Le film « Le Fleuve » de Jean Renoir

Le scenario de ce film a la particularité d’avoir été tiré d’un livre de Mme Rumer Godden, laquelle  avait déjà fourni, avec un autre livre,  le sujet d’un film précédent intitulé « Le narcisse noir » de Michael Powel.

            Le 22 décembre 2010, sur ce blog, nous avons proposé une lecture de ce dernier film qui se déroulait également dans l’Inde coloniale, mais dans l’Himalaya, avec un cortège de bonnes sœurs chargées d’y installer un couvent dans l’ancienne résidence d’un maharadjah.

Un film complètement truqué, servi par la merveilleuse actrice Deborah Kerr. Ce n’est pas uniquement sa présence qui rendait le film intéressant, mais sa manière de faire ressortir tout le mystère et toute l’ambiguïté d’une rencontre entre cultures et religions différentes à l’époque coloniale considérée, d’autant plus qu’il s’agissait de femmes, ce qui n’était pas alors très courant.

Un film tout à fait remarquable !

D’après la chronique, le premier film n’avait pas plu à l’auteur du livre, et ce fut la raison du choix de Jean Renoir pour mettre en scène son autre livre.

L’histoire se déroule au bord du Gange, dans la propriété d’un industriel du jute et dans la cité hindoue qui la jouxte.

. Elle met en scène une famille anglaise et repose essentiellement sur la découverte de l’amour par trois jeunes filles en présence d’un ancien officier américain venu voir un de ses anciens amis.

Est à peine abordée, par allusions, l’histoire d’un autre homme qui avait épousé une femme d’origine hindoue, décédée, dont la fille métisse continue à vivre sous son toit, à la mode indienne.

De très belles images du Gange, des embarcations, des temples, des cérémonies religieuses et des marchés, tournées en technicolor, une des nouveautés de ce film !

Au résultat, les couleurs de ce film sont chatoyantes, mais elles ont beaucoup de mal à masquer la couleur terne d’un navet, jugement qui va à rebours de beaucoup de critiques professionnelles qui y voient une vraie merveille.

D’autant plus décevant, qu’avec un film où tout le monde est bon et gentil, vous ne comprendrez rien à l’Inde coloniale, alors qu’elle venait de traverser une période d’indépendance sanglante, avec de gigantesques transferts de population.

Fort heureusement, le réalisateur s’est illustré, comme chacun sait, par de grands films, sans qu’il ait cru bon alors de s’égarer dans un exotisme de pacotille.

Jean Pierre Renaud

Deux cadeaux pour les fêtes de fin d’année, le film « Narcisse noir » et l’humour de Loti, « orientaliste » français.

Deux cadeaux pour les fêtes de fin d’année : dans le « noir », le film « Le Narcisse Noir » de Michael Powel, avec la belle Deborah Kerr, dans l’Himalaya, et dans le « blanc », l’humour d’un « orientaliste » français, Pierre Loti : « Petit âne blanc et vieille « cookesse » anglaise en Egypte ».

Le film « Le Narcisse noir » de Michael Powel et la belle Deborah Kerr, bonne sœur dans l’Himalaya (1947)

            Un film magique dans tous les sens du terme !

C’est l’histoire d’un groupe de cinq sœurs d’une congrégation anglicane implantée dans les Indes, encore anglaises, qui confie à l’une d’entre elles, Deborah Kerr,  la responsabilité d’installer un nouveau couvent dans une forteresse plantée sur des falaises vertigineuses d’un contrefort de  l’Himalaya. Un riche maharadja a décidé de la confier aux bonnes sœurs, à charge pour elles, de créer une école et un dispensaire au profit de ses sujets.

Installation étrange dans un  ancien harem qui a conservé quelques gravures licencieuses, vie dans une forteresse inaccessible et agitée en permanence par des vents puissants et bruyants, cohabitation éprouvante avec un monde indien mystérieux, plein de religiosité et de croyances incompréhensibles, des nonnes dont la vocation vacille au contact de leur nouvelle vie, et de cet anglais, sans doute le résident de l’époque, qui vient régulièrement les défier par sa sensualité, son animalité, tout en les aidant à s’installer..

Une ambiance entêtante entretenue par le parfum obsédant du fameux « Narcisse noir », « un parfum obsédant qui affole les sœurs d’un couvent britannique », dixit le Canard Enchaîné.

La mission des cinq sœurs se conclut par un échec, avec un épisode digne d’Hitchcock, dont Powel fut, à un moment donné, le collaborateur.

Un film intéressant à un tout autre titre, celui de l’histoire coloniale des Indes anglaises en particulier, et de l’histoire coloniale en général.

Le film fait bien ressortir la sorte d’incommunicabilité coloniale qui existait entre deux mondes de croyances et de raisonnements différents, l’univers indien et l’univers britannique. Il montre également toute l’ambigüité de ces missions religieuses dont l’ambition était de porter la bonne nouvelle dans des milieux qui n’étaient pas toujours à même de l’accueillir.

Ce film nous plonge dans les Indes coloniales, magnifiques personnages et magnifiques paysages ! Laissez-vous porter par la magie de ce film en technicolor, sans vous poser trop de questions pour savoir si ces images ont été filmées en studio ou non, tellement on se croirait sur un des contreforts de l’Himalaya.

Jean Pierre Renaud

A noter le commentaire élogieux du Canard Enchaîné, lequel n’a souvent pas mauvais goût dans le domaine du cinéma :

« Ce drame sensuel kitsch et somptueux… est un bijou qui scintille d’extravagance, d’humour et de puissance sensuelle. »