Afin d’apporter un modeste éclairage sur la crise actuelle que traverse l’Eglise, les affaires de mœurs qui défrayent la chronique depuis quelques années, je vous propose de lire ces quelques lignes d’Henri Vincenot tirées du livre « Je fus un saint ».
L’auteur a écrit d’excellents livres sur le terroir bourguignon, sa géographie, ses mœurs, et sur son peuple, un terroir qu’il adorait.
Le ,jeune Vincenot, fils de cheminot est admis dans une institution scolaire, religieuse, et bourgeoise bien-pensante, Saint Pancrace à Dijon.
L’auteur décrit une de ses premières retraites :
« La retraite s’écoula donc trop vite à mon gré. C’était la première fois que l’on me décrivait le péché avec tant de raffinement : chaque journée était consacrée à l’étude approfondie d’un commandement de Dieu.
On ne saurait nier que tous ces commandements soient pleins d’intérêt, mais certains, il faut bien le dire, sont particulièrement conçus pour attirer l’attention des jeunes gens. Dans tous nos missels par exemple, le sixième et le neuvième étaient marqué d’un coup d’ongle. Comme nous avancions dans l’étude de nos turpitudes, à raison d’un commandement par jour, on conçoit que le début de la première semaine nous parut long. Mais le sixième jour vint enfin.
Dès le matin, il régnait dans la maison une lourde atmosphère de cataclysme et l’arrivée des élèves à la chapelle se fit dans un calme inaccoutumé.
Lorsque le prédicateur monta en chaire, un frisson nous parcourut tous. Avec onction d’abord, avec fougue ensuite, enfin avec véhémence, il parla de la luxure.
L’évêque de Tibériade dépassa de bien loin tout ce que j’avais pu imaginer à ce sujet à tel point que dès les premières phrases, ma gorge se contracta, mes mains devinrent moites alors que mes pieds se refroidissaient. J’aurais voulu sortir, me promener dans le parc au grand air, mais ce n’était pas possible, car j’étais délicieusement prisonnier de ce regard qui, du haut de la chaire, nous paralysait tous. Le sang cognait à mes tempes, alors que la voix du prédicateur martelait :
« Il est là, l’impur, il est là, là encore (et il montrait du doigt l’assistance), il est là le luxurieux, assis au milieu de nous ? Je le vois ! »
Ah ! non, décidément, cette voix, ces paroles étaient tellement insupportables que j’aurais voulu que ce sermon durât des heures.
« Il est là, reprenait la voix, déjà mort pour la vie du ciel ! Qu’un malaise inopiné le terrasse à l’instant et il est mort pour l’éternité ! »
On entendait dans l’assistance des soupirs qui étaient presque des sanglots. Certains grands, la tête haute, pâles comme des cadavres, affectaient de sourire vaguement, mais les coins de leurs bouches tombaient en frémissant et leur sourire se figeait. C’était intolérable…
C’est un cadavre qui est auprès de vous, sur votre banc de collège, un cadavre de quatorze, quinze, de seize ans, un cadavre de jeune homme ! le cadavre d’un jeune homme qui s’est suicidé. »…
Et le prédicateur continuait :
« Heureux encore si Dieu lui accorde de vivre jusqu’à sa confession prochaine ! Car alors lavé de toute l’horrible fange du plus odieux des péchés, il pourra rejoindre la phalange des élus. Ainsi soit-il. ! » (pages 29 et 30)
Le texte ci-dessus est un peu caricatural, mais il rend assez bien compte du sort qui était alors promis aux pécheurs de la chair.
Cette évocation me parait bien décrire l’état d’esprit que beaucoup de jeunes enfants ont connu dans leur fréquentation des milieux religieux catholiques d’il y a plus d’un demi-siècle, la peur de la chair, du péché mortel de la chair.
Ce type d’éducation religieuse ne laissait pas indemnes beaucoup de ces jeunes chrétiens qui, devenus adultes, ont souvent regretté l’anathème qui avait été jeté sur tout ce qui touchait à la chair et au sexe.
Ceci dit, et en ce qui me concerne, je puis témoigner qu’au cours des nombreuses années de ma participation à des mouvements de jeunesse, je n’ai conservé aucun souvenir d’un quelconque écart de conduite ou de langage de la part des prêtres dévoués et intelligents qui nous accompagnaient
Ce texte éclaire sans doute aussi la position intenable de l’Église sur le mariage des prêtres – on ne peut pas leur demander à tous d’être des saints- et sur la participation des femmes dans la vie sacerdotale de l’Eglise, de peur d’y introduire la « tentation ».
Jean Pierre Renaud