.
Les femmes d’Afrique noire ont longtemps été sous le joug d’un régime dotal qui apparentait les mariages à un troc entre une femme et une dot en argent ou en nature.
Il semble que de nos jours, et pour des raisons d’émigration légale, certaines unions entre un citoyen français ou une citoyenne française et un ou une partenaire étrangère, soient aussi des échanges monétaires déguisés.
Les femmes du monde entier auront encore fort à faire pour se voir reconnaître leur dignité pleine et entière, et c’est sans doute l’intérêt de ce documentaire, avec deux clins d’œil ambigus, le titre même du reportage, « les Branches esseulées », et l’aveu fait par des candidats chinois à l’achat d’épouses vietnamiennes, quant à une corrélation qui existerait entre la chaleur de leur pays et la poussée précoce de leurs seins…
Jean Pierre Renaud