Politique et Culture? La culture de nos femmes et hommes politiques? Mythe ou réalité? Doumer en Indochine en 1896

Politique et Culture ?

La culture de nos femmes et hommes politiques ?

Mythe ou réalité ?

Royal en Chine, Sarkozy à Dakar, Guéant à Paris

1896, en Indochine : l’exemple de Paul Doumer, Gouverneur général de l’Indochine

            Au fil des années, et à écouter nos femmes et nos hommes politiques, je me suis posé souvent la question de savoir si les dirigeants politique actuels étaient nourris d’une vraie culture.

            Tellement l’ignorance, béante, de nos gouvernants sur la civilisation chinoise, à l’occasion du passage de la flamme olympique à Paris, en 2008, paraissait évidente.

            Avec aussi le discours de Sarkozy à Dakar, ou celui plus récent du ministre de l’Intérieur sur les civilisations.

Autre exemple, si mes souvenirs sont exacts, celui de la visite de Mme Royal, habillée de blanc, couleur de deuil dans ce pays, sur la grande muraille de Chine avant les présidentielles 2007. Il me semble qu’elle ait porté, la même couleur blanche, celle aussi du culte vaudou, lors des funérailles du poète Césaire.

A l’occasion de l’émission du 8 mars  « De la parole et des actes » consacrée au candidat Bayrou, son déroulement connut, ce que j’appellerais un moment de grâce, ou tout simplement de culture, lorsqu’il fut convié à citer de mémoire des vers d’Edmond Rostand et de Louis Aragon, ce qu’il fit d’ailleurs avec un certain brio.

La culture de Doumer :

Pour mémoire, une longue carrière d’homme politique de la Troisième République, ministre, Président des deux assemblées, Président de la République en 1931,  assassiné en 1932. Trois de ses fils furent tués  pendant la première guerre mondiale, et le quatrième, gazé, décéda quelques années après.

D’origine provinciale modeste, son cursus de vie fut exceptionnel, l’exemple même de la méritocratie républicaine.

Doumer fut Gouverneur général de l’Indochine de 1896 à 1902, et il attacha son nom à la politique des grandes infrastructures de la colonie.

Afin d’avoir les moyens de mener à bien un important programme d’équipement de l’Indochine, la colonie avait besoin d’obtenir la garantie de l’Etat français pour réaliser un emprunt de 80 millions de francs or de l’époque, mais il y avait une sérieuse épine dans le pied de Doumer pour convaincre le gouvernement français d’accorder la garantie demandée, l’insécurité qui régnait encore dans le delta du Tonkin, à peu de distance d’Hanoï.

La rébellion du Yen-Thé sous la conduite du Dé-Tham

Le Dé-Tham,  tout à la fois chef rebelle et pirate, maintenait une très grande insécurité, depuis de longues années,  dans la province du Yen-Thé, à la fourche géographique de deux voies d’accès naturelles vers la Chine.

Doumer prit le parti de convaincre le Dé-Tham d’accepter sa soumission, et pour obtenir ce résultat, il chargea le commandant Péroz de lui mener la vie dure, sur le plan de la contre-guérilla, tout en lui ouvrant la porte d’une soumission pacifique.

Et pour ajouter du poids, du crédit à cette proposition de soumission pacifique, le Gouverneur général décida de faire une grande tournée à cheval, en novembre 1896, dans cette zone du Yen-Thé, que le lieutenant-colonel Péroz raconta dans son livre « Hors des chemins battus », en 1907. (1)

« C’est ainsi qu’une course à travers nos forêts, pour dangereuse et inconfortable qu’elle fut, n’était pas pour lui déplaire, s’il y voyait un résultat tangible…Pendant quatre jours, sous une pluie fine, serrée, incessante, nous parcourûmes à grande allure tous les recoins du Yen-thé. Soixante-dix à quatre-vingt kilomètres par jour ; une fois, nous dépassâmes la centaine. Tous les soirs, nous rallions le chef- lieu (Nha-Nam). J’avais cédé au gouverneur général ma chambre à coucher…

Commandant ! Commandant ! Le jour se lève. Partons-nous ?…

On déjeunait très sommairement sous le chaume d’un auvent : des sardines, quelques conserves, du biscuit et du thé (dans sa tournée à cheval)…

A table, il présidait avec ma femme en face de lui…L’extrême sobriété du gouverneur général nous étonnait… dans la demi-obscurité, que rendaient plus épaisse les lueurs vacillantes des photophores lointains, il nous charmait par la grâce et par la variété de ses entretiens…

Parfois, de sa voix métallique, il nous récitait des passages entiers des grands auteurs, si bien que, bercés par son débit coloré et chaud et fermant les yeux, nous avions l’illusion d’une audition de quel -qu’un de nos grands diseurs professionnels. C’était aussi, pour ceux d’entre nous qui avaient conservé le culte des lettres latines, des odes d’Horace et des lambeaux de tragédies antiques que notre vie tourmentée lui mettait en mémoire. »

Jean Pierre Renaud, dans le livre « Les confessions d’un officier des troupes coloniales – Marie Etienne Péroz -1857-1910 », dans le commandant Péroz et le Dé-Tham (chapitres 13 à 18) le passage en question – editionsjpr.com

Viet-Nam, Indochine, Empereur d’Annam, année 1904

Viêt-Nam, Indochine, Empereur d’Annam

Le Petit Journal Militaire, Maritime et Colonial

Supplément du Petit Journal

Année 1904

3°chronique

Sur le blog du 25 octobre 2010, nous avons décrit les caractéristiques de ce supplément, en indiquant que le contenu des numéros de l’année 1904 n’était pas typiquement un contenu de propagande coloniale.

Sur le blog du 24  janvier 2011, nous avons proposé un condensé de lecture du numéro 138 dont trois articles avaient un contenu intéressant, le rapport de Brazza sur les scandales du Congo, « nos sujets musulmans sont-ils assimilables ? », et « Ce qu’il faut faire en Cochinchine ».

Le chronique ci-après concernera deux numéros, le 149 avec l’évocation d’une affaire de corruption coloniale allemande, et le 151, avec la « folie » de l’Empereur d’Annam.

Il n’y avait donc pas que les colonies françaises qui connaissaient des scandales de toutes sortes, à l’exemple de celui des concessions du Congo, sur lequel enquêta Brazza.

Le supplément numéro 149 évoque une curieuse affaire de corruption dans la colonie allemande du Cameroun. Le député allemand Erzberger interpella son gouvernement  sur les abus de l’administration coloniale, et notamment sur le comportement inqualifiable du gouverneur Jesko von Puttkamer qui s’illustra par ses exactions, ses débauches, et ses cruautés. Il évoqua également des cas de prévarication à Berlin.

Le numéro 151 intéresse peut-être plus les Français et les Vietnamiens, étant donné qu’il s’agit de la vie « impériale » de la belle colonie de l’Indochine.

Le sujet n’est peut-être pas d’en savoir plus – mais la question se pose aussi – sur la politique coloniale qui était celle de la France dans cette grande colonie, pour autant que les gouvernements en aient défini une, ce qui ne paraît pas encore démontré, mais sur le destin de l’Empereur d’Annam Thang Taï.

La France avait laissé une apparence de pouvoir  aux Empereurs d’Annam, fils du Ciel, comme ceux de Chine.

Dans le cas de Thang Taï, cette apparence de pouvoir fit problème :

Extrait du supplément

« Les journaux d’Indochine sont en effet remplis de détails sur les actes de cruauté commis par le souverain. Tantôt il tue sa concubine, la fait cuire, et force ses compagnes à manger cette horrible nourriture ; tantôt, il fait tenailler ses femmes, les fait plonger dans une huile bouillante ou rôtir à petit feu »

La France déposa donc l’Empereur « fou » et le remplaça.

« Indocile » à l’autorité coloniale ou « fou » ? Telle est la question posée par certains !

Dans le commentaire du livre « La vie militaire aux colonies », publié par Gallimard et ECPAD, nous avons relevé la présence étrange de la photo, en double page, de ce personnage à l’ouverture du chapitre 5 « La grande vie » des militaires aux colonies, en endossant le qualificatif de « fou ».

Fou ou pas, le choix qui a été fait par les éditeurs d’ouvrir le chapitre 5 par la photo du personnage demeure contestable pour illustrer « la grande vie » des militaires aux colonies : « grande vie » de l’Empereur d’Annam ou des Marsouins ( l’infanterie de marine)?

Mais l’état de santé de l’Empereur d’Annam  d’alors semble demeurer une énigme, même si certaines sources contestent la déposition su souverain, en 1907, pour cause de démence.

Le supplément du Petit Journal fait écho à ce qui alimente la presse d’Indochine de l’époque, dès 1904, trois ans avant la déposition.

Manipulation de l’opinion ou non, la manipulation était d’autant plus facile que la presse d’Indochine n’avait rien à voir avec celle de métropole. Elle était entre les mains des gros colons, et ses tirages étaient très modestes.

A l’époque des faits le Gouverneur Général Doumer (1896-1902) notait d’ailleurs dans ses Souvenirs, qu’il ne lisait jamais cette presse. C’était dire effectivement son intérêt.

Dans l’hypothèse d’une manipulation coloniale, ces journaux étaient évidemment disponibles pour la désinformation.

Citons simplement le texte de deux autres sources consultées :

« Accusé d’avoir dépassé les bornes de la bienséance dans la vie privée, puis de démence, il fut déposé par ordre du gouvernement français en septembre 1907, puis exilé à La Réunion. Retourne au Viêt Nam en 1947 pour y mourir en 1954 » L’Empire d’Annam (1802-1945) – La dynastie des Nguyen Phuôc

«  Vrai Empereur, faux fou » Magazine Good Morning (02/12/ 07) G.Nguyen Caô Dûc.

Alors énigme ou non pour les spécialistes de cette période de l’histoire coloniale ?

Jean Pierre Renaud