Une France sous X, hypocrite et pleine de tabous!

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« Afro-Américains et Noirs de France, Les Faux Frères »

Par Elise Vincent, dans Le Monde du 29 août 2014, Décryptages, page 15, avec en marge de la chronique :

« Les Etats-Unis sont une machine à rêves qu’alimente l’affirmation progressive d’une élite noire. »

 Avant toute analyse et tout commentaire, deux réflexions préalables :

         1 –  Il est surprenant qu’un citoyen français ne puisse pas connaître la géographie humaine de son pays, alors que toute une littérature à la mode, médiatique, politique, idéologique, littéraire, ou tout simplement humaine, est toujours prête à encenser tout ce qui touche aux origines, aux sources, à l’identité, ou aux racines…

             2 – Il est tout autant surprenant de constater que les Noirs de France, en tout cas dans les  discours de leurs groupes officiels ou officieux de pression, n’ont pas le courage de se compter, comme s’ils avaient honte de leur couleur. 

            Pourquoi le titre « Une France sous X » ?

       Parce que les statistiques dites « ethniques » sont interdites par la loi, une loi qui s’inscrivait dans la France des années 1970 qui n’a plus grand-chose à voir avec celle des années 2014.

            La chronique de Mme Elise Vincent propose un éclairage indirect sur un des aspects de notre communauté française qui est censée ignorer les origines d’une partie de ses membres, les Noirs de France, et des autres évidemment.

           Ils ont l’ambition un peu contradictoire  d’être tout à la fois visibles, et invisibles, en même temps qu’une partie d’entre eux éprouve la tentation de se comparer à la communauté noire américaine, telle qu’elle s’exprime par exemple dans le livre « La condition noire » de M.Pap Ndiyae.

            La chronique du Monde s’intéresse donc à cette catégorie de la population française sous le titre « Afro-Américains et Noirs de France, les faux frères ».

            Il est évident qu’il est difficile de se former une opinion équitable sur un tel sujet, réel ou non, à partir du moment où il est interdit d’en évaluer l’importance démographique, ce qui est le cas, ne serait-ce qu’en prenant connaissance de ceux qui font l’objet de cette chronique !

            Quels chiffres ?

              L’appellation de « faux frères » est au moins déjà justifiée par la connaissance du sujet que nous avons en France,  comparée à celle que l’on peut avoir aux Etats Unis de la communauté afro-américaine, grâce aux chiffres des recensements américains !

            Rien de tel en France, étant donné que les statistiques dites « ethniques » ont été interdites par la loi du 6 janvier 1978, sans doute dans un souci de bonne intégration, mais dans un contexte tout à fait différent des courants d’immigration enregistrés au cours des trente dernières années.

           Cette carence d’information explique  les évaluations au doigt mouillé qui sont citées dans cette chronique : « les quelques données officielles permettent d’estimer entre 3 et 5 millions le nombre de personnes se considérant comme « noires » dans l’Hexagone (4,5% à 7,5% de la population). C’est peu, comparé au poids des 42 millions d’Afro-Américains (14% de la population). »

            La marge d’erreur est donc importante, ce qui n’empêche pas l’INSEE de faire un constat surprenant, sauf si cet institut dispose des statistiques  (secrètes) de représentativité utiles  sur le sujet, en utilisant le qualificatif « accablant » :

         « De même, Afro-Américains et minorité noire française ont en commun une triste expérience de la relégation. Les derniers chiffres de l’Insee, publiés en 2012 sont accablants… »

             La journaliste écrit plus loin :

         « … les Noirs issus de l’immigration africaine ont en fait à gérer deux contraintes que n’ont pas rencontrées les Afro-Américains : la migration – un bouleversement en soi – et la crise économique post-1973. La majorité est arrivée en France après la seconde guerre mondiale. »

         Comme si l’esclavage n’avait pas existé aux Etats Unis, et comme si l’existence d’une communauté noire en France était historiquement comparable, et sans que cette remarque fasse la différence entre les deux sources d’immigration noire, celle d’Afrique et celle des Antilles !

        Dans son livre « La condition noire », l’historien Pap Ndiaye est assez économe en statistiques, mais il cite les résultats d’un sondage (TNS/Sofres/Cran) effectué en 2007 dont les chiffres étaient les suivants : un pourcentage de population de 3,86%, correspondant à 1,87 millions d’habitants, des chiffres qui sont donc inférieurs à ceux cités plus haut, 3,86% au lieu de 4,5%  à 7,5 %.

         Dans son livre « Français et Africains », paru en 1980, un livre dont l’objet principal était la dénonciation du  racisme des Français, l’historien William B. Cohen citait les chiffres suivants :

         «  En effet, les jugements défavorables, déjà émis dans le passé, ne firent que s’intensifier lorsque les Noirs  émigrèrent en grand nombre en France, après 1945, en particulier dans les années soixante. Quelques dix ans plus tard, il s’était établi dans la métropole deux cent mille personnes de couleur dont la moitié environ venait des Antilles et l’autre moitié des pays africains indépendants. » (p,396)

          Nous nous proposons de publier sur ce blog une lecture critique de ce livre au cours des prochains mois.

        Ces quelques chiffres montrent bien que les effectifs des Français de couleur auraient fait un bond important entre 1970 et 2007, et entre 2007 et 2014 :

         200 000 en 1970, 1,87 million en 2007, et de 3 à 5 millions en 2014 ?

      A lire ces chiffres, on voit tout de suite qu’ils sont de nature à nourrir toutes les interprétations et affabulations.

         Les observations de la chronique Vincent, quant à la mesure des discriminations subies ou à celle de la relégation supposée, et en tout cas affichée, pour autant que la dite-mesure soit fondée, est à mettre en rapport avec les bouleversements profonds que l’immigration des trente dernières années, noire ou maghrébine a entrainé dans beaucoup de nos villes, des bouleversements  accrus par du regroupement familial officiel ou clandestin, ou  de l’’immigration clandestine proprement dite qu’il s’agisse de familles, d’adultes, ou de mineurs isolés.

       Tout examen objectif ne peut ignorer ces évolutions démographiques, alors que les pouvoirs publics continuent à faire comme si le problème n’existait pas, en refusant de se donner – ou de nous donner – les moyens de connaître la réalité démographique de notre pays.

        La France n’est plus celle des années 1970 ! Beaucoup de Français et de Françaises le savent, , parce qu’ils l’ont constaté, et continuer à laisser croire que ce n’est pas vrai, n’est  pas de nature à faire cesser toutes les manipulations politiques, souvent extrêmes, qui surfent sur cette ignorance.

         L’actualité ancienne ou récente en fournit des exemples quasi-quotidiens.

        A titre d’anecdote tout à fait révélatrice, est paru en 1979, un livre de poche dont le titre était « La France ridée », dont les auteurs étaient P.Chaunu,G.F.Dumont, J.Legrand, A.Sauvy.

      Aucun de ces quatre auteurs ne proposait de lutter contre un processus qu’il dénonçaient, celui du vieillissement de la population du pays, en faisant appel à une immigration qu’ils paraissaient ignorer.

          De même qu’il existe un déni de connaissance de la bi-nationalité en France !        

        Une commission parlementaire s’est réunie sur le sujet, mais chut sur le résultat de ses travaux !

       Les Français n’ont donc pas le droit de connaître la composition nationale de leur pays, sauf à la découvrir, comme ce fut le cas, à l’occasion de la dernière Coupe du Monde de football, avec la deuxième équipe de France, celle de l’Algérie.

         Doit-on continuer à faire comme si telle ou telle bi-nationalité, compte tenu de son poids démographique, n’emporterait pas de conséquences dans la politique étrangère de la France ?

         Il faut dire la vérité aux Français !

Jean Pierre Renaud

Nota Bene : en éclairage de cette chronique du journal, comment classer le sujet du film « Bande de Filles » de Celine Sciamma ? Quatre jeunes filles noires nous entraînent dans une sorte de sarabande de vie joyeuse en même temps qu’infernale.

       On ne connait pas leur histoire personnelle, mis à part celle de l’héroïne qui part à la dérive, au motif que l’Education Nationale a refusé son passage en seconde, et l’a orientée vers un CAP, dont elle ne veut pas.

     Comment classer ou ne pas classer ces quatre jeunes filles noires dans la catégorie identifiée par la transposition du titre de la chronique ci-dessus : « Afro-Américaines ou Noires de France, les Fausse Sœurs » ?

       En tout cas, au moins, elles n’ont pas honte de leur couleur !

     Personnellement, j’avais beaucoup apprécié le documentaire diffusé sur LCP Sénat en 2011, intitulé « Les roses noires » (voir blog du 15 octobre 2011), un documentaire qui paraissait mieux traduire la problématique des jeunes filles de nos quartiers sensibles, en défense permanente contre les violences des « mecs ».et en difficulté d’intégration dans la République Française.