« Le fer à repasser » postcolonial ? Pourquoi pas?

Les mystères de l’histoire postcoloniale : « Le fer à repasser ou « l’inconscient collectif » colonial, dans le journal la Croix du 22 décembre 2015

            Au cours des années passées, j’avais constaté, avec une certaine curiosité et surprise, que des historiennes, tout à la fois coloniales et postcoloniales, plutôt connues dans leur monde savant, proposaient à leurs lecteurs de découvrir qu’une des clés de la compréhension d’une histoire coloniale, qui intéressait peu de monde, était l’existence d’un « inconscient collectif », colonial, qui logeait clandestinement dans les profondeurs de la conscience des Français et des Françaises.

           Dans  les livres qu’ils ont publiés, les chercheurs du collectif Blanchard ont, également, et à maintes occasions, fait appel à cet « outil » historique de nature magique pour convaincre le lecteur que la France, tout au long de la période coloniale, a été imprégnée, sans en avoir conscience, de l’idéologie coloniale, une véritable immersion dans le fameux « bain colonial ».

            Pourquoi ne pas rapprocher ce « bain colonial » du bain des reines de Madagascar, le fandroana, à l’issue duquel le bon peuple de la Grande Ile, était aspergé par l’eau lustrale de ce bain royal ?

            Il est superflu de rappeler aussi que l’historien Stora s’inscrit dans ce courant de pensée de la psy-histoire.

        Je désespérais d’avoir un jour la divine surprise, pour ne pas dire magique,  c’est-à-dire la preuve que cet inconscient collectif existait bien. 

        Eureka ! La lecture d’un des billets d’Alain Rémond, publié dans le journal la Croix, du 22 décembre dernier, intitulé « Le fer à repasser » m’a évidemment rassuré, sauf à indiquer que son auteur ne m’a pas encore communiqué les références de sa source, si ce sondage a été effectivement effectué.

         Il conviendrait de citer en entier le contenu de ce billet spirituel, mais je me contenterai de quelques citations :

         « C’est un chiffre qui donne le vertige. 23,8% des Français redoutent d’avoir un fer à repasser à Noël, selon un sondage tout ce qu’il y a de plus sérieux…. D’où vient cette peur irrationnelle du fer à repasser à Noël, qui depuis des siècles et des siècles, traumatise l’inconscient collectif des Français ? La peur du fer à repasser à Noël durera-t-elle jusqu’à la fin des temps, comme quoi le ciel et la terre  passeront, le fer à repasser ne passera pas ? Je pose juste la question. »

         Grâce au fer à repasser, faux plis et mauvais plis coloniaux ou postcoloniaux, ont donc du souci à se faire !!!

         L’occasion m’est donc donnée de publier le chapitre 9 du livre « Supercherie coloniale », intitulé « Le ça colonial ! L’inconscient collectif !… », afin d’apporter ma modeste contribution à ce débat digne des théosophies les plus  obscures.

        Il s’agit du livre que j’ai pris la peine de publier moi-même en 2008, compte tenu, entre autres, du refus très poli d’un grand éditeur de la place, féru d’histoire, lequel, en toute conscience, s’interdisait de mêler sa voix à l’agitation historique ou mémorielle, au choix, qui agitait la petite planète des chercheurs postcoloniaux.

        Compte tenu du nombre des visites qui ont fréquenté mon blog en 2015, plus de 3.400, pourquoi ne pas ouvrir la nouvelle année par cette première publication, la deuxième (une réédition), étant consacrée à la « mémoire collective » tout aussi introuvable dans les sondages de toute nature et de tout acabit qui tombent chaque jour sur nos tables, comme les balles à Gravelotte.

        En ce qui concerne « la guerre des mémoires » qui ravagerait notre pays, et qui concerne avant tout l’Algérie, l’IFOP a effectué une enquête sur la mémoire de la guerre d’Algérie, commanditée à la fois par la Fondation Jean Jaurès et par le journal Le Monde.

              Comme je m’en suis expliqué sur ce blog, le 17 novembre 2014, il s’agit d’une enquête méritoire, une première sur le sujet peut-être, mais dont une partie de la méthodologie statistique prête sérieusement à discussion.

            Les résultats de cette enquête ont été publiés dans Le Monde du 31 octobre 2014, sous le titre

               « Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie 

Soixante ans après le début du conflit, l’IFOP a sondé les Français pour « Le Monde » et la Fondation Jean Jaurès »

          Comment ne pas rappeler à tous ces chercheurs qui mettent en avant le concept de mémoire dans le domaine de l’histoire coloniale et postcoloniale, en tout cas, qu’ils seraient bien inspirés de faire des enquêtes de mémoire statistiquement sérieuses, plutôt que d’avancer des théories sans preuves ?

           C’est une demande que j’ai souvent formulée, mais sans succès, et lorsqu’une enquête mémorielle a enfin été effectuée, comme celle relatée plus haut, son ambition portait sur la mémoire algérienne chère à Monsieur Stora et non à la mémoire coloniale dans son ensemble.

         La deuxième publication aura donc pour titre « La guerre des mémoires », un article que j’ai publié le 11 novembre 2007 sur le blog « Etudes coloniales »

       L’ancien directeur des journaux Le Monde et La Croix, Monsieur Frappat, vient de publier un article intitulé « Souvenirs longue portée » à la gloire de la thèse idéologico-mémo-historique que défend Monsieur Stora sur la ou les mémoires coloniales.

           Seul problème, mais de taille, il s’agit d’une thèse idéologique sans évaluation statistique, sans enquête mémorielle sérieuse, une thèse qui fait appel à toute une panoplie d’outils qui manquent incontestablement de pertinence scientifique.

         Je l’ai fait savoir par courrier au très honorable Monsieur Frappat.

         Au cours des prochaines semaines, je me propose donc de publier aussi  une lettre adressée aux Psy, docteurs en histoire coloniale ou post coloniale, une interprétation libre de la BD Bidu-Cauvin publiée dans Spirou et intitulée :

« Dites- moi tout »

Jean Pierre Renaud

« Intervenir ou pas » en Syrie- les fromages d’Alain Rémond- Le journal La Croix

« Intervenir ou pas »

Un non-dit puisqu’il s’agit de la Syrie ?

Forum & Débats, la Croix du 27/11/15, pages 12 et 13

Les trois contributions

Le billet d’Alain Rémond « Les fromages »

&

Un petit examen de passage, fromage ou expert ?

           J’introduirais volontiers mon sujet en donnant mon entière adhésion au propos qu’Alain Rémond, tient dans son billet du 26 novembre, intitulé « Les fromages », lequel s’interroge sur la compétence des experts, aussi nombreux que les fromages :

          « Les fromages », c’est-à-dire les experts :

           «… Et justement puisqu’on en parle, combien la France compte-t-elle d’experts ? Beaucoup, plein, un tas… Mais comment il se fait qu’après les avoir écouté, j’aie souvent l’impression d’en savoir moins qu’avant… chacun défendant son fromageCombien de fromages déjà ? »

             Pourquoi ne pas proposer d’examiner si ce type de reproche peut être fait à l’encontre des trois experts qui donnent leur réponse à la question « Intervenir ou pas ? » dans  le journal La Croix.

       Les trois experts ont été sollicités pour tenter de répondre à cette question :  un spécialiste de la doctrine de l’Eglise catholique qui s’exprime sur la légitime défense, un ancien ambassadeur de France à l’ONU qui analyse « La responsabilité de protéger, du principe à l’action », et enfin, un chargé de mission au Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère des affaires étrangères, lequel intitule son plaidoyer «  Les fondements de l’intervention française en Syrie », le  vrai sujet.

            Ce dernier écrit :

            «  Si la prohibition de l’usage de la force dans la Charte des Nations unies peut à juste titre être considérée comme l’aboutissement le plus important du droit international contemporain, il reste trois manières légales d’utiliser la force armée : le consentement de l’Etat hôte, la légitime défense et l’autorisation du Conseil de Sécurité…Le cas syrien donne lieu toutefois à quelques arguties juridiques, puisque la légitime défense (art. 51 de la Charte) ne s’applique en principe qu’aux Etats, alors que Daech est un acteur non étatique, que jusqu’au 13 novembre, il était difficile de prouver que la France faisait l’objet d’une menace imminente justifiant des frappes préemptives ; et que, Bachar Al Assad  prétendant lui aussi combattre Daech, on peut se demander pourquoi ne pas s’allier avec lui et se reposer sur le fondement plus solide du consentement de l’Etat hôte.

            Les réponses sont simples… »

            Pas aussi simples que le déclare « objectivement » un chargé de mission dont les fonctions actuelles relèvent du Quai d’Orsay, donc de la politique de ce ministère, même si dans un tout petit commentaire de fin d’article, le journal note : « Il s’exprime en son nom propre n’engageant pas le ministère des affaires étrangères ».

            Mes compétences en droit international m’interdisent  de m’immiscer dans ce débat très sophistiqué, mais au moins puis-je me poser quelques questions de bon sens :

            Pourquoi Hollande a- t-il décidé de faire intervenir notre armée à la demande d’un Etat, le Mali, alors qu’il n’y avait plus d’Etat dans ce pays, et sans aucune concertation européenne ?

            Est-ce que les initiatives politiques en Syrie du couple Hollande-Fabius,  afin de susciter ou d’accompagner une opposition démocratique qui n’existait pas, sans colonne vertébrale, ne sont pas au cœur de ce débat, le début de l’engrenage ?

            Qui aura en effet le courage d’expliquer aux Français, les raisons, c’est-à-dire « les fondements » de notre intervention en Syrie, les véritables fondements ?

       La leçon libyenne ne suffisait-t-elle pas afin d’éviter le chaos actuel ?

      De nos jours encore, la France aurait, ou le rêve, ou le droit, ou les moyens, d’imposer la démocratie à l’étranger, en particulier en Syrie ?

       Il est évident que le chaos actuel, avec l’intervention de Daech, les flux gigantesques de migrants ou de réfugiés, c’est selon, ne tariront pas, avant qu’une intervention militaire au sol ne se réalise, à la demande des pays arabes, et avec l’aide des pays occidentaux, et ne reprenne le terrain conquis par ce mouvement de terreur islamiste.

            Le plus étrange dans toute cette affaire est que la France avait au moins une raison historique qui dépassait très largement celle du très ancien mandat international que la SDN avait confié à la France, celle de la protection des chrétiens, assurée concrètement par Bachar Al Assad, alors qu’aucun des trois experts ne l’évoque dans ce forum, et que le journal n’en fait pas mention comme une question capitale.

         La politique étrangère de la France a souffert, ces dernières années, d’une sorte de cosmopolitisme altruiste, hors de proportion avec les moyens de notre puissance, un Quai d’Orsay devenu par certains côtés une sorte d’ONG gouvernementale humanitariste, le business militaire étant réservé au ministère de la Défense.

     Car, à lire ces tribunes, un Français ne saura pas mieux pourquoi à l’origine la France était engagée contre Daech avant les attentats de Charlie Hebdo et du vendredi noir du 13 novembre dernier ?

        Alors, oui, aujourd’hui, la France se fera un devoir de combattre cette nouvelle barbarie, aux côtés de ses alliés, avec les raisons d’intervenir cataloguées par l’expert du Quai, mais absolument pas dans les conditions historiques qui ont justifié toutes les initiatives passées du couple Hollande-Fabius.

       Résultats de l’examen de passage : le journal ne s’est pas trompé de fromages, mais le seul expert qui s’est exprimé sur la Syrie, n’a pas livré toute la vérité, s’il y en a une.

     Il est tout de même surprenant qu’aucun des trois « fromages » n’ait évoqué une des raisons qui aurait pu intéresser les lecteurs de La Croix, c’est-à-dire le sort des chrétiens d’Orient.

Jean Pierre Renaud