Billet d’Humeur Historique « Corps noirs et médecins blancs »

Delphine Peiretti–Courtis

Je me suis longtemps demandé quel but poursuivaient ces chercheurs, ces historiens, qui tentaient de démontrer que mon pays devait se repentir de son histoire, quelle qu’elle fut ! Rien de lumineux, rien de bien, aucun service et même sacrifice, vraiment ?

            A lire toute une série d’essais, de thèses, d’articles et de déclarations, il faut se poser la bonne question : ne s’agit-il pas d’un courant de pensée mortifère pour la France ?

            Les courants historiques du passé ont très souvent dérivé d’une contestation universitaire et intellectuelle d’un courant de pensée dominant pour ne pas dire dominateur, au cours du XIX° ou du XX° siècle, exaltant d’une façon ou d’une autre notre « roman national » : ce n’est pas le cas du courant post-colonial animé par des chercheurs en quête de reconnaissance politique, de « marché », ou de nouvelle mission évangélique.

            Si vous le vérifiez, vous constaterez que 1) l’histoire coloniale n’était pas considérée comme assez noble pour attirer les historiens agrégés,

            2) contrairement à ce qu’affirment à longueur de bouquins certains chercheurs, le peuple français n’a jamais été un peuple colonial : le « colonial » n’a jamais fait autant fureur qu’aujourd’hui !

            J’ai publié sur ce blog un ensemble de lectures critiques d’ouvrages ou de thèses qui illustraient ce type de discours, s’abstenant de « mesurer », chaque fois que c’était possible, des faits dont ils nourrissaient leur discours historique, en oubliant donc « l’histoire quantitative ».

            La lecture critique du livre « Corps noirs et médecins blancs » que je vais publier d’ici quelques semaines, constitue à nouveau un bon exemple de cette dérive, d’autant plus qu’elle sape la confiance que l’ont peut faire  aux institutions universitaires, comme c’est ici la cas.

Comment résister à citer un échantillon de littérature complètement délirante, le livre « Adam & Eve » du finlandais Arto Paasilinna ?

L’histoire d’Aadam, un inventeur de batterie électrique farfelu qui réussit à faire fortune, à embarquer son amie Eeva, dans son aventure, qui empoche des millions et les distribue : il en fait bénéficier son chauffeur, Seppo Sorjonen, dont il paie les études médecine, lequel prépare un doctorat, défend sa thèse avec succès devant un jury dont fait partie « un contradicteur ».

Pourquoi ne s’inspirerait-on pas de cet exemple, car le système universitaire des thèses d’histoire souffre incontestablement du catimini dont il est entouré, une soutenance soi-disant publique, mais en réalité un exercice très confidentiel, sans trace écrite ?

« … Il fut décidé d’organiser la soutenance dans une petite salle des fêtes de l’université d’Helsinki… Pour la soutenance de sa thèse, Seppo Serjonen avait  revêtu un frac noir et un gilet, mais ainsi va le monde, on ne distribue pas de titres universitaires aux paresseux et aux idiots. Le chapeau doctoral de Sorjonen avait coûté 12,8 millions de marks à Adam & Accumulateurs and Batteries, ce qui était une somme plutôt élevée, mais néanmoins raisonnable compte tenu de l’importance de la médecine pour la santé de l’humanité.

Le banquet organisé pour fêter l’événement eut lieu à Hvitträsk, en présence du nouveau docteur, du contradicteur, du président du jury et de nombreux invités… » (pages 287 et 288)

Un « contradicteur » de la thèse en question, celle des « corps noirs et médecins blancs » aurait pu demander de préciser de quel « Autre » il s’agissait, de la représentativité des très nombreuses sources citées – un beau travail – , de leurs effets sur l’opinion publique des deux siècles choisis comme références, c’est-à-dire leur « mesure », en France et en Afrique noire, etc…

Ma critique se résumerait ainsi : la thèse en question illustre « un entre- soi historique », hors sol, beaucoup plus qu’« un entre deux historique », et elle alimente une fois de plus l’histoire victimaire des réparations en monnaie sonnante et trébuchante, c’est-à-dire à choisir l’assistance plutôt que la responsabilité, à la différence des pays d’Asie.

Jean Pierre Renaud     Tous droits réservés

« Corps noirs et médecins blancs » Delphine Peiretti-Courtis « Quand les médecins classaient les hommes au service du projet colonial »

Delphine Peiretti-Courtis

« Corps noirs et médecins blancs »

« La fabrique du préjugé racial, XIXème –XXème siècles »

La Découverte 2021

Première approche de lecture critique

Dans le Figaro du 10 mai dernier Soline Roy proposait une lecture très positive, pour ne pas dire louangeuse, de l’ouvrage, sous le titre « Quand les médecins classaient les hommes au service du projet colonial ».

Delphine Peiretti-Courtis « s’est plongée dans le discours des médecins blancs qui, à la faveur du développement des colonies en Afrique, ont « observé, disséqué, mesuré et comparé » ses habitants, « dans un souci d’étalonner l’altérité ». En est né un ouvrage vertigineux sur la façon dont « la science a créé la pensée raciale que la politique a ensuite diffusée. »

L’ambition intellectuelle et historique était effectivement vertigineuse.

La thèse défendue par l’auteure apporte des éléments d’information dans les débats qui agitent actuellement en France certains milieux idéologiques et politiques, ou universitaires, avec le concours des groupes de pression décoloniaux ou racialistes, la nouvelle mode venue des USA.

Il est inutile de préciser que cette thèse porte sur des sujets de société ultrasensibles.

Le Président de la République s’est engagé et continue à s’aventurer lui-même dans ce type de débat :

  • en 2018, en manifestant une suspicion quant à la capacité de « deux hommes blancs » à choisir les mesures du programme très étoffé et très étudié que défendait Jean Louis Borloo et son groupe de travail  pour ramener les quartiers sensibles dans la République Française,
  • en décembre 2020, dans l’Express, il reconnaissait l’existence d’un « privilège blanc »,
  • en juin 2021, dans Elle, « je vois la société se racialiser progressivement » jugeant que cette « logique intersectionnelle fracture tout ». « On s’était affranchi de cette approche et voilà que l’on réessentialise les gens par la race, et ce faisant on les assigne totalement à résidence. »

« On s’était affranchi de cette approche » : qu’est-ce à dire ?

L’ouvrage en question soulève une quantité phénoménale de questions de toute nature portant sur l’histoire en général, coloniale et postcoloniale, afin de savoir s’il apporte la démonstration pertinente de la thèse qu’y défend Delphine Peiretti-Courtis quant à la responsabilité historique des « médecins blancs » dans «  la fabrique du préjugé racial au XIX-XXème »

Notre lecture critique sera publiée après l’été, mais d’ores et déjà il est possible d’ouvrir le débat sur l’ambition que représente la lecture historique du rôle des médecins blancs au cours de deux siècles dans l’immense continent africain. Ce continent ne commença à être mieux connu, sur le plan géographique seulement, qu’à la fin du XIXème siècle, avec des contextes historiques très différents.

L’ouvrage pose donc la question clé de la représentativité historique d’un tel discours, à partir des très nombreuses sources consultées par rapport aux contextes historiques innombrables rencontrés.

En ce qui concerne l’Afrique noire française, citons deux exemples de l’histoire coloniale française : dans une AOF qui n’existait pas, les troupes coloniales sont à Bamako en 1883, et la fameuse expédition de Fachoda en Afrique Equatoriale se déroula en 1897-1898.

Autre interrogation celle de la représentativité du regard médical blanc, celui des sociétés médicales parisiennes, entre autres, l’histoire d’en haut, ou celui des médecins blancs très peu nombreux qui couraient la brousse, avant 1914, et après 1918, alors que la médecine tropicale française avait pour priorité la construction d’une infrastructure médicale qui n’existait pas et la découverte de solutions, c’est-à-dire de remèdes et de vaccins, pour les maladies tropicales.

Par ailleurs et à supposer que la thèse défendue par l’auteure soit pertinente dans l’histoire « d’en haut », la question de ses effets sur l’opinion publique française ne parait pas avoir fait l’objet des analyses quantitatives utiles dans le seul vecteur mesurable que fut la presse, une bonne histoire de l’ « en bas » ?

Le même type de reproche de carence d’histoire quantitative ne ressemble-t-il pas à celui que j’ai formulé à l’encontre des ouvrages publiés sur une « culture coloniale » ou « impériale » qui aurait existé.

Les faits et les chiffres ? L’auteure cite à un moment donné le rôle de l’Achac  dans la connaissance des « zoos humains » : seul problème que j’ai soulevé, l’absence de l’histoire quantitative des effets dans la presse, et la composition humaine des populations exposées où figuraient aussi des Bretons.

Quelques semaines après l’inauguration de la fameuse Exposition Coloniale de 1931 (6 mai 1931), la Revue Illustration du 6/06/1931, numéro 4605, laquelle diffusait plus de 600 000 exemplaires, n’en faisait pas mention : une seule page de publicité, la page XIV, avec la mention « Le plus beau voyage à travers le monde », soit une page sur les 46 pages de pub en grand ou petit format de ce numéro.

Dernière question relative au système des écoles doctorantes en sciences humaines ? 

Il fut un temps où il était de bon ton, de ne pas détester les théories marxistes quand un étudiant était en quête d’un ou d’une directrice de thèse, puis ce fut la mode de 68, et il semble que de nos jours certaines écoles doctorantes rivalisent d’esprit « décolonial », suivant les modes venues de certaines universités américaines.

Le système doctorant des sciences humaines souffre à cet égard et à mes yeux, me tromperais-je, d’une incontestable fragilité, le secret des délibérations et l’absence d’un réel contre-pouvoir.

Tout repose en effet sur le postulat d’un jury impartial et féru des meilleures vertus du service universitaire, et c’est bien dommage.

J’ai toujours à l’esprit les préceptes d’un professeur de philosophie de Louis le Grand, M.Marsal, lequel nous exerçait constamment à une dialectique, non pas marxiste, léniniste ou trotskiste, mais à une dialectique toute simple de l’exposé d’un sujet où il fallait argumenter pour le pour puis, pour le contre, puis pour la synthèse…

Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

2012-2021 : la France au Mali et au Sahel

 
    Les lecteurs du blog qui m’ont accompagné  savent que dès l’origine je fus plus que réservé sur les conditions de notre intervention au Mali en 2012, et j’en ai donné les multiples raisons.
   J’ai beaucoup travaillé sur les conditions historiques des conquêtes coloniales françaises, notamment en Afrique noire et publié analyses et conclusions dans le livre « Le Vent des Mots, le Vent des Maux, le Vent du Large ».
Je résumerai ma pensée en écrivant que, pour de très nombreuses raisons, politiques, matérielles ou intellectuelles, les gouvernements de la Troisième République étaient dans l’incapacité de contrôler les processus de décision politique ou militaire, engagés au niveau central ou colonial.
        Je me suis posé très souvent la question de l’opportunité ou de l’intérêt des différentes conquêtes de la France, ce qui ne fut pas le cas de l’Empire britannique. La comparaison que j’ai proposée il y a quelques années sur le blog entre les deux Empires est toujours bien consultée.
       L’actualité politique et militaire du Sahel et du Mali où nous avons engagé une partie de nos forces militaires en 2012 vient de nous rappeler à l’ordre avec la question du bien-fondé d’une intervention qui a été renforcée par le Président actuel.
Pourquoi ne pas publier à nouveau quelques-unes des chroniques que j’ai publiées sur ce sujet sensible et qui résumaient les enjeux de cette nouvelle guerre française, le dernière le 6 novembre 2020 ?
             

« Mourir pour le Mali ? »
       

« Sous le titre « Mourir pour le Mali ? », Le Figaro du 5 novembre 2020 opinions, page 21, vient de publier  une tribune cosignée par Michel Roussin,  ancien ministre et animateur  d’une certaine France-Afrique et Stephen Smith spécialiste reconnu des questions africaines.
       Le  lecteur aura constaté que les deux auteurs font preuve de la même prudence, sinon de réserve, que celles que j’ai manifestées dans le courrier des lecteurs dont vous trouverez ci-après copie, en ce qui concerne l’intervention de la France au Mali : 
« Pourquoi est-il urgent de « pivoter » d’une action militaire au grand jour vers une action dans l’ombre ? ».
           Dès la date de notre intervention, j’ai publié à plusieurs reprises sur ce blog des articles la concernant, notamment celui concernant la décision de l’Assemblée Nationale sous le titre « L’insoutenable légèreté de l’être » à la date du 27 avril 2013, dont vous trouverez copie plus loin.
                                                            &
Copie Courrier des Lecteurs Ouest France avec parution le 13 septembre 2020
            « Bonjour, pour avoir beaucoup analysé les processus décisionnels des conquêtes coloniales et leurs résultats, notamment en Afrique noire, je suis toujours plutôt surpris de voir les experts de tout poil, disserter savamment sur les géopolitiques du jour, en ignorant le plus souvent les contextes historiques sur tous les plans religieux, culturels, politiques, économiques, locaux ou non…
Je n’étais pas partisan de l’intervention de Hollande, sans en avoir au préalable mis les autres pays du Conseil exécutif européen devant leurs propres responsabilités, une des caractéristiques de la plupart des Présidents qui dans ce domaine ont quasiment les pleins pouvoirs, qu’il se soit agi de VGE, de Mitterrand, de Chirac, de Sarkozy, de Hollande ou de Macron.
       Sarkozy nous a emmenés en Libye et on voit le résultat ! Hollande avec Fabius voulait nous emmener en Syrie ! Avec Macron, nous battons tous les records, comme si la France (affaiblie) avait encore les moyens de faire sonner ses trompettes, comme sous la Troisième République qui entérinait le plus souvent   ex post, comme l’on dit de nos jours, les initiatives coloniales de ses ministres, amiraux ,ou généraux, car il s’agissait souvent d’initiatives dont ils ignoraient l’existence et qu’ils ne pouvaient de toute façon pas contrôler, compte tenu notamment de la défaillance des moyens de communication…
        Pour terminer quelques données géopolitiques pour comprendre notre dossier : pas de solution sans celle du Sahara, sans soutien des confréries religieuses et des grandes tribus ( toujours) et de nos jours , des syndicats et de l’Armée, car le Mali n’a toujours pas d’Etat : avant et après l’indépendance, ce pays a toujours eu une vie agitée, c’est le moins que l’on puisse dire.
        La France aurait dû limiter son intervention, dans le cadre européen, à la protection de ses ressortissants et à celle des services spéciaux, avec l’accord des pays concernés, sans oublier l’Algérie, qui, dans les apparences, est aux abonnés absents. »

     

Blog du 27 avril 2013 :
« Le Mali et « l’insoutenable légèreté de l’être » des députés ! »

22 avril 2013 : l’Assemblée Nationale autorise le gouvernement à poursuivre la guerre au Mali, par 342 voix pour sur 352 votants, sur un total de 577 députés !
Soit 6 sur 10 !
« Mais où est donc passée la 7ème compagnie, ou plutôt les autres compagnies du bataillon, puisque le nombre des votants aurait dû être de 577 députés, et non pas 352 !

A noter :  les 215 députés socialistes votants et favorables sur un effectif de 292, en gros 2 sur 3, et les 87 députés UMP votants et favorables sur un effectif de 196 députés, soit moins de un sur deux !
Sur le total de l’effectif, 225 députés étaient donc absents !
Le sujet n’était donc pas assez sérieux pour tous ces députés absents ?
Les interventions qui ont été faites dans l’hémicycle ont recensé la plupart des éléments de cette problématique de guerre, en omettant de citer l’Algérie, qui aurait dû être le principal acteur de la confrontation. 
Pour protéger son gaz et son pétrole ?
Curieux oubli, non ?
        Curieux aussi que l’Assemblée Nationale se soit abstenue également de fixer le cadre de la prolongation autorisée, délai, financement, et si relais par l’ONU, à quelle date ?  etc…
       Une fois de plus, je conclurai que dans cette nouvelle guerre, les forces françaises sont les « nouveaux Suisses » de l’Europe, alors que l’Algérie, comme l’Europe d’ailleurs, se sont bien gardées de mettre le doigt dans le même engrenage, et que le gouvernement d’une France, endettée jusqu’au coup, en pleine crise intérieure, … fait une guerre dont le pays n’a plus les moyens !
Plus de deux cents millions d’euros déjà volatilisés, pour ne pas rappeler à notre mémoire le sacrifice de plusieurs de nos soldats ! 
Toujours le même « esprit de gloire »  que Montesquieu a identifié comme une des caractéristiques de la mentalité des Français !
Seulement, nous ne sommes plus au siècle de Montesquieu, et c’est à se demander si nous ne sommes pas dirigés par des « illuminés » !
Et pour terminer, le silence assourdissant de la plupart des médias sur cette décision de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire leur complicité avec cette guerre ! »

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

« Au Mali, quelle stratégie ? »
        

« La France a engagé son armée au Mali, sans avoir demandé préalablement à ses partenaires européens, d’assumer collectivement cette mission, alors qu’elle est un enjeu important de la sécurité internationale de toute l’Union Européenne.
A lire une presse qui est très volatile sur le sujet,  la France est au Mali pour longtemps, si l’ONU n’accepte pas de mettre à sa place une force de paix internationale.
Au terme des quatre mois de guerre « autorisés » par le Parlement, il va  falloir que la communauté internationale tout autant que le gouvernement français, aient des idées claires sur la longue durée stratégique.
Sur la longue durée, les conditions du succès ne seront pas faciles à remplir :
Une paix difficile à réaliser, sans qu’aux côtés de la coalition africaine en charge de cette mission de guerre et paix, des mouvements de l’islam modéré ne viennent soutenir sa lutte anti-djihadiste, dans une région où traditionnellement l’islam a toujours été fort, pour ne pas dire conquérant, adossé à une histoire riche de grands empires musulmans.
Une paix difficile à réaliser sans l’Algérie, et si l’Algérie, placée au cœur du sujet ne prend pas ses responsabilités en coopérant avec les Etats Africains, parce que la France, compte tenu de son passé colonial n’est pas la mieux placée, à la différence de l’Union Européenne, pour obtenir ce résultat. 
     Une paix difficile à réaliser, alors qu’il n’y a plus ni Etat, ni armée, sans que l’ONU, avec un mandat de transition, ne mette en place au Mali un pouvoir- relais capable d’administrer et de remettre sur pied un nouvel Etat, et il y faudra plus que quelques mois, et peut-être quelques années !
La présence du capitaine Sanogo, auteur du dernier coup d’Etat, aux côtés d’un chef d’Etat qu’il a chassé du pouvoir, ne laisse augurer rien de bon sur le retour de la paix civile dans cette région.
Le reportage du Monde intitulé « Au Mali, l’encombrant capitaine Sanogo reste au centre du jeu » (15/02/13, page 7) est tout à fait édifiant :
« L’ancien putschiste a  été investi au palais présidentiel de Koulouba par le chef de l’Etat par intérim Dioncounda Traoré au rang de président du « Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité »
Ce qui veut dire le loup dans une bergerie qui, il est vrai, n’en est plus une ! Et en plein pataquès africain ! On le croyait ou sur le « front », ou en prison !
Une paix difficile à réaliser, si les nouvelles autorités du Mali, à condition qu’elles existent à nouveau, ne trouvent pas une solution intelligente et pérenne, pour associer le peuple touareg aux décisions politiques du nouvel état à créer.
Une paix encore plus difficile à réaliser, sur la longue durée encore, si les gouvernements africains n’arrivent pas à modérer la pression démographique de leurs pays, pour ne pas dire à confiner l’explosion démographique, car il est évident que ce facteur est un des éléments d’instabilité du continent, avec un manque de développement en face d’une jeunesse au chômage. »

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Supercherie coloniale ou Culture coloniale ou impériale made in Blanchard

« Supercherie coloniale »

(2008)

Avec Jean Pierre Renaud

 Ou

« Culture coloniale », culture impériale … » » avec Pascal Blanchard et l’Achac ?

Il y a presque quatorze ans déjà !

Réponse d’un grand éditeur en date du 5 juillet 2007 : une pièce à conviction sur les choix d’édition entre éditeurs !

Comme je l’ai déjà écrit à maintes reprises sur le blog, le livre en question mettait en pièces, pièce par pièce, le discours idéologique et littéraire de l’équipe Blanchard, un discours pseudo-historique frappé d’une carence notoire de démonstration statistique et quantitative.

« Lettre du 5 juillet 2007

« ConcerneSupercherie coloniale,

Cher Monsieur,

Je vous remercie vivement de vos deux textes.

Je les ai appréciés à leur juste valeur et me sens bien entendu, sur la même longueur d’onde que vous. Mais pour vous dire la vérité, je n’ai aucune envie de me lancer ou de laisser…. se lancer dans une polémique directe avec des auteurs nommés (et dont un a même été publié dans la Maison !).

Votre « avant-scène post-coloniale m’a par ailleurs bien amusé.

J’espère que vous trouverez un autre éditeur et vous assure, cher Monsieur, de tous mes sentiments les meilleurs. »

&

Concrètement, je n’ai pas trouvé d’éditeur de la place courageux, alors que d’autres éditeurs surfaient sur ces courants d’histoire repentante, idéologique, ou marketing, comme vient de le relever Pierre-André Taguieff, dans un livre que j’ai cité sur le blog.

J’ai fait appel à un petit éditeur amateur et grand défenseur d’une histoire coloniale non frelatée.

Ce type d’histoire marketing marche tellement bien que Pascal Blanchard, par son entremise, vient de se voir propulser dans un des nombreux conseils du Président actuel.

Dernière anecdote tout à fait symbolique : le livre que j’avais envoyé en deux exemplaires à la Mairie de Paris (Maire Delanoë) pour la Bibliothèque Municipale s’est retrouvé en vente dans une solderie…

Je publie donc à nouveau ci-après le passage du livre cité ci-dessus par mon correspondant.

« Supercherie  Coloniale »

Jean Pierre Renaud

Mémoires d’Hommes 2008

Pages 13 à 16

« En avant-scène postcoloniale
Et, sur les pas du célèbre Montesquieu,
Comment peut-on être Malgache
à Paris au XXIe siècle ?

  De Jérôme Harivel, Cité Universitaire Internationale, à Paris, à sa chère et tendre Vola, restée à Faravohitra, à Antatananarivo,

     Octobre 2001 – Comme tu le sais, à l’occasion du match. Algérie-France, dans ce magnifique stade deFrance, (quand en aurons-nous un aussi beau dans notre belle capitale ?) une partie du public a sifflé l’hymne national des Français. Tu vois le scandale ! Je n’y étais pas, car tu connais l’amour très modéré que je porte au sport. Cela m’a beaucoup étonné, moi qui croyais que l’Algérie était indépendante depuis 1962. La France était-elle devenue, à son tour, la colonie de l’Algérie ?

    Septembre 2003 –- Des amis français m’avaient convié à une soirée à la campagne, une campagne toute verte comme tu l’aimerais, près du Mans. A un moment donné, un des convives se mit à évoquer des livres récents qui traitaient de l’histoire coloniale de la France. Tu sais que les Français ne s’y intéressent pas beaucoup, mis à part la guerre d’Algérie, qui a laissé des traces profondes dans beaucoupde familles françaises.

      Je ne m’estimais pas vraiment concernélorsque j’entendis ce convive parler de bain colonial, et aussitôt je fis une association d’idées avec notre grande fête du bain de la Reine, notre fandroana mais il ne s’agissait pas de cela. C’était bien dommage, car la cérémonie du bain revêtait une grande importance dans notre monarchie. Beaucoup de faste, une grande foule, le bain de Ranavalona III derrière le rideau rougela couleur sacrée, avec ce petit grain de folie religieuse qui mettait du sel dans le rituel sacré du bain, l’aspersion de la foule venue entendre le kabary de la reine et assister à son bain caché, avec l’eau qui avait servie au bain de la reine, une eau naturellement sacrée. Une lointaine parenté sans doute avec l’eau bénite, sans vouloir blasphémer le rite catholique !

     Février 2005 – Un de mes bons amis malgaches m’a entraîné auForum des Images de la Ville de Paris pour assister à une des séances du festival des films coloniaux qui y avait lieu.

    Deux personnes commentaient ces documents, un belge, je crois, et un universitaire africain dont j’ignorais le nom. Pour nous mettre sans doute dans l’ambiance idéologique de cette séance, le présentateur belge avait distribué une note de présentation dans laquelle il énonçait quelques fortes vérités, je cite :

      « C’est au nom de la légitimité coloniale que l’on filme les femmes au torse nu… c’est la relation d’assujettissement du colonisé au colon. C’est la violence légale. naturelle de l’ordre colonial qui apparaît lorsque l’on regarde ces images… on perçoit régulièrement les signes d’un déni d’humanité accordé à l’indigène dont le filmeur (sic) d’alors n’avait pas conscience ».

      On nous a projeté plusieurs films d’amateurs de qualité tout à fait inégale. L’un d’entre eux a attiré mon attention, parce qu’il avait été tourné chez nous, par un Vazaha (un Blanc) sans doute riche, car il le fallait pour disposer d’une caméra. A un moment donné, onvoyait une femme blanche assise dans un filanzana, notre fameuse chaise à porteurs. portée donc par quatre bourjanes, et le commentateur de souligner doctement, et une fois de plus, que cette image était un autre symbole du colonialisme en action.

     A la fin de la projection, un Vazaha s’est levé et a pris la parole pour expliquer à la salle que tous les gens riches de Madagascar, nobles, hauts fonctionnaires militaires ou civils, marchands fortunés recouraient habituellement à ce mode de transport à une époque où il n’y avait aucune route dans l’île, et donc aucun véhicule à roues. Je me suis bien gardé d’intervenir, mais l’échange m’a bien amusé.

     Que dire encore à ce sujet sur les pousse-pousse qui existent encore en Asie et sur notre belle île !

    Mai 2005 – Un grand débat agite les médias et le microcosme politique, sur l’esclavage et le rôle positif de la colonisation française. Des députés, toutes tendances confondues, de droite et de gauche, ont eu la foutue bonne idée de faire reconnaître par la loi le rôle positif de la colonisation. Grand chahut chez les historiens et au sein des associations qui ont l’ambition de défendre la cause des populations immigrées. notamment de celles qui ont publié un appel d’après lequel, leurs ressortissants seraient les Indigènes de la république.

     Prudence de notre côté étant donné le passé de notre grande île et de l’abolition relativement récente de notre esclavage. Certains de nos lettrés ne disent-ils pas que les descendants des andevos, nos anciens esclaves, portent encore dans leur tête leur passé d’esclave, avec la complicité des descendants de leurs anciens propriétaires d’esclaves. Nous sommes d’ailleurs bien placés à Madagascar pour savoir que la traite des esclaves s’est prolongée longtemps en Afrique de l’Est, dans l’Océan Indien, et dans le Golfe Persique, avec les traditionnels trafics arabes d’esclaves.

     Je te signale d’ailleurs qu’une historienne de La Réunion prend des positions hardies dans ce difficile débat.

     Je recommanderais volontiers la même prudence aux descendants des grands royaumes négriers de l’Afrique du Centre et de l’Ouest.

     Novembre 2005 – En France, la mode est aujourd’hui à la repentance. Les Français adorent ça et se complaisent dans leurs défaites militaires qu’ils célèbrent avec une joie masochiste. Le président Bouteflika somme la France de se repentir, alors que la guerre d’Algérie a été un affrontement de violences des deux côtés, et que l’Algérie indépendante sort à peine d’une guerre civile cruelle.

      Dans toutecette affaire, plus personne ne comprend plus rien à rien, entre ce qui relève de la mémoire et ce qui relève de l’histoire ! Je me demande si certains historiens ne s’intéressent pas plus à la mémoire qu’à l’histoire.

     Octobre 2006 – Tuvois, l’Algérie est toujours au cœurdu problème français, et certains historiens ont du mal à travailler sur l’histoire coloniale sans être obsédés par l’Algérie, toujours l’Algérie, qui parait d’ailleurs de plus en plus présente en France, plus de quarante ans après son indépendance. Un politologue, d’une espèce difficile à définir, a commis un livre, ou plutôt un crime contre la raison, en énonçant le postulat qui voudrait que coloniser, c’est exterminer, et bien sûr en raisonnant sur l’Algérie. Ce politologue s’est fait ramasser dans les grandes largeurs par deux éminents historiens de l’Algérie.

     Ce mois-ci, Blois a accueilli le 9ème Rendez-vous de l’Histoire. A l’occasion d’un Café Littéraire, tu te souviens du rôle des cafés dans l’histoire littéraire parisienne, un dialogue musclé s’est engagé entre le principal prosélyte d’une nouvelle histoire coloniale et l’auteur d’un livre intitulé Pour en finir avec la repentance coloniale, précisément dans le cas de l’Algérie. Le prosélyte de lui lancer : « Vous êtes un historien révisionniste, ça vous fait fliper » (sic)(1). Je me serais bien gardé d’intervenir dans ce débat : il n’y a pas si longtemps, notre grand Amiral marxiste. Dictateur et chef de l’État, aurait brandi aussi facilement ce type d’accusation. »

  1. Il s’agissait de Pascal Blanchard

Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

« L’imposture décoloniale » Pierre-Henri Taguieff (2020) – « Supercherie coloniale » Jean Pierre Renaud (2008)

« L’imposture décoloniale » (2020)

Pierre-André Taguieff

Une analyse du « cadre institutionnel public et privé » de la production du discours postcolonial !

&

« Supercherie coloniale » (2008)

Jean Pierre Renaud

Une analyse d’un « produit » postcolonial » !

   Comment ne pas saluer au départ le courage d’un universitaire qui ose dire la vérité, alors que son milieu préfère le plus souvent le silence, le botté en touche, la servilité, pour ne pas dire la peur, la grande peur des enseignants ?

           Cet état d’esprit ne me surprend pas,car tout au long de ma carrière de haut fonctionnaire,  j’ai été frappé par un des traits dominants du service public, la servilité, c’est-à-dire surtout, pas de vagues !

            Cette attitude d’extrême prudence, pour user d’un terme modéré, s’explique en partie par le contexte de violence actuelle, un climat de fausses revendications mémorielles portées par des groupes de pression idéologiques, et souvent par l’attitude de nombreux parents.

Tout au long des dix dernières années, j’ai proposé sur mon blog une lecture critique du discours de propagande postcoloniale développé par l’historien Blanchard et par ses deux collègues Bancel et Lemaire.

J’ai démonté pièce par pièce un discours pseudo-historique caractérisé par une carence d’analyse quantitative des vecteurs de culture coloniale supposés et de leurs effets sur l’opinion publique et la mémoire collective des Français sous la Troisième République.

L’historien avait soutenu, en 1994, une thèse de doctorat intitulée « Nationalisme et Colonialisme Idéologie coloniale Discours sur l’Afrique et les Africains de la droite nationaliste française des années 30 à la Révolution Nationale »

Je notais dans mon livre que la recherche historique en question était très limitée dans le temps et dans le champ idéologique choisi, et qu’elle ne s’était pas intéressée au dossier des images coloniales.

Qui plus est l’analyse de la presse dans son champ chronologique et géographique ne proposait pas plus de matériau historique solide et convaincant !

La source historique était en réalité à rechercher dans les Actes du Colloque savant de 1993 sur le thème « Images et Colonies » dont il fut un de ses secrétaires, et dont il s’appropria purement et simplement le matériau, sans trop d’opposition universitaire, pourquoi ne pas le dire ?

Mme Coquery-Vidrovitch faisait simplement remarquer que Monsieur Blanchard incarnait sans doute une catégorie nouvelle d’historien, « l’historien entrepreneur ».

L’intéressé a rapidement démontré en effet son savoir-faire tous azimuts avec l’association ACHAC, quasiment son enfant et avec l’agence privée de communication « Les bâtisseurs de mémoire », une appellation fort bien choisie compte tenu des talents démontrés pour habiller les mémoires coloniales et postcoloniales.

Pierre-André Taguieff vient de livrer son analyse sur le cadre institutionnel public- privé, et universitaire qui a laissé libre cours à des discours pseudo-historiques ayant contribué à semer le trouble, pour ne pas dire plus dans l’opinion publique, sans contestation du monde scientifique et universitaire. Ces discours ont donc prospéré, avec liaisons sulfureuses entre institutions, mélange des genres entre sciences et fausses sciences, entre public et privé, entre sciences et politique….

Dans la deuxième partie de l’ouvrage intitulée « France : postcolonial business et endoctrinement décolonial » (page 135 à 263), l’auteur propose une lecture critique sans fard du sujet :

Page 142 : « Instrument d’autopromotion de ses membres, l’ACHAC est aussi adossée à une entreprise dont Pascal Blanchard est le codirecteur, l’agence de communication «  Les Bâtisseurs de mémoire » (« Conseil, communication, histoire ») qui se propose de « promouvoir le passé historique, publicitaire et patrimonial des grande marques », dont les productions et les finalités posent effectivement question au milieu académique. Ces usages commerciaux devraient être totalement étrangers au monde de la recherche. »

Jean Pierre Renaud     –   Tous droits réservés

« L’archipel français » Jérôme Fourquet _ Notes de lecture 1

« L’archipel français » Jérôme Fourquet

« Naissance d’une nation multiple et divisée »

Notes de lecture (avec citations)

1

PROLOGUE

Pourquoi ce livre est intéressant ?

  1. 1-Tout d’abord parce qu’il nous fait réfléchir sur les destinées de la France à court, moyen et long terme.
  2. Parce qu’il nous apprend que, sur certains sujets, et pour être informé dans la République Française, il faut biaiser, emprunter des chemins détournés, indirects, ici les prénoms.

3 – Parce qu’il lève des tabous d’information et de connaissance.

Un ensemble de tabous intellectuels qui empêchent le citoyen français de connaître la situation de son pays, le qui est quoi, le qui vient d’où, le qui qui croit à quoi…

Il nous propose une bonne connaissance de composition de la population française bouleversée par l’importante immigration des trente dernières années, venant notamment des pays du Maghreb, des mouvements de population que la France s’interdit encore de recenser par origine sous le faux prétexte de l’interdiction des statistiques ethniques.

La France fait face à des revendications contradictoires émanant  de tout un ensemble de minorités agissantes, idéologiques et politiques, qui protestent contre les discriminations, tout en refusant de se faire compter.

A titre d’exemple, mais ils sont innombrables, à l’occasion de ma lecture critique du livre «  La Condition Noire » de l’historien Pap Ndiaye (blog du 6/05/2011), il était difficile de ne pas soulever 1) les faiblesses d’une démonstration statistique s’arrêtant dans les années 80, alors que la véritable progression des flux d’immigration est postérieure, 2) mais avant tout la  revendication contradictoire d’une visibilité politique en même temps qu’une invisibilité sociale, la revendication contradictoire d’une discrimination qui existerait alors qu’on refuse de voir compter les populations discriminées.

Le constat : la population d’origine immigrée représente un pourcentage relativement important au sein de l’ensemble national, sans commune mesure avec celui des années 80 et 90.

Il est évident qu’il s’agit d’un changement qui pèse sur notre destin, compte tenu du poids démographique et culturel qu’occupent la ou les communautés d’origine arabo- musulmane.

Comment ne pas être surpris que l’auteur de cette analyse fouillée sur notre « archipel » ait été dans l’obligation de recourir aux statistiques de l’état civil, notamment les prénoms pour identifier les mouvements démographiques importants qui ont affecté notre pays, surtout depuis les années 1990 ?

  1. Des chiffres et des lettres et pas seulement des lettres et des considérations sans pièces à conviction !

Les lecteurs de ce blog savent l’importance que j’attache dans les analyses des questions coloniales et postcoloniales, aux études quantitatives, et dans le cas de l’histoire en particulier, à l’histoire quantitative.

C’est sur ce terrain-là que j’ai critiqué les travaux du groupe de chercheurs de l’Achac, la  carence de l’histoire quantitative,  dans leur étude des images coloniales de la Troisième République notamment, carence de leur démonstration quantitative des vecteurs supposés de culture coloniale et des effets produits dans l’opinion publique. L’impasse qu’ils ont faite sur la presse, seul moyen massif d’information et de propagande coloniale, était manifeste.

La thèse que défend l’historien Benjamin Stora sur la mémoire coloniale est frappée de la même carence, alors que sa position de conseiller des princes lui donnait la possibilité de faire mesurer statistiquement par enquêtes et sondages ce qu’il en était vraiment du sujet.

Le livre du géo politologue Yves Lacoste « La Question post-coloniale » affiche le même type de méthode.

5 – « La Fracture coloniale » (2005) ou « Lignes de Fractures » dans « L’archipel français » (2019) ? page 251 à 301) ?

J’ai critiqué sur mon blog le discours pseudo-historique contenu dans le livre « La Fracture coloniale » publié par les trois historiens Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, et Sandrine Lemaire, de même que leurs autres ouvrages sur la Culture coloniale ou impériale, faute de pièces à conviction historiques et statistiques sur les phénomènes décrits.

L’enquête qui a été faite à Toulouse en 2003 sous l’égide de la Délégation Interministérielle à la Ville, n’a pas été validée dans sa représentativité statistique de la situation locale et nationale.

Dans le livre « Supercherie coloniale » (page 24), je proposais quelques illustrations de ce type de discours :

« « Retour du refoulé…. Qui font de la fracture coloniale une réalité subalterne impossible à ignorer (p,10)… la colonisation a imprégné en profondeur les sociétés des métropoles colonisatrices, à la fois dans la culture populaire et savante (ce que l’on nommera une culture coloniale (p,13. De ce champ de bataille mémoriel (p,23)… La banlieue est devenue un théâtre colonial… » (p,23)

Le livre de Jérôme Fourquet leur apporte une réponse avec un luxe de statistiques sur la situation de notre pays en 2019 : des fractures mais plus de « fracture coloniale » !

« Lignes de fractures » (p,251)

« Toulouse/Ozanam/Aulnay-sous-Bois : radiographies parcellaires du tissu sociologique français (p,251)

Le trafic de cannabis comme accélérateur de la sécession de certains quartiers (p,268)

L’école, plaque sensible et catalyseur de la fragmentation » (p,280)

«  Marginalisation des catholiques, sécession des élites, affranchissement culturel et idéologique de toute une partie des catégories populaires, montée en puissance de l’hétérogénéité ethnoculturelle du pays, régionalisme corse, tous ces phénomènes contribuent à l’archipelisation de la société française ce processus de fragmentation s’observe également à l’école et au sein du tissu urbain des métropoles comme dans celui des villes moyennes de province… » (p,251

« Aulnay : de part et d’autre de la frontière (p,260)

A l’instar de ce que l’on avait observé dans le cas toulousain, la carte par carroyage de la commune d’Aulnay- sous-Bois fait également apparaitre une fracture sociale très nette …

De part et d’autre de cette frontière, deux univers se font face : les quartiers des grands ensembles habités par une population paupérisée au nord versus les quartiers pavillonnaires habités par la classe moyenne et supérieure au centre et au sud de la ville. Ce clivage, inscrit dans l’urbanisme et la composition sociale, est aggravé par le niveau de délinquance et de criminalité très élevé qui frappe la partie nord de la ville… » (p,263)

Le trafic de cannabis comme accélérateur de la sécession de certains quartiers (p,268)

«… D’après les experts, ce qu’on pourrai appeler « l’interprofession du chichon » emploierait aujourd’hui pas moins de 200 000 personnes, ce qui est considérable et classe ce secteur d’activité parmi les premiers employeurs français – au même rang que la SNCF (200 000 salariés) mais devant EDF (160 000) ou Intermarché (130 000) la plupart de ces emplois sont localisés dans les quartiers sensibles et les banlieues, et dans ces territoires en difficulté, l’économie du cannabis assure un revenu à dix fois plus de personnes qu’Uber et autres compagnies de VTC (qui auraient créé 20 000 emplois selon une étude du cabinet BCG, qui  sont pourtant d’importants pourvoyeurs d’emplois pour les jeunes des quartiers…

Le chercheur Nacer Lalam estime que ce marché crée, tout bien pesé, 200 000 emplois répartis de la manière suivante : environ 110 000 détaillants et vendeurs de rue, 80 000 semi-grossistes, 8 000 grossistes et 1 000 têtes de réseaux… (p,274)

« Le faux-saunage du XXIème siècle (p,275)

«  Dans les territoires qui sont le plus concernés par ce trafic, cette activité criminelle occupe et fait vivre une part significative de la population locale. Toutes choses égales par ailleurs, on pourrait  établir ici un parallèle avec l’ampleur du faux saunage dans les bocages de l’Ouest au XVIIIème siècle…

Le deal a pris ses quartiers dans  toutes les villes de France… La couverture totale du territoire constitue un indice supplémentaire de l’ampleur et de la banalisation du cannabis dans la société française… »

« L’école, plaque sensible et catalyseur de la fragmentation… (p,280)

« Quand la fracture sociale s’invite à l’école…

« L’effet cartable » ou comment la compétition dope le prix de l’immobilier dans certains quartiers…

« Le développement du hors contrat comme symptôme de la sécession des élites…(p,284)

« Ségrégation ethnoculturelle : les black school à la française…(p,286)

« Choix des établissements scolaires et alyah  intérieure (p,289)

« Un enseignant sur sept constate régulièrement ou occasionnellement des atteintes à la laïcité. (p,295)

Le mot de la fin que j’ai souligné.

Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

Le choc des cultures dans le Bush Australien (début du XXème siècle)

Le Choc des cultures au début du XXème siècle

Arthur Upfield dans le Bush Australien

Le métissage

Dans le Bush australien, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, avec le policier métisse Napoléon Bonaparte et Arthur Upfield, le choc des cultures entre les aborigènes et les colons blancs

            Mes études et mes lectures m’ont formé à la connaissance des mondes étrangers d’Asie et d’Afrique, une formation qui a été mise à l’épreuve sur le terrain, en Afrique noire, à Madagascar, et en Algérie, aussi bien sur le plan familial ou professionnel, qu’ultérieurement par la curiosité intellectuelle que j’ai manifestée en lisant des témoignages, récits de vie, essais, ou romans de littérature étrangère, nourris du passé ou de l’actualité.

            Au fur et à mesure des années, j’ai acquis la conviction que dans les rapports humains et sociaux entre membres de communautés d’origine géographique différente, la connaissance des cultures constituait la clé des relations de confiance qu’il était possible de nouer avec les autres communautés.

            Autre conviction, il n’y a souvent rien de mieux pour connaître les cultures étrangères que de lire des romans policiers de nature historique qui nous font plonger dans les univers culturels étrangers, beaucoup mieux que beaucoup de dissertations savantes : il m’est donc arrivé de beaucoup fréquenter des auteurs comme Robert Van Gulik, pour la Chine, Hillerman, pour les Indiens des Etats Unis, ou Upfield, pour le monde des Aborigènes d’Australie.

            Avant d’aller plus loin, il convient de dire un mot du métissage des cultures avec les difficultés qu’un couple mixte de deux personnes issues de deux mondes différents rencontre inévitablement pour entrer dans toute la complexité d’une culture venue d’ailleurs, comme ce fut le cas en Australie, comme ailleurs, à l’occasion des premiers contacts et échanges entre colons et aborigènes qui semblaient vivre dans un autre monde sur une autre planète.

Ceci dit dans le monde actuel le métissage ouvre un chemin de rencontre entre cultures différentes, tout en s’inscrivant dans une mouvance démographique mondiale

Nous avons retenu l’exemple du policier Napoléon Bonaparte parce qu’au-delà de ses récits palpitants, il incarnait un mélange de caractéristiques, de défauts et de qualités, appartenant à deux communautés humaines qui, a priori, se situaient aux extrêmes, les aborigènes étant alors considérés comme le type même du peuple primitif, encore issu de la préhistoire, ce qui n’était pas le cas, selon les critères de jugement et de valeur de beaucoup de blancs de l’époque.

Je crois avoir lu la presque totalité des romans policiers relatant les enquêtes et aventures du policier métisse Napoléon Bonaparte, dans le Bush australien, Bony pour les intimes, né d’un père colon et d’une mère aborigène morte très jeune, en fait assassinée pour avoir violé la loi de sa tribu.

Arthur Upfield (1888-1964), l’auteur, eut une vie bien remplie. N’appréciant pas le manque de réussite scolaire de son fils, son père l’expédia en Australie à l’âge de dix-neuf ans. Il roula sa bosse dans différents métiers, s’engagea pendant la Première Guerre Mondiale, combattit en France et retourna en Australie. Passionné d’écriture, il eut la chance de mettre la main sur les récits très riches d’un métisse policier qu’il exploita intelligemment pour rédiger l’ensemble d’une série policière de près de trente titres.

Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

2020-1900 : Colonialisme de la Chine au lieu de colonialisme de l’Occident

 A la fin du XIXème siècle, l’idée de subventionner le développement des pays colonisés était hors de question.

Les Anglais et les Français entre autres avaient mis en œuvre le principe de « Aides toi toi-même », en accordant des prêts qui leur donnaient la possibilité de contrôler les échanges économiques des pays tenus en laisse financière par leurs emprunts et par les garanties qu’ils étaient tenus de donner pour contracter leurs prêts.

A cette période là, c’est sans doute dans une Chine, très convoitée, que prospéra ce système, aboutissant à confier le contrôle de ses douanes aux puissances occidentales, un contrôle allant jusqu’à pouvoir disposer de flottes de contrôle militaire sur les fleuves et mers de Chine.

Cette forme de colonialisme eut beaucoup de succès dans un certain nombre de territoires, notamment en Egypte disputée entre Français et Anglais, et au Maroc, le système de prêts permettant en plus de faire « profiter » de la nouvelle manne.les entourages des pouvoirs en place

La Chine de 2020 n’a donc rien inventé et chausse tout simplement des pratiques colonialistes séculaires qui ont fait leurs preuves. Il est évident que l’impérialisme chinois tisse sa toile de domination comme le faisaient des prédécesseurs aujourd’hui honnis.

Le Figaro Economie du 17 août 2020 titre un article « L’Afrique dans le piège de la dette », ce qui veut dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, sauf que depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, les pays occidentaux ont inauguré de nouvelles politiques d’aide au développement : à titre d’exemple et avec le FIDES, la France a mis en place un système d’aide financière constitué de prêts à faible taux d’intérêt et de subventions pures et simples.   

De 1945 à 1962, et au fur et à mesure des années, la part des subventions est allée jusqu’à 100%.

Jean Pierre Renaud    –  Tous droits réservés

« Les Raisins Verts » La Question post-coloniale – Yves Lacoste- Troisième Partie Les conquêtes coloniales – Chapitre 8 Le Marocs

« Les Raisins Verts »

Troisième Partie

Chapitre 8

« Le Maroc, la dernière des conquêtes coloniales »

(p,373 à 397, soit 24 pages)

  L’objet de ce dernier chapitre est intéressant, entre autres et principalement à mes yeux, parce ce qu’il pose la question de la définition de la géopolitique, compte tenu de la place majeure qu’a occupé son environnement international  de politique étrangère.

            Comment comparer en effet des situations géopolitiques aussi différentes les unes des autres que celles du Maroc, de Madagascar ou du Bassin du Niger, entre Etats et tribus ?

            La lecture de ce chapitre fait naturellement apparaitre la force des liens qui attachent l’auteur à son pays natal.

            « Alors que la conquête de l’Algérie a été menée par des militaires qui ne connaissaient rien des populations de cette partie du monde musulman et qui furent des années durant laissés sans objectif par des gouvernements hésitants, la conquête de la Tunisie et plus encore celle du Maroc furent le fait d’hommes d’affaires qui « préparaient le terrain » et de militaires qui s’intéressaient désormais  à l’histoire de ces pays, à leurs organisations tribales et aux dispositifs de pouvoirs entre celles-ci et le souverain, qu’il  s’agisse du bey de Tunis ou du sultan marocain. La conquête de la Tunisie et surtout celle du Maroc fut  soutenue indirectement par de grands groupes financiers et elles s’inscrivaient dans des rivalités impérialistes évidentes.  On est bien au « stade de l’impérialisme » et la guerre mondiale menace. Celle-ci n’éclate pas tant à cause des problèmes coloniaux qu’en raison de rapports de force et surtout de prestige entre les Etats européens regroupés en deux grandes alliances antagoniques.

            Le Maroc fut la dernière des conquêtes coloniales. En effet, celle de l’Ethiopie par les Italiens de Mussolini, entreprise difficile commencée en 1935 à partir de l’Érythrée qu’ils avaient annexée à la fin du XIXème siècle ne dura guère puisqu’ils en furent chassés par les Britanniques en 1941.

            La conquête du Maroc apparait encore aujourd’hui comme relativement facile, surtout comparée à l’Algérie. Celle de la Tunisie, qui avait été facile, fit croire aux dirigeants français qu’il en serait de même au Maroc, car l’Empire chérifien était lourdement endetté à l’égard des banques françaises et nombre de grands notables, come l’avaient fait les Tunisiens, avaient demandé la protection des ambassades européennes. Ces dernières étaient tombées d’accord pour les laisser agir au Maroc, les Français pourraient sans doute avoir le soutien discret d’un grand nombre de notables locaux. »

Commentaire : l’auteur évoque un des aspects majeurs de la géopolitique coloniale, le rôle des banques dans la prise de contrôle de territoires qui valaient d’être convoités, l’engrenage des emprunts, à partir du moment où les pays emprunteurs disposaient déjà d’un minimum de ressources économiques pour rembourser : il s’agissait d’un bon critère de distinction entre les territoires anglais et français.

            Cette mécanique coloniale a fonctionné en Méditerranée, notamment en Egypte, Tunisie et Maroc, et beaucoup en Chine, laquelle vit ses douanes prises en mains par les Anglais et les Français pour s’assurer du remboursement des emprunts.

            « Un galop d’essai, la conquête de la Tunisie (p,374)

L’auteur décrit un deuxième procédé utilisé pour contrôler un pays, ce qu’il faut bien appeler la corruption, le mélange des genres, des procédés sans âge, mettre la main sur les notables, sorte de protectorat avant la lettre, par le biais des consuls, encore faut-il que cette géopolitique puisse être mise en œuvre dans un pays disposant d’un Etat et de ressources à exploiter.

            « Par ailleurs, la modernisation permit à de nombreux hauts fonctionnaires de transformer en propriétés privées les domaines ou biens de fonction dont ils avaient la jouissance passagère. Pour ne pas avoir à les restituer à un successeur, ces notables se placèrent sous la « protection » du représentant d’une puissance étrangère, et celui-ci obtint l’accord du bey en leur faveur, en échange de nouveaux prêts ou de délais de remboursement d’emprunts précédents. Ainsi le système du protectorat commença-t-il discrètement à titre individuel pour la plupart des notables, bien avant d’être instauré officiellement sur l’Etat tunisien. » (p,375)

« Le Maroc, un vieil empire selon le modèle Khaldounien » (p,375)

L’auteur consacre ces pages à un ancien historien trop méconnu du Maghreb, Ibn Kaldoun dont l’apport le plus intéressant est incontestablement le rôle des tribus.

            « En me référent au grand historien et sociologue maghrébin Ibd Kaldoun (Tunis,1332- Le Caire, 1406), contemporain des  Mérinides et dont l’œuvre a été traduite sur ordre de Napoléon III, je crois utile d’expliquer comment se formait et se disloquait un  royaume marocain et plus largement un royaume maghrébin. Cela permet de mieux comprendre comment s’est déroulée la conquête coloniale, en particulier dans le cas du Maroc, dénommé l’empire chérifien.

            Comme dans l’ensemble du Maghreb et du Machrek (sauf en Egypte), il s’agissait d’Etats fondés sur des sociétés tribales où chaque homme était armé, savait se battre et appartenait à un groupe formé par des liens de parenté, la tribu (ou la fraction de tribu). Celle-ci était un ensemble politique – en principe égalitaire – qui avait son territoire, le défendait et l’exploitait de façon plus ou moins collective par l’élevage et l’agriculture. Elle entretenait avec les tribus voisines des relations parfois conflictuelles, en fait géopolitiques. Celles-ci étaient un effet de la concurrence territoriale, mais aussi de la volonté d’entretenir les relations politiques et la valeur guerrière de ses membres. La tribu, groupe à base largement familiale, était une sorte de machine politique et une machine de guerre (sans volonté d’exterminer les adversaires ni de capturer des esclaves…

                        Tout pouvoir royal, au Maghreb et au Moyen Orient (à l’exception, il faut y insister de l’Egypte) avait donc une base tribale, et celle-ci était le fait d’une tribu qui en avait entrainé d’autres à se rebeller contre un pouvoir royal. Ce dernier était lui-même d’abord celui d’une tribu qui s’était soulevée et avait été victorieuse grâce à l’alliance d’autres tribus. Le ralliement d’un certain nombre de celles-ci était plus facile quand la tribu qui menait le mouvement pouvait se réclamer d’un innovateur religieux fondateur d’un confrérie hostile à celle dont se réclamait le pouvoir en place. » (p,377, 378)

Question : Yves Lacoste aborde ici l’un des points sensibles, et il y en  a beaucoup d’autres, pourquoi ?

            Parce qu’il aurait utile et intéressant qu’il nous donne au moins un exemple du phénomène décrit qui met en cause un facteur géopolitique majeur, celui de l’Islam et des confréries particulièrement puissantes du Maghreb, comme elles le furent et le sont encore en Afrique noire.

            C’est bien dommage car l’auteur a publié, dans le passé, dans la revue qu’il a fondée, « Hérodote », une analyse fort intéressante sur les principaux courants de l’Islam.

            « Au Maroc, souvenir des grandes dynasties et rôle des confréries » (p,379)

            Ce système, qui rend compte du mode de formation et de déclin rapide de royaumes à base tribale, a fonctionné sur l’ensemble du Maghreb plus ou moins longtemps selon les régions. A partir du XVIème siècle, l’afflux d’or d’Amérique en Espagne, l’essor de la piraterie en Méditerranée et la riposte espagnole conduisent les corsaires d’Alger et de Tunis à faire appel à l’Empire ottoman. Ce grand Etat qui n’est plus à base tribale mais qui repose sur une administration d’origine byzantine, établit pour plusieurs siècles son pouvoir sur les tribus des régences d’Alger et de Tunis. Le système kaldounien cesse de fonctionner dans une grande partie du Maghreb, du moins en ce qui concerne les affaires importantes. Il n’y a pas de nouvelle dynastie en Algérie depuis le XVIème, mais une dynastie se crée en Tunisie au XVIIIème siècle.

            En revanche, le système décrit par Ibn Kaldoun continue de fonctionner au Maroc où des dynasties se sont succédées jusqu’au XXème siècle…

            La dernière dynastie qui s’établit au Maroc et qui est toujours au pouvoir est celle des Alaouites (sans être chiites, ces chérifs se réclament d’Ali, le gendre du prophète). Ils sont eux aussi des Arabes arrivés au XVIème siècle dans le Sud marocain qui se sont établis dans la grande oasis du Tafilalet…

On pourrait dire que le système kaldounien s’est peu à peu assoupi, puisque du XVIème siècle au début du XXème siècle aucune tribu n’a été assez forte pour renverser la dynastie…

            « Les contrecoups de la conquête de l’Algérie » (p,381)

Ce passage décrit bien l’engrenage financier avec emprunt et remboursement d’emprunt, dans un territoire à potentiel économique, qui conduit à la dépendance coloniale ou impériale, comme l’on veut, une configuration géopolitique dont l’effectif a varié au cours du temps, mais dont ne faisaient alors pas partie, mise à part l’Indochine, les autres territoires ciblés par les Français.

             « Le principe de la « porte ouverte »  (p, 382)

L’auteur en décrit le mécanisme décidé à la Conférence d’Algésiras (1906),  puis la crise de 1908 avec l’intervention, à partir de l’Algérie, du général Lyautey, avec une nouvelle crise à Fès en 1911.

            « L’instauration du Protectorat et l’insurrection nationale de 1912 » (p,384)

            « A Fès assiégé par les tribus, le sultan fut traité comme quantité négligeable par les Français ; il apprit indirectement l’accord franco-allemand et par conséquent l’instauration imminente du protectorat français…

            Les événements que l’on a longtemps passé sous silence sont au contraire considérés par l’historien Daniel Rivet comme une véritable « insurrection nationale ». Il ne s’agit pas, selon lui, de la classique agitation des tribus lors des crises dynastiques, mais d’un soulèvement national contre le passage sous l’autorité d’un Etat étranger et chrétien… Daniel Rivet ne parle sans doute pas assez des confréries, mais il montre bien les enjeux nationaux du soulèvement des tribus, notamment leur opposition du départ du sultan pour Rabat. Cette ville n’était plus une capitale depuis longtemps, à la différence de Fès, de Meknès, ou de Marrakech, mais c’était une implantation sur la côte atlantique qui permettait aux Français d’assurer la protection du sultan…

« … à la mi-mai 1912, Lyautey débarquait à Casablanca » (p385)

L’auteur propose alors un résumé historique du conflit, des « Méthodes de Lyautey », qui fut dix ans au Maroc :

« Lyautey, qui sut s’entourer de géographes, d’historiens et d’ethnologues, a compris les formes d’organisation politique de la société marocaine. Par ces intellectuels, il connait l’œuvre d’Ibd Kaldoun, et on peut dire qu’il va appliquer le modèle kaldounien dans les rapports géopolitiques entre le bled maghzen et le bled siba. L’un et l’autre sont constitués de tribus dont les relations d’alliance ou de rébellion avec le sultan changent au gré des circonstances…

« A la différence de l’Algérie où les occupants ont systématiquement cherché à disloquer les structures tribales en réduisant leurs territoires, Lyautey a cherché au Maroc à maintenir les tribus qui pour beaucoup avaient conservé leurs terres, sauf celles qui étaient particulièrement intéressantes pour la colonisation, par exemple autour des villes…

« Dès le début du protectorat, des régiments de tirailleurs marocains ont été constitués dans l’armée française avec des volontaires qui partirent en France dès septembre 1914. Ces tribus du Moyen Atlas ont fourni une grande partie de l’armée coloniale puis de l’armée royale après 1956. Encore aujourd’hui les cadres de l’armée marocaine viennent pour une bonne part de ces tribus. »

« La formation ou le renforcement d’un féodalisme marocain »(p,391)

« … L’un des points forts de la politique de Lyautey est qu’au début du XXème siècle les milieux coloniaux s’intéressaient bien davantage aux ressources minières qu’aux terres agricoles… » (p391)

« La guerre du Rif et les contradictions coloniales » (p,392)

« … Fait étonnant, il ne semble pas qu’elle ait alors suscité dans l’opinion marocaine une grande émotion… »

Question : sur quelle base d’évaluation ? Dans la presse marocaine ? Quelle était-elle à l’époque ?

« La relative brièveté du mouvement national et royal marocain. » (p394)

« La politique de Lyautey continua dans l’ensemble d’être mise en œuvre après son départ. Mais la pénétration des idées nationalistes parmi les intellectuels marocains se faisait sentir dans les villes. Aussi, au sein des sphères coloniales, apparut l’idée de soustraire les Berbères des régions montagnardes à l’influence des milieux arabisés. »

Question ; « sphères coloniales », les « sphères coloniales » du pouvoir ou des pouvoirs ? De qui et de quoi s’agit-il ?

L’auteur décrit en détail le rôle géopolitique des tribus dans l’histoire du Maroc, fondé implicitement sur la confusion entre un pouvoir tribal et un territoire tribal

L’auteur conclut son analyse ainsi :

« Je crois que les Marocains ne gardent pas de l’époque coloniale un trop mauvais souvenir. Celle-ci a été relativement courte et la lutte pour l’indépendance a été brève. En revanche, pour les Algériens, c’est une el longue et vieille histoire et leurs souvenirs de la guerre d’indépendance sont tragiques.  Mais c’est avec la France que les relations de l’Algérie sont les plus étroites et les plus nombreuses. La question post-coloniale en France, notamment dans les « grands ensembles », est indissociable de tous ces « jeunes » français dont les grand-pères sont venus, il ya bientôt cinquante ans, après avoir combattu l’armée française. » (p,397)

Questions : toujours les « grands ensembles » ? Toujours l’Algérie ? Une histoire par trop caricaturale ? Et les années noires des années 1990 ? Et la nature et les dates des flux des « grands pères » qui sont venus en France ?

Pourquoi ne pas signaler à nouveau que la plupart des discours tenus de nos jours par des groupes de pression de propagande post-coloniale, le plus souvent accusateurs de notre pays, se gardent bien de nous fournir des enquêtes statistiques sérieuses sur la mémoire coloniale en métropole et dans les anciennes colonies : Yves Lacoste a-t-il à sa disposition une documentation statistique à ce sujet ?

Je confluerai cette analyse et ces questions en renvoyant le lecteur sur le livre « La colonisation française » d’Henri Brunschvig Chapitre VII « Le Maroc et les interférences de politique étrangère » et sur la chronique que j’ai publiée le 17/10/2018 à propos des Mémoires de Joseph Caillaux

A l’époque des tensions internationales relatives à la question marocaine, ce dernier était  alors Président du Conseil.

Il donna sa version des faits dans le livre  « Mes Mémoires » Tome 2 « Mes audaces. Agadir… »

Dans le fil des recherches que j’ai effectuées sur les processus de décision des conquêtes coloniales, ces Mémoires me donnaient l’occasion de comprendre qui prenait la décision coloniale dans le cas du Maroc : la façon de raisonner de l’auteur, telle qu’elle était décrite était tout à fait surprenante, étant donné :

 1) qu’il prenait une décision en considérant qu’hors les Etats reconnus sur le plan international, les autres territoires étaient considérés comme des biens sans maître,

2) qu’il avait tout pouvoir à ce sujet, alors que la France était dans un régime parlementaire.

Le livre en question nous documente par ailleurs sur un personnage qui fit un beau parcours politique sous la Troisième République, André Tardieu.

Il sut alors pratiquer un remarquable mélange des genres entre la presse, le Quai d’Orsay, et le monde politique.

De nos jours, André Tardieu n’aurait-il pas des héritiers qui ne disent pas leur nom ?

Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

La Question Post-coloniale-Yves Lacoste – Pour conclure cette lecture critique

« La question post-coloniale »

« Une analyse géopolitique »

Yves Lacoste

&

Pour conclure cette lecture

 L’auteur ne concluant pas, je me risquerai à le faire après une lecture critique approfondie, en concluant sur un questionnement de synthèse.

Après avoir lu et relu ce livre, il s’agit donc de savoir si l’analyse géopolitique proposée est pertinente, dans le cadre de la définition fixée par l’auteur lui-même selon le triptyque « représentations » « pouvoir » et « territoire », à la fois dans l’analyse de la Question Post-Coloniale proprement dite, et en ce qui concerne le chemin d’analyse suivi, c’est-à-dire, la Question elle-même, puis les Luttes pour les indépendances, et enfin Les Conquêtes coloniales.

            Une première question s’impose, compte tenu de la place qu’occupent l’Algérie (une centaine de pages sur près de quatre cents) et le Maghreb dans les trois parties de l’ouvrage, est celle de savoir, comme je l’ai déjà noté s’il ne s’agirait pas plutôt de la question post-coloniale algérienne, pour ne pas dire maghrébine.

            Une deuxième question domine cette analyse, celle des représentations, pourquoi ne pas dire les « images coloniales », c’est-à-dire une des sources principales qui a donné la possibilité au groupe d’historiens auteurs d’une série d’ouvrages d’exploiter les travaux du Colloque Savant de 1993, animés par une palette d’historiens renommés, une source qui valait d’être citée par Yves Lacoste, notamment dans sa critique du contenu du livre « La Fracture coloniale » : une impasse qui parait surprenante dans ce milieu d’universitaires renommés où tout le monde se connait.

            Il est possible de s’interroger aussi sur la logique géopolitique qui a conduit l’auteur à analyser successivement, la question, les luttes, et enfin les conquêtes coloniales elles mêmes.

            Notre questionnement portera :

            1) sur l’analyse géopolitique « question » (première partie),

2) et sur la pertinence des analyses proposées en ce qui concerne les conquêtes coloniales dans le cadre méthodologique fixé par cette analyse géopolitique.

            Notre attention ne portera donc pas sur l’analyse des luttes pour l’indépendance elles-mêmes (p,123 à 217), sauf à proposer ci-après quelques réflexions sur le sujet .

            Question : à partir de 1947, la Guerre Froide entre l’Est et l’Ouest n’a-t-elle pas été un des grands facteurs de la géopolitique mondiale, Afrique et Asie y compris, avec l’aide que l’URSS assistée des partis communistes occidentaux a apportée aux mouvements d’indépendance du Tiers Monde ?

            Comme ce fut le cas en Indochine avec le soutien de plus en plus actif de la Chine communiste au Vietminh, et le jeu on ne peut plus trouble du Parti Communiste Français au cours de cet épisode de décolonisation violente    .

Question : en parallèle de cette poussée révolutionnaire, le colonialisme  n’avait-il pas  fait son temps, avec le début d’organisation du Tiers Monde, d’autant plus qu’en 1945, l’Europe de l’Ouest, divisée entre l’Est et l’Ouest,  avait été mise à terre, et qu’elle était bien incapable de faire face à d’autres conflits en Afrique ou en Extrême Orient ? Sans l’aide des Américains !

            L’Europe de l’Ouest était alors confrontée à la puissance militaire soviétique sous le parapluie de protection de l’OTAN, et ce fut sans doute un des facteurs géopolitiques majeurs qui conduisit de Gaulle à « larguer » l’Algérie, en donnant la priorité au théâtre d’opérations européen et à l’arme atomique.

            Aux yeux des meilleurs connaisseurs de ce monde africain, le système colonial avait déjà très largement fait son temps, même si les groupes de pression continuaient à s’activer à Paris ou au siège des différentes colonies, en tentant d’imposer leur vision coloniale.

Le cadre géopolitique fixé par Yves Lacoste à travers l’analyse proposée dans l’avant propos et dans les chapitres 1 et 2 :

 « Avant-propos général… qui mène à un paradoxe » « La question post-coloniale en France. (p, 7 à 123)

 Dans son avant propos, à la page 8, l’auteur esquisse une première définition :

« Il y a cinquante ans, le terme de géopolitique n’était pas utilisé, mais chacune de ces indépendances, qu’elle ait été obtenue à l’amiable ou arrachée par la guerre, était en vérité un grand changement géopolitique. Et plus encore, les luttes pour l’indépendance de chacun de ces peuples, luttes complexes en vérité et plus ou moins anciennes, furent évidemment géopolitiques. En effet la la géopolitique – telle que je l’entends – analyse toute rivalité de pouvoirs sur du territoire, que celui-ci soit de grandes ou de petites dimensions (notamment au sein des villes) et qu’il s’agisse de conflits entre des Etats ou de luttes au sein d’un même pays, ces conflits pouvant se répercuter à plus ou moins longue distance. Les différentes conquêtes coloniales et la colonisation qui imposa son organisation des territoires conquis furent fondamentalement des phénomènes géopolitiques. Aussi ne peut-on comprendre ce qu’on appelle la « question post-coloniale » qu’en tenant compte des catégories de lieux où elle se pose de la façon la plus grave, mais aussi des différences qu’elle présente selon les pays, et en analysant rétrospectivement les rivalités géopolitiques qui ont opposés différentes sortes de forces politiques : pas seulement le conflit colonial classique Européens/indigènes, mais aussi des conflits plus ou moins anciens qui ont opposé des forces autochtones entre elles. »

Le champ de cette définition est donc très vaste et porte son attention sur deux éléments du triptyque, le « pouvoir » et le « territoire », auxquels il conviendra d’ajouter les « représentations » traitées dans les deux chapitres de la première partie.

D’entrée de jeu, Indiquons qu’à l’époque des conquêtes coloniales, il était assez redoutable de vouloir et de pouvoir identifier les pouvoirs et les territoires les concernant, tellement ils étaient à la fois variés, complexes et changeants, géographiques, religieux, culturels, démographiques, sociaux, économiques, alors qu’on ignorait presque tout de l’Afrique noire…

En Afrique noire, les limites territoriales des nouvelles colonies ne respectaient pas, et ne pouvaient pas respecter, les « frontières », donc le « territoire » de nombreux peuples, tellement ils étaient de taille différente, nombreux, et difficiles à délimiter, pour autant que les peuples eux-mêmes aient pu les identifier, ce qui fut le cas par exemple sur la côte au Dahomey, et les défendre, ce que les roitelets locaux avaient bien de la peine à faire, par exemple face à Béhanzin, à la fin du dix-neuvième siècle.

Telles furent les situations coloniales de la période des conquêtes en Afrique noire, ce qui ne fut pas le cas en Indochine ou à Madagascar où il existait un pouvoir et un territoire.

Dans son analyse, l’auteur fait un sort à la problématique des « grands ensembles », mais il parait tout de même difficile de les faire entrer, compte tenu de leur taille et de leur histoire, dans un champ comparatif avec les autres territoires examinés par l’auteur.

Le chapitre premier (p,23 à 63) « Les paradoxes de la question post-coloniale » part en effet de l’hypothèse qu’elle est née dans « Les grands ensembles » donc un territoire très limité de métropole à la fois en superficie et en nombre d’habitants.

Pour éclairer la nature et les dimensions de ces rivalités de pouvoir, il aurait sans doute été intéressant de mettre en annexe des  statistiques démographiques de poids, de composition, et d’origine, de même que les études sans doute réalisées sur l’écho qu’ont eu les événements décrits par l’auteur dans l’opinion publique française ou étrangère ?

De même, comment traiter de ce sujet sans éclairer le lecteur sur la culture et la religion des immigrés, sur l’importance des flux de migrants liés à l’explosion démographique enregistrée en Afrique, sur une relation de pouvoirs on ne peut plus ambigüe entre la France et l’Algérie principalement, dont les gouvernements issus du FLN ont toujours été en quête de diminution de la pression politique, c’est-à-dire d’émigration, notamment de la part des jeunes en quête d’une meilleure destinée.

Evidemment dans le but de la démonstration proposée et dans le cadre scientifique fixé par l’auteur.

Après avoir étudié pendant des longues années les cultures africaines et en avoir eu l’expérience très concrète, j’estime que la confrontation des cultures et des religions constitue un des facteurs majeurs de la géopolitique, comme l’auteur de ce livre a pu le constater lui-même.

Il existe d’ailleurs un ouvrage intéressant à ce sujet « Le choc des cultures ».

Enfin, il parait difficile de procéder à ce type d’analyse sans s’attacher à la relation exigeante qu’elle ne peut manquer d’avoir avec la vérité historique, tout au moins dans sa recherche ?

Dans le chapitre 2, l’auteur s’intéresse à l’une trois composantes, les « représentations géopolitiques » : telles que l’auteur les identifie, en fait un répertoire de « représentations » classées et hiérarchisées, il parait difficile d’aller plus loin qu’une lecture de caractère général du sujet.

Chapitre 2 (p,63 à 119) – L’importance des représentations géopolitiques dans la question post-coloniale 

Il s’agit d’un des facteurs importants de la géopolitique proposée, en plus des deux autres, le pouvoir et le territoire.

L’auteur commence son analyse en partant à nouveau de l’exemple des grands ensembles en affirmant :

« Elle est ensuite devenue une donnée géopolitique majeure dans la question post-coloniale, dans la mesure où s’y déroulent de plus en plus souvent des affrontements entre la police et des « groupes de jeunes ». (p,63)

Je ne sais pas si tel était le cas, étant donné que l’auteur ne propose aucune enquête statistique d’opinion pour le justifier, alors que plus loin il utilise le qualificatif de « mesurable ».

« Dans tout raisonnement géopolitique, il ne faut pas seulement y tenir le plus grand compte des caractéristiques objectives, et mesurables des populations qui vivent sur le territoire où se livre une rivalité de pouvoirs. Il faut aussi tenir compte des idées, des représentations que chacun des groupes antagonistes (avec ses leaders) se fait, à tort ou à raison, de la réalité : de ses droits sur ce territoire comme de ce qui lui parait important dans tout ce qui l’entoure, y compris au niveau mondial. Ces représentations plus ou moins subjectives sont presque toujours « produites » par ce que l’on peut appeler au sens le plus large des intellectuels, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui réfléchissent, qui discourent, bref qui produisent des idées nouvelles et en reproduisent d’autres dont ils ne connaissent pas précisément l’histoire. » (p,64)

Puis-je faire remarquer que dans les années 1950-1960 le ou les pouvoirs, en métropole ou dans les colonies, n’avaient pas la chance de disposer de chiffres fiables sur la démographie des territoires coloniaux ?

Dans les pages qui suivent, l’auteur donne une liste de représentations sous le titre « La diffusion de représentations accusatrices du colonialisme » :

« Il est bien évident que l’Appel des indigènes de la République de janvier 2005 n’est pas la cause première de la propagation des émeutes dix mois plus tard… Pour schématiser, on peut dire que, malgré les effets de l’«absentéisme scolaire », un certain nombre de ces jeunes vont au collège et qu’ils s’intéressent particulièrement, même de façon brouillonne et agressive, à ce que disent les professeurs d’histoire-géographie sur la colonisation et la traite des esclaves. En effet depuis une dizaine d’années, les programmes scolaires prescrivent qu’un certain nombre d’heures soient consacrées à ces « problèmes » qui sont aussi de plus en plus présents dans les manuels. Les enseignants en font d’autant plus état que cela les intéresse personnellement et passionne les élèves. Il n’en reste pas moins que dans ces quartiers ou à proximité, la tâche des professeurs – qui sont désormais de plus en plus des femmes –est encor plus difficile qu’ailleurs. » (p,66)

L’auteur met donc l’accent sur le rôle des professeurs d’histoire géographie et sur les programmes et énumère ensuite un certain nombre de vecteurs des représentions qu’il vise :

 « Un consensus de rejet de la colonisation depuis qu’elle a disparu » (p,66) : un rejet  non démontré, en tout cas dans cette analyse,

         « d’où le succès d’un certain nombre de livres … « le Livre noir du colonialisme XVI° – XXI° siècle », ouvrage collectif dirigé par Marc Ferro… Par ailleurs, une guerre des mémoires oppose à présent les intellectuels… un livre d’Hannah Arendt, en lui faisant dire (comme le fait Marc Ferro…) que le communisme, le nazisme et le colonialisme sont la même chose, ce qui est pour le moins expéditif et contraire au raisonnement même d’Hannah Arendt… (p,68)      

Peut-on penser que des idées du genre nazisme = communisme = colonialisme ou colonialisme = génocide passent progressivement vers une partie des « jeunes » des « grands ensembles » ? Oui, si l’on tient compte du rôle des maisons des jeunes et de la culture où nombre d’animateurs sociaux, pour un bonne part nés dans ces quartiers, ont en charge, avec « Bac + », des associations et proposent diverses activités culturelles. Il faut tenir compte du rôle des enseignants « issus de l’immigration… (p,69)

« La fracture coloniale » Des historiens de gauche, Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire ont publié en 2005 « La Fracture coloniale ». La société au prisme de l’héritage colonial. Et ce livre a trouvé une large audience, et pas seulement parmi les professeurs d’histoire géographie particulièrement intéressés par le courant d’idées qu’impulsent Blanchard et Bancel…(p,70)

Dans les collèges et les lycées, nombre d’enseignants d’histoire géographie (et pas seulement des petits enfants d’immigrés reprennent devant leurs élèves ce thème de la persistance du colonialisme en France et de la « fracture coloniale », et surtout si leurs classes comptent beaucoup de jeunes « issus de l’immigration ». (p,72)

Commentaire : l’auteur souligne le rôle important des professeurs d’histoire géographie dans la diffusion de ce qu’il dénomme les représentations.

L’auteur met le projecteur sur les publications de Pascal Blanchard et de ses collègues, mais en faisant l’impasse sur une catégorie  de représentations mises en lumière et exploitées par les trois historiens, les images coloniales,  qu’un Colloque Savant avec la participation d’éminents historiens et spécialistes, souvent d’ailleurs issus de la matrice coloniale,avait analysées en 1993 : les Actes du Colloque résumaient les conclusions très nuancées des examens effectués, quant à leur représentativité scientifique et à l’interprétation historique qu’il était possible d’accorder aux panels d’images coloniales diffusées en métropole et non dans les colonies.

Les trois historiens ont exploité ces travaux pour en faire un instrument de propagande postcoloniale autrement plus efficace, grâce aux associations, aux professeurs, et à l’effet immigration, que la propagande coloniale de la Troisième République, comme je l’ai démontré, chiffres en mains dans livre « Supercherie coloniale ».

Je me souviens d’un des propos tenus (archives) par l’un des thuriféraires de la colonisation regrettant le peu d’engagement du corps professoral à ce sujet, sous la Troisième République.

A lire le livre en question, comme des autres, « Culture coloniale », et « Culture impériale », il est difficile de ne pas être frappé par ses formules emphatiques, et presqu’évangéliques.

Ne conviendrait-t-il pas de rappeler :

1) si besoin était, que les conquêtes coloniales ont été très largement initiées par la gauche de la Troisième République,

 2) que cette gauche républicaine n’a jamais su trouver parmi ses défenseurs et pour diffuser sa propagande coloniale les cohortes de professeurs ou d’animateurs de toute catégorie qui paraissent disponibles aujourd’hui, pour diffuser les représentations de propagande post-coloniale passée et actuelle.

L’auteur accrédite le succès des auteurs cités, mais pourquoi ne pas avoir publié les chiffres de diffusion de ces ouvrages dans le circuit universitaire et hors circuit, car il s’agit d’une des grandes carences qui pèse sur ce type d’affirmation ou de constat, celle de l’histoire quantitative ?

Ces chiffres seraient d’autant plus intéressants que les publications de sciences humaines ne rencontrent pas un grand succès.

Il s’agit de la critique capitale qui doit être faite à l’endroit des travaux des trois historiens Blanchard-Bancel- Lemaire sur les images coloniales : l’auteur n’évoque pas la source principale de leurs publications, les Actes du Colloque savant de 1993 et le livre qui en a été tiré à l’initiative de Pascal Blanchard, intitulé « Images et Colonies ».

Ces deux ouvrages au contenu fort instructif ne permettent pas de conclure dans le sens des trois historiens, c’est le moins que l’on puisse dire.

Dans la suite des pages consacrées à cette thématique, et à partir de la page 84, l’auteur se livre à un exercice intellectuel difficile entre histoire et politique, en partant toujours des « grands ensembles » qu’il conviendrait donc de considérer comme représentatifs de la réalité des représentations  énoncées, en mettant à nouveau l’accent sur le rôle des professeurs d’histoire géographie.

3) et enfin, que la gauche de la Quatrième République, puissante de 1945 à 1958, a été dans l’incapacité de mettre en œuvre une décolonisation pacifique : l’auteur était bien placé pour en porter témoignage.

En résumé, le troisième pilier du triptyque géopolitique d’Yves Lacoste, les représentations aurait mérité d’être beaucoup mieux identifié par nature, par catégorie, et quantifié, en mettant en exergue les catégories de religion et de culture, et d’être dénommées sous l’appellation de  propagande post-colonlale, d’autant plus qu’il avait à sa disposition la collecte d’images colon iales effectuée en 1993 par le Colloque savant déjà évoqué.

Les conquêtes coloniales

La troisième partie est consacrée aux conquêtes coloniales (page 217 à 399) soit près de la moitié de l’ouvrage.

L’auteur propose un résumé historique relativement intéressant de cette phase qui se déroula en Afrique du Nord et en Afrique Noire, en privilégiant l’Algérie et le Maroc : s’agit-il de géopolitique ou d’histoire ?

Il n’est pas facile d’y retrouver la trace des trois éléments du triptyque proposé par l’auteur au début de l’ouvrage ?

En Algérie et au Maroc, l’auteur met en lumière, et c’est intéressant, le rôle souvent méconnu, en termes de pouvoir et de territoire, des tribus en marquant bien la différence de situation coloniale entre les deux pays, l’absence d’une forme d’Etat en Algérie.

En Afrique noire, l’auteur privilégie comme clé d’explication géopolitique l’esclavage, mais comme nous l’avons vu, c’est beaucoup moins évident.

Cette troisième partie soulève beaucoup de questions, ne serait-ce que la première relative à la mesure historique des temps coloniaux, courts ou longs, en respectant cette distinction chère aux historiens.

Un tel critère fait ressortir la distinction qu’il est nécessaire de faire entre deux sortes de colonies, l’Algérie, le Sénégal, la Cochinchine et l’Afrique noire en général.

En Indochine, Pierre Brocheux utilisait l’expression du « moment colonial », une expression qui vaudrait pour l’Afrique noire et Madagascar.

La colonisation a en définitive été courte, de l’ordre de 50 ans.

La Côte d’Ivoire n’a été crée qu’en 1895.

Les conquêtes coloniales ont balisé une période d’explorations et de découvertes, car l’Afrique noire constituait un continent ignoré.

Dans le cas français, à la différence de l’anglais ou du belge, il est possible de s’interroger sur les processus de pouvoir qui aboutirent à conquérir des pays pauvres en ressources économiques.

L’explosion des technologies, vapeur, câble et télégraphe, plus fusils à tir rapide et canons a évidemment facilité toutes ces conquêtes, comme l’a bien démontré l’historien Headricks.

Dans le livre « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large », j’ai eu l’occasion de décrire les processus politiques et militaires de décision de la Troisième République, lesquels avaient pour résultat de laisser la main et la décision aux exécutants.

La France partait à la conquête coloniale par esprit de puissance, de gloire, et de rivalité avec les Anglais, comme ce fut le cas à Fachoda, ou entrainée à le faire par sa marine qui contrôla longtemps la politique coloniale.

Tel ne fut pas le cas de l’Indochine dont on connaissait les richesses et le potentiel avec son voisin chinois, et tel ne fut pas le cas aussi de l’Algérie et du Maghreb, proche de nos côtes, mieux connus compte tenu de l’histoire commune de la Méditerranée.

L’analyse de l’auteur ne me parait pas mettre assez l’accent sur le facteur « pouvoir » : le cas du Maroc constituerait un bon exemple du type de pouvoir qui prenait la décision en France, c’est-à-dire le gouvernement ou l’un de ses membres, de même que le cas de l’Algérie où un petit groupe d’élus et de colons français d’Algérie y firent longtemps la pluie et le beau temps, d’autant plus qu’ils servaient souvent d’appoint parlementaire aux majorités changeantes de la Quatrième République.

L’auteur fait un sort à Samory, un cas longuement examiné, avec le projecteur mis sur le rôle de l’esclavage. Comme je l’ai expliqué, cette géopolitique de l’esclavage constitue une des explications géopolitiques, mais elle n’apparait pas devoir être la principale.

Il me parait difficile de tirer des leçons géopolitiques sans les inscrire dans des cadres chronologiques et géographiques comparables : comment mettre sur le même pied de l’analyse une Afrique noire encore largement inconnue en 1880, fermée sur elle-même, faute de communications, et une Indochine déjà très largement ouverte sur le monde extérieur, sauf à dire que les enjeux de communications changèrent fondamentalement avec le canal de Suez, en 1969 ? Sauf à noter qu’un sérieux handicap de distance entre la France et l’Indochine existait encore, comme avec Madagascar.

Comment mettre sur le même pied de comparaison un territoire de la Mare Nostrum et tout autre situé dans des mers lointaines ?

Comment mettre sur le même pied de comparaison des territoires à conquérir devenus d’importants enjeux de politique étrangère tels que l’Indochine, l’Egypte ou le Maroc, avec les territoires encore inconnus du Bassin du Niger, sans cartes ni voies de communication ?

Enfin et pour conclure, un des trois thèmes retenus par l’auteur, le pouvoir, aurait mérité de faire l’objet d’une comparaison entre les différentes puissances coloniales, en s’attachant à décrire les processus de décision politique de conquête existant dans chacune des puissances concernées.

Dans le cas français que nous avons longuement examiné, il apparait bien que sauf dans les cas de l’Indochine, du Maroc, ou de Fachoda, le « fait accompli » était largement à la source des décisions politiques de conquête, tout autant qu’une grande ignorance de la géographie et des enjeux de pays concernés, tout autant que l’aveuglement et les illusions de puissance des gouvernements de l’époque.

Il aurait été particulièrement intéressant que l’auteur, grand connaisseur du dossier algérien, nous ait éclairé sur le qui était responsable dans le processus de décision de la politique algérienne de la France, notamment après 1945.

Le cas d’un homme politique radical-socialiste comme René Mayer, grand élu de l’Algérie Française, dans la période qui a précédé la guerre d’Algérie, membre d’une communauté influente en Algérie, avant même la conquête de l’Algérie, mériterait d’être analysé en détail afin de mieux  comprendre le processus décisionnel du pouvoir, l’une des trois composantes de la géopolitique de l’auteur au cours de cet épisode historique, qui continue à alimenter les polémiques.

René Mayer avait une stature politique nationale et internationale, notamment sur le plan européen.

&

Notre questionnement final

  1. L’auteur a préféré ne pas conclure, compte tenu sans doute de la variété et de la complexité des sujets traités, mais il nous aurait permis de mieux comprendre ce qu’il entendait dans sa géopolitique du triptyque « Territoires, Pouvoir, Représentations », et dans sa mise œuvre sur le chemin choisi de la 1) Question-post-coloniale, 2) des Luttes, 3) des Représentations.
  2. Dans ses analyses, l’auteur a accordé une très large place au Maghreb, et principalement au Maroc, où il est né et en Algérie où il a vécu, et cette préférence donne évidement une couleur très maghrébine à sa « Question post-coloniale ».
  3. Dans son analyse des « représentations », l’auteur a fait un sort au livre « La Fracture coloniale », mais en faisant l’impasse sur la source historique de ce courant de représentations coloniales, le Colloque savant de 1993, animé par d’’éminents historiens qu’il n’a pu manqué de rencontrer au cours de sa carrière.
  4. L’auteur fait un sort aux « grands ensembles » où il a vécu, mais sans faire la démonstration de leur représentativité dans l’évolution décrite.
  5. L’auteur analyse longuement le cas et le rôle de Samory à l’époque des conquêtes de l’Afrique de l’Ouest, mais en s’appuyant sur des sources qui font question, par rapport aux nombreuses sources que j’ai moi-même consultées.

En résumé, la géopolitique telle qu’exposée dans l’ouvrage ne manque-t-elle pas à la fois de rigueur et de clarté, d’autant plus que le chemin d’analyse choisi par Yves Lacoste était beaucoup trop semé d’embûches.

Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés